Une
des fonctions de l'institution: renforcer les
défenses des individus!
Elliot Jaques a montré que
c'était la fonction des institutions (et
donc des administratifs) de renforcer les
défenses des individus.
Souvent on accuse les administratifs de
refuser le changement, mais comme l'a dit
Antoine Prost: <<ils sont là
pour cela, c'est leur fonction que les choses
restent conformes à ce qu'elles
sont.>>
Du reste nous devons reconnaître, si
nous sommes honnêtes, que cela nous arrange
souvent de n'avoir rien à changer et de
pouvoir rester dans nos
"routines".
Du reste c'est pourquoi,
nous-mêmes, nous rajoutons parfois
des contraintes à celles que
l'administration nous impose.
Il
y a chez chaque "administratif" et chez
chaque "innovateur" un peu des deux
polarités (administrative et
innovatrice).
Chaque personne peut privilégier
l'une des deux mais garde au fond de lui
l'autre. (J'ai connu, dans un
petit collège retiré, des
enseignants de maths qui enseignaient avec
un retard de deux
programmes!) C'est donc
l'affaire de certains de provoquer le
changement, c'est celui des
créateurs, des
"innovateurs". La formation de
réseaux numériques va
faciliter leur travail. (Voir:
Hiérarchie
et réseaux)
Dans des stages de
formations clinique nous avons
souvent pointé comment des
stagiaires rajoutaient des
consignes à celles
données au
départ: alors que
la consigne était de
"partager";les cubes entres les
participants. ( voir: exercices
Les
cubes ) Les
hommes ou les institutions?
Dans un article de Connexions, n°44,
(Individu, création et histoire),
Eugène Enriquez rappelle qu'une
« vieille controverse continue à agiter
les sciences sociales. Elle peut se résumer
dans l'alternative suivante : - l'Histoire est le
produit de l'action des <<grands hommes
».
La réalité est certainement
plus complexe et se situe sans doute dans la
rencontre d'une structure particulière d'une
personne avec une situation particulière
d'un groupe. Mais qui sont
ces personnes qui arrivent à avoir une
influence sur les institutions?
Elles ne sont pas forcément
des grands hommes mais tout un chacun, qui
réunit un certain nombre de
caractéristiques: Elles sont,
d'après Enriquez, des êtres
« exotiques », des «
étranges étrangers
», qui éprouvent les
institutions dans lesquelles ils vivent,
non comme obligatoires, mais parfaitement
arbitraires. Ils sont taraudés par
la question des origines, revendiquent
à la fois leur héritage et
en même temps le nient. Ils
revendiquent en quelque sorte leur propre
originalité qui fait d'eux une
personne centrale, manifestant une
opiniâtreté absolue avec une
idée fixe, leur création est
un acte d'amour à l'égard
d'autrui qui est du reste entendu comme
cela par les gens
concernés.
Les administratifs
représentants de l'institution se
sentent, au contraire, agressés, et
le créateur ou l'innovateur a donc
besoin d'assumer à la fois cet
amour et cette
agressivité.
En définitive, ils luttent
continuellement contre le discours de
l'autre, qu'ils vivent comme
aliénant, cherchent à
construire des objets extérieurs
stables pour se délivrer de ce
discours.
J'ai montré dans
mes travaux de recherche que les
enseignants professeurs de
mathématiques les plus
innovateurs dans leurs
méthodes
pédagogiques,
étaient ceux qui avaient
une "représentation des
mathématiques" comme
"objet persécuteur", leurs
innovations concernant les moyens
d'aider les élèves
contre ce "mauvais objet"
(Les
modes de relations aux
mathématiques).
Christophe Marsollier
montre que les instituteurs les
plus innovants sont ceux qui ont
connu dans leur enfance des
épisodes douloureux et
sont parvenus à les
dépasser ; en revanche,
ceux qui ont eu une enfance
facile ou une mauvaise
élaboration de
difficultés
rencontrées sont les plus
résistants aux
innovations Qu'est-ce
qui fait que certaines idées émises
par ces personnes
se
développent et d'autres pas ?
Dans ce domaine, on en est encore au stade
de la recherche de métaphores utilisables et
pertinentes - Sperber dans son
livre « La contagion des idées
» (Odile Jacob), se servira d'une
métaphore biologique; il se demande
pourquoi certaines représentations sont
plus « contagieuses », et suppose que
l'esprit humain est réceptif aux
représentations culturelles comme
l'organisme est réceptif aux «
maladies », certaines « transmissions
» sont lentes, « les endémies
» représentent les traditions ;
d'autres sont rapides comme des
épidémies. Il montre
également qu'il y a des
phénomènes de «
sélection » des
représentations. Tension
entre innovateurs et administratifs
Cette tension entre innovateurs et
administratifs n'est-elle pas à rapprocher
de la tension nécessaire entre «
maintenir » et « changer », entre
« structure » et « création
», entre « tradition » et «
modernité »( voir: Finkielkraut
et/ou Meirieu? )
On a affaire à deux forces
contradictoires, toutes deux nécessaires,
comparables aux freins et au moteur d'une
voiture. La difficulté est
d'assurer la tension entre ces deux forces sans que
l'une bloque l'autre ou entraîne vers le
« n'importe quoi ».
Dans toute formation psychologique
d'enseignants, nous croyons à l'importance
du « cadre ». Il joue le rôle de
« contenant », de « repère
», qu'il s'agisse du cadre spatial, du cadre
temporel, des consignes, et du cadre
théorique (Voir: Importance
des cadres ). C'est
ce cadre (structure) qui nous paraît offrir
aux enseignants la possibilité de trouver un
« espace de création, d'innovation
» dans leur travail.
Il y a , en quelque sorte, en chacun de nous
un "administratif" et un "innovateur" (une
polarité qui désire le changement et
une autre qui désire rester dans nos
routines) c'est à nous d'accepter ces deux
polarités, de les reconnaître, de
savoir qu'elles sont utiles toutes les deux et de
résoudre la tension qui peut exister entre
elles.
On peut encore dire qu'il existe deux
"fonctions": l'une administrative qui a pour
objectif de vérifier que les règles
actuelles sont bien respectées, l'autre qui
cherche comment transgresser ces règles pour
en initialiser d'autres.
Quand aux personnes concrètes
(administratif, innovateur, autres...) elles
cherchent à exercer l'une et/ou l'autre
fonction avec toutes les organisations psychiques
possibles: on peut par exemple avoir un
"idéal" administratif mais beaucoup de
plaisir à innover ou au contraire avoir un
idéal d'innovateur mais trouver du plaisir
à administrer. On peut encore vouloir
présenter une image d'innovateur et vouloir
en réalité administrer!
La possibilité pour l'enseignant de
vivre, dans une formation clinique, cette tension
entre cadre et innovation peut l'aider, par
isomorphisme, à régler celle qui
existe en lui et dans ses classes entre le respect
de la loi et la possibilité de créer
un espace de motivation à apprendre et
d'innovation pédagogique. - comprendre combien
les contraintes administratives nous
satisfont inconsciemment dans la mesure ou
elles nous donnent la possibilité
de ne rien changer (ce qui est
sécurisant). - Trouver la marge
de manoeuvre qui existe réellement
(découvrir les contraintes
supplémentaires non mises par
l'administration et que l'on se
rajoute). -Savoir trouver
l'élément du système
qui sera le plus en phase avec notre
idée et sera donc capable d'agir
sur le système entier. - Savoir expliquer
sans relâche ce que l'on veut faire
aux parents ,
administratif,etc... - Savoir rassurer:
"on ne va pas tout chambouler", Comprendre
ce à quoi l'autre tient (sa part de
vérité) -Savoir que toute
innovation entraîne "amour" et
"agressivité" et donc être
prêt à assumer les
deux! DE PERETTI
(André) Hommes et
perspectives/Le journal des
psychologues 1990, 192 p.
(voir:
"L'innovation suscite des
craintes" de Michèle
Amiel" dans La lettre de
l'éducation"
7/10/02) <<Anne-Marie
Vaillé, présidente
du Conseil national de
l'innovation démissionne.
L'autonomie du Conseil est-elle
menacée ? L'innovation
encouragée ?>> (Voir
le Café
Pédagogique) Réaction: <<Votre
éditorial de novembre sur la tension
systémique entre innovateurs et
administratifs ouvre un débat qui
mériterait,selon moi, d'être
prolongé. Peut-être en
élargissant l'examen de cette relation au
couple administrateurs-praticiens en
général, qu'ils se présentent
comme innovateurs ou non. En prenant en compte les
spécificités du système de
l'éducation nationale qui font, par exemple,
que tous les administratifs ont commencé
comme praticiens et en sont marqués. Ce
système me semble présenter, à
un degré plus important que d'autres
institutions sociales, un type de relations
interhumaines très marqué par la
domination-soumission : l'élève doit
obéir à son maître (le terme
n'est pas anodin) ; celui-ci dispose, par sa
fonction, d'une autorité qui lui donne un
pouvoir discrétionnaire sur
l'élève (il juge sans appel des
productions de l'élève et ce jugement
est ressenti comme concernant aussi bien le travail
fourni, l'application que la personne
elle-même). L'enseignant, qui le plus souvent
n'a jamais quitté ce système, passe
un jour du "banc" des élèves à
la "chaire" du professeur. Aucun mot n'est anodin.
Comme, dans la majorité des cas, il a
été un "bon élève"
(dans tous les sens du terme), il endosse tout
naturellement son nouveau rôle de
maître. D'élève il devient
maître, de soumis, dominant..... Si
l'enseignant "de base" dispose d'un pouvoir sur ses
élèves, il est aussi soumis à
l'autorité de ses supérieurs (les
"autorités académiques"). Ceux-ci,
anciens "bons élèves" puis anciens
enseignants, ont tout naturellement tendance
à reproduire le type de relations inter
humaines qu'ils ont toujours connu. Les
administratifs ne sont pas seulement des
gestionnaires de moyens et de structures, ils sont
aussi des "chefs", des "patrons", comme leurs
subordonnés les nomment souvent. Il y a des
exceptions, j'en ai connu quelques unes au cours de
ma carrière...Les tensions
systémiques me semblent donc relever de la
nature même des relations inter humaines
"institutionnalisées" dans le système
scolaire. (Je pense que dans l'enseignement
supérieur, ces relations sont quelque peu
différentes).>>G.H.
Autrement dit ces administratifs sont
les représentants d'une partie de
nous-mêmes: celle qui désire
tranquilité, constance et
sécurité. On peut donc les
"reconnaitre".
- les masses (ou les
classes) font l'histoire ;
- Edgar
Morin, dans son tome 4 de La Méthode,
« Les Idées » (Seuil), utilise
les concepts de l'ethnologie pour décrire
« l'habitat », « la vie »,
« les moeurs », et « les
organisations » des idées ;