Quand
est née l'expression " Gestion des
Ressources Humaines " (GRH) à l'Education
Nationale et quelle était son ambition
initiale ?
La GRH préconise alors cinq objectifs
prioritaires :
- "
accueillir et accompagner dans le nouvel
emploi ;
- rendre plus
volontaire la conduite des mouvements
académiques ;
- être
attentif aux personnes et prévenir
très tôt les inadaptations
;
- proposer des
affectations adaptées et ainsi
valoriser les personnels ;
- renforcer
l'articulation de la formation initiale et de
la formation continue. "
La nouvelle GRH propose aussi trois modes d'action
:
- "
confirmer les établissements comme
relais de la gestion des ressources humaines
;
- tenir compte dans
la politique de gestion des ressources
humaines de tous les acteurs ;
- établir un
programme d'action ".
"Toutefois, la fonction GRH n'est pas
définie dans sa globalité, dans la
mesure où les responsabilités de
l'administration centrale et celles des niveaux
infra-académiques, notamment de l'EPLE, sont
à peine esquissées. En fait, la mise
en place de la nouvelle gestion des ressources
humaines s'est accompagnée d'illusions
tenaces pour les personnels d'encadrement et pour
l'administration centrale chargée de la
mettre en uvre.
La Gestion des Ressources Humaines actuelle
s'apparente dans les faits à une gestion de
données statistiques, à
l'échelle de 849 647 enseignants du 1er et
du 2nd degré (83.9% du public, 16.1% du
privé sous contrat ; données de
janvier 2012).
Les missions et responsabilités principales
actuelles des personnels des services RH des
académies consistent à
réaliser " une gestion administrative des
dossiers en vue de gérer des départs
à la retraite, des mutations, des
recrutements, des affectations, des services
partagés entre petits collèges ou
disciplines à faibles effectifs " comme
l'indique Alain
Bouvier, ancien
Recteur de Clermont-Ferrand.
Depuis au moins 1998, de nombreux rapports et
articles dénoncent le mode de fonctionnement
de la GRH, qui gère des postes, en ayant
avant tout une vision budgétaire des hommes
et des femmes. Chaque Directeur/Directrice des
Ressources Humaines (DRH) d'académie "
gère " à lui/elle seule plusieurs
dizaines de milliers de personnes, avec un maxima
de 80 000 dans l'académie de Créteil.
Comment prétendre faire de l'humain à
un tel niveau de responsabilité ? Les DRH
sont en général des attachés
d'administration qui ont obtenu le concours des
Instituts Régionaux d'Administration, et
n'ont donc pas obtenu forcément un
diplôme de psychologue. Ce sont des
administratifs purs, des " gestionnaires ", devenus
parfois CASU ou administrateurs civils, et dont le
métier est de gérer les grands
nombres, d'assister à de nombreuses
réunions de travail, d'établir des
tableaux Excel complexes pour faire de la
prospective démographique, essentielle
lorsqu'il s'agit d'anticiper les départs en
retraite et ce qu'ils coûteront dans le
budget de l'Etat. La difficulté
supplémentaire est qu'ils ne restent pas
longtemps sur le même poste, trois ans en
moyenne avant de changer d'académie. A moins
de deux ans de stabilité sur un poste de
DRH, il est permis de se poser des questions sur la
qualité de la GRH pratiquée dans
l'académie, et les raisons d'un tel
turn-over. Il est surprenant que l'Education
Nationale persiste dans cette forme de GRH
lointaine, avec un manque réel de temps pour
s'occuper des personnes, par manque d'effectifs
justement. Heureusement qu'en 2005 un accord-cadre
a été conclu avec la Mgen pour
faciliter l'accueil et l'écoute des
personnels au sein du réseau PAS
(Prévention-Aide-Suivi), qui accueille
près de 15 000 enseignants par an, mais cela
a été une manière pour l'EN de
se défausser de ses responsabilités
directes auprès de ses partenaires.
Quels ont
été mes contacts avec la GRH
pratiquée par l'Education Nationale
?
En tant qu'enseignant, j'ai eu durant mes 15
années de carrière la chance de
travailler dans une petite académie de deux
départements (Rouen), ce qui facilitait le
contact avec les différents services
académiques, ce qui ne peut pas être
vraiment le cas dans de grandes académies
très peuplées comme Versailles,
Créteil ou très vastes comme Lyon,
Bordeaux, Toulouse, Marseille. A plusieurs
reprises, pour diverses raisons dont deux adoptions
réalisées à l'étranger
dans les années 1990, je dois dire que
l'aide que m'ont procuré les services de DRH
et de DPE à l'époque a
été très efficace, très
réactive, avec une très grande
qualité d'écoute de la part de mes
interlocuteurs, et une grande gentillesse. Lorsque
j'ai fait mes demandes de congé de formation
professionnelle, que j'ai obtenu par deux fois
à mi-temps, les personnes ont
été très à
l'écoute de mes aspirations, très
compétentes, et ont tout fait pour me
faciliter les choses. J'ai eu aussi la chance
d'avoir à l'époque des principaux de
collège qui soutenaient mes démarches
d'évolution professionnelle, c'est un aspect
très important, une forme de GRH de
proximité telle qu'elle devrait exister,
mais tous les chefs d'établissement ne sont
pas aussi sympathiques que ceux que j'ai eu la
chance, là aussi, de croiser quand
j'étais enseignant.
Cependant, en 1999 lorsque je me suis
renseigné pour la première fois sur
mes possibilités de reconversion hors
enseignement, j'ai été
déçu du manque de pistes que l'on me
proposait - hors concours de chef
d'établissement - mais l'écoute du
service que j'avais contacté a
été à la hauteur de ce que
j'attendais : patience, amabilité, empathie.
Je me suis en fait débrouillé tout
seul pour sortir de l'enseignement, en me
promettant de créer un jour un dispositif
à distance d'aide à la reconversion
des enseignants qui aurait un rayonnement
francophone. J'ai pu tenir ma promesse sept ans
plus tard en créant l'association AIDOPROFS
(devenue Aide aux Profs en 2008).
Depuis 2006, j'ai eu un contact différent
avec les services RH à différents
niveaux de responsabilité de l'Education
Nationale, puisque j'ai pu rencontrer des
décideurs de très haut niveau
grâce à mon statut de président
d'association, qui plus est unique en France dans
le domaine de la reconversion des enseignants, la
méthode employée (à distance)
suscitant la grande curiosité et
l'intérêt de mes interlocuteurs. En
juillet 2009, Philippe Reymond, DRRH de
l'académie de Créteil, me consacrait
1h30 de son emploi du temps très
chargé, insistant beaucoup en fin
d'entretien pour me recruter dans son équipe
de conseillers en mobilité carrière,
ce qui n'était pas du tout mon objectif,
offre que j'ai donc déclinée,
à son grand regret à l'époque.
Il a été très attentif,
très à l'écoute, les
échanges ont été très
riches, et je conserve de lui l'image d'un grand
professionnel, mais débordé par des
commissions en tous genres qui l'empêchaient
de pratiquer une forme de GRH personnalisée
comme il l'aurait sans doute souhaité.
J'aurais eu grand plaisir j'en suis sûr
à travailler avec une telle
personnalité, mais j'avais à
construire ce dispositif associatif pour le
pérenniser, car dès le départ
j'ai ressenti le potentiel immense sur le long
terme de ce que je venais de
créer.
En avril 2010, avril 2011 et janvier 2012, j'ai
été en contact direct avec la DGRH
nommée par le Ministre Luc Chatel, Josette
Théophile, qui m'a longuement reçu
par deux fois dans son bureau au 7e étage de
la Rue Régnault à Paris, et à
laquelle j'ai présenté le
fonctionnement du dispositif à distance
conçu pour Aide aux Profs. L'idée de
le dupliquer à l'échelle de
l'Education Nationale comme je le lui avais
proposé l'avait séduite, et elle
avait alors commandé à ses
conseillers de l'époque d'approfondir le
sujet. J'ai eu à rencontrer plusieurs de ses
adjoints et conseillers, des professionnels du
pilotage de masse, très
expérimentés, et des conseillers de
haut niveau qui avaient eu à superviser le
travail de dizaines de milliers de personnes dans
leur parcours de carrière, et des
conseillères en mobilité de
carrière qui recevaient les enseignants en
entretien au quotidien dans les académies de
Versailles, Paris et Créteil. Mais c'est
là que j'ai compris très vite que ce
que je proposais allait devenir impossible, car
nous ne parlions pas le même langage,
n'avions pas la même méthode de
travail, et nous n'avions aucune chance de tomber
d'accord. D'un côté, la vision d'une
RH de pilotage, lointaine, raisonnant sur de
très grands nombres, et de l'autre, une
vision humaniste de la GRH avec une relation
à distance de proximité.
Pourtant, l'une des conseillères
mobilité était favorable à une
expérimentation à l'échelle de
son académie (Versailles), mais elle en a
été très vite dissuadée
en ma présence par ses collègues, et
je n'ai plus jamais entendu parler d'elle. Cela m'a
permis à l'occasion de m'interroger sur le
sens que donne réellement l'administration
à l'expression " Gestion des Ressources
Humaines " au quotidien. Il s'agit ni plus ni moins
d'un mode de gestion, et en aucun cas d'une forme
quelconque d'humanisme. J'ai réalisé
à ce moment là que ce que je
proposais à ce système de gestion
n'était qu'utopie, alors que de mon point de
vue, il faut méditer cette phrase de
Sénèque : " Ce n'est pas parce que
les choses sont difficiles que nous n'osons pas,
c'est parce que nous n'osons pas qu'elles sont
difficiles ".
Les services de la DGRH raisonnent à
l'échelle d'un million d'enseignants, pas
à l'échelle de chaque personne, et
ils ont mal compris à l'époque tout
l'avantage d'une relation de proximité
à distance. Mais j'ai bien senti au fil des
réunions une crainte des conseillers
mobilité de voir leur emploi menacé
par la révolution de GRH à distance
que j'étais venu proposer. De plus, nous
étions dans un contexte d'économies
lié à la RGPP, et il était
hors de question d'employer des profs ou des
anciens profs (notre équipe, cinq personnes
à l'époque) à une mission qui
relevait en fait de la responsabilité de
ceux qui me recevaient. A l'époque, j'ai
perçu une forme d'hostilité à
la nouveauté, comme si ce système
pyramidal et centralisateur de GRH, tant à
l'échelle nationale qu'académique,
devait perdurer, peut-être pour
préserver cet immense pouvoir qu'il
possède à l'échelle d'un
million de personnes, bien supérieur
à celui des ministres de l'Education
Nationale qui se succèdent, et avec lesquels
ils doivent pourtant s'adapter. C'est un travail de
grands équilibristes pour eux, car ils sont
sans cesse " entre deux chaises ", d'une politique
à l'autre, en détricotant la pelote
qu'ils ont tricotée les années
précédentes. De ce fait, on ressent
chez eux une forme d'habitude, de lassitude aussi
peut-être, de devoir défaire ce qu'ils
ont construit avec tant de difficultés, de
devoir reculer de quelques pas pour tenter
d'avancer. Ils réalisent de la Gestion
Impersonnelle de Personnels, leur vision est
très éloignée de ce qu'est
réellement le métier d'enseignant, au
quotidien.
C'est pour cette raison qu'une véritable
révolution s'impose en matière de GRH
en créant les conditions d'une Gestion de
proximité, en déléguant aux
directions d'établissement certaines taches
qui sont actuellement détenues au niveau
académique par les DRH. Mais cette
idée soulève l'ire des syndicats et
de la majorité des enseignants qui les
suivent, craignant que ne s'instaure dans chaque
établissement des formes de potentats,
réaction tout à fait
compréhensible.
Une pareille révolution de GRH devra
s'accompagner d'un ensemble de garde-fous pour ne
pas engendrer un système pire que l'actuel.
Dans d'autres pays européens, cette forme de
GRH de proximité existe déjà.
Cela aurait l'avantage de diminuer le poids de
l'administration éloignée des
réalités du terrain, donc d'en
réduire les coûts de fonctionnement.
Il est ainsi curieux de constater qu'en 2012, sur 2
573 agents travaillant à l'Administration
Centrale, 20.6% officient à la DGRH, dont
61.5% comme cadres A, aux salaires les plus
élevés, puisque certains atteignent
l'échelle Lettre E, avec des primes
conséquentes.
Depuis mai 2012,
quels contacts ai-je eu avec les services de DRH de
l'Education Nationale ?
Comme le Ministre Vincent Peillon a axé
toute sa politique, à raison, sur le
recrutement et la formation initiale des
enseignants, tablant sur 60 000 recrutements d'ici
2017, sa marge de manuvre budgétaire a
été considérablement
réduite pour s'investir ailleurs. Lors de
mes deux rencontres avec ses proches conseillers
(le 27 août 2012, puis le 15 juillet 2013),
il m'a été signifié que les
secondes carrières des enseignants
n'étaient pas à l'ordre du jour,
puisqu'on manquait d'enseignants. Effectivement, la
pénurie frappe dans de nombreuses
disciplines.
C'est là que l'on comprend mieux que la GRH
de l'Education Nationale aurait tout
intérêt à descendre vers les
EPLE. En effet, en conservant au plus haut niveau
les décisions à faire appliquer
unilatéralement sur tout le territoire au
niveau académique, chaque ministre prive le
système d'une réflexion prospective
sur les effets à court et moyen terme de la
politique conduite au gré des
réformes. Il devient difficile pour
l'administration d'anticiper à plus de cinq
ans sa gestion des personnels, et donc de conduire
une politique audacieuse comme celle de
créer des passerelles entre les corps de
même catégorie
(enseignants/administratifs) et de faciliter la
mobilité tout au long de l'année des
enseignants (20% des effectifs de la fonction
publique, rappelons-le, toujours
systématiquement exclus des textes de la
fonction publique sur les parcours de
mobilité interministériels).
De ce fait, c'est à l'administration de
gérer " les pots cassés " d'une
alternance à l'autre, ce qui finit par
exaspérer ses cadres, qui ne pipent mot,
puisqu'ils sont tous tenus au secret dans un
système très verrouillé
où la notion de liberté de ses
ressentis personnels est réduite à sa
plus simple expression. Si la GRH de l'Education
Nationale se contente de changer seulement son
vocabulaire en parlant de GPEEC (prononcer " GEPECK
") pour faire croire qu'elle va établir des
rapports personnalisés avec chacun de ses
agents, cela ne suffira pas. C'est tout le
fonctionnement pyramidal qu'il faut bouleverser,
car la GRH actuelle ne peut pas valoriser les
personnes, ni les accompagner dans leurs parcours.
Elle peut seulement tenter de résoudre avec
son manque de moyens les situations les plus
difficiles, comme l'inaptitude physique ou
psychologique à enseigner, ou à
travailler, car les agents administratifs sont eux
aussi concernés.
Actuellement, que ressentent les enseignants
vis-à-vis en général de la GRH
dont ils font l'objet, et d'une manière
personnalisée, du degré d'attention
ou de compréhension qui leur est
consacré par les personnels d'encadrement et
les conseillers en mobilité carrière
?
Aide aux Profs n'étant contactée que
par des enseignants qui cherchent à changer,
et qui n'ont pas souhaité dans la
majorité des cas s'adresser à
l'Education Nationale pour les aider, par
méfiance, ou par dépit du contact
avec tel ou tel cadre administratif, notre
expérience n'est pas représentative
en soi de ce qui se déroule au niveau
pluri-académique. Cependant, toutes les
enquêtes conduites à grande
échelle par Georges Fotinos et José
Mario Horenstein montrent bien que les enseignants
ne se sentent pas compris et valorisés par
leur administration. Le bilan de leurs
années d'enquête a été
abondamment exposé dans l'ouvrage que je
viens de co-écrire avec José Mario
Horenstein, Souffrir d'enseigner
faut-il
rester ou partir ? (éditions Memogrames-Aide
aux Profs) que Jacques Nimier a déjà
présenté sur son site web.
Les enseignants qui nous contactent ont le
sentiment d'un profond mépris de la part des
inspecteurs, ce sentiment étant plus fort
chez les professeurs des écoles (50% au
moins de nos contacts sur 8 ans) à propos
des IEN. Il est vrai qu'ils sont peu nombreux,
majorité d'hommes supervisant une
très grande majorité de femmes, et
que le risque d'un harcèlement moral est
plus accentué, et ce d'autant plus, comme le
décrivent chaque année des centaines
d'enseignants, qu'il est très difficile
à prouver, la hiérarchie faisant bloc
pour protéger la personne fautive. Cela ne
fait qu'accentuer chez les enseignants le sentiment
que les personnels d'encadrement disposent d'une
totale impunité, d'un pouvoir sans
contrôle, ce qui n'est pas de nature à
les rassurer.
Les professeurs libèrent totalement leur
parole quand ils nous contactent, en n'omettant
aucun détail sur les situations auxquelles
ils sont confrontés :
-
Sentiment d'être mal
considérés par leur chef
d'établissement (20% l'ont
qualifié ainsi) ;
- Sentiment de
dévalorisation après la visite
de leur inspecteur (60% l'évoquent)
;
- Sensation de
sclérose professionnelle face à
leurs élèves (75% en parlent)
;
- Impression
d'être "des pions" dans leurs rapports
avec l'administration dont ils se
méfient (80% le disent), en
particulier pour les enseignants
affectés comme TZR ou Brigade ZIL, ou
en position de vulnérabilité
(CLM, CLD, PACD, PALD, occupation
thérapeutique, disponibilité
d'office) : ils estiment subir la "loi du
plus fort" ;
- Constat amer
d'être mal perçus dans leurs
souhaits de mobilité (90% le
soulignent), qui leur est refusée
systématiquement en cours
d'année (depuis des
décennies).
S'agissant de leurs possibilités de
reconversion, tous les enseignants qui ont eu
l'opportunité de réaliser un bilan de
compétences nous ont rapporté des
conclusions très concordantes : dans la
majorité des cas, l'enseignant " ferait un
très bon chef d'établissement ". Ce
n'est pas parce que l'Education Nationale manque de
vocations pour cette fonction qu'il faut pour
autant inciter les enseignants à s'y engager
contre leur gré, car ce n'est pas de cette
manière que la GRH de proximité
pourra s'organiser sereinement, si l'on y vient un
jour. Georges Fotinos montrait déjà
en 2006 dans une des études pour la Mgen que
52% des chefs d'établissement se sentaient
mal à l'aise dans leur fonction et qu'ils
auraient fait autre chose si cela avait
été possible. Plus de la
moitié, cela fait réfléchir
quant à la qualité de la GRH
exercée par ces chefs d'établissement
non motivés par leur fonction auprès
d'équipes administratives, techniques et
pédagogiques de 30 à plus de 150
personnes selon la taille des
établissements.
Au niveau du contact avec les conseillers
mobilité carrière, nous avons
maintenant une expérience suffisante pour
dire qu'il y a eu un effort considérable
réalisé sous l'impulsion de Josette
Théophile. Entre 2010 et 2012, elle a mis en
uvre 14 des 18 propositions que je lui avais
faites, ce qui a pu contribuer sur le plan des
idées à son travail sur la seule
question des reconversions des enseignants, en lui
faisant gagner un temps précieux de
réflexion, reconnaissant en cela la
qualité du travail qui avait
été le nôtre dans cette
association. Entre 2010 et 2012 les enseignants
étaient dans l'ensemble satisfaits de la
qualité d'accueil et d'écoute des
conseillers mobilité, qui ont donc
été bien formés, mais ils
étaient majoritairement déçus
du manque de possibilités de reconversion
qui leur étaient proposées, puisque
de nombreuses académies ont
détourné le terme de " reconversion "
pour l'appliquer à un simple " changement de
discipline d'enseignement ", comme si l'enseignant
ne pouvait devenir qu'enseignant. Cette courte vue
du métier et des compétences qui y
sont développées est très
préjudiciable aux enseignants, et à
leurs vélléités de changer de
voie. Elle ne peut aussi qu'être dommageable
au système tout entier, car il manque ici
l'occasion de redonner confiance aux enseignants
sur le long terme, de fluidifier et diversifier les
parcours professionnels, alors que l'allongement
des carrières à 44 ans rendra les
fins de carrière de plus en plus
pénibles physiquement comme
psychologiquement, en conduisant les plus atteints
vers une précarité majeure, alors
qu'initialement ils auront été
recrutés au niveau Master. Il y a là
un énorme problème que l'Education
Nationale ne sait pas résoudre.
Nous constatons, car les enseignants qui nous
contactent nous le rapportent, que les cas de
burnout parmi les conseillers mobilité
carrière en académie deviennent
fréquents. Plus d'une dizaine de cas nous
ont été indiqués depuis 2011.
C'est sans doute lié au manque de formation
en psychologie et de l'absence de superviseur pour
ces personnes qui ont quelque peu le rôle de
coach. Contactés souvent par des enseignants
en grande difficulté, auxquels ils n'ont
quasiment rien d'intéressant hors
enseignement à leur proposer, ils finissent
eux-mêmes par déprimer. Il est clair
que les fonctions de conseiller mobilité ne
devraient pas être exercées plus de 6
ans par une même personne dans la même
académie, car le phénomène
d'usure professionnelle s'y ressent très
vite, accentué par le manque de moyens.
Nous remarquons depuis mai 2012 que le nombre de
conseillers en mobilité a diminué
dans certaines académies, et qu'ici et
là, ce sont des personnes non
qualifiées, mal formées, qui
remplissent ce rôle. De plus, alors que
Josette Théophile avait
déployé une batterie d'outils
conçue pour faciliter la formation continue
des enseignants (Droit Individuel à la
Formation) et leurs reconversions (Indemnité
de Départ Volontaire), même si
l'objectif affiché était de diminuer
le nombre d'agents publics, on constate depuis mai
2012 une nette diminution des sommes
accordées au titre de la création
d'entreprise et un accroissement des refus d'IDV et
de DIF, notamment dans les grandes académies
comme Versailles, Bordeaux, Nantes, Rennes,
Orléans-Tours, Marseille. Cette
évolution négative montre bien que la
GRH au niveau académique n'est pas une bonne
chose, car elle est liée à un budget
académique contraint, fortement
dépendant de la politique conduite par son
recteur, qui n'a pas le temps nécessaire, ni
son DRH, d'apprécier la qualité de
tel ou tel projet de reconversion. Actuellement,
les conseillers mobilité voient bien souvent
leur bonne volonté d'aide des enseignants
dans leur projet hors enseignement annihilée
par les directives de leur hiérarchie
directe de les garder coûte que coûte
dans l'enseignement, quitte à leur propose
d'aller dans le 1er degré ou de changer de
discipline, même si ce n'était pas
leur projet initial.
Ce mode de
fonctionnement peut-il perdurer longtemps ? Que
proposer pour qu'il change ?
J'ai fait de nombreuses propositions dans le
bulletin n°138 de juillet 2013 de l'AFAE
consacré à la Gestion de
Proximité des Ressources Humaines (GPRH),
mon article s'intitulant " Vouloir mettre en place
une GPRH dans les EPLE, c'est ouvrir une
boîte de Pandore ", que vous pouvez vous
procurer ici :
http://www.education-revue-afae.fr/pagint/revue/sommaire.php?id_numero=15
J'ai rédigé ma contribution à
cette revue fin décembre 2012, et j'ai
été très surpris de constater
que le Rapport de la Cour des Comptes publié
en mai 2013 proposait des pistes similaires
à celles issues de ma réflexion.
Cependant, leur objectif était sensiblement
différent, axé sur les seules
économies à réaliser, alors
que mon analyse avait comme objectif sur une
approche humaniste.
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