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systémique entre

innovateurs et administratifs

 

            Combien de fois n'avons-nous pas "râlé" contre l'administration qui ne comprenait rien à nos façons de faire , aux "réalités du terrain". Combien de fois n'avons-nous pas souffert de son "manque de reconnaissance" de nos efforts dès qu'il s'agit d'améliorer notre enseignement par des innovations dans notre classe ou notre établissement: l'innovation suscite des craintes chez les administratifs ! Et pourtant cette administration a une fonction! Comment comprendre cette tension entre innovateurs et administratifs? Comment en tenir compte dans notre action?

 

Une des fonctions de l'institution: renforcer les défenses des individus!

            Elliot Jaques a montré que c'était la fonction des institutions (et donc des administratifs) de renforcer les défenses des individus.

             Souvent on accuse les administratifs de refuser le changement, mais comme l'a dit Antoine Prost: <<ils sont là pour cela, c'est leur fonction que les choses restent conformes à ce qu'elles sont.>>

             Du reste nous devons reconnaître, si nous sommes honnêtes, que cela nous arrange souvent de n'avoir rien à changer et de pouvoir rester dans nos "routines". 

             Autrement dit ces administratifs sont les représentants d'une partie de nous-mêmes: celle qui désire tranquilité, constance et sécurité. On peut donc les "reconnaitre".

 

             Du reste c'est pourquoi, nous-mêmes, nous rajoutons parfois des contraintes à celles que l'administration nous impose.

             Il y a chez chaque "administratif" et chez chaque "innovateur" un peu des deux polarités (administrative et innovatrice).  Chaque personne peut privilégier l'une des deux mais garde au fond de lui l'autre.

L'absence de changement est du reste peu souvent sanctionnée

(J'ai connu, dans un petit collège retiré, des enseignants de maths qui enseignaient avec un retard de deux programmes!)

 C'est donc l'affaire de certains de provoquer le changement, c'est celui des créateurs, des "innovateurs".

La formation de réseaux numériques va faciliter leur travail. (Voir: Hiérarchie et réseaux)

            Dans des stages de formations clinique nous avons souvent pointé comment des stagiaires rajoutaient des consignes à celles données au départ:

<<je croyais que chacun devait avoir le même nombre de cubes>>

alors que la consigne était de "partager";les cubes entres les participants. ( voir: exercices Les cubes )

 

Les hommes ou les institutions?

            Dans un article de Connexions, n°44, (Individu, création et histoire), Eugène Enriquez rappelle qu'une « vieille controverse continue à agiter les sciences sociales. Elle peut se résumer dans l'alternative suivante :

- les masses (ou les classes) font l'histoire ;

- l'Histoire est le produit de l'action des <<grands hommes ».

             La réalité est certainement plus complexe et se situe sans doute dans la rencontre d'une structure particulière d'une personne avec une situation particulière d'un groupe.

 

Mais qui sont ces personnes qui arrivent à avoir une influence sur les institutions?

             Elles ne sont pas forcément des grands hommes mais tout un chacun, qui réunit un certain nombre de caractéristiques:

Elles sont, d'après Enriquez, des êtres « exotiques », des « étranges étrangers », qui éprouvent les institutions dans lesquelles ils vivent, non comme obligatoires, mais parfaitement arbitraires. Ils sont taraudés par la question des origines, revendiquent à la fois leur héritage et en même temps le nient. Ils revendiquent en quelque sorte leur propre originalité qui fait d'eux une personne centrale, manifestant une opiniâtreté absolue avec une idée fixe, leur création est un acte d'amour à l'égard d'autrui qui est du reste entendu comme cela par les gens concernés.

            Les administratifs représentants de l'institution se sentent, au contraire, agressés, et le créateur ou l'innovateur a donc besoin d'assumer à la fois cet amour et cette agressivité.

             En définitive, ils luttent continuellement contre le discours de l'autre, qu'ils vivent comme aliénant, cherchent à construire des objets extérieurs stables pour se délivrer de ce discours.

             J'ai montré dans mes travaux de recherche que les enseignants professeurs de mathématiques les plus innovateurs dans leurs méthodes pédagogiques, étaient ceux qui avaient une "représentation des mathématiques" comme "objet persécuteur", leurs innovations concernant les moyens d'aider les élèves contre ce "mauvais objet" (Les modes de relations aux mathématiques).

             Christophe Marsollier montre que les instituteurs les plus innovants sont ceux qui ont connu dans leur enfance des épisodes douloureux et sont parvenus à les dépasser ; en revanche, ceux qui ont eu une enfance facile ou une mauvaise élaboration de difficultés rencontrées sont les plus résistants aux innovations

 

Qu'est-ce qui fait que certaines idées émises par ces personnes se développent et d'autres pas ?

             Dans ce domaine, on en est encore au stade de la recherche de métaphores utilisables et pertinentes

- Edgar Morin, dans son tome 4 de La Méthode, « Les Idées » (Seuil), utilise les concepts de l'ethnologie pour décrire « l'habitat », « la vie », « les moeurs », et « les organisations » des idées ;

- Sperber dans son livre « La contagion des idées » (Odile Jacob), se servira d'une métaphore biologique; il se demande pourquoi certaines représentations sont plus « contagieuses », et suppose que l'esprit humain est réceptif aux représentations culturelles comme l'organisme est réceptif aux « maladies », certaines « transmissions » sont lentes, « les endémies » représentent les traditions ; d'autres sont rapides comme des épidémies. Il montre également qu'il y a des phénomènes de « sélection » des représentations.

  

 

Tension entre innovateurs et administratifs

             Cette tension entre innovateurs et administratifs n'est-elle pas à rapprocher de la tension nécessaire entre « maintenir » et « changer », entre « structure » et « création », entre « tradition » et « modernité »( voir: Finkielkraut et/ou Meirieu? )

             On a affaire à deux forces contradictoires, toutes deux nécessaires, comparables aux freins et au moteur d'une voiture.

La difficulté est d'assurer la tension entre ces deux forces sans que l'une bloque l'autre ou entraîne vers le « n'importe quoi ».

N'est-ce pas cette tension qui crée la vie ?

 

             Dans toute formation psychologique d'enseignants, nous croyons à l'importance du « cadre ». Il joue le rôle de « contenant », de « repère », qu'il s'agisse du cadre spatial, du cadre temporel, des consignes, et du cadre théorique (Voir: Importance des cadres ). C'est ce cadre (structure) qui nous paraît offrir aux enseignants la possibilité de trouver un « espace de création, d'innovation » dans leur travail.

             Il y a , en quelque sorte, en chacun de nous un "administratif" et un "innovateur" (une polarité qui désire le changement et une autre qui désire rester dans nos routines) c'est à nous d'accepter ces deux polarités, de les reconnaître, de savoir qu'elles sont utiles toutes les deux et de résoudre la tension qui peut exister entre elles.

             On peut encore dire qu'il existe deux "fonctions": l'une administrative qui a pour objectif de vérifier que les règles actuelles sont bien respectées, l'autre qui cherche comment transgresser ces règles pour en initialiser d'autres.

             Quand aux personnes concrètes (administratif, innovateur, autres...) elles cherchent à exercer l'une et/ou l'autre fonction avec toutes les organisations psychiques possibles: on peut par exemple avoir un "idéal" administratif mais beaucoup de plaisir à innover ou au contraire avoir un idéal d'innovateur mais trouver du plaisir à administrer. On peut encore vouloir présenter une image d'innovateur et vouloir en réalité administrer!

             La possibilité pour l'enseignant de vivre, dans une formation clinique, cette tension entre cadre et innovation peut l'aider, par isomorphisme, à régler celle qui existe en lui et dans ses classes entre le respect de la loi et la possibilité de créer un espace de motivation à apprendre et d'innovation pédagogique.

 

Pour assumer cette tension

- comprendre combien les contraintes administratives nous satisfont inconsciemment dans la mesure ou elles nous donnent la possibilité de ne rien changer (ce qui est sécurisant).

- Trouver la marge de manoeuvre qui existe réellement (découvrir les contraintes supplémentaires non mises par l'administration et que l'on se rajoute).

-Savoir trouver l'élément du système qui sera le plus en phase avec notre idée et sera donc capable d'agir sur le système entier.

- Savoir expliquer sans relâche ce que l'on veut faire aux parents , administratif,etc...

- Savoir rassurer: "on ne va pas tout chambouler", Comprendre ce à quoi l'autre tient (sa part de vérité)

-Savoir que toute innovation entraîne "amour" et "agressivité" et donc être prêt à assumer les deux!

Pour compléter:
Site
Livres
 

Entretien_avec_Françoise_CROS_

au_cafepedagogique.net

Mini psychologie de l'Ad-mini-stration.

DE PERETTI (André)

Hommes et perspectives/Le journal des psychologues 1990, 192 p.

(voir: "L'innovation suscite des craintes" de Michèle Amiel" dans La lettre de l'éducation" 7/10/02)

<<Anne-Marie Vaillé, présidente du Conseil national de l'innovation démissionne. L'autonomie du Conseil est-elle menacée ? L'innovation encouragée ?>> (Voir le Café Pédagogique)

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Commentaire

 

Réaction:

<<Votre éditorial de novembre sur la tension systémique entre innovateurs et administratifs ouvre un débat qui mériterait,selon moi, d'être prolongé. Peut-être en élargissant l'examen de cette relation au couple administrateurs-praticiens en général, qu'ils se présentent comme innovateurs ou non. En prenant en compte les spécificités du système de l'éducation nationale qui font, par exemple, que tous les administratifs ont commencé comme praticiens et en sont marqués. Ce système me semble présenter, à un degré plus important que d'autres institutions sociales, un type de relations interhumaines très marqué par la domination-soumission : l'élève doit obéir à son maître (le terme n'est pas anodin) ; celui-ci dispose, par sa fonction, d'une autorité qui lui donne un pouvoir discrétionnaire sur l'élève (il juge sans appel des productions de l'élève et ce jugement est ressenti comme concernant aussi bien le travail fourni, l'application que la personne elle-même). L'enseignant, qui le plus souvent n'a jamais quitté ce système, passe un jour du "banc" des élèves à la "chaire" du professeur. Aucun mot n'est anodin. Comme, dans la majorité des cas, il a été un "bon élève" (dans tous les sens du terme), il endosse tout naturellement son nouveau rôle de maître. D'élève il devient maître, de soumis, dominant..... Si l'enseignant "de base" dispose d'un pouvoir sur ses élèves, il est aussi soumis à l'autorité de ses supérieurs (les "autorités académiques"). Ceux-ci, anciens "bons élèves" puis anciens enseignants, ont tout naturellement tendance à reproduire le type de relations inter humaines qu'ils ont toujours connu. Les administratifs ne sont pas seulement des gestionnaires de moyens et de structures, ils sont aussi des "chefs", des "patrons", comme leurs subordonnés les nomment souvent. Il y a des exceptions, j'en ai connu quelques unes au cours de ma carrière...Les tensions systémiques me semblent donc relever de la nature même des relations inter humaines "institutionnalisées" dans le système scolaire. (Je pense que dans l'enseignement supérieur, ces relations sont quelque peu différentes).>>G.H.

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