La
massification scolaire et l'allongement de la
durée de la formation initiale tendent
à conférer une place plus grande
aujourd'hui à l'école pour
intégrer socialement les
élèves. Des changements
s'opèrent aujourd'hui dans notre
société dont le développement
des TIC et notamment d'Internet apparaît
révélateur. Leur intégration
dans la formation et l'éducation est alors
posé comme enjeu majeur.
Si comme les précédents
outils de communication, Internet peut être
perçu comme un moyen de réformer le
système éducatif et de s'adapter
à l'évolution du monde du travail
tout en ouvrant la voie à de nouvelles
applications pédagogiques, il peut
représenter également le " cheval de
Troie " des intérêts
économiques de l'Etat et des industriels.
Nous pouvons donc nous demander
à l'instar de S. Pouts-Lajus et M.
Riché-Magnier [POUTS-LAJUS et
RICHE-MAGNIER 98] si ses usages dans
l'éducation ne raméneraient
pas à un choix sur
l'éducation elle-même. Ainsi
que le soulignent ces auteurs, les TIC ont
été depuis longtemps au
cur d'une controverse entre
-
les partisans d'une école
ouverte sur le monde dont le rôle
est de produire des individus capables
de s'insérer professionnellement
et socialement dans la
société telle qu'elle
est,
- et
ceux qui souhaitent une école
protégée du monde
extérieur, pour qui la mission
de l'école est de former des
individus libres et autonomes, capables
de servir la société mais
également de rester critique
à son égard afin de
pouvoir la transformer si
nécessaire, au nom des valeurs
de l'humanisme et de
l'universalité.
Ces deux
voies légitimes appellent en effet
quelques questionnements.
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Nous pouvons nous demander en effet, dans
quelle mesure les enjeux
politico-économiques ne deviennent pas
parfois prioritaires au regard des enjeux
éducatifs.
Les industriels de l'ERT (regroupant en une
table ronde européenne les principaux
constructeurs informatiques européens)
avaient ainsi publié un rapport (suite
à une réunion extraordinaire du G7
à Bruxelles en 1995) déplorant que le
monde de l'éducation ne perçoive pas
la nécessité du changement avec
autant d'acuité que le monde
économique et préconisait alors que
la responsabilité de la formation leur soit
définitivement attribuée. Ils
déploraient avant tout le décalage
existant entre la flexibilité
professionnelle demandée par les nouveaux
modes d'organisation des entreprises et la
formation scolaire. Nous pouvons également
nous interroger sur le refus pour l'école
d'intégrer les idées et les objets de
l'extérieur. Ne va-t-il pas conduire
à un décalage entre l'école et
la société et donc une
démobilisation des élèves
vivant dans un environnement extérieur
très médiatisé
?
Le développement des technologies
numériques dans la société
semble donc avoir accéléré la
remise en question du système
éducatif jusqu'à redéfinir le
périmètre éducatif.
Deux mondes se rencontrent
aujourd'hui:
- celui
des nouveaux médias porté en
partie par des entreprises aux logiques
marchandes et internationales
- et celui de
l'enseignement, porté par une culture
nationale (même si elle est fortement
marquée par les décisions
européennes) et la rigueur de programmes
définis par les valeurs du service
public.
De leur statut accordé par les
différents acteurs dépend donc la
place des technologies au sein du système
éducatif. Ainsi que le souligne H. Papadoudi
[PAPADOUDI 00] leur insertion
dépend souvent moins de leurs
caractéristiques et performances techniques
que de leur adéquation aux modèles
culturels et relationnels qu'elles
intègrent, ainsi que de leur
adéquation à l'évolution
générale des formes de vie
relationnelle, des systèmes de valeurs et
d'identification au sein de l'institution
éducative. Les TIC peuvent alors
révéler et rendre plus transparentes
les valeurs de l'école.
La plupart des gouvernements
européens, encouragés par les
initiatives communautaires ont donc mis en place de
vastes programmes d'intégration des "
nouvelles technologies " dans leur système
d'enseignement avec une double mission. Il s'agit
à la fois de stimuler et de structurer les
industries du multimédia éducatif
(équipement, infrastructure et contenus) et
d'assurer la participation des représentants
du système éducatif afin de garantir
l'accès de tous à cette "
société de la connaissance ",
l'égalité des chances et la
gratuité de cet enseignement.
Ce discours est repris par le premier
ministre français Lionel Jospin en
août 1997 annonçant la volonté
du gouvernement d'engager la France dans " la
société de l'information " et le
développement des TIC comme une
priorité et un grand chantier pour
l'éducation nationale. En janvier 1998, il
présente le Programme d'Action Gouvernal
pour la Société de l'Information
[PAGSI 99] qui doit concerner chaque
ministère. Il justifie son choix en
précisant qu'Internet est un espace de
liberté qu'il faut préserver et
offrir au plus grand nombre tout en
maîtrisant les excès. L'utilisation du
réseau doit permettre de nourrir une vie
démocratique, plus ouverte et participative,
ouvrant de nouveaux champs à la libre
communication des pensées et des opinions en
accord avec la Déclaration des Droits de
l'Homme et du Citoyen de 1789. Il charge son
ministre de l'Education nationale, de la recherche
et de la Technologie , Claude Allègre, de
développer le usages des TIC à tous
les niveaux d'enseignement, de former l'ensemble
des personnels, d'encourager fortement la mise en
réseau et les équipements des
écoles ainsi que les expérimentations
de techniques innovantes en partenariat avec les
collectivités locales et des partenaires du
secteur privé. Toutefois, les
modalités d'application ne sont pas
précisées.
Les programmes
considérés comme des cadres de
référence pour les enseignants
apparaissent alors comme des facteurs très
importants de l'intégration des TIC dans le
système éducatif. Ainsi
l'apprentissage d'un certain nombre de
savoir-faire, de compétences et de
connaissances relatives au traitement de
l'information doivent être
évaluées dans le cadre des
disciplines et obtenir un certificat reconnu par
l'Etat, le B2i. Ce Brevet Informatique et
Internet a donc été
créé en 2000 afin de répondre
à la banalisation de l'usage des TIC dans la
vie courante et la vie professionnelle. Il a
été officiellement
généralisé dans les
collèges en 2002. Mais cette attestation
validant un ensemble de compétences acquises
par les élèves de primaire et de
collège n'est pas considérée
obligatoire par les enseignants en raison du flou
utilisé dans les textes quant à sa
mise en place [DEVAUCHELLE 03] aussi ce
brevet tarde à être
généralisé dans les
pratiques.
Un autre dispositif
créé par J. Lang en 2000, les
IDD (Itinéraires De Découverte)
et mis en place à la rentrée 2002
favorise l'usage d'Internet bien qu'il ne soit pas
explicitement mis en rapport dans les textes. Il
s'agit pour les élèves
concernés par le cycle central du
collège (5e et 4e) de pouvoir approfondir
des programmes en associant deux disciplines
appartenant à quatre domaines (la nature, le
corps humain, les arts et les humanités,,
les langues et les civilisations, la
création et les techniques). Ces IDD doivent
s'établir sur une période de douze
à treize semaines et donner lieu à
une production réalisée
individuellement ou collectivement (maquette,
cédérom, film, spectacle,
texte
). Ils sont l'occasion d'une
première appropriation des méthodes
de recherche documentaire. L'objectif principal
selon A. Giordan [GORDIAN 02]. est de
briser la vision traditionnelle du cours qui place
les enseignants seuls détenteurs du savoir
face à des élèves ignorants et
passifs. Ces IDD vont être un espace possible
de promotion de toutes les innovations
pédagogiques et donc des TIC.
D 'autres décisions concourent
à une place plus importante pour Internet
au sein du système éducatif,
comme la loi d'orientation projet pour l'avenir de
l'école présentée à
l'Assemblée nationale en janvier 2005. Elle
concerne l'ensemble des connaissances et
compétences indispensables pour
l'élève, insérés dans
un socle commun. L'un des cinq savoirs
fondamentaux à acquérir au niveau du
collège vise " la maîtrise des
techniques usuelles de l'information et de la
communication ". Par ailleurs deux impulsions
essentielles ont été données
par la Direction de la Technologie (DT) à
savoir la naissance du SCHENE (schéma
numérique d'éducation)
considérant que tous les programmes des tous
les niveaux doivent comporter des TIC et d'autre
part la mise en place des ENT (Environnements
Numériques de Travail) ainsi que des
bouquets de ressources grâce au regroupement
des éditeurs de production
numériques.
Des efforts semblent donc
être entrepris par les gouvernements
successifs pour intégrer les TIC et
notamment l'usage d'Internet dans le
système éducatif. Cependant
de fortes craintes ont été
exprimées lors du colloque
InterTICE 2005 réunissant les
académies de Versailles, Paris et
Créteil concernant un retour en
arrière des politiques
éducatives, d'une régression
vers une politique qui ne mettrait en
avant que les aspects techniques de la
formation à Internet pour les
élèves
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La valeur réelle des discours
institutionnels se concrétise sur le terrain
notamment par les budgets alloués. Les
collectivités territoriales sont en charge
de mettre à disposition des enseignants les
matériels nécessaires pour
répondre à ces nouvelles
exigences.
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