Les mathématiques sont dangereuses
!... Il n'est que de considérer «
Les ravages des mathématiques
modernes » (titre d'un article
d'Impascience , n° 4-5, printemps 1976)
où « toutes les victimes de la
mathématique s'accumulent» (Le
Point, 17 mai 1976). Pour l'élève il
n'y a que deux solutions comme l'indique le titre
d'un article du Monde du Dimanche (27 janvier 1981)
"Maths ou crève". Partout c'est
"l'invasion des mathématiques"
(Sciences et Avenir, n° 73).
Quant au danger véhiculé
par cette discipline, il semble bien qu'il s'agisse
d'un danger lié à la forme
d'autorité qu'on lui attribue. En effet, la
plupart des qualificatifs employés ont trait
à une forme de gouvernement:
i La
royauté: « Dans les
années 1960, les mathématiques
détrônent toutes les autres
disciplines » (Le Monde, 16 septembre
1980), ou encore: Cette "noble discipline"
(L'Express, 19 juin 1977), «hors de la voie
royale, la filière C, point de
salut» (Le Nouvel Observateur, 3
décembre 1979). Pourtant la fin de cette
royauté absolue est annoncée,
« le règne absolu et
incontesté des maths modernes prend
fin» (Le Point, 17 mai 1976).
La
royauté n'est pas la seule forme de
gouvernement attribuée aux
mathématiques. C'est aussi « une
forme de totalitarisme qui répand
la terreur » (Psychologie, septembre
1978). Mais «est-ce la fin de cet
impérialisme?» (Le Matin, 16
septembre 1980). On craint malheureusement «
que le chemin soit encore long avant d'en finir
avec cette dictature » (Le Matin, 16
septembre 1980) (Voir le titre du Monde de
l'Education d'Octobre 2006 en image plus haut, 26
ans plus tard rien n'a changé!!!; elle
sévit même chez les matheux: «
Les taupes et la tyrannie des
mathématiques» (titre d'un article
du Monde, 24 janvier 1973).
Enfin, on attribue aux mathématiques
la forme de gouvernement la plus puissante car
la plus incontestable, c'est-à-dire celle de
Dieu lui-même, lorsqu'elles deviennent
«une théorie terriblement
dogmatique, formaliste à l'excès dont
les définitions, les axiomes et les
théorèmes tombent du ciel comme les
paroles du prophète» (Science et
Vie, septembre 1971).
Au service de ces royaumes, empires,
dictatures, les mathématiques sont le plus
zélé des agents de
sélection: «l'orientation est
devenue une forme de sélection plus
sévère que le Bac, et le couperet ce
sont les maths» (L'Express, 1976); les
mathématiques c'est "la guillotine"
(Le Point, 17 mai 1976) et «le tamisage
mathématique sert pour tous» (Le
Nouvel Observateur, 3 décembre
1979).
Au-delà de ce couperet se profile
un autre danger pour l'élève et ses
parents: «Le nouveau désordre
mathématique» (Psychologie,
septembre 1978); «c'est le cauchemar des
jeunes têtes blondes et la terreur des
familles» (Le Nouvel Observateur, 3
décembre 1979), ou pire «L'obsession
des maths» (titre du Figaro, 14 juillet
1981). On redoute «la névrose du
quantitatif actuel» (ibid.) ou bien on
cherche à «analyser les
mécanismes de cette névrose»
(Le Point, 17 mai 1976). Plus grave, on parlera
même de «la psychose du passage en
C » (ibid.), le professeur de
mathématiques étant celui qui
"tranche" (L'Express, 19 juin 1977). Le
Monde du 6 juin 1973 rapporte cette parole de l'un
d'entre eux : « Nous nous habituons
à jouer Dieu le Père. »
« Les professeurs de maths devenus les
grands prêtres du lycée s'en disent
les premiers désolés » (Le
Nouvel Observateur, 3 décembre
1979).
Ces quelques citations n'ont pas la
prétention de valoir une
étude mais reflètent, me
semble-t-il, une certaine
représentation imaginaire des
mathématiques qui se
perpétue et que tout un chacun peut
retrouver dans ses lectures. Je
n'étudierai pas la
réalité de la
sélection par les
mathématiques (en attendant
peut-être que l'informatique lui
succède!) mais
indépendamment de cette
réalité, il y a la
façon dont on en parle et dont elle
est vécue.
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