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Il n'y a de gestion des resources humaines que de proximité et par la confiance

 

Alain Bouvier

Ancien recteur

Professeur émérite des universités de Poitiers et Sherbrooke

  Voilà un titre éloquent, et une conviction forte qui s'appuie à la fois sur la très riche expérience de l'auteur au service de différentes structures publiques de l'État, et sur une analyse du succès de l'association " Aide aux profs ". L'auteur aborde sans complaisance dans cet article un certain nombre de pratiques administratives inspirées par la facilité et " l'illusion égalitaire " ; il y fait des recommandations sur la nécessaire évolution de la gestion impersonnelle et bureaucratique pratiquée à un niveau global et sur l'indispensable reconnaissance de la gestion de proximité des personnes, inspirée par le respect et l'intérêt pour la richesse humaine.

 

           Sur la dite " gestion " des ressources humaines, expression convenue que je n'aime pas mais que j'emploierai néanmoins (1) on pourrait partir d'une analyse globale du système éducatif (plus d'un million de personnes) avec sa grande complexité, pour se rapprocher du " terrain " (selon un autre mot convenu), en courant le risque que tel un mirage, on ne l'atteigne jamais. Dans ces quelques lignes, je voudrais montrer qu'en réalité l'essentiel des questions abordées sur ce thème relèvent avant tout de l'humain. Elles se jouent au plus près des acteurs et la confiance entre enseignants et personnels d'encadrement est absolument nécessaire.

           Je m'appuierai sur des exemples concrets inspirés de mes positions institutionnelles successives, dans des structures publiques de l'État. Elles illustrent ma thèse : il ne peut y avoir de gestion des ressources humaines que de proximité et en confiance (2) n'en déplaise à la technostructure nationale et ses " alliés objectifs " : la majorité des organisations syndicales. J'observe avec tristesse que trop d'énergie est dilapidée et que trop de temps est consacré à des questions bureaucratiques, hiérarchiques, corporatistes et verticales, " à la petite semaine ". Elles sont empreintes de méfiance, alors qu'il faudrait se mobiliser, dans la confiance, sur les réseaux fonctionnels horizontaux. Agir là où les acteurs construisent le sens de leur action. Employer la reconnaissance comme philosophie des rapports humains et comme outil de management.

 

 Du micro au macro : que peut-on observer ?

 

           Sans y avoir été préparé, j'ai découvert empiriquement ce que signifiait avoir la responsabilité d'un petit collectif humain lorsque, en 1985, je devins directeur de l'Institut de recherche sur l'enseignement des mathématiques (IREM) (3) de Lyon. D'avoir préalablement exercé la présidence d'une association d'enseignants, ou d'avoir créé et d'animer une petite équipe de recherche en mathématiques pures, d'être membre de différentes instances de mon université, n'étaient en rien une réelle préparation à cette fonction nouvelle pour moi. Aujourd'hui, avec le recul, je trouve que la situation dans laquelle je me suis alors trouvé était exemplaire de plusieurs façons, comme je vais l'exposer. J'espère que les actuels directeurs d'IREM demeurent dans des dispositions proches de celles que je connus et qu'ils restent conscients de la richesse humaine de leur situation.

           L'IREM de Lyon disposait alors (je cite de mémoire) d'une quarantaine de formateurs, tous à temps partiel, six de l'enseignement supérieur, les autres de l'enseignement secondaire, un ou deux du primaire, recrutés par le directeur pour une durée non uniforme et non précisée de l'ordre de quelques années, afin de permettre un renouvellement suffisant des personnes et surtout des compétences. Depuis 1969, à trois reprises, j'avais été formateur à l'IREM de Lyon, sur trois sujets différents liés à des réformes successives de programmes, sur des thèmes que j'avais proposés pour assurer des formations continues d'enseignants, accompagnées de la rédaction de différents documents. Le terme de " gestion des ressources humaines " ne s'employait pas encore, mais sans le savoir, je l'avais découverte de l'intérieur en étant directement concerné comme formateur. La relation était vraiment de proximité et en confiance. Concernant mon rôle, mes missions et mes projets de formateur, je pouvais, sans rendez-vous, venir m'en entretenir avec les directeurs successifs. Dans les diverses réunions d'équipe, ces sujets étaient abordés de façon simple, directe et naturelle.

           En devenant directeur " à mon tour ", comme cela se disait chez les formateurs qui m'avaient élu, je découvris qu'à la partie visible que je connaissais bien s'ajoutait une partie moins connue : les formateurs avaient tous des carrières et des statuts différents. Pour jouer mon nouveau rôle, assumer mes responsabilités, je devais comprendre comment cela se jouait dans chaque domaine (enseignement supérieur et enseignement scolaire, primaire, secondaire général et professionnel) et de quelle façon je pouvais intervenir. Heureusement beaucoup des formateurs étaient plus âgés et plus expérimentés que moi. Évidemment ils le savaient et me donnaient avec bienveillance, une à une, les clés les plus utiles. J'ai eu beaucoup de plaisir à exercer ce rôle, faisant, à la façon de Monsieur Jourdain, de la gestion des ressources humaines sans le savoir. Tout était de proximité, concernait des personnes, pouvait se faire en confiance, de façon transparente, dans le respect des uns et des autres. La dimension humaine primait et les relations avec les organisations syndicales, elles aussi de proximité, ne reposaient pas sur des outils bureaucratiques : la formation continue, qui n'avait que quelques années d'existence, n'était pas encore fossilisée ; régnait un esprit militant et novateur très stimulant. J'ignore ce qu'il en est aujourd'hui.

           Un an après, recruté par le recteur Maurice Niveau (4) comme chef de la Mission académique à la formation des personnels de l'Éducation nationale (MAFPEN (5) de Lyon, restant dans le même milieu professionnel, celui des formateurs, je crus d'abord qu'il ne s'agissait pour moi que d'un simple changement d'échelle. Je n'étais nullement entraîné à faire des analyses de situations institutionnelles complexes et variées, à savoir repérer les enjeux, les obstacles et les leviers. Bien entendu je fus immédiatement frappé par l'effet de taille : près de 70 formateurs permanents, chargés de la responsabilité des différents réseaux, côtoyaient plusieurs centaines de formateurs à mi-temps ou à des quotités inférieures, répartis sur tout le territoire de l'académie. C'était une époque, incroyable aujourd'hui, où les moyens financiers accordés à la formation continue de tous les personnels étaient considérables. Le changement de taille, pour spectaculaire qu'il fût pour moi, n'était pas le point majeur. En fait, je passais d'un établissement public que je dirigeais, à un service rectoral ; de l'enseignement supérieur à l'enseignement scolaire ; j'étais responsable de tout, avec un budget considérable, mais au nom du recteur qui, seul, avait la signature. " Mes " formateurs étaient aussi " ses " enseignants et devaient leur carrière, leurs promotions, leurs mutations à la mécanique rectorale que j'avais à découvrir. Encore récente, la MAFPEN n'était pas, elle non plus, fossilisée (loin s'en fallait !), mais la bureaucratie avançait à grands pas avec son cortège de commissions par dizaines. Je connaissais bientôt, individuellement, un grand nombre des formateurs que j'avais déjà rencontrés comme collègues dans le passé ; mais pas tous, bien sûr. Le plus souvent je travaillais, individuellement ou collectivement, avec une quarantaine de " collaborateurs ", chacun responsable d'un secteur ou d'un réseau, parfois des deux. Il me fallait aussi tenir compte d'un nombre élevé de " présidents " de commissions (enseignants-chercheurs, inspecteurs ou enseignants), élus par les commissions et jaloux de leurs prérogatives. Les organisations syndicales, les associations de spécialistes et les mouvements pédagogiques étaient parties prenantes de l'ensemble et voulaient notamment intervenir sur le recrutement des formateurs, leurs missions précises, leurs champs d'intervention et leur carrière. Je passais ainsi d'une " gestion des personnes " à une " gestion de dossiers impersonnels ". Je ne dirai pas que j'y pris un plaisir particulier ! Les entretiens que j'accordais à ceux qui me le demandaient, portaient tristement sur les explications de barèmes dont je pouvais, semble-t-il, difficilement m'écarter, même s'il m'arrivait de le faire tant certains avis de commissions ou d'inspecteurs me paraissaient non fondés ou, pire encore parfois, le signe de connivences sur le mode : " on se rend service à tour de rôle ". Bien qu'ayant été élu syndical pendant plusieurs années à l'université et au CNU, je n'avais jusque-là rien repéré de tel, sans doute en raison de ma jeunesse et mon inexpérience. Dans la situation de la MAFPEN, l'humain était le fondement du travail (reconversions, travail en équipe, personnes en difficulté…). Pourtant, paradoxalement, il disparaissait en grande partie lorsqu'il s'agissait des questions de gestion des ressources humaines.

           Quand je vis arriver dans les rectorats (considérablement plus gros qu'une MAFPEN) une personne explicitement chargée de la gestion des ressources humaines (6) , mon scepticisme fut considérable et aujourd'hui je regrette d'avoir eu raison. Si, au début, cette fonction fut exercée par quelques inspecteurs ayant une bonne connaissance du terrain et des acteurs, elle prit très rapidement sa place dans " l'administration " rectorale, sous l'autorité directe du secrétaire général de l'académie. La gestion des ressources humaines revient depuis à mettre un peu de couleurs sur des dossiers et leurs contenus et à accorder quelques entretiens à des enseignants signalés comme étant en grande difficulté pour leur proposer une décharge au CRDP ou un mi-temps dans un CDI et à préparer d'un point de vue technique les dossiers utilisés lors des différentes commissions paritaires.

           Mes fonctions ultérieures de directeur d'IUFM puis de recteur me donnèrent la responsabilité d'entités plus lourdes et surtout, plus liées à l'administration centrale. Elles m'ont permis de constater que s'il restait encore, malgré tout, un peu de relations humaines lors des échanges au plus près du terrain par une certaine connaissance des personnes entre elles, la mécanique bureaucratique au niveau académique faisait tout pour les éteindre. Il ne fallait travailler que sur des dossiers, avec des données " objectives ", très impersonnelles, qui ne disaient rien d'autre que le statut et l'ancienneté, artistement enluminés d'avis des corps d'inspection pédagogique n'exerçant une influence qu'à la marge : pour les promotions les plus recherchées (accès à la hors-classe) ou pour les cas " lourds " d'enseignants en très grande difficulté. Il aurait été tout à fait incongru de demander en séance si telle ou telle personne avait des projets, des souhaits, des désirs, des compétences rares et précieuses… En certains lieux ces termes ont peu de place ! En arrivant au niveau central, ils en ont encore moins. Les dernières traces d'humanité ont été expurgées aux échelons intermédiaires, à la satisfaction non seulement de l'administration administrante mais aussi des représentants des personnels qui partagent la même culture. On ne traite plus que des dossiers, avec des critères précis et connus ; tout doit être vérifiable et la subjectivité est traquée par tous. À ce titre-là, sont souvent mis en doute les avis des corps d'inspection : inutilisables car " imprécis ", subjectifs, trop liés à l'inspecteur et à sa vue personnelle. La preuve : parfois ils se contredisent entre eux ou dans le temps, malgré les précautions et la langue de bois dite pédagogique qu'ils utilisent. Au sein de l'institution, aucun espace n'est prévu pour du conseil autre que " passez les concours internes " ou " voulez-vous un poste aménagé ? ". Dans les services, les femmes et les hommes en charge de ces questions croient devoir répondre un peu comme le ferait un ordinateur. C'est la bureaucratie au sens de l'idéal-type de Max Weber que l'on peut observer.

 

Éclairage à travers un autre exemple

 

           Pour expliciter plus ma pensée, je vais m'appuyer sur un exemple moins personnel. Je n'ai pas été surpris de voir le phénoménal succès de Rémi Boyer lorsqu'il a courageusement créé sa petite association " Aide aux Profs " pour aider les enseignants qui le souhaitaient à imaginer une nouvelle carrière, une bifurcation après un à trente ans d'exercice comme cela se fait aujourd'hui dans tous les métiers, sauf pour les professeurs. Quoi de plus naturel que de se poser cette question ? À mes yeux, mais peut-être le principal intéressé ne serait-il pas d'accord, Rémi Boyer apporte " de la proximité à distance " et libère un peu de la bureaucratie : pas de dossier, pas de barème, mais de l'écoute bienveillante et surtout une centration sur la personne et ses compétences professionnelles. Comme la technostructure, les enseignants connaissent leurs titres, leurs diplômes, leur statut, les barèmes, mais ils ne savent pas ce qu'ils savent faire, en dehors de " faire des cours ", ce qui en soi, ne veut pas dire quelque chose de très précis pour le commun des mortels et sans doute pas beaucoup plus pour les enseignants eux-mêmes lorsqu'ils y réfléchissent. Quelles sont leurs compétences ? Ils n'osent pas se différencier les uns des autres, se singulariser, de crainte des réactions de leurs collègues dans un milieu professionnel qui, par souci d'égalité formelle, gomme tout ce qui dépasse. Enfin, ils n'utilisent pas à leur profit la validation des compétences professionnelles. Pourtant, de l'expérience, ils en ont !

           En 2011, la Directrice générale des ressources humaines du ministère s'était intéressée de près au travail " d'Aide aux profs " ; à deux reprises, elle reçut longuement Rémi Boyer qu'elle écouta avec attention. Ses idées la séduisaient ; mais que pouvait-elle en faire ? On n'utilise pas un marteau-pilon pour réparer une montre. Or la gestion des ressources humaines est encore plus délicate que l'horlogerie de précision.

Il faudrait donc beaucoup d'initiatives du type de celle de Rémi Boyer. Des initiatives diversifiées. Je note que le besoin des enseignants est tel qu'apparaissent des officines privées qui proposent à un public, qu'elles estiment à 15% des professeurs, des " consultations " contre rémunération. Ce marché du coaching, en expansion, est le résultat d'un tabou sur le métier qui conduit les enseignants à un redoutable isolement, malgré les efforts de nombreux chefs d'établissement pour les accompagner dans leur carrière et leurs projets.

           Sur un registre proche, faut-il s'étonner que la moitié des professeurs cherchant une protection juridique se soient, individuellement, tournés vers l'offre que leur fait l'Office métiers de l'éducation (OME) conjointement avec la MAIF et la Fédération des autonomes de solidarité (FAS) ? Où ces questions sont-elles collectivement abordées ? Nulle part. Où pourraient-elles l'être de façon pertinente et surtout avec qui ?

 

Pour aller au-delà

 

           Pour aller au-delà de ces exemples, afin de sortir des apparences de ce monde de l'illusion égalitaire où la rhétorique prime sur les réalités, il me semble clair que les circonscriptions du premier degré et les EPLE, de par leur taille, peuvent établir de vrais rapports humains, de personne à personne, comme j'ai pu en connaître à l'IREM et (un peu moins) à la MAFPEN. Dans ces unités, la gestion des ressources humaines peut avoir tout son sens, à condition, bien sûr, de mettre ces entités en situation règlementaire de pouvoir le faire en termes d'autonomie et surtout de responsabilité. Pour l'instant, ce n'est pas le cas, même avec la nouvelle gouvernance des académies. Puisque cela ne peut se pratiquer à des échelles plus grandes, celles des rectorats et a fortiori du ministère, c'est au niveau de proximité (front office dit-on en sciences de gestion) et prioritairement, pour ne pas dire exclusivement, à ce niveau que l'on doit envisager la gestion des ressources humaines. Par exemple pour travailler sur le turn-over ou l'absentéisme des enseignants, ou encore sur l'appui aux enseignants en difficulté ou à ceux qui veulent envisager une autre carrière, partielle ou totale. Avec pour but d'apporter une aide dans la recherche de solutions adaptées à chaque personne.

           La gestion des ressources humaines est un pivot essentiel du climat scolaire et peut contribuer à donner un sens réel à l'expression de " communauté pédagogique ". Au risque d'être iconoclaste, j'irais volontiers jusqu'à affirmer que l'évaluation des inspecteurs du premier degré et des chefs d'établissements secondaires devrait inclure la façon dont ils assurent la gestion des ressources humaines au sein de leurs équipes. Le message serait clair pour tous.

           Il est sans doute souhaitable de distinguer la gestion du système global avec ses effectifs colossaux et ses besoins stratégiques et de prospective, de la " gestion " fine des personnes, même si, bien sûr, inévitablement, existent des liens entre les deux. En principe, la gestion des ressources humaines concerne des acteurs variés, en grand nombre, et de multiples sujets : recrutement, accueil, accompagnement, développement professionnel, remplacements, entretien professionnel, évaluation, conseils, écoute, absences, carrière, rémunérations (primes), mobilité… Qu'en est-il dans les faits ? Le terme de GRH est présent, mais pratiquement on ne trouve présent que le terme. Seule existe une gestion administrative de dossiers en vue de gérer des départs à la retraite, des mutations, des recrutements, des affectations, des services partagés entre petits collèges ou pour les disciplines à faibles effectifs. À quoi bon vouloir donner le change ? À qui ? Que veulent préserver les " alliés objectifs " que j'évoquais plus haut lorsqu'ils prétendent que la gestion des ressources humaines serait possible et pourrait se faire au niveau national ? Serait-ce la simple défense d'un " fonds de commerce " ? Ce douloureux constat n'est pas la conséquence de l'organisation taylorienne du système éducatif, ou pas seulement, mais le résultat de sa culture bureaucratique très prégnante.

           J'observe avec inquiétude que le classement " Seraca " des académies sur la performance des services porte principalement sur le nombre moyen de dossiers traités par agent (7) (cela varie en fait de 144 à 302). Récemment une preuve supplémentaire en appui de ces remarques est fournie à l'occasion de la nomination de la nouvelle Directrice des ressources humaines du ministère, personne certainement de grande qualité, ancienne administratrice de l'INSEE, de la direction du budget du nistère des finances et des affaires financières du ministère de l'Éducation nationale, mais à qui l'on a donné deux missions principales, certes importantes : le recrutement et la formation initiale. Tout est clair : les personnes ne sont pas concernées ; seul le système global importe, est pris en compte et protégé.

           La nouvelle gouvernance des académies mise en place depuis janvier 2012 facilitera-t-elle une réelle gestion des ressources humaines de proximité ou substituera-t-elle à l'actuelle bureaucratie nationale un redoutable formalisme de proximité comme certains le craignent ? Il est trop tôt pour le dire. Si Marylise Lebranchu appelle à " une gestion plus proche des fonctionnaires ", je note qu'entre le 110 de la rue de Grenelle et le fin fond du Cantal, la route est longue et semée d'embûches.

           L'obsession de l'égalité formelle est un paravent, un générateur d'inertie qui exprime un mépris des personnes. Seul le système et sa stabilité importent ; il faut donc les préserver. Certes, tous les problèmes concernant la carrière d'un enseignant ne relèvent pas du seul niveau local, loin de là. Les stratégies pour passer, par étapes, de la première nomination dans une académie non souhaitée et arriver, enfin, dans l'académie et la ville visées, voire l'établissement désiré, supposent des règles précises de mutation, des traitements administratifs adéquats et transparents, pour lesquels, sans doute, la bureaucratie wébérienne est légitime. A-t-on d'autres pistes si l'on veut " administrer " un corps national de près d'un million de fonctionnaires de l'État ? Peut-être en est-il de même pour la question des promotions ; j'en suis beaucoup moins certain : rien ne l'étaye. Mais tout le reste, notamment les besoins d'accompagnement personnalisés, d'écoute, de conseils, de valorisation, sont assurément d'une autre nature et relèvent de la proximité. Je suis heureux que le Conseil d'État, en janvier 2013, ait validé le dispositif de recrutement sur profil de certains enseignants.

           Des outils existent comme les entretiens professionnels et la validation des acquis de l'expérience professionnelle. Il importe aujourd'hui de multiplier les leviers qui favorisent la gestion des ressources humaines de proximité et faire en sorte que la confiance et la reconnaissance puissent se développer, dans les deux sens, entre chaque enseignant et son responsable de proximité. Et s'il existe d'inévitables injustices (c'est, hélas, de l'ordre de l'humain), des mécanismes de régulation sont envisageables à l'échelle de l'académie.

           Quel est ce système éducatif qui s'appuie sans cesse sur ses responsables de proximité en les chargeant des réformes et des missions les plus difficiles, mais qui ne leur accorde aucune confiance dans la gestion des ressources humaines ?

 Ce texte a d'abord été publié dans

"Administration et éducation," 2013, N° 2 pp 17-25.  

 

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