| 
                             
                   
                  En guise
                  d'introduction, je vais partir d'un paradoxe suivi
                  d'une digression. Commençons par le paradoxe
                  : 
                  
                  - d'un
                     côté, le chef
                     d'établissement est
                     présenté comme " celui porte le
                     collège ou le lycée sur ses
                     épaules ", ce qui pourrait faire penser
                     qu'il s'agit d'un Titan
.
                     
                     - de l'autre, on
                     a tout fait pour affaiblir ses pouvoirs et
                     réduire la part d'arbitraire de ses
                     décisions : il ne choisit pas ses
                     subordonnés, il n'intervient pas dans le
                     contenu des programmes et fort peu sur la
                     manière d'enseigner les matières
                     qui y figurent
.   
                  
                            
                    Ces deux traits caractérisaient
                  déjà les collèges
                  jésuites du 16ème siècle et
                  traduisaient un dessein
                  délibéré de ceux qui en
                  avaient imaginé le fonctionnement. Cette
                  pérennité de l'architecture
                  jésuite témoigne de sa
                  solidité et mérite qu'on s'y attarde
                  un peu
. Ce qui sera ma
                  digression
 
                  
                    
                  
                  Les collèges
                  jésuites 
                  
                  
                     
                        | 
                                      
                             Les Jésuites se voulaient
                           des " soldats du pape " : ils ajoutent aux
                           vux traditionnels des ordres
                           monastiques (obéissance,
                           pauvreté, chasteté) celui
                           d'obéissance au pape. Leur
                           fondateur, Ignace de Loyola, est
                           lui-même un ancien soldat qui veut
                           en faire des " bretteurs du verbe " face
                           à tous ceux qui s'attaquent aux
                           thèses du catholicisme. Pour ce
                           faire, il doit leur donner le meilleur
                           bagage intellectuel
 c'est l'objectif
                           des premiers collèges exclusivement
                           voués à leur formation. Mais
                           ces collèges sont si pauvres
                           (vu de pauvreté) qu'ils
                           doivent s'ouvrir à d'autres
                           élèves (payants) et cette
                           formule a tant de succès qu'elle
                           les amène à se consacrer de
                           plus en plus à
                           l'éducation. 
                           
                                     
                             Ils vont mettre 25 ans pour
                           formuler leurs règles de
                           fonctionnement interne (" Constitutiones
                           ") et 50 ans leurs règles
                           d'enseignement (" Ratio Studiorum "). Je
                           retiendrai 3 grands traits de ces
                           règles (cf. Giard, 1995) :
                            
                           
                           1)
                              le contenu des enseignements est
                              considéré comme une "
                              donnée " intangible reprise des
                              universités
                              médiévales (" trivium "
                              et " quadrivium ") : pour les
                              études inférieures, la
                              grammaire (du latin et du grec, voire
                              de la langue vernaculaire), les
                              humanités et la
                              rhétorique ; pour les
                              études supérieures, la
                              métaphysique, la physique, la
                              logique. La spécialisation n'est
                              envisagée qu'au sommet (dans les
                              collèges de plein exercice),
                              avec la théologie (pour les
                              futurs jésuites), la
                              médecine ou les
                              mathématiques (pour les
                              autres).
                              
                              2)
                              la hiérarchie des
                              enseignants s'établit sur un
                              principe de non-spécialisation
                              et d'excellence sur l'ensemble de ce
                              contenu, c'est-à-dire que le
                              professeur de philosophie dans les
                              études supérieures a
                              d'abord enseigné la grammaire et
                              les humanités dans les
                              études inférieures,
                              notamment lors de son propre cursus
                              (novice, puis scolastique en formation
                              et probation) avant de devenir
                              profès (4ème
                              vu).  
                         | 
                        
                            
                         | 
                      
                     | 
                            Bibliothèque
                           de Dijon, vue de l'extérieur. Le
                           collège jésuite des Godrans
                           forma une certaine élite
                           intellectuelle bourguignone au XVIIe et
                           XVIIIe siècle. 
                         | 
                      
                   
                   
                  
                  3) le
                     fonctionnement de l'ensemble repose sur un
                     subtil mélange de monarchie,
                     d'aristocratie et de démocratie. Le
                     général de l'ordre nomme les
                     responsables des différentes provinces
                     (provinciaux), les supérieurs des
                     collèges ainsi que les inspecteurs qui
                     visitent périodiquement provinces et
                     collèges. Les provinciaux nomment les
                     enseignants de chaque collège. Mais les
                     profès élisent des
                     assemblées provinciales
                     (congrégations) qui élisent
                     à leur tour une congrégation
                     générale qui élit le
                     général et peut même le
                     renverser. Et chaque échelon
                     inférieur peut s'adresser directement aux
                     échelons supérieurs, y compris le
                     général. Tout le système
                     tend à permettre un management à
                     distance (central) tout en autorisant certaines
                     initiatives locales : les Jésuites sont
                     les interlocuteurs privilégiés de
                     Galilée (jusqu'au moment où il
                     défend la thèse de
                     l'héliocentrisme) ; ils
                     développent l'enseignement des
                     mathématiques en Allemagne pour y
                     favoriser de nouvelles implantations ; ils sont
                     autorisés à exceller en astronomie
                     pour mieux séduire les
                     chinois
. 
                  
                  Pour clore cette
                  digression, on peut s'interroger sur le type de
                  produit qui sortait des collèges
                  jésuites : originellement, il s'agissait de
                  produire des religieux, à la fois
                  obéissants, cultivés et rompus aux
                  joutes oratoires
. Très vite il s'est
                  agi de former des profanes sans véritable
                  spécialisation professionnelle, respectueux
                  de l'ordre établi et de la
                  société en place, qui s'orienteront
                  vers le service de l'Etat ou les professions
                  libérales
. Mais Descartes, Voltaire et
                  Diderot seront aussi issus de collèges
                  jésuites
 
                  
                    
                  
                  Les configurations
                  organisationnelles de Mintzberg 
                  
                            
                    Après ce détour dans le
                  passé, je vais faire appel à une
                  grille de lecture récente pour essayer de
                  situer les lycées et collèges parmi
                  les organisations actuelles. Il s'agit du
                  modèle de Mintzberg, qui, comme vous le
                  verrez, est à la fois pratique et
                  suggestif
. 
                  
                            
                    Mintzberg (1979) avance que toute
                  organisation combine de manière
                  particulière 5 grandes composantes
                  principales :  
                  
                  1) un
                     sommet stratégique, autrement dit les
                     instances dirigeantes
 Je reste flou
                     à dessein sur leurs fonctions
                     précises qui vont dépendre de
                     l'ensemble de la combinaison ;
                     
                     2) un cur
                     opérationnel
. Ce sont les
                     exécutants, la base, les gens qui sont au
                     turbin et en première ligne ; 
                     
                     3) un ensemble
                     intermédiaire : personnel d'encadrement
                     ou courroie de transmission entre le sommet
                     stratégique et le cur
                     opérationnel ; 
                     
                     4) une
                     technostructure
. d'où sortent les
                     normes et les règles en matière
                     d'objectifs à atteindre, d'ordonnancement
                     des activités et surtout de "
                     façons de faire " ; 
                     
                     5) un ensemble
                     logistique : tout un ensemble de ressources
                     nécessaires aux autres composantes (des
                     outils au marketing, en passant par l'imprimerie
                     et la cantine).  
                  
                            
                    De la combinaison de ces 5 composantes, on
                  va obtenir plusieurs configurations
                  organisationnelles typiques
 Pour faire
                  ressortir la spécificité de celle qui
                  nous intéresse, je vais commencer par vous
                  présenter rapidement les
                  autres
. 
                  
                  (Voir
                  ici )
                  
                    
                  
                  Les bureaucraties
                  professionnelles 
                  
                            
                    Revenons aux bureaucraties professionnelles
                  qui nous intéressent tout
                  particulièrement. Je vous en
                  présenterai d'abord les
                  caractéristiques générales
                  avant d'aborder certaines
                  spécificités des
                  établissements du secondaire qui nous
                  sortent des schémas de
                  Mintzberg
 
                  
                  
                     
                        | 
                              
                         | 
                        
                                      
                             Elles se caractérisent par
                           la prédominance du cur
                           opérationnel. On y trouve notamment
                           les universités et les
                           hôpitaux, ainsi que les grandes
                           entreprises assurant des missions de
                           service public (SNCF, RATP, EDF et
                           même Air France). En gros, les
                           opérationnels y font la loi,
                           dès lors qu'ils sont hautement
                           qualifiés et qu'ils sont
                           recrutés sur leurs
                           compétences
                           spécialisées ou plus
                           exactement sur les diplômes qui en
                           attestent. L'ensemble intermédiaire
                           et la technostructure sont aux mains de
                           ces professionnels, tandis que le secteur
                           logistique peut y être très
                           variable. La coordination de l'ensemble se
                           fait essentiellement par la normalisation
                           des compétences et des
                           diplômes. Chaque service ou
                           département
                           spécialisé prend l'allure
                           d'une petite forteresse dont les membres
                           contrôlent les entrées et la
                           hiérarchie interne. N'y entre pas
                           qui veut et chacun doit y être
                           à sa place. 
                         | 
                        
                              
                         | 
                      
                   
                   
                  
                            
                    Et chacun se surveille. C'est la base du
                  corporatisme. Lequel repose sur le paradoxe suivant
                  : d'un côté, on clame que la bonne
                  marche de l'organisation repose sur la
                  détention des compétences
                  nécessaires ; de l'autre, on s'en remet aux
                  diplômes pour les établir, sans se
                  préoccuper ensuite de contrôler si
                  leurs détenteurs possèdent bien les
                  compétences effectives correspondantes. Le
                  corporatisme repose moins sur les
                  compétences que sur les
                  diplômes. 
                  
                            
                    Ce corporatisme s'est étendu à
                  toute la société, notamment en
                  France. Chaque profession y prend l'allure d'une
                  forteresse qui défend ses accès et
                  contrôle sa hiérarchie interne par le
                  biais des diplômes. Les autres types
                  d'organisation sont également
                  contaminés. Le sommet stratégique et
                  la technostructure des grandes bureaucraties
                  industrielles sont devenus la chasse gardée
                  des ingénieurs des grandes écoles (X,
                  Centrale, etc.) et il faut souvent un BTS pour
                  faire partie de l'ensemble intermédiaire.
                  Même les structures simples doivent faire
                  appel à des diplômés
                  lorsqu'elles grandissent et se
                  différencient. Idem pour les adhocraties.
                  Les structures divisionnelles y échappent en
                  partie, en accueillant d'abord les " exclus " ou
                  les " recalés " des filières de
                  formation
 
                  
                            
                    Notons un autre paradoxe de l'Education
                  Nationale : d'un côté, elle est
                  déjà une bureaucratie professionnelle
                  ; de l'autre, elle est chargée de
                  gérer le corporatisme des autres et se
                  trouve soumise à leurs pressions. C'est
                  ainsi qu'en ce qui concerne les corporations les
                  plus prestigieuses, de nombreux filtres ont
                  été mis en place pour en gérer
                  les flux : concours des grandes écoles
                  d'ingénieurs, numerus clausus pour les
                  professions médicales, etc. 
                  
                            
                    Faisons un premier point. Dans une
                  bureaucratie professionnelle, il y aura une
                  différenciation forte des domaines de
                  compétence (disciplines d'enseignement dans
                  les Universités, spécialités
                  médicales dans les hôpitaux) et
                  corollairement une hiérarchie
                  prononcée au sein de chacun. Les
                  professionnels du plus haut niveau y disposent
                  d'une autonomie que l'on ne trouve nulle part
                  ailleurs et qui va souvent au profit du client
                  (étudiants ou patients). Revers de la
                  médaille, ces professionnels sont
                  conservateurs et soucieux de défendre leurs
                  privilèges. Lorsque l'environnement devient
                  instable et turbulent, ce type d'organisation est
                  peu réactif dès lors que les
                  adaptations passent d'abord par un
                  réaménagement des qualifications et
                  des territoires ; d'autant plus que toute
                  intervention extérieure, qu'elle vienne du
                  bas (la clientèle) ou du haut (les pouvoirs
                  publics) est perçue comme une intrusion
                  intolérable. Voici ce qu'en dit Mintzberg
                  : 
                  
                            
                    " Dans la Bureaucratie Professionnelle, le
                  changement ne vient pas de nouveaux administrateurs
                  qui prennent leurs postes et annoncent des
                  réformes majeures, ni de technostructures
                  gouvernementales qui cherchent à
                  contrôler les professionnels. Le changement
                  vient plutôt du processus, lent,
                  d'évolution des professionnels : changer le
                  recrutement, la formation, la socialisation, la
                  motivation au perfectionnement professionnel " (p.
                  335). 
                  
                    
                  
                            
                    Cette grille de Mintzberg est
                  éclairante sur certains points, mais
                  insatisfaisante sur d'autres. D'un
                  côté, elle éclaire bien le
                  conservatisme et le corporatisme des bureaucraties
                  professionnelles où il s'agit de
                  défendre la place de chacun dans la
                  hiérarchie interne (statutaire) et la place
                  de chaque profession et de chaque discipline dans
                  la hiérarchie sociale. De l'autre, on voit
                  bien que cette grille s'inspire des pays
                  anglo-saxons où les bureaucraties
                  professionnelles disposent de plus d'autonomie (et
                  sont plus soumises à la concurrence) que
                  leurs consurs françaises. 
                  
                  
                     
                        | 
                                      
                             Tout particulièrement, on
                           voit que ce tableau des bureaucraties
                           professionnelles convient mieux aux
                           universités et hôpitaux
                           français, qui disposent
                           déjà d'un début
                           d'autonomie, qu'aux établissement
                           du secondaire. Dans les premiers, on
                           note la tension entre une
                           hiérarchie administrative,
                           soucieuse de rendre des comptes aux
                           autorités de tutelle
                           (Ministères), et une
                           hiérarchie médicale ou
                           enseignante, plus centrée sur ses
                           besoins propres. Concernant les seconds,
                           il est plus difficile de considérer
                           que le principal ou le proviseur et leurs
                           adjoints y constituent le sommet
                           stratégique
 en l'absence
                           d'ensemble intermédiaire (à
                           moins de considérer que les
                           professeurs principaux et les conseillers
                           d'éducation en tiennent lieu). Il
                           est plus satisfaisant de considérer
                           que les collèges et lycées
                           font partie d'une énorme
                           bureaucratie dont le sommet
                           stratégique est le Ministère
                           de l'Education Nationale et dont les
                           principaux et proviseurs constituent
                           l'ensemble intermédiaire
 ce
                           qui en dit beaucoup plus sur les limites
                           d'action des principaux et des proviseurs
                           et la nature même de l'enseignement
                           secondaire
 
                           
                                     
                             Dans cette perspective, il peut
                           être judicieux de sortir de la
                           grille de Mintzberg (axée sur les
                           entreprises) pour considérer que
                           l'enseignement secondaire est d'abord une
                           bureaucratie administrative, au même
                           titre que les autres administrations
                           publiques. 
                         | 
                        
                              
                         | 
                      
                   
                   
                  
                  La bureaucratie
                  administrative
                  wébérienne 
                  
                            
                    Ceci nous renvoie vers le modèle
                  wébérien de la bureaucratie. A la
                  charnière du 19ème et du 20ème
                  siècles, Max Weber (1919) oppose les
                  bienfaits de ce modèle bureaucratique
                  nouveau aux méfaits du modèle
                  patriarcal qui prévalait jusqu'alors. Autant
                  ce dernier est fondé sur la naissance ou le
                  charisme, l'arbitraire et l'absence de
                  règlement écrit, autant le
                  modèle bureaucratique se fonde sur
                  l'impersonnalité, la compétence et un
                  règlement écrit.  
                  
                            
                    L'accès aux diverses fonctions,
                  à commencer par celles de direction, ne
                  repose plus sur la naissance ou les relations, mais
                  sur des concours impersonnels et anonymes qui
                  garantissent la sélection des meilleurs,
                  tout en les enfermant souvent dans des
                  catégories (fonctions et grades) dont ils
                  auront le plus grand mal à sortir (si ce
                  n'est par de nouveaux concours ou par
                  l'ancienneté, dès lors que
                  l'appréciation du mérite est toujours
                  teintée d'arbitraire). De même, les
                  règles écrites protègent
                  à la fois les inférieurs de
                  l'arbitraire des supérieurs et ceux-ci des
                  pressions de ceux-là. Curieusement, dans ce
                  tableau plutôt élogieux de la
                  bureaucratie, Weber ne s'inspire pas des grosses
                  entreprises industrielles (telles que Krupp, qui
                  reste fortement paternaliste et patriarcale) mais
                  de l'administration publique prussienne, laquelle a
                  pris modèle sur l'administration
                  révolutionnaire française.
                  Curieusement, l'Allemagne a été le
                  grand laboratoire des institutions
                  révolutionnaires françaises
                  Elle fut, en quelque sorte, notre première
                  colonie avant celles d'outre-mer, autre miroir
                  grossissant de leurs avantages et de leurs
                  inconvénients ! 
                  
                  
                     
                        | 
                              
                         | 
                        
                                      
                             Toujours est-il que ce
                           modèle bureaucratique va
                           s'étendre à tous les pays
                           occidentaux, notamment les Etats-Unis. Et
                           divers sociologues américains,
                           comme Merton, Selznick et Gouldner vont en
                           décrire les dysfonctionnements.
                           Ainsi Merton (1936) montre que le souci
                           majeur de la direction d'une bureaucratie
                           est de s'assurer de la
                           prévisibilité des
                           comportements de ses membres (une
                           bureaucratie a horreur de l'incertitude).
                           Pour ce faire, elle va prendre des mesures
                           dont certaines conséquences seront
                           attendues et d'autres plus inattendues !
                           Les principales mesures visent à
                           promouvoir la fidélité au
                           règlement (récompenser ceux
                           qui le suivent et sanctionner ceux qui ne
                           le suivent pas, rappeler à tout
                           moment qu'il faut le respecter). Le
                           premier effet attendu de ces mesures est
                           que les membres de l'organisation vont
                           intérioriser le règlement,
                           qui va en quelque sorte devenir une partie
                           d'eux-mêmes (tout comme nous avons
                           intériorisé le code de la
                           route). Un deuxième effet est de
                           procurer à chacun un sentiment de
                           protection personnelle : on se sent plus "
                           léger " et " impeccable " lorsqu'on
                           suit le règlement (à
                           comparer avec le comportement d'animal aux
                           aguets des sans-papiers). Un
                           troisième effet est d'instaurer un
                           esprit de corps (on fait partie de la
                           même famille et on se sent plus
                           forts que ceux qui n'en sont pas). Mais
                           les conséquences inattendues
                           pointent rapidement : en
                           intériorisant le règlement,
                           on s'attache plus à sa lettre
                           qu'à son esprit et on est
                           rapidement tenté de faire entrer
                           les problèmes rencontrés
                           dans ses catégories plutôt
                           que d'adapter celles-ci aux
                           réalités de la vie. De sorte
                           qu'on oublie qu'on est au service d'une
                           clientèle extérieure et
                           qu'on crée de plus en plus de
                           mécontents parmi celle-ci. Et ce
                           qui devait arriver arriva : des clients
                           malmenés se rebiffent et agressent
                           (verbalement souvent, physiquement
                           parfois) les membres de la bureaucratie
                           qui sont à leur contact. Pour
                           ceux-ci, c'est la douche froide : ils se
                           sentaient protégés en
                           observant le règlement et
                           voilà qu'on les agresse. C'est
                           là qu'intervient l'esprit de corps,
                           à la fois contre les agresseurs
                           extérieurs et contre la direction.
                            
                         | 
                      
                   
                   
                  
                            
                    Dans la plupart des cas, celle-ci modifie
                  à peine le règlement mais s'arrange
                  surtout pour accroître la distance entre son
                  personnel et les clients (par exemple, on remplace
                  les guichets par le courrier postal). Peu à
                  peu, les bureaucraties s'isolent de leur
                  clientèle
 ce qui ne les empêche
                  pas de grossir et de se transformer en " monstres
                  froids " (d'aucuns ont parlé de " mammouth
                  ") qui se centrent de plus en plus sur leurs
                  problèmes internes
. A chaque crise,
                  une bureaucratie va demander plus de moyens pour
                  mieux servir sa clientèle (discours officiel
                  et consensuel)
 mais à
                  l'intérieur, chacun se prépare
                  déjà à prendre la meilleure
                  part du gâteau
 
                  
                            
                    Selon moi, les établissements
                  d'enseignement secondaire se situent à
                  mi-chemin des bureaucraties
                  wébériennes et des bureaucraties
                  professionnelles (ou oscillent entre elles). Pour
                  le comprendre, il faut en revenir à la
                  Révolution française et à
                  Napoléon.
                  [Voir:
                   
                  
                  Un
                  peu d'histoire
]
                  
                    
                  
                  Bilan 
                  
                            
                    D'une certaine manière, le central
                  l'a emporté sur le local et
                  l'élitisme classique sur la prise en compte
                  de l'environnement
. Au plan organisationnel,
                  à la compétition statutaire s'est
                  ajoutée la concurrence disciplinaire :
                  l'accession à un grade supérieur
                  dépend d'abord de la défense de la
                  discipline enseignée
  
                  
                  
                     
                        | 
                                      
                             J'insiste sur ce point en raison de
                           son caractère paradoxal : d'un
                           côté, le secondaire classique
                           était profondément
                           opposé au découpage
                           disciplinaire (les enseignants sortaient
                           d'un même moule - les
                           humanités - et constituaient des
                           sortes de poupées gigognes
                           où celui qui pouvait le plus
                           pouvait aussi le moins) ; de l'autre, le
                           primaire supérieur et le
                           professionnel, même s'ils
                           différenciaient davantage les
                           disciplines, les envisageaient sous
                           l'angle de leur utilité directe et
                           de la polyvalence du maître.
                           L'amalgame opéré
                           sépare les disciplines et divise
                           les maîtres
. 
                           
                                     
                             Vous allez sans doute me dire que
                           le latin et le grec en sont réduits
                           à la portion congrue dans les
                           établissements actuels
                           Certes, mais je vous répondrai
                           qu'ils ont déteint sur les autres
                           disciplines-phares (français,
                           mathématiques, langues
                           étrangères, physique) qui
                           ont repris leur côté
                           abstrait, comme critère de
                           hiérarchie, et leur
                           côté " hors du siècle
                           ", comme si on n'aurait jamais à
                           les utiliser. Voici ce que dit le Prix
                           Nobel de physique Pierre-Gilles de Gennes
                           (1994) des mathématiques
                           : 
                         | 
                        
                              
                         | 
                      
                   
                   
                  
                  " Pourquoi
                  une telle cristallisation autour des maths ?
                  Certainement
                  pas à cause d'une pression des chercheurs
                  mathématiciens. Mais plutôt par suite
                  d'une convergence d'intérêts qui rend
                  ce système pratiquement inamovible. D'un
                  côté, les examinateurs trouvent plus
                  commode de noter un problème de maths que la
                  discussion d'un fait physique un peu subtil
                  où les formules ne sont pas toute
                  l'histoire
 De l'autre, les étudiants
                  s'arrangent fort bien d'un système qui ne
                  demande pas de stocker beaucoup d'information, et
                  donc qui autorise les révisions de
                  dernière heure, le bachotage. Le
                  conservatisme de la population étudiante,
                  dans ce domaine, n'a donc rien à envier au
                  poids des corporatismes de la bureaucratie. Quant
                  aux parents, avant tout désireux de voir
                  leurs enfants " casés ", ils sont anxieux
                  devant toute idée de changement " (pp.
                  236-237). 
                  
                            
                    Je mettrai cette remarque en
                  parallèle avec celle de Diderot, il y a plus
                  de deux siècles : 
                  
                  " Le
                  préjugé selon lequel "donner une
                  application à des objets particuliers,
                  sensibles et matériels, c'est déroger
                  à la dignité de l'esprit humain", a
                  contribué à remplir les villes
                  d'orgueilleux raisonneurs et de contemplateurs
                  inutiles, et les campagnes de petits tyrans
                  ignorants, oisifs et dédaigneux "
                  (article " Art " de
                  l'Encyclopédie). 
                  
                    
                  
                  De l'organisation au
                  pilotage 
                  
                            
                    Pour l'instant, les collèges et les
                  lycées ne constituent pas des organisations
                  autonomes, pas plus que de véritables
                  organisations professionnelles, même s'ils en
                  partagent certains traits. Pour les comprendre, il
                  faut appréhender leur organisation à
                  l'échelle de la nation, avec un sommet
                  stratégique (la direction de l'enseignement
                  secondaire), une énorme technostructure
                  (alimentée par les inspecteurs
                  généraux), un corps
                  intermédiaire (les proviseurs et les
                  principaux), un cur opérationnel (les
                  enseignants) et une logistique très variable
                  (assez légère pour les disciplines
                  classiques et plus lourde pour les disciplines
                  scientifiques et techniques). L'environnement
                  extérieur reste encore fantomatique : pour
                  beaucoup, il se limite encore à barre des
                  80% de reçus au bac parce que le
                  Ministère en a décidé
                  ainsi
. Bref, une sorte d'environnement "
                  administré "
 
                  
                            
                    Mais le vent vient de tourner puisque
                  l'heure est à la décentralisation
                  (et donc au local) et au projet (si possible
                  transversal)
. 
                  
                  
                     
                        | 
                                      
                             Tout ceci nous permet de parfaire
                           notre portrait du proviseur et du
                           principal : 
                           
                           1)
                              il porte le collège ou le
                              lycée sur ses
                              épaules
.
                              
                              2) mais
                              on lui a rogné les ailes, les
                              ergots et le bec
 et presque
                              châtré un moment avec
                              l'obligation de
                              célibat
 
                              
                              3)
                              à présent, il doit en
                              plus faire le grand écart entre
                              le central et le local : dans une
                              organisation entièrement
                              conçue pour " le management
                              à distance " dont il
                              n'était que le dernier maillon,
                              il devient l'animateur d'un "
                              management de proximité " en
                              prise directe avec l'environnement
                              économique et
                              social
  
                           
                                     
                             Tout cela va avoir d'importants
                           retentissements sur le pilotage des
                           lycées et des collèges. Pour
                           en parler, je vais faire appel à
                           divers auteurs, en commençant par
                           Herbert Simon (1947, 1969) qui a obtenu le
                           Prix Nobel d'économie en 1978 pour
                           ses travaux sur la prise de
                           décision dans les organisations.
                            
                         | 
                        
                              
                         | 
                      
                   
                    
                  
                    
                  
                  Les limites et les
                  ressources de la rationalité
                  humaine 
                  
                            
                    Simon nous dit que nous cherchons tous
                  à être rationnels mais que nous en
                  sommes empêchés du fait des conditions
                  d'exercice ou limites (" boundaries ") de cette
                  rationalité. Celles-ci sont d'abord
                  externes, dès lors que nous n'avons jamais
                  une vision complète de notre environnement
                  spatio-temporel : nous découvrons celui-ci
                  à mesure que nous avançons. Nous
                  sommes comme des rats qui parcourent un labyrinthe
                  et découvrent ses multiples embranchements
                  sans savoir lequel mène à la sortie
                  ou même s'il y en a un qui mène
                  à cette sortie. Elles sont aussi internes,
                  du fait de nos faibles capacités de
                  traitement de l'information et surtout de
                  mémoire (on oublie vite
. et on
                  récidive facilement dans l'erreur et
                  l'échec). 
                  
                            
                    Simon nous dit cependant que nous ne sommes
                  pas totalement dépourvus de moyens pour
                  parcourir notre labyrinthe. Nous sommes d'abord
                  capables de " chunker " l'information en paquets de
                  plus en plus gros ou " patterns " qui nous
                  permettent de saisir une situation
                  (l'interpréter) et d'évoquer
                  immédiatement des procédures ou
                  routines pour la traiter (je montrerai un peu plus
                  loin combien " l'année scolaire ", " les
                  postes ", " les classes " et " les heures "
                  constituent des " chunks " puissants pour un
                  proviseur ou un principal). Nous sommes
                  également capables de mettre en uvre
                  des " heuristiques " ou procédures
                  astucieuses et rusées qui permettent
                  d'affronter " à l'économie " des
                  situations nouvelles. Et la plupart du temps, nous
                  nous satisfaisons de " ce qui marche " plutôt
                  que de rechercher l'optimum. Ce qui signifie aussi
                  que nous pouvons avoir tendance à ronronner
                  ! 
                  
                            
                    C'est un peu ce qui se passait
                  récemment : le Ministère fournissait
                  un labyrinthe simplifié, presque totalement
                  " administré ", dont il fournissait
                  également les règles de
                  parcours
 et s'il y avait un doute, on pouvait
                  recourir à l'une des heuristiques les plus
                  courantes dans le domaine administratif :
                  l'identification à l'organisation,
                  c'est-à-dire se demander ce qu'un autre
                  proviseur ou principal aurait fait à notre
                  place
 ou plus simple encore, consulter le
                  proviseur ou le principal d'un établissement
                  voisin
 Une autre heuristique consiste
                  à prendre une décision qui arrange
                  tout le monde, tout au moins dans le court terme :
                  je me souviens avoir visité le
                  collège flambant neuf de
                  Bourg-Saint-Andéol (près des
                  centrales atomiques d'EDF)
 EDF avait
                  proposé de financer un mur de chaleur
                  à l'entrée
 c'était
                  autant de gagné pour financer d'autres
                  parties du collège
. Mais la facture de
                  fonctionnement de ce mur de chaleur fut
                  particulièrement " salée " les
                  années suivantes !  
                  
                    
                  
                  L'importance des
                  métaphores 
                  
                            
                    Avec la décentralisation, le
                  labyrinthe devient plus complexe
 les
                  règles venant du Ministère ne
                  suffisent plus
. et les collègues des
                  établissements voisins deviennent des
                  concurrents
 Il faut trouver de nouveaux "
                  chunks " et de nouvelles heuristiques
.
                  Pour les élaborer, les métaphores
                  vont jouer un rôle capital
. 
                  
                  
                        
                           | 
                                         
                                Je vais partir d'une
                              métaphore chère à
                              de nombreux proviseurs
                              expérimentés : celle du
                              lycée comme un avion de ligne
                              qui décolle pour atterrir au
                              bout d'une année. Pour ces
                              proviseurs, l'important se passe avant
                              le décollage : s'assurer que
                              tout le monde est en place (notamment
                              les enseignants) et que tout fonctionne
                              bien (notamment, la composition des
                              classes, la répartition des
                              horaires et des enseignants dans
                              chacune d'elles) ; après quoi on
                              peut décoller et veiller
                              à ce que tout se passe bien
                              jusqu'à
                              l'atterrissage
 
                            | 
                           
                                 
                            | 
                         
                      
                       
                  
                            
                    Cette métaphore est très jolie
                  et contient, selon moi, la plupart des " chunks "
                  et des heuristiques du proviseur
                  d'expérience. La première heuristique
                  est celle de la préparation avant le
                  décollage. Elle s'appuie sur des " chunks "
                  tout aussi frappants : la vie du lycée se
                  découpe en " années " (la
                  durée du vol), en " nombre de postes "
                  disponibles et en " nombre de classes " à
                  pourvoir en enseignants ; les postes se
                  déclinant ensuite en " heures de classe "
                  qu'il s'agit de répartir au mieux entre les
                  différentes classes. Rien n'est dit sur la
                  direction du vol (mais on devine qu'il s'agit
                  d'avoir le moins de redoublants et le plus de
                  succès au bac) et sur l'ouverture d'autres
                  lignes
 
                  
                            
                    La décentralisation ne va-t-elle pas
                  inciter les chefs d'établissement à
                  modifier leurs métaphores ? A envisager par
                  exemple les vols sur 3 années (avec autant
                  de projets sur cette durée) ou à
                  remplacer l'heure de classe
                  spécialisée par des
                  demi-journées confiées à des
                  enseignants plus polyvalents ? 
                  
                            
                    L'un de ces proviseurs m'a aussi fourni un
                  exemple qui nous propulse justement dans ce temps
                  de la décentralisation : il s'est battu pour
                  avoir une section technologique dans son
                  lycée (CAP Assistant Technique en Milieux
                  Familial et Collectif, BEP Carrières
                  Sanitaires et Sociales). Ce n'est peut-être
                  pas la plus prestigieuse, mais ses
                  collègues-concurrents s'étaient
                  déjà servis ! En tout cas, elle offre
                  des débouchés à ses
                  élèves et elle accroît la
                  composante " logistique " de son
                  établissement
 tout en pouvant servir
                  de base de développement d'autres
                  filières professionnelles
J'aimerais
                  proposer une autre métaphore aérienne
                  qui m'est inspirée par l'uvre du grand
                  sémioticien Charles S. Peirce (cf. B.
                  Morand, 2004) : celle du parapentiste.  
                  
                  
                        
                           | 
                                         
                                Le proviseur ou le principal
                              porte son parapente (son
                              établissement) sur ses
                              épaules en sachant qu'il dispose
                              de peu de moyens pour le diriger ; il
                              saute dans le vide en se fixant un lieu
                              d'atterrissage virtuel (conciliant les
                              pesanteurs du central et les
                              aspirations du local) qu'il n'est pas
                              du tout sûr d'atteindre (c'est la
                              grande différence avec le vol de
                              ligne) ; pendant son vol, il doit
                              traiter divers signes : les uns sont
                              des sensations brutes (craquements du
                              parapente, autrement dit les
                              grognements des enseignants et des
                              élèves ; force du vent et
                              proximité des falaises,
                              autrement dit les manifestations de
                              l'environnement immédiat) ;
                              d'autres mettent en relation ces
                              éléments (la force et la
                              direction du vent sont des indices de
                              la longueur et de la direction du vol)
                              ; d'autres encore sont plus formels et
                              ont trait aux instructions
                              ministérielles sur ce qu'il
                              convient de faire et de ne pas faire.
                              La qualité du vol va
                              dépendre des
                              interprétants que le
                              parapentiste aura mis en place pour
                              combiner tous ces
                              éléments. Si vous n'avez
                              jamais fait de parapente,
                              peut-être vous êtes-vous
                              essayés à la planche
                              à voile : les instructions bien
                              formelles ne vous empêcheront pas
                              de tomber plusieurs fois à l'eau
                              avant que vous n'arriviez à
                              combiner les autres signes plus
                              concrets
. 
                            | 
                           
                               
                            | 
                         
                      
                       
                  
                            
                    Tout en surfant sur l'inertie du
                  passé, le chef d'établissement devra
                  de plus en plus se projeter dans l'avenir :
                  prévoir, anticiper, jeter de nouvelles
                  bases pour de nouveaux projets
. Nul doute que
                  la pression du local (parents, collectivités
                  territoriales, entreprises) s'exercera en direction
                  de formations plus professionnelles ou de
                  débouchés plus assurés
.
                  Dans ces conditions, l'heuristique qui vient le
                  plus rapidement à l'esprit sera de
                  créer de nouvelles sections dans cette
                  direction
 mais ceci implique la
                  création de nouveaux postes et la
                  disposition de nouveaux moyens
. Et si tout le
                  monde fait pareil, le Ministère sera soumis
                  à une explosion des demandes ! Lorsque le
                  pilotage était centralisé, celui-ci
                  pouvait réguler ces créations en se
                  contentant d'une gestion prévisionnelle
                  fondée sur l'existant et sur une
                  évolution assez prévisible de la
                  population scolaire !  
                  
                            
                    Comment risque-t-il de procéder
                  avec cette nouvelle donne ? Avant de
                  décentraliser la gestion du personnel
                  enseignant (ce qu'il a commencé à
                  faire pour les TOS), il sera tenté de
                  favoriser les transferts de postes (" si vous
                  voulez un nouveau poste dans une section nouvelle,
                  supprimez-en un dans une section existante") ou de
                  procéder à la manière de ce
                  qui se passe désormais dans les
                  hôpitaux (" faites la preuve que le
                  nouveau poste sera un bon investissement
                  ")
 
                  
                  [ Les
                  solutions hospitalières
                  ]
                  
                            
                    Voyons si ce schéma est
                  transposable aux lycées et collèges.
                   
                  
                            
                    On y retrouve les mêmes
                  découpages disciplinaires
 mais il y
                  manque un barème des actes
 Pendant
                  longtemps, le seul tableau de bord y fut le taux de
                  réussite aux examens, en notant tout de
                  même que les lycées les plus
                  prestigieux avaient abandonné depuis belle
                  lurette ce type de repère pour surveiller
                  leurs taux de réussite à
                  l'entrée des Grandes Ecoles ! Sous la
                  pression du local, il est à prévoir
                  que de nouveaux repères se mettront en place
                  : taux d'insertion professionnelle (ou durée
                  moyenne de la recherche d'un emploi) dans les
                  filières courtes, taux d'entrée dans
                  les IUT, les grandes écoles et les
                  universités dans les filières longues
                  et, probablement, des tableaux de plus en plus
                  précis sur les écarts entre offres et
                  demandes d'emploi
. Sans compter que les
                  universités devront probablement se
                  réformer elles aussi, en contrepartie d'une
                  autonomie accrue
 
                  
                            
                    On peut imaginer que les divers
                  établissements d'un même bassin
                  d'emploi soient amenés à se
                  fédérer et que la véritable
                  unité de pilotage devienne la filière
                  d'enseignement (à l'instar du pôle
                  hospitalier) avec à sa tête un
                  responsable enseignant, un conseiller
                  d'éducation et un responsable
                  financier
 On pourrait même imaginer que
                  chaque filière " entretienne " une
                  pépinière de nouvelles sections
                  virtuelles (des groupes d'enseignants
                  regroupés autour de divers projets innovants
                  et formant ainsi de petites " adhocraties ") et "
                  concrétise " les plus
                  prometteuses
 
                  
                            
                    Vous me direz qu'on n'en est pas encore
                  là ! Je vous répondrai qu'il vaut
                  mieux s'y préparer ! Ce faisant, on se
                  rapprocherait des entreprises " à la
                  japonaise " dont Nonaka et Takeuchi (1995) ont
                  énuméré les traits principaux
                  : 
                  
                  1)
                     elles ont une vision du futur qui fixe des
                     orientations communes. Cette vision vient du
                     sommet hiérarchique, dont les membres ont
                     une expérience approfondie de l'ensemble
                     des activités de l'entreprise et savent
                     écouter les suggestions de la
                     base.
                     Jusqu'à
                     présent, la vision du futur ne venait que
                     du Ministère. Dans une structure plus
                     divisionnalisée, cette vision peut venir
                     des proviseurs et des principaux
 qui sont
                     issus du corps enseignant, ont une grande
                     expérience de l'enseignement
 et
                     sont attentifs aux signaux du local
                     
                     2) elles
                     développent l'autonomie des individus et
                     des groupes en leur sein. Tout
                     particulièrement, elles mettent en place
                     des " task-forces " constituées de jeunes
                     ingénieurs aux compétences
                     diverses, qui disposent de toute latitude pour
                     mener à bien un
                     projet.
                     Dans des
                     structures divisionnalisées, ce serait le
                     côté " pépinière de
                     projets " parmi lesquels on
                     sélectionnerait de nouvelles
                     filières. 
                     
                     3) elles
                     entretiennent une culture de la crise (rien
                     n'est jamais acquis définitivement et la
                     conjoncture peut se retourner), contrairement
                     aux bureaucraties qui se figent dans la
                     réglementation.
                     Ici aussi,
                     des structures divisionnalisées devraient
                     apprendre à remettre
                     périodiquement en cause leurs options et
                     profiter des situations de crise pour envisager
                     de nouvelles orientations. 
                     
                     4) elles
                     maintiennent une certaine redondance des
                     activités (rotation des postes et des
                     fonctions, polyvalence des équipes) qui
                     multiplie les occasions
                     d'échanges.
                     Des
                     structures divisionnalisées devront
                     favoriser une polyvalence accrue des enseignants
                     et lutter contre le repli
                     disciplinaire. 
                     
                     5) elles
                     favorisent la variété des
                     réponses et des projets face aux
                     sollicitations immédiates ou plus
                     lointaines de
                     l'environnement.
                     C'est
                     l'idée d'avoir toujours plusieurs fers
                     sur le feu
 et de disposer de
                     réponses déjà
                     élaborées quand l'occasion se
                     présente.  
                  
                    
                |