En
1998, suite à la présentation
officielle du plan PAGSI, le ministère de
l'Education met en place des contrats de plans avec
les académies chargées de favoriser
la mise en oeuvre de sa politique gouvernementale
dans les établissements, en s'appuyant
notamment sur un dialogue avec les
collectivités locales (les conseils
généraux étant en charge de
l'équipement des collèges).
L'ensemble des académies s'accordent sur la
nécessité de mettre en place une
politique de soutien à l'émergence de
nouvelles pratiques, mais elles doivent
également prendre en compte l'exigence des
collectivités locales concernant une
garantie de résultats en contre-partie des
investissements qu'elles engagent. Elles
s'approprient les discours des décideurs
pour rédiger leurs plans académiques
triennaux concernant le développement de
l'usage des TIC, leurs efforts étant
principalement axés sur les infrastructures
et les équipements matériels. Les
projets dans un premier temps ne sont
formulés qu'en termes très
généraux, laissant aux chefs
d'établissements et surtout aux enseignants
le soin de les préciser.
Des plans académiques de formation
sont mis en place pour favoriser la
réflexion autour des nouvelles pratiques
pédagogiques, même si cette formation
reste essentiellement technique. La majorité
des académies souhaite s'orienter vers
une culture de réseau, c'est pourquoi
elles décident de mettre l'accent sur
l'évolution du métier d'enseignant et
les nouvelles façons d'enseigner ainsi que
les nouvelles compétences que doivent
développer les élèves. Chaque
académie fixe des priorités,
prévoit des expérimentations, fait
des appels à projets (autour de
thèmes), organise des rencontres
mobilisatrices, diffuse des revues, des
publications permettant de toucher les enseignants,
les incitant à développer de
nouvelles pratiques, avec la possibilité de
faire parfois appel à des conseillés
spécialisés dans les TICE. Les
académies tentent également de
travailler en réseau pour créer une
nouvelle dynamique.
Les deux académies choisies dans
notre étude l'ont été pour
leur volonté d'utiliser Internet dans les
collèges, l'une étant située
en région parisienne, l'autre en province.
Nous constatons de nombreuses similitudes dans leur
réflexion quant à leur rôle
pour faciliter ces usages. Elles souhaitent
notamment soutenir une promotion des TICE
auprès des chefs d'établissements et
s'impliquer davantage dans une démarche
d'accompagnement des enseignants et une
professionnalisation de la maintenance des
matériels.
Si chaque académie est chargée
dans le cadre des plans académiques
triennaux de définir une stratégie
permettant de connecter les établissements
au meilleur coût, de mettre en place des
orientations et de créer une dynamique en
faveur de l'utilisation des TIC dans ses
départements, chaque établissement
reste relativement autonome dans le choix de sa
politique qui transparait dans le projet
d'établissement. Ces projets deviennent
alors primordiaux dans le choix de connexions et
d'équipements en informatique,
multimédia. Ainsi une véritable
interaction entre le projet académique et
les projets d'établissements se
créé.
Des enjeux pour les
chefs d'établissements
Les établissements deviennent le lieu
d'un double processus d'intégration des
TICE, provenant à la fois des
décisions ministérielles mais aussi
des intiatives de terrain souvent spontanées
et individuelles qui sont ensuite
structurées dans le cadre de projets
d'établissements ou de réseaux
d'écoles. Ces projets d'établissement
mis en place grâce à la loi
d'orientation de 1989 sont aujourd'hui
encouragés par une politique nationale
d'incitation et par une décentralisation des
ressources et des responsabilités permettant
d'inscrire le collège dans son environnement
grâce aux partenariats avec des associations,
des entreprises, des collectivités locales
et régionales notamment.
Un rôle plus important revient
alors au chef d'établissement qui devient un
véritable chef d'entreprise. Les
établissements tendent à
s'équiper progressivement mais la mise
à disposition des matériels ne
conduit pas toujours aux usages, c'est pourquoi ces
efforts sont aujourd'hui soumis à un
véritable projet. L'enquête ETIC
(enquête sur les Technologies de
l'Information et de la Communication) de la
Direction de la Technologie (DT) et de la Direction
de l'Evaluation et de la Prospective (DEP)
évoquait au deuxième trimestre 2005
un nombre moyen de sept élèves par
ordinateur dans les établissements du second
degré. Mais ce chiffre ne permet pas
d'observer une évolution des usages
d'Internet, d'autant que ce moyen est
englobé sous la dénomination TIC qui
englobe également les logiciels, les
cédéroms
Certaines
académies offrent des chiffres plus
précis mais ils ne recouvrent pas l'ensemble
des collèges français.
Le taux d'équipement de chaque
collège peut être un indicateur de la
culture de l'établissement, mais elle
sera davantage perçue à travers
l'emplacement
alloué aux machines
(salle de
classe, salle dédiée, CDI,
placard
). La mise en service de services
d'accompagnement et d'assistance doivent permettre
aux enseignants de pouvoir s'appuyer sur des
médiateurs spécialisés, comme
c'est le cas en entreprise, mais ce sont souvent
les enseignants eux-mêmes ou les animateurs
TICE qui occupent ces fonctions.
Nous avons interrogés les chefs de
quatre établissements situés dans
deux académies différentes. Notre
analyse s'appuie essentiellement sur les entretiens
approfondis, mais elle est complétée
par les réponses des
questionnaires.
Les pratiques utilisant Internet dans le
cadre scolaire sont diversement encouragées
par les chefs d'établissement qui ont
généralement plutôt une
position attentiste, partagés entre
deux visions, entre deux mondes portant des valeurs
différentes, celui de leur
génération et celui qui change et
qu'ils doivent accompagner. Ils
déplorent pour la plupart d'entre eux que
les enseignants ne s'adaptent pas assez rapidement
aux évolutions informatiques permettant
notamment de rentrer les notes et
évaluations des élèves et dans
le même temps, ils estiment que les
élèves choisissent la solution de
facilité lorsqu'ils recherchent des
documents sur Internet, les utilisant pour leurs
exposés sans une réflexion
adaptée.
Deux univers
s'opposent:
-
l'un porte des valeurs stables d'un monde
immuable fait de livres et d'odeurs qui
s'imprègnent, du temps nécessaire
à la réflexion, d'une
validité garantie des connaissances,
alors que
- l'autre est un
monde en mouvement qui fuit, qui change, un
univers de faux-semblant fait d'images, de
publicité, de facilité
opposée à l'effort. Cet univers
est entré malgré tout pour
certains dans l'univers de l'école. Il
s'invite de façon inéluctable et
il faut apprendre aux élèves
à s'en protéger car ils semblent
manquer de maturité face à ce mal
nécessaire. Il est possible de retarder
l'accès des élèves à
cette brèche ouverte sur ce monde
grâce à un encadrement solide.
Pourtant
Internet est aussi un moyen
d'améliorer la gestion des cours et
peut apporter de la convivialité au
sein de l'établissement. Ces chefs
d'établissements y voient un
intérêt pour motiver leurs
élèves en permettant
d'enseigner autrement, en actualisant, en
modernisant et en rendant plus ludiques
les cours. Ainsi l'un de ces chefs
d'établissement reconnait que des
élèves en grande
difficulté s'investissent de
façon déconcertante dans ces
pratiques. Ils osent interroger des
personnes, prennent plaisir à
écrire des articles pour le site du
collège, sont capables de rester
concentrés longtemps sur une
tâche alors qu'ils sont
considérés comme des
élèves agités.
L'usage d'Internet permer donc de les "
poser ". Ils se sentent
valorisés, reconnus, ce qu'avaient
déjà souligné
plusieurs études et notamment celle
du programme ACOT (Apple Classrooms of
Tomorrow) (1985-1995) aux Etats-Unis
[HAYMORE SANHOLTZ, RINGSTAKK et OWYER
97].
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Mais si pour un chef d'établissement,
ce sont les élèves les plus faibles
qui vont profiter de ces pratiques, pour un autre,
les élèves les plus fragiles
risquent d'être complètement
déstabilisés par Internet car ils
n'ont pas la réflexion et les connaissances
nécessaires pour garder un regard critique
sur les informations condamnées par la loi
qui circulent sur le web (sites nazis,
pornographiques...). Ils se disent néanmoins
tout à fait favorables aux échanges
entre classes via le réseau tout en
reconnaissant qu'ils sont encore peu
pratiqués dans le cadre du
collège.
Ces chefs d'établissement sont
donc à la fois ouverts à ce
changement tout en gardant une certaine
méfiance. Certains vont donc garder une
position plutôt attentiste
préférant reléguer le choix de
la mise en place d'une véritable dynamique
aux enseignants, tandis que d'autres commencent
à s'impliquer doucement en accompagnant ce
changement inhérent à notre
société.
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