Esprit du site
Moteur de recherche
Recherche d'article par auteur
Pedagopsy.eu
Recherche de livres par motsclefs
Plan du site
L'auteur

PLAN DU SITE

 

 

Plaidoyer pour la richesse des hommes dans l'Education Nationale

Marie-Françoise Bonicel   

               La question de l'évolution ou du changement professionnel se pose dans tous les secteurs de la vie économique ou sociale. Il y a 40 ans on disait à nos étudiants qu'ils auraient 3 employeurs, il y a 30 ans, au moins 3 métiers différents dans leur parcours. Et il y a dix ans, que 80% des métiers de 2050 n'existaient pas encore !

 

              Les réflexions d'Alain Bouvier étayées dans son immense expérience, celles de Rémi Boyer puisées dans sa rencontre avec la demande souvent formulée en forme de plainte de nombreux enseignants souhaitant quitter le métier, suffiraient à nourrir ce dossier. Mais elles m'inspirent quelques échappées réactivant des constats et des situations rencontrées dans mes différents métiers de l'éducation et de la formation où j'y fus confrontée. Je pense là, à mon métier d'inspectrice de l'Aide à l'Enfance, à mes responsabilités d'enseignante en option " gestion du personnel ", à l'IUT de Troyes, et du suivi des stagiaires en entreprises ou institutions, Mais aussi comme directrice-adjointe de l'IUFM expérimental de Reims, chargée du personnel, mes activités de consultante en entreprises ou institutions, celle de coach de responsables de GRH, de formation, de bilan de compétences dans le privé et le public, notamment dans l'Education Nationale. Parfois aussi dans l'accompagnement de personnes souhaitant faire évoluer leur carrière ou changer de métier.

              La question de l'évolution ou du changement professionnel se pose dans tous les secteurs de la vie économique ou sociale. Il y a 40 ans on disait à nos étudiants qu'ils auraient 3 employeurs, il y a 30 ans au moins 3 métiers différents dans leur parcours. Et il y a dix ans, que 80% des métiers de 2050 n'existaient pas encore !

              Une des grandes questions contemporaines - tous secteurs confondus, est à la fois, de maintenir l'employabilité des personnes et de les préparer aux changements techniques et environnementaux, aux changements culturels et sociaux, notamment ceux liés aux processus de mondialisation, afin de leur éviter d'être frappés d'obsolescence. Et parmi les défis à venir, l'un d'entre eux est de répondre à la question : " comment former à des métiers qui sont encore totalement inconnus " ? Si l'enseignement n'est pas inconnu, c'est la manière de l'investir, le changement du public et le champ dans lequel il s'exerce qui sont des inconnues !

              Les interrogations concernent aussi bien l'industrie que les secteurs des services, ceux de la santé ou du social, de l'éducation et de la formation. Pourquoi l'Education nationale échapperait-elle à ces défis qui ont toujours existé, mais que la rapidité des mutations rend plus angoissants ? Si l'éducation n'a pas à répondre aux critères de rentabilité du secteur marchand, elle n'est pas dispensée pour autant d'exigence d'efficacité, exigence à laquelle participe largement une meilleure utilisation des compétences existantes, de celles à développer ou à susciter, ainsi qu'au redéploiement des personnels vers d'autres activités si besoin. Cette dimension là de la gestion des hommes, ne constitue pas la totalité de la mission, mais en est une ligne stratégique.

 

" Conversion ou reconversion ?Reconversion subie ou reconversion choisie ?

 

              La terminologie questionne ; pourquoi parles t'on de re-conversion, alors que le terme de conversion implique déjà un changement d'état ?

              Au-delà de cette curiosité lexicale et au risque de faire une typologie caricaturale, je verrais 4 grandes catégories d'enseignants susceptibles de bénéficier d'une réorientation professionnelle, qu'elle soit subie ou choisie.

 

- Les égarés, ceux qui n'auraient jamais du être là.

 

              Dans tous les métiers, il y a des erreurs d'orientation et des erreurs de recrutement. Ici cela peut-être le métier choisi par tradition familiale, par souci de sécurité, pour sa compatibilité avec la vie familiale (notamment les femmes), par intérêt pour la matière mais pas pour sa transmission, ou pour d'autres raisons circonstancielles : tout a été écrit sur ce sujet.

 

              Si les cabinets de recrutement ou les services du personnel du secteur privé peuvent commettre des erreurs d'appréciation malgré la batterie de moyens mis en œuvre, les recrutements sur concours tels qu'ils sont conçus ne permettent guère de repérer ces fragilités de motivation et encore moins les fragilités psychiques qui peuvent inconsciemment orienter les choix vers ce secteur où l'école est un lieu familier, et les enfants des partenaires moins angoissants que les adultes. Pour m'être trouvée " enfermée " durant 4 années , par un concours que beaucoup enviaient ( le Trésor), dans un premier métier choisi pour des raisons de sécurité et de confort immédiat, j'ai de la compréhension et de la compassion pour ceux qui souffrent d'un choix non pertinent, et une forte motivation pour les inviter à en sortir comme je l'ai fais.

 

              Un travail sur l'amont des choix reste incontournable, mais comme l'arlésienne, cette question traverse les décennies et se heurte aux résistances, notamment syndicales. Je ne sais pas si cette maxime au fronton de ma mémoire scolaire, " Errare humanum est, perseverare diabolicum " a jamais ébranlé nos décideurs. Toute erreur d'orientation peut se corriger, comme nous le rappelle Rémi Boyer, déroulant les centaines de réorientations réussies. Mais pour cette catégorie, les égarés, il importe que la réorientation soit très rapide, qu'elle soit volontaire, incitée ou contrainte.

 

- Les déçus du paysage de l'affectation géographique ou du public

 

              Ils rêvaient d'un poste avec vue sur mer, la vallée de Chamonix ou à l'écoute des cigales en Provence : ils atterrissent dans un secteur en détresse industrielle, dans une cité à l'abandon, un secteur rural inaccessible. Ils rêvaient d'enseigner la langue de Goethe, choisie par des élèves motivés, mais la désaffection vis-à-vis de cette langue, les obligent à l'exercer dans trois lieux différents, parfois très éloignés (comme je l'ai vu dans l'Académie de Créteil ou dans l'Aube) avec un empilement des réunions et des rencontres avec les parents sans compter des trajets épuisants.

 

              A Paris, agrégés, ils rêvaient de Fénelon ou de Carnot (Henri IV ou Louis le Grand pour plus tard), ils se retrouvent en zone sensible dans un lycée professionnel de la " couronne " ou intra-muros. Certains font d'ailleurs le choix d'y rester par conviction, d'autres demandent leur mutation dès leur arrivée, peu armés pour faire face aux problèmes sociaux ou culturels.

              Je pense à cette agrégée d'espagnol qui enseigne avec bonheur à Sciences Po, et que j'ai connue dépressive, accablée d'être affectée faute de poste en lycée, dans un collège rural de l'Aube profonde, où elle avait suivi son mari pour ses contraintes professionnelles.

              On se souvient de Cécile Ladjali, agrégée elle aussi, et de son magnifique travail d'enseignante de lettres à Drancy, affectée pendant plusieurs années dans un lycée difficile où elle a laissé son empreinte avant de devenir Maitre de conférences à la Sorbonne mais qui fait encore le choix d'enseigner aussi à des jeunes sourds.

              Je pense encore à cette jeune professeur des Ecoles, affectée dans une classe unique de la Haute-Marne, sans matériel pédagogique et qui à chaque demande d'enfant pour aller aux toilettes devait conduire toute sa classe en même temps, de l'autre côté de la rue, faute d'auxiliaire pour assurer la surveillance. Ces préoccupations matérielles, la gestion d'une classe unique à laquelle elle n'avait pas été préparée, rendaient inopérants tous les discours pédagogiques fussent-ils savants.

 

- Les épuisés du système

 

              Pour les uns ce sera la lassitude d'enseigner la même chose chaque année à des élèves perçus comme étant de moins en moins attentifs. Comment régénérer la motivation, celle des élèves, la sienne propre sur fond de (ou de sentiment de) solitude, face à l'agressivité de parents perdus, sur fond de circulaires jargonnantes et décalées ?

 

C'est un grand agrément que la diversité :

Nous sommes bien comme nous sommes.

Donnez le même esprit aux hommes,

Vous ôtez tout le sel de la société.

L'ennui naquit un jour de l'uniformité

 

affirmait le poète Houdar Antoine de la Motte au 18eme (il a sombré depuis dans les oubliettes de l'histoire, mais ce vers est resté célèbre.) La diversité est, elle, d'une actualité débordante qui ne cesse d'inviter à penser et à agir autrement.

 

              Pour d'autres, l'épuisement sera plutôt lié aux changements incessants et parfois contradictoires comme ceux de l'histoire, ou de se retrouver à enseigner des matières nouvelles en technologie pour des enseignants issus d'autres filières. Crainte d'avoir à se confronter à des changements de contenu et plus encore à enseigner autrement. L'irruption des nouvelles technologies qui ont pris leur temps pour être intégrées dans les établissements scolaires et plus encore dans l'univers des enseignants, en est le symbole manifeste, alors que des merveilles sont réalisées dans ce domaine et qu'elles ouvrent un chemin vers les jeunes qui adhérent à ces outils avec facilité.

 

              Mais quelle révolution dans la pensée et dans l'adaptation : nécessiter de se familiariser avec la technique, savoir que les élèves y sont parfois plus compétents, s'appuyer sur le travail de groupe (en classe, mais aussi entre professeurs).

              Nous connaissons cette souffrance nouvelle qui s'est manifestée dès les années 1980-1990, dans les entreprises, dans la fonction publique où des personnels vieillissants (j'en ai connus à la Sécurité sociale, aux Allocations familiales ou dans des grosses entreprises, qui ont vécu leurs dernières années professionnelles comme des calvaires).

Il arrive aussi que ce soient les élèves eux-mêmes qui refusent d'évoluer : " Même charmeurs, intelligents, sensibles, mes élèves de Seine-St Denis (mes chers derniers élèves), parfois m'épuisaient, me mettant durement face au monde, à l'altérité réticente, au refus d'évoluer- et le combat d'hier est devenu aujourd'hui plus exigeant encore pour une majorité d'enseignants ", nous rappelle Nicole Martini dans son livre " Notre école a-t-elle un cœur ? "

 

- Les aventuriers de la nouveauté

 

              A l'intérieur de l'Education nationale, ils ne sont pas forcément en souffrance : ils ont souvent adhéré à des actions et pratiques innovantes et ont participé à des formations d'ouverture. Mais après avoir épuisé les possibilités de changement sur site, avant d'être eux-mêmes épuisés, ils cherchent à changer de type d'établissement, ou de fonction dans le cadre institutionnel, utilisant les mutations, les détachements ou même les mises en disponibilité pour expérimenter d'autres métiers. Certains passent une thèse et intègrent l'enseignement supérieur et la recherche. Ce sont le plus souvent des personnes qui ont été très créatives dans leurs premiers métiers (voir les parcours originaux d'André Giordan, de Charles Gardou ou de Jacques Nimier par exemple)

Ils ont fréquemment acquis une expertise dans leur domaine initial ou dans un autre et la réinvestissent ailleurs et autrement (ceci concerne aussi les autres personnels : assistants sociaux, conseillers d'orientation, infirmières ou chefs d'établissements, inspecteurs)

 

              Des visages me viennent ainsi en mémoire : enseignants devenus formateurs d'adultes et sollicités en France ou à l'étranger, détachés au GRETA ou devenus thérapeutes, conseillers dans des institutions européennes ou auprès d'ambassades. Une assistante sociale que j'ai connue en établissement, puis auprès de l'Inspection académique et détachée pour la politique jeunesse de la ville. Un conseiller d'orientation dans le secondaire, puis le supérieur, devenu formateur et enfin inspecteur SAIO. Une enseignante devenue IPR, Directrice adjointe d'IUFM puis Chef de MAFPEN, et enfin inspectrice générale, innovante à chaque étape…

 

              Alors quelle politique de personnel face à ces demandes de changements ? Cela parait une mission impossible tant que la gestion des personnels sera pensée comme une gestion administrative des dossiers, incontournable dans le fonctionnement centralisé qui reste la norme avec les points d'ancienneté qui vous permettent de descendre la vallée du Rhône à petits pas ou à saut de gazelle à la faveur d'un concours.

 

Un cas d'école…

              Je porte encore la colère et la honte d'avoir été impuissante face à une gestion de dossiers au lieu d'une gestion des hommes, pour une équipe de formateurs dont j'avais la responsabilité dans l'Académie de Reims. (Stages FNTE - Nimier durant 15 ans). (Voir compte rendu dans la la revue Connexions) La mission de ces formateurs a été close sans concertation et dans une violence absolue par le Recteur de l'époque, malgré les interventions au plus haut niveau. Le DRH, n'a jamais pris la peine de les rencontrer pour envisager leur avenir et ne leur a jamais notifié la suppression de leur détachement à temps partiel ou total. Ils ont été avisés par leur lycée d'origine pendant l'été qu'ils figuraient sur les listes du lycée, et de leur affectation dans telle classe.

              Deux situations particulièrement scandaleuses dans cette maltraitance qui aurait conduit n'importe quel patron de PME devant les prud'hommes : j'avais alerté le Recteur et le DRH sur le cas d'une enseignante de maths, détachée depuis 15 ans, et qui venait de déclencher un cancer et sur un couple d'enseignants qui venait de perdre leurs deux enfants dans un accident au cours de l'été. Aucun d'eux n'a été reçu, aucun courrier personnel pour accompagner leur réaffectation. Mais la gestion administrative des dossiers a été bouclée aux normes.

              Mais quels sont les obstacles à une meilleure fluidité des compétences ? Sans que la liste soit exhaustive, quelques uns émergents dans mon expérience.

 

" La persistance de mythes

 

              Celui de la vocation : si ce mode d'orientation atteint encore un certain nombre de postulants qui portent en eux le désir de transmettre souvent issu de la passion de leurs propres enseignants, pour beaucoup, c'est un métier comme un autre ( on voit ce même changement chez les infirmières ou médecins).

 

              Le choix de la survie sur place: on peut tout accepter, en s'adaptant a minima. C'est là une confusion entre un ajustement conservateur et un ajustement créatif comme on le propose en gestalt-thérapie ( Serge Ginger). Cela gagne souvent les enseignants en fin de carrière, avec l'objectif de " tenir jusqu'à la retraite ". Un ajustement créatif consisterait à s'appuyer sur l'immense expérience de ces enseignants dans l'accompagnement de jeunes enseignants ou d'équipes ou dans la conception de programmes ou d'outils.

 

Le déplacement du problème : je ne suis pas convaincue qu'un mauvais enseignant devienne forcément un bon chef d'établissement, et je ne suis pas non plus convaincue qu'il faille avoir été enseignant pour devenir chef d'établissement - un directeur d'hôpital pour avoir une vision d'ensemble et ne pas rester enfermé dans une nostalgie corporatrice n'est ni médecin, ni brancardier, ni infirmier ! Les documentalistes se sont un temps rebellés, eux qui venaient d'avoir un vrai diplôme, devant l'orientation " sanitaire " de collègues enseignants, réorientés par nécessité vers cette spécialité.

Conversion subie ou choisie, elle n'est pas forcément choisie de façon positive, mais faute de mieux. " Où que tu ailles ma fille, tu as ton derrière derrière toi " affirmait la grand -mère de Jacques Salomé, qui faute d'études disposait d'une grande expérience.

 

" La résistance au changement : celles des institutions mais aussi celle des individus

 

"               "La peur du nouveau est dans beaucoup de situations plus forte qu'une souffrance familière " nous rappelle le psychosociologue Jacques Salomé.

              C'est pourtant une lutte contre la montre, ici et ailleurs qui est entreprise pour ajuster les compétences aux exigences d'un monde qui bouge à grandes foulées. Cette résistance au changement se manifeste aussi par des comportements inadaptés renforcés par la complicité inconsciente des responsables timorés et des agents tétanisés dans ce tourbillon.

              Dans le cadre du redéploiement des personnels de la fonction publique (anachronisme du nombre de fonctionnaires de l'Agriculture ou des Anciens Combattants), on se souvient des violentes réticences syndicales ou corporatistes alors même que des garanties d'avantages acquis étaient affirmées. Il ne s'agissait pourtant pas de changement de métier, mais de contexte.

              Dans les années post 1968, de nombreux prêtres (alors moins diplômés qu'aujourd'hui) ont quitté leur sacerdoce avec cette interrogation. Que faire ? Dans mes missions successives, j'en ai trouvé partout : dans l'ingénierie du lien social, directeurs de CAT ou de maison d'enfants, dans l'économie quaternaire (expression de Roger Sue), après concours ou reprise d'études. Ils ont pu réinvestir leur vocation autrement. Pourquoi pas des enseignants ?

 

Le mythe de l'objectivation des relations (normes, procédures, indicateurs...:) dans les recrutements, les avancements, les regroupements... "Pas d'arbitraire...on va être soumis à sa volonté...". Avec souvent une collusion inconsciente entre syndicats et administration pour avaliser cette tendance. La fonction de ce mythe est d'évacuer la subjectivité de toutes relations avec la responsabilité qui l'accompagne et parfois la culpabilité qui s'en suit.

 

L'enseignant est rentré dans son métier avec une évidence de stabilité.

 

              Il y a en commun entre les personnels des services publics et parapublics une composante que l'on oublie trop souvent. Le salarié de la poste ou de l'éducation n'est pas entré dans ce circuit pour la mobilité du métier (sauf progression dans la hiérarchie). Les postiers doivent aujourd'hui changer de métier en interne et devenir des commerciaux plutôt que des administratifs, et la souffrance au travail de ces personnels désorientés a été très médiatisée.

Paradoxalement, ce statut de fonctionnaire qui peut donner un sentiment de sécurité pour innover, faire évoluer ses pratiques et au besoin changer de poste dans le paysage de la fonction publique, donne des semelles de plomb quand on parle de mobilité et de reconversion, même en interne.

              Pour ces fonctionnaires la perspective du changement va toucher en effet des représentations et des pratiques contradictoires à tous niveaux.

 

L'ignorance des talents des individus par eux-mêmes et par l'institution.

 

           Dans les processus que j'avais mis en place pour accomplir la mission qui m'était confiée comme Directrice Adjointe de l'IUFM expérimental de Reims, j'avais procédé à un pèlerinage auprès de tous les formateurs des sites (les cinq anciennes écoles normales), non pas pour étudier les dossiers administratifs consultables au Rectorat, mais pour entendre les personnels sur leurs expériences et compétences autres que celles qui y figuraient et sur leurs attentes.

Un audit humanisé, pour constituer un vivier de personnes ressources adaptables, flexibles. Je me souviens de mon admiration devant toutes ces compétences acquises ailleurs : animation de groupes, expériences culturelles, artistiques, associatives, politiques et citoyennes stérilisées dans la pratique contrainte et stéréotypée de la formation qu'ils assuraient.

Je me souviens de leur propre étonnement et de leur adhésion large à mon engagement, mais tout autant de la réaction de ce responsable syndical devant cette initiative :

" Vous voulez nous transformer en bétail d'entreprise ". Je suppose que ce long travail suivi de préconisations a subi un classement vertical après mon départ, même s'il m'a valu post mortem (celle de ma fonction !) l'attribution des palmes académiques par le président de l'Université.

            Pour connaitre des personnels investis avec une forte implication dans l'accompagnement des enseignants sollicitant un changement ou invités à changer, et qui ont pour eux-mêmes traversé ce parcours, s'investissant dans des formations personnelles à leurs frais le plus souvent, je sais leur engagement et leur conscience professionnelle malgré la minceur de leur marge de manœuvre.

           Je sais aussi comment elles doivent travailler dans le prêt à porter et le cousu main, invitant en interne à réveiller le désir - (comment faire germer le désir d'apprendre chez les élèves, si le sien est en berne), et en externe à faire émerger les talents et à ouvrir des perspectives ignorées : " Nous sommes pauvres de ce que nous ne savons pas que nous avons " ne cesse de dire Jacques Salomé.

 

           La formation continue, levier des changements : devenue parente pauvre du système éducatif, elle témoigne de l'indigence d'une projection sur l'avenir.

 

           La mobilité professionnelle qui devrait être la situation normale dans un monde qui bouge à grande vitesse ne peut être mise en œuvre sans cet appareillage que constitue la formation tout au long de la vie. Malgré le constat que les individus ont tendance à aller se former là où ils sont déjà bons, elle est le creuset de la transition professionnelle et de la sortie de la solitude.

           Nous connaissons tous des entreprises industrielles qui ont jeté l'éponge en n'ayant pu résister à la concurrence, et qui ont laissé leurs personnels en grande difficulté faute d'une formation continue pensée pour s'adapter non seulement aux évolutions de l'entreprise, mais aussi pour leur permettre d'accéder à d'autres types de responsabilités.

 

           Nous savons en anthropologie que plus une personne étrangère maitrise sa culture et qu'elle la comprend, plus elle a des facilités pour s'adapter. En mobilité professionnelle, plus la personne a acquis de compétences, plus elle est aura des facilités pour la transition et la formation continue y participe surtout si elle ouvre des fenêtres dans la vie du salarié sur

" le complexe et le contexte " (E. Morin).

           C'était la politique de Michelin dont j'avais rencontré le DRH, capable de recruter des diplômés, sans projet de poste a priori, souvent puisés dans un vivier de talents repérés à l'occasion de stages : littéraires ou scientifiques, philosophes ou juristes…et même des enseignants en reconversion.

 

           Alors quelle employabilité pour ces enseignants ? J'ai cité la réactivation de la motivation, des mobilités dans l'institution, des changements de contexte et de métier, à penser dans une gestion globale, du recrutement à la fin de vie professionnelle. Rémi Boyer a décliné dans son livre de nombreuses pistes et réussites, tout en sachant que c'est toujours un exercice périlleux, là où affrontent des logiques obscures pour changer à l'intérieur de soi, changer à l'intérieur de l'institution, changer non en s'exilant, mais en choisissant d'être ailleurs, éventuellement, en tenant compte des contraintes familiales, sans amertume mais fidèle à ses conceptions de l'homme.

"            Vivre c'est naviguer dans un océan d'incertitudes à travers des archipels de certitudes " et nous avons besoin de " mondiologues " rappelait Edgar Morin au sommet Wise d'octobre 2013 au Qatar sur " l'Education innovante

 

Vos  Réactions

Adresse mail facultative

Commentaire

Esprit du site
Moteur de recherche
Recherche d'article par auteur
Pedagopsy.eu
Recherche de livres par motsclefs
Plan du site
L'auteur