La notion de
rapport au savoir Françoise
Hatchuel
Pour
Jacky Beillerot, fondateur de
l'équipe "Savoirs et
rapport au savoir ParisX" et,
dans le "Dictionnaire
encyclopédique de
l'éducation et de la
formation"
,
le
rapport au savoir peut se
définir comme un "
processus par lequel un sujet,
à partir de savoirs
acquis, produit de nouveaux
savoirs singuliers lui permettant
de penser, de transformer et de
sentir le monde naturel et social
"
C'est-à-dire que le rapport
au savoir est avant tout un
processus, jamais figé,
qu'il évolue tout au long de la
vie, à partir de ce que nous savons
ou non et de la façon dont nous
nous situons par rapport à ces
savoirs et au fait même de savoir ou
de ne pas savoir. Ces " dispositions "
nous permettent alors d'acquérir de
nouveaux savoirs et d'en transmettre ou
d'en écarter certains, ce qui
contribue à faire évoluer
notre rapport au savoir.
Par ailleurs, le rapport au savoir
est toujours singulier, il
se construit en fonction de l'histoire de
chacun et chacune et s'insère donc
dans une dynamique familiale, sociale et
historique. Enfin, cette définition
insiste sur la notion de sujet, et inclue
donc la dimension
inconsciente.
On peut alors considérer le
savoir comme un "
objet
", au sens
psychanalytique du terme,
c'est-à-dire un support de
l'investissement affectif et
pulsionnel, soumis en tant que tel
à des projections et des
fantasmes.
C'est en ce sens que la notion est
proche de celle de " relation
aux
mathématiques
" de Jacques Nimier et que les deux termes
se rejoignent pour évoquer la
complexité de la
personnalité en lien avec le
savoir. Mais là où
la relation est un " résultat ",
pour le rapport, l'accent est davantage
mis sur un processus. En un sens, on peut
estimer que si les travaux de Jacques
Nimier aboutissent à des sortes de
" photographies " du sujet en lien avec
les mathématiques à un
moment donné de son histoire,
l'équipe de Paris X essaye
davantage de comprendre le " film " de la
construction des liens au(x) savoir(s),
articulé avec l'hsitoire du sujet
mais aussi avec le contexte culturel et
social. Les parenthèses autour du
pluriel signifient que l'on peut
considérer soit des objets de
savoir précis, soit le fait
même de savoir.
La notion de
rapport au
savoir
est une notion
récente, apparue de
façon à peu
près concomitante dans les
champs de la sociologie critique,
de la formation d'adultes et de
la psychanalyse au cours des
années 60.
Actuellement,
elle est utilisée par
plusieurs équipes ou
courants, notamment en sciences
de l'éducation
(équipes Escol à
Paris 8, et laboratoire de Paris
X-Nanterre: équipe "
Savoirs et rapport au savoir), en
psychologie ("Personnalisation et
changements sociaux " de
l'Université Toulouse 2),
en didactique des sciences et des
mathématiques.
On
peut voir par exemple plusieurs
utilisations de la notion dans le
numéro de juin 2004 de la
revue Pratiques psychologiques .
La
plupart des auteur-e-s sont
d'accord pour dire que, du fait
qu'elle est abordée
à partir de
théories très
différentes, qu'il ne faut
pas trop la " durcir " si l'on
veut lui garder son pouvoir
heuristique afin que les
échanges soient
féconds. Elle
reste donc une notion, et non pas
un concept. C'est-à-dire
qu'on ne peut pas construire une
théorie du rapport au
savoir, ce qui n'empêche
pas d'en donner des
éléments
théoriques. Pour ce faire,
nous nous appuierons ici sur les
conceptualisations à
orientation psychanalytique de
l'Equipe
savoirs et rapport au savoir de
Paris X Désir et
savoir
Dans cette optique, le désir joue un
rôle essentiel et le désir de
savoir rejoint souvent d'autres
désirs : désir de se
réaliser ou d'atteindre et d'obtenir ce que
l'on pense que le savoir apporte (par exemple la
reconnaissance et l'amour de l'autre). Il est
lié au premier désir qui nous porte,
le désir du désir d'autrui,
désir d'être désiré et
donc reconnu comme être de valeur, dans la
lutte permanente que nous menons pour refouler le
doute et l'angoisse. Enfin, la question du rapport
au savoir telle que je le conçois s'appuie
beaucoup sur la réflexion autour de
l'autonomie et de la dépendance de
Gérard Mendel, puisque le savoir est d'abord
un attribut parental et que s'en emparer peut
être vécu comme une
transgression, un lien à
l'autre, un idéal à
atteindre, etc. Qu'est-ce qui
me plaît dans le fait de savoir,
d'apprendre ou de transmettre
? Quelles sont
les émotions que je ressens quand
je suis dans chacune de ces trois
positions ? Quels en sont
les enjeux pour moi ? Un petit
exercice simple pour se confronter à des
savoirs " ordinaires " (exercice que je propose lors
de mes interventions sur le rapport au
savoir) " Comment est-ce que je fais
lorsque je me confronte à l'inconnu dans les
trois situations suivantes : - un nouvel
outil technologique (ordinateur,
magnétoscope,
etc.) - une nouvelle
recette de cuisine - un nouveau
lieu, lors d'un voyage par exemple ?
".
Cette exploration est intéressante,
parce que ces situations sont en
général des situations de
plaisir, où nous ne nous sentons pas
d'obligations " sociales " et où nous
admettons assez bien de faire " à notre
façon ". Nous nous apercevons alors
que chacun et chacune de nous investit chaque
domaine de façon particulière
et que chaque façon de faire (par exemple
suivre scrupuleusement le mode d'emploi, la recette
ou le guide, explorer par soi-même ou s'en
remettre à une personne extérieure)
peut se retrouver dans un domaine ou un autre selon
les personnes. On peut alors relier ces
façons de faire aux situations de plaisir et
de déplaisir déjà
rencontrées dans chaque domaine, aux
personnes auxquelles ces domaines sont
reliés, ou à des sentiments
identitaires (" la cuisine c'est mon truc " ou "
les ordinateurs c'est pas pour moi ") qui
évoluent au cours de la vie.
Ce type de réflexion nous
amène à comprendre
qu'il n'y a pas " une " façon
d'apprendre, que chacun avance
à sa façon et qu'il n'y a
pas à se crisper si l'exercice
idéal qui marchait si bien avec
l'élève
précédent-e s'avère
subitement inopérant.
Comme il ne s'agit pas non plus de
décider, à chaque instant, quel
exercice ou façon d'expliquer conviendra
mieux à chacun-e (on serait alors dans
l'illusion de toute-puissance), la notion de
rapport au savoir plaide pour une palette d'outils
les plus diversifiés possibles,
permettant à chacun-e de s'approprier ce qui
lui convient. Témoigner, en tant
qu'enseignant-e, de son propre rapport au
savoir, du plaisir que l'on a à
apprendre mais aussi des difficultés qu'on
rencontre, de la façon que l'on a de
chercher ou des " passages obligés " qu'on
accepte parce qu'après tout, " il faut bien
s'y mettre ", peut être également
très précieux pour
l'élève.
Un autre intérêt " pratique "
de la notion peut être la mise en place de
groupe de paroles où les
élèves sont incité-e-s
à réfléchir collectivement sur
leur façon d'apprendre, leurs
difficultés, ce qui leur plaît, leur
déplaît. Ils et elles
découvrent ainsi qu'ils/elles ne sont pas
seul-e-s face aux difficultés et que le
savoir ne tombe du ciel pour personne. A l'Université Paris
X, Claudine
Blanchard-Laville et
moi-même proposent des outils pour
réfléchir à son rapport au
savoir et/ou mettre en place des dispositifs ou des
formations à partir de la notion : des
groupes
d'analyse de pratiques
et un enseignement sur l' "approche clinique de la
relation pédagogique " en licence de
sciences de l'éducation, et un
master professionnel de
formation à l'intervention et à
l'analyse de pratiques. En savoir plus! Equipe
savoirs et rapport au savoir de Paris
X <<je suis
Moulakdi André, je prépare une
thèse sur un aspect du rapport au savoir vos
recherche mont beaucoup aidé à
comprendre certains phénomène
Merci>> << bonjour,
je suis en master 1 développement à
toulouse le mirail et suis un homme,le rapport au
savoir fait parti de mes interrogations
récentes et suis ravi de consulter votre
site. L 'une de mes interrogation plus anciennes
conçerne la perte du lien socialsurtout en
cs temps de bouleversements climatique, politique
et éducatif...>> 12/07
Réaction