|
Jusqu'à
présent je voyais deux positions
sur les maternelles:
* La première,, qui
consiste, semble-t-il , à vouloir
remplacer une partie des maternelles par
une structure plus économique
"Les jardins d'éveil"("Il
n'y a pas besoin de bac+5 pour changer les
couches"). Même si le souci
d'économie est légitime,
est-ce sur les maternelles qu'il faut en
faire? Que des responsables veuillent
faire des économies n'est pas, non
plus, une raison suffisante pour rejeter
leurs réformes! Et, faire de
l'école maternelle une
"école comme les autres"
(c'est-à-dire où l'on
s'instruit), laisse entendre une
représentation de l'enfant comme un
"petit homme" sans stades
d'évolution et sans besoins
propres.
* La deuxième consiste
à dire: les maternelles
françaises sont les meilleures du
monde: il ne s'agit donc pas de les
changer; mais il faut seulement permettre
à plus d'enfants de deux ans de
pouvoir y être
intégrés: c'est là
qu'on peut rendre le plus de services aux
enfants des milieux
défavorisés ou en
difficulté. Créons donc de
nouvelles maternelles sur le même
modèle. Mais c'est ne pas tenir
compte suffisamment de l'épuisement
de nombre de ses enseignants. Ils n'en
peuvent plus de la charge d'enfants de
plus en plus difficiles, d'instructions
nouvelles et d'évaluations en tout
genre.
|
Aucune de
ces deux positions ne me satisfaisait
pleinement
La première, parce que les
maternelles ne sont pas le lieu où les
économies sont à faire, même si
je crois qu'il faut en faire. Il serait
préférable de les trouver dans le
fonctionement des lycées, comme
je l'ai dit par ailleurs
La deuxième, parce que je pense
que les temps ont changé depuis
l'époque où les maternelles
française étaient un modèle
pour les autres pays. On les a, entre autres et
malheureusement, obligées à changer
en donnant une place plus grande à
"l'instruction et à
l'évaluation".
Plusieurs considérations seraient à
prendre en compte si des changements se
faisaient:
- On admet aujourd'hui (alors que c'est
connu depuis longtemps: Freud...) que bien des
choses se jouent pour l'enfant avant 4 ou 5 ans, il
est donc préférable d'agir dans cette
période. Plus tard, (soutiens, rattrapages,
aides individualisées....). les chances
d'être efficace pour résoudre le
problème de ces jeunes sortis du milieu
scolaire sans diplôme et en échec sont
plus faibles.
- Le problème qui se pose en
maternelle n'est pas directement celui de
"connaissances"manquantes" et donc à faire
acquérir (même s'il peut
apparaître sous la forme d'un vocabulaire
insuffisant) mais celui des difficultés
relationnelles de certains enfants; je
m'explique:
* Les
enfants qui arrivent en maternelle ont une
compétence plus ou moins grande de
contact avec la réalité, avec le
monde; certains diront qu'ils sont plus ou
moins attentifs, qu'ils sont plus ou moins
curieux. Il y a une différence, par
exemple, entre un enfant qui dit "je suis un
avion et je m'envole vers la lune" et celui qui
demande" Pourquoi l'avion ne tombe pas par
terre?"...Il est bien évident que plus un
enfants a un contact meilleur avec la
réalité plus il aura envie
d'apprendre et de facilités à le
faire car sa relation aux objets disciplinaires
(calcul, histoire...) est de même nature
que sa relation à la
réalité.
* Les enfants ont une
compétence de "modes de relation
aux autres" plus ou moins large,
c'est-à-dire une capacité
à utiliser différents
modes de relation ou au contraire une
tendance à un "enfermement" dans
un mode unique. C'est ainsi que l'on
voit des enfants qui ne sont pas
capables d'autres relations que celles
d'agresser les autres ou de se faire
agresser . On ne s'étonnera pas
qu'ils soient agressifs
également vis-à-vis de
l'école, du calcul ou de la
maitresse! D'autres ne savent que
"fusionner" avec l'autre dans une
dépendance entière. Ils
travailleront peut-être pour
faire plaisir à la maitresse
mais sans véritable
intérêt pour l'objet
d'étude.
Plus un enfant sait diversifier
ses modes de relation, plus il est
"socialisable" car, sachant
s'adapter aux autres enfants, il
s'intègrera facilement dans une
classe puis dans la vie. De plus il
saura "travailler en
équipe" si les enseignants
de l'école montrent
eux-mêmes l'exemple d'un travail
en équipe
|
Exclu
à 3
ans
<<En
Angleterre, près de 300
enfants de 3 ans ont
été exclus au moins
temporairement de leur
école pour agression,
révèle le parti
conservateur. Au total c'est plus
de 4 000 enfants de moins de 6
ans qui ont connu des exclusions
pour agression sur un enfant ou
un adulte. Les conservateurs
demandent plus de pouvoir et
d'autorité chez les
professeurs pour mater ces
trublions.>>
Cafépedagogique
|
|
<
<Il
est légitime de savoir
constater les difficultés
croissantes et graves de
maîtrise de la lecture et
de lécriture chez
les jeunes. Car savoir mettre les
mots, cest nous permettre
dapprivoiser la vie,
cest ce qui fait
quelle est vivable. Ne pas
pouvoir le faire est donc grave.
Mais si la réponse
donnée à ce
problème est de proposer
un apprentissage de la lecture et
de lécriture plus
tôt, à
lécole maternelle,
cest une erreur
majeure.>>"Cest un
assassinat de lécole
maternelle",
Catherine
Dolto-Tolitch.
|
|
* Les enfants qui nous
arrivent sont plus ou moins
"angoissés",
cela se traduit, entre autres, par de
l'agitation, de l'instabilité,
ce que certains appellent "de
l'hyperactivité" ou au contraire
un apparent "enfermement" dans
un
silence
qui désarçonne bien des
enseignants. L'angoisse peut être
parfois une bonne chose et un stimulant
pour apprendre (voir Jean
Pierre)
mais il ne faut pas qu'elle soit trop
grande. Cependant un enfant
angoissé qui travaille dans une
ambiance calme et structurante peut
apprendre ( voir "La
peur
d'apprendre".)
|
On voit que les objectifs de l'école
maternelle pourraient être :
- développer la
capacité de contact de l'enfant avec la
réalité, en particulier en lui
apprenant à supporter la "frustration"
(car la réalité est frustrante!)
. L'enseignant doit savoir frustrer
l'enfant dans ses désirs
d'immédiateté et du "tout avoir":
il doit le faire en fonction de chaque enfant et
suivant son état. Une frustration trop
importante renferme l'enfant, une trop faible
l'empèche de grandir. D'où la
difficulté du métier
d'enseignant!
- développer les
divers modes de relations de
l'enfant dans le groupe par le jeu,
la création de situations
diverses qui stimulent l'enfant et lui
permettent de vivre des relations de
modes différents; et par la
relation individuelle que l'enseignant
établit avec lui.( Voir:
Le
jeu à lécole
maternelle Anne-Marie
DOLY).
Ne pas répondre à son
agressivité par de
l'agressivité, savoir manifester
des émotions, de la tendresse,
de la colère pour lui faire
connaître des régistres de
relation auxquelles il pourra faire
appel par la suite.
|
<<Bien
que nous ne voulions nullement
minimiser l'importance des
relations précoces pour le
développement
ultérieur (voir tout
particulièrement les
chapitres 1, 2 et 3
ci-après), notre
idée était que ce
livre devait reconnaître
à sa juste valeur
l'importance de la
scolarité et le potentiel
«thérapeutique»
de la relation entre
l'élève et son
professeur. L'enseignant n'est
pas un
«thérapeute»
ce n'est d'ailleurs pas
son rôle , mais sa
relation aux enfants qu'il a en
charge contient un potentiel
réparateur et
développemental
immense.>>
La
relation
d'apprentissage
|
|
- l'apprentissage de la "mise en
mot" des sentiments vécus par
l'enfant dans les diverses circonstances de la
classe,avec l'aide des autres enfants et du
maître (par exemple, à l'occasion
de la description de situations vécues
dans les jeux). Ce sera pour lui l'occasion de
construire un vocabulaire plus riche et dont
le sens restera attaché à du
vécu.
-de le faire vivre dans un climat
de sécurité, de confiance en
soi et dans les autres, propice à calmer
en partie son angoisse, en évitant en
particulier ce qui est évaluation
anxiogène pour lui et pour ses parents
(ce qui renforce l'angoisse de l'enfant!) (Voir:
l'école
maternelle, fonction
paternelle?)
Bien sûr, tout cela peut se
faire avec des travaux "scolaires" classiques
d'écriture ou de lecture, mais en leur
donnant une position d' "objets
intermédiaires".
L'important est alors de savoir où
l'enseignant mettra l'accent, sur la
connaissance ou sur la relation? sur
l'évaluation du savoir ou sur
l'enrichissement de la relation? Cela demande
une conscience de ce qui se passe entre l'enfant
et l'adute et une capacité à
garder une certaine distance par rapport
à ses propres sentiments.
|
C'est ce travail qui offrira
à l'enfant une possibilité
plus grande de "construction de
connaissances" avec entre autres un
développement du vocabulaire
indispensable au développement de
l'enfant.
Car ce qu'on oublie trop
souvent, c'est que le mode de relation
que l'enfant s'est construit avec ses
parents, les objets, ses camarades, ses
enseignants sera son mode de
"relation
d'apprentissage".
|
Des enseignants de maternelle font
déjà ce travail, soit parce
qu'ils se sont formés (à leurs
frais!), soit intuitivement par la mise en place
d'un cadre dans leur classe, les jeux qu'ils
organisent. Mais ils sont souvent
gênés par la
rigidité des
programmes.
Ne serait-il pas préférable que ces
objectifs soient clairement dits et que la
formation s'en suive afin que les enseignants
puissent être fiers du rôle qu'ils ont
dans le développement de la personne de
l'enfant, futur élève?
Mais
évidemment il
faudrait:
1) que
les classes de maternelle ne
dépassent pas 15 enfants ( nombre
maximum d'un petit groupe au sens
psychosociologique). Car c'est dans le
cadre d'un "petit groupe" qu'un travail
approfondi sur les relations peut se
faire.
|
|
2) que la
formation des enseignants de maternelle soit
repensée (la licence de maths par
exemple ne me paraissant pas suffisante, non pour
"changer les couches"(!) mais pour assurer les
objectifs proposés plus haut. Un bac+5 pour
les enseignants de maternelle se justifie par la
complexité du travail sur les relations,
mais pas le bac+5 actuel! Ceci ne peut se faire que
progressivement et en attendant il faudrait miser
sur une véritable formation continue pour
les enseignants en poste actuellement. Le "cahier
des charges pour une formation des enseignants des
écoles maternelles" est, peut être, un
premier pas dans cette direction puisqu'il parle d'
"une formation pédagogique poussée
: connaissance des mécanismes
d'apprentissage du langage par exemple, des phases
du développement psychologique et
physiologique de l'enfant jusqu'à 6
ans". (Voir: Cafépédagogique)
En ne voulant maintenir
qu'un statu quo, le risque est de:
- développer dans
l'opinion publique l'idée de
l'inutilité d'un bac+5 de maths ou
d'histoire pour les maternelles. Les
"jardins d'éveil " dont les
meilleurs resembleront, peut être,
aux "Maisons
vertes de Françoise
Dolto",
seront alors une "structure
intermédiaire
originale"
entre la créche et l'école
maternelle. Pour les autres il s'agira
d'une garderie
animée par des personnes de bonne
volonté mais sans formation
appropriée. Car là se
situe l'acceptation ou non de cette
nouvelle structure. Par qui
seront-elles animées? Quelle
formation auront reçu les personnes
y intervenant?
- de transformer le travail
relationnel des enseignants de maternelle
en une orientation vers la
médicalisation
des "cas graves" repérés
dans les classes pour les confier à
des "spécialistes" .
|
L'enfant
indocile, l'enfant turbulent,
l'enfant triste, à en lire
le dernier rapport de l'INSERM et
les projets en cours pour le
dépistage des troubles de
santé mentale à
l'école, entrera
bientôt dans la
catégorie de l'enfant
à risque du trouble des
conduites. L'enfant maladroit
deviendra un porteur de T.A.C
(trouble de l'acquisition de la
coordination). Dans cette
logique, toute difficulté
de l'enfant devant un
apprentissage sera le signal
d'alarme d'un risque de trouble
ou le signe d'un échec,
d'une compétence non
acquise. Si la difficulté
insiste, elle deviendra un
dysfonctionnement cognitif ou
comportemental à classer
dans une catégorie
nominative existante ou sera
l'objet d'une nouvelle
catégorie. Ainsi les
premiers tâtonnements et
les heurts de l'enfant au mur du
réel de la lettre,
manifestations d'une tentative
d'élaboration d'un
symptôme, seront
traités du
côté du risque des
troubles spécifiques du
langage oral et écrit. Le
dysfonctionnement
diagnostiqué a tendance
aujourd'hui à être
nommé handicap, condamnant
ainsi une relecture possible,
pour privilégier une
rééducation et des
aménagements
pédagogiques.
L'enfant
prévenu Doris Peronny
|
|
<<l'école maternelle
française qui est présentée
(Dans le numéro 53 de la Revue
internationale d'éducation de
Sèvres), par Gilles Brougère sous un
éclairage international qui est tout
à fait original. Il la voit comme "une
exception française", bien à
l'abri des débats internationaux qui agitent
les autres préscolaires. L'école
maternelle est une école qui "s'appuie
sur la dévalorisation des autres espaces
d'apprentissage". Elle initie le basculement de
chaque enfant dans la culture scolaire, ce qui est
un trait proprement national. Pour G
Brougère ce qui caractérise cette
culture scolaire c'est à la fois le rejet de
la diversité des autres cultures (par
exemple la culture familiale) et le fait qu'elle
soit "centrée sur l'enseignant et non sur
l'enfant". En ce sens ce svaleurs sont
"oppressives", voire
"rhétoriques" et il invite à
"déscolariser" la maternelle avant
que d'autres la fassent disparaître à
travers les "jardins
d'éveil">>. Voir
Cafépédagogique
|