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 Gestion des Ressources Humaines à l'Education Nationale

Rémi Boyer 

             La GRH est consacrée à l'Éducation Nationale en 1994 avec la mesure n°131 du nouveau contrat pour l'École qui prévoit la mise en place dans chaque académie d'une Direction des Ressources Humaines (DRH), chargée de coordonner toutes les instances académiques de formation et de gestion des personnels. La circulaire du directeur de cabinet (Francis Delon) du 26 mars 1997 a permis un premier cadrage des missions des DRH académiques.

 

           Quand est née l'expression " Gestion des Ressources Humaines " (GRH) à l'Education Nationale et quelle était son ambition initiale ?

            La GRH préconise alors cinq objectifs prioritaires :

- " accueillir et accompagner dans le nouvel emploi ;

- rendre plus volontaire la conduite des mouvements académiques ;

- être attentif aux personnes et prévenir très tôt les inadaptations ;

- proposer des affectations adaptées et ainsi valoriser les personnels ;

- renforcer l'articulation de la formation initiale et de la formation continue. "

 

           La nouvelle GRH propose aussi trois modes d'action :

- " confirmer les établissements comme relais de la gestion des ressources humaines ;

- tenir compte dans la politique de gestion des ressources humaines de tous les acteurs ;

- établir un programme d'action ".

 

           "Toutefois, la fonction GRH n'est pas définie dans sa globalité, dans la mesure où les responsabilités de l'administration centrale et celles des niveaux infra-académiques, notamment de l'EPLE, sont à peine esquissées. En fait, la mise en place de la nouvelle gestion des ressources humaines s'est accompagnée d'illusions tenaces pour les personnels d'encadrement et pour l'administration centrale chargée de la mettre en œuvre.

 

           La Gestion des Ressources Humaines actuelle s'apparente dans les faits à une gestion de données statistiques, à l'échelle de 849 647 enseignants du 1er et du 2nd degré (83.9% du public, 16.1% du privé sous contrat ; données de janvier 2012).

           Les missions et responsabilités principales actuelles des personnels des services RH des académies consistent à réaliser " une gestion administrative des dossiers en vue de gérer des départs à la retraite, des mutations, des recrutements, des affectations, des services partagés entre petits collèges ou disciplines à faibles effectifs " comme l'indique Alain Bouvier, ancien Recteur de Clermont-Ferrand.

           Depuis au moins 1998, de nombreux rapports et articles dénoncent le mode de fonctionnement de la GRH, qui gère des postes, en ayant avant tout une vision budgétaire des hommes et des femmes. Chaque Directeur/Directrice des Ressources Humaines (DRH) d'académie " gère " à lui/elle seule plusieurs dizaines de milliers de personnes, avec un maxima de 80 000 dans l'académie de Créteil. Comment prétendre faire de l'humain à un tel niveau de responsabilité ? Les DRH sont en général des attachés d'administration qui ont obtenu le concours des Instituts Régionaux d'Administration, et n'ont donc pas obtenu forcément un diplôme de psychologue. Ce sont des administratifs purs, des " gestionnaires ", devenus parfois CASU ou administrateurs civils, et dont le métier est de gérer les grands nombres, d'assister à de nombreuses réunions de travail, d'établir des tableaux Excel complexes pour faire de la prospective démographique, essentielle lorsqu'il s'agit d'anticiper les départs en retraite et ce qu'ils coûteront dans le budget de l'Etat. La difficulté supplémentaire est qu'ils ne restent pas longtemps sur le même poste, trois ans en moyenne avant de changer d'académie. A moins de deux ans de stabilité sur un poste de DRH, il est permis de se poser des questions sur la qualité de la GRH pratiquée dans l'académie, et les raisons d'un tel turn-over. Il est surprenant que l'Education Nationale persiste dans cette forme de GRH lointaine, avec un manque réel de temps pour s'occuper des personnes, par manque d'effectifs justement. Heureusement qu'en 2005 un accord-cadre a été conclu avec la Mgen pour faciliter l'accueil et l'écoute des personnels au sein du réseau PAS (Prévention-Aide-Suivi), qui accueille près de 15 000 enseignants par an, mais cela a été une manière pour l'EN de se défausser de ses responsabilités directes auprès de ses partenaires.

 

Quels ont été mes contacts avec la GRH pratiquée par l'Education Nationale ?

 

           En tant qu'enseignant, j'ai eu durant mes 15 années de carrière la chance de travailler dans une petite académie de deux départements (Rouen), ce qui facilitait le contact avec les différents services académiques, ce qui ne peut pas être vraiment le cas dans de grandes académies très peuplées comme Versailles, Créteil ou très vastes comme Lyon, Bordeaux, Toulouse, Marseille. A plusieurs reprises, pour diverses raisons dont deux adoptions réalisées à l'étranger dans les années 1990, je dois dire que l'aide que m'ont procuré les services de DRH et de DPE à l'époque a été très efficace, très réactive, avec une très grande qualité d'écoute de la part de mes interlocuteurs, et une grande gentillesse. Lorsque j'ai fait mes demandes de congé de formation professionnelle, que j'ai obtenu par deux fois à mi-temps, les personnes ont été très à l'écoute de mes aspirations, très compétentes, et ont tout fait pour me faciliter les choses. J'ai eu aussi la chance d'avoir à l'époque des principaux de collège qui soutenaient mes démarches d'évolution professionnelle, c'est un aspect très important, une forme de GRH de proximité telle qu'elle devrait exister, mais tous les chefs d'établissement ne sont pas aussi sympathiques que ceux que j'ai eu la chance, là aussi, de croiser quand j'étais enseignant.

           Cependant, en 1999 lorsque je me suis renseigné pour la première fois sur mes possibilités de reconversion hors enseignement, j'ai été déçu du manque de pistes que l'on me proposait - hors concours de chef d'établissement - mais l'écoute du service que j'avais contacté a été à la hauteur de ce que j'attendais : patience, amabilité, empathie. Je me suis en fait débrouillé tout seul pour sortir de l'enseignement, en me promettant de créer un jour un dispositif à distance d'aide à la reconversion des enseignants qui aurait un rayonnement francophone. J'ai pu tenir ma promesse sept ans plus tard en créant l'association AIDOPROFS (devenue Aide aux Profs en 2008).

           Depuis 2006, j'ai eu un contact différent avec les services RH à différents niveaux de responsabilité de l'Education Nationale, puisque j'ai pu rencontrer des décideurs de très haut niveau grâce à mon statut de président d'association, qui plus est unique en France dans le domaine de la reconversion des enseignants, la méthode employée (à distance) suscitant la grande curiosité et l'intérêt de mes interlocuteurs. En juillet 2009, Philippe Reymond, DRRH de l'académie de Créteil, me consacrait 1h30 de son emploi du temps très chargé, insistant beaucoup en fin d'entretien pour me recruter dans son équipe de conseillers en mobilité carrière, ce qui n'était pas du tout mon objectif, offre que j'ai donc déclinée, à son grand regret à l'époque. Il a été très attentif, très à l'écoute, les échanges ont été très riches, et je conserve de lui l'image d'un grand professionnel, mais débordé par des commissions en tous genres qui l'empêchaient de pratiquer une forme de GRH personnalisée comme il l'aurait sans doute souhaité. J'aurais eu grand plaisir j'en suis sûr à travailler avec une telle personnalité, mais j'avais à construire ce dispositif associatif pour le pérenniser, car dès le départ j'ai ressenti le potentiel immense sur le long terme de ce que je venais de créer.

           En avril 2010, avril 2011 et janvier 2012, j'ai été en contact direct avec la DGRH nommée par le Ministre Luc Chatel, Josette Théophile, qui m'a longuement reçu par deux fois dans son bureau au 7e étage de la Rue Régnault à Paris, et à laquelle j'ai présenté le fonctionnement du dispositif à distance conçu pour Aide aux Profs. L'idée de le dupliquer à l'échelle de l'Education Nationale comme je le lui avais proposé l'avait séduite, et elle avait alors commandé à ses conseillers de l'époque d'approfondir le sujet. J'ai eu à rencontrer plusieurs de ses adjoints et conseillers, des professionnels du pilotage de masse, très expérimentés, et des conseillers de haut niveau qui avaient eu à superviser le travail de dizaines de milliers de personnes dans leur parcours de carrière, et des conseillères en mobilité de carrière qui recevaient les enseignants en entretien au quotidien dans les académies de Versailles, Paris et Créteil. Mais c'est là que j'ai compris très vite que ce que je proposais allait devenir impossible, car nous ne parlions pas le même langage, n'avions pas la même méthode de travail, et nous n'avions aucune chance de tomber d'accord. D'un côté, la vision d'une RH de pilotage, lointaine, raisonnant sur de très grands nombres, et de l'autre, une vision humaniste de la GRH avec une relation à distance de proximité.

           Pourtant, l'une des conseillères mobilité était favorable à une expérimentation à l'échelle de son académie (Versailles), mais elle en a été très vite dissuadée en ma présence par ses collègues, et je n'ai plus jamais entendu parler d'elle. Cela m'a permis à l'occasion de m'interroger sur le sens que donne réellement l'administration à l'expression " Gestion des Ressources Humaines " au quotidien. Il s'agit ni plus ni moins d'un mode de gestion, et en aucun cas d'une forme quelconque d'humanisme. J'ai réalisé à ce moment là que ce que je proposais à ce système de gestion n'était qu'utopie, alors que de mon point de vue, il faut méditer cette phrase de Sénèque : " Ce n'est pas parce que les choses sont difficiles que nous n'osons pas, c'est parce que nous n'osons pas qu'elles sont difficiles ".

           Les services de la DGRH raisonnent à l'échelle d'un million d'enseignants, pas à l'échelle de chaque personne, et ils ont mal compris à l'époque tout l'avantage d'une relation de proximité à distance. Mais j'ai bien senti au fil des réunions une crainte des conseillers mobilité de voir leur emploi menacé par la révolution de GRH à distance que j'étais venu proposer. De plus, nous étions dans un contexte d'économies lié à la RGPP, et il était hors de question d'employer des profs ou des anciens profs (notre équipe, cinq personnes à l'époque) à une mission qui relevait en fait de la responsabilité de ceux qui me recevaient. A l'époque, j'ai perçu une forme d'hostilité à la nouveauté, comme si ce système pyramidal et centralisateur de GRH, tant à l'échelle nationale qu'académique, devait perdurer, peut-être pour préserver cet immense pouvoir qu'il possède à l'échelle d'un million de personnes, bien supérieur à celui des ministres de l'Education Nationale qui se succèdent, et avec lesquels ils doivent pourtant s'adapter. C'est un travail de grands équilibristes pour eux, car ils sont sans cesse " entre deux chaises ", d'une politique à l'autre, en détricotant la pelote qu'ils ont tricotée les années précédentes. De ce fait, on ressent chez eux une forme d'habitude, de lassitude aussi peut-être, de devoir défaire ce qu'ils ont construit avec tant de difficultés, de devoir reculer de quelques pas pour tenter d'avancer. Ils réalisent de la Gestion Impersonnelle de Personnels, leur vision est très éloignée de ce qu'est réellement le métier d'enseignant, au quotidien.

           C'est pour cette raison qu'une véritable révolution s'impose en matière de GRH en créant les conditions d'une Gestion de proximité, en déléguant aux directions d'établissement certaines taches qui sont actuellement détenues au niveau académique par les DRH. Mais cette idée soulève l'ire des syndicats et de la majorité des enseignants qui les suivent, craignant que ne s'instaure dans chaque établissement des formes de potentats, réaction tout à fait compréhensible.

           Une pareille révolution de GRH devra s'accompagner d'un ensemble de garde-fous pour ne pas engendrer un système pire que l'actuel. Dans d'autres pays européens, cette forme de GRH de proximité existe déjà. Cela aurait l'avantage de diminuer le poids de l'administration éloignée des réalités du terrain, donc d'en réduire les coûts de fonctionnement. Il est ainsi curieux de constater qu'en 2012, sur 2 573 agents travaillant à l'Administration Centrale, 20.6% officient à la DGRH, dont 61.5% comme cadres A, aux salaires les plus élevés, puisque certains atteignent l'échelle Lettre E, avec des primes conséquentes.

 

Depuis mai 2012, quels contacts ai-je eu avec les services de DRH de l'Education Nationale ?

 

           Comme le Ministre Vincent Peillon a axé toute sa politique, à raison, sur le recrutement et la formation initiale des enseignants, tablant sur 60 000 recrutements d'ici 2017, sa marge de manœuvre budgétaire a été considérablement réduite pour s'investir ailleurs. Lors de mes deux rencontres avec ses proches conseillers (le 27 août 2012, puis le 15 juillet 2013), il m'a été signifié que les secondes carrières des enseignants n'étaient pas à l'ordre du jour, puisqu'on manquait d'enseignants. Effectivement, la pénurie frappe dans de nombreuses disciplines.

           C'est là que l'on comprend mieux que la GRH de l'Education Nationale aurait tout intérêt à descendre vers les EPLE. En effet, en conservant au plus haut niveau les décisions à faire appliquer unilatéralement sur tout le territoire au niveau académique, chaque ministre prive le système d'une réflexion prospective sur les effets à court et moyen terme de la politique conduite au gré des réformes. Il devient difficile pour l'administration d'anticiper à plus de cinq ans sa gestion des personnels, et donc de conduire une politique audacieuse comme celle de créer des passerelles entre les corps de même catégorie (enseignants/administratifs) et de faciliter la mobilité tout au long de l'année des enseignants (20% des effectifs de la fonction publique, rappelons-le, toujours systématiquement exclus des textes de la fonction publique sur les parcours de mobilité interministériels).

           De ce fait, c'est à l'administration de gérer " les pots cassés " d'une alternance à l'autre, ce qui finit par exaspérer ses cadres, qui ne pipent mot, puisqu'ils sont tous tenus au secret dans un système très verrouillé où la notion de liberté de ses ressentis personnels est réduite à sa plus simple expression. Si la GRH de l'Education Nationale se contente de changer seulement son vocabulaire en parlant de GPEEC (prononcer " GEPECK ") pour faire croire qu'elle va établir des rapports personnalisés avec chacun de ses agents, cela ne suffira pas. C'est tout le fonctionnement pyramidal qu'il faut bouleverser, car la GRH actuelle ne peut pas valoriser les personnes, ni les accompagner dans leurs parcours. Elle peut seulement tenter de résoudre avec son manque de moyens les situations les plus difficiles, comme l'inaptitude physique ou psychologique à enseigner, ou à travailler, car les agents administratifs sont eux aussi concernés.

 

           Actuellement, que ressentent les enseignants vis-à-vis en général de la GRH dont ils font l'objet, et d'une manière personnalisée, du degré d'attention ou de compréhension qui leur est consacré par les personnels d'encadrement et les conseillers en mobilité carrière ?

           Aide aux Profs n'étant contactée que par des enseignants qui cherchent à changer, et qui n'ont pas souhaité dans la majorité des cas s'adresser à l'Education Nationale pour les aider, par méfiance, ou par dépit du contact avec tel ou tel cadre administratif, notre expérience n'est pas représentative en soi de ce qui se déroule au niveau pluri-académique. Cependant, toutes les enquêtes conduites à grande échelle par Georges Fotinos et José Mario Horenstein montrent bien que les enseignants ne se sentent pas compris et valorisés par leur administration. Le bilan de leurs années d'enquête a été abondamment exposé dans l'ouvrage que je viens de co-écrire avec José Mario Horenstein, Souffrir d'enseigner…faut-il rester ou partir ? (éditions Memogrames-Aide aux Profs) que Jacques Nimier a déjà présenté sur son site web.

           Les enseignants qui nous contactent ont le sentiment d'un profond mépris de la part des inspecteurs, ce sentiment étant plus fort chez les professeurs des écoles (50% au moins de nos contacts sur 8 ans) à propos des IEN. Il est vrai qu'ils sont peu nombreux, majorité d'hommes supervisant une très grande majorité de femmes, et que le risque d'un harcèlement moral est plus accentué, et ce d'autant plus, comme le décrivent chaque année des centaines d'enseignants, qu'il est très difficile à prouver, la hiérarchie faisant bloc pour protéger la personne fautive. Cela ne fait qu'accentuer chez les enseignants le sentiment que les personnels d'encadrement disposent d'une totale impunité, d'un pouvoir sans contrôle, ce qui n'est pas de nature à les rassurer.

           Les professeurs libèrent totalement leur parole quand ils nous contactent, en n'omettant aucun détail sur les situations auxquelles ils sont confrontés :

 - Sentiment d'être mal considérés par leur chef d'établissement (20% l'ont qualifié ainsi) ;

- Sentiment de dévalorisation après la visite de leur inspecteur (60% l'évoquent) ;

- Sensation de sclérose professionnelle face à leurs élèves (75% en parlent) ;

- Impression d'être "des pions" dans leurs rapports avec l'administration dont ils se méfient (80% le disent), en particulier pour les enseignants affectés comme TZR ou Brigade ZIL, ou en position de vulnérabilité (CLM, CLD, PACD, PALD, occupation thérapeutique, disponibilité d'office) : ils estiment subir la "loi du plus fort" ;

- Constat amer d'être mal perçus dans leurs souhaits de mobilité (90% le soulignent), qui leur est refusée systématiquement en cours d'année (depuis des décennies).

 

           S'agissant de leurs possibilités de reconversion, tous les enseignants qui ont eu l'opportunité de réaliser un bilan de compétences nous ont rapporté des conclusions très concordantes : dans la majorité des cas, l'enseignant " ferait un très bon chef d'établissement ". Ce n'est pas parce que l'Education Nationale manque de vocations pour cette fonction qu'il faut pour autant inciter les enseignants à s'y engager contre leur gré, car ce n'est pas de cette manière que la GRH de proximité pourra s'organiser sereinement, si l'on y vient un jour. Georges Fotinos montrait déjà en 2006 dans une des études pour la Mgen que 52% des chefs d'établissement se sentaient mal à l'aise dans leur fonction et qu'ils auraient fait autre chose si cela avait été possible. Plus de la moitié, cela fait réfléchir quant à la qualité de la GRH exercée par ces chefs d'établissement non motivés par leur fonction auprès d'équipes administratives, techniques et pédagogiques de 30 à plus de 150 personnes selon la taille des établissements.

           Au niveau du contact avec les conseillers mobilité carrière, nous avons maintenant une expérience suffisante pour dire qu'il y a eu un effort considérable réalisé sous l'impulsion de Josette Théophile. Entre 2010 et 2012, elle a mis en œuvre 14 des 18 propositions que je lui avais faites, ce qui a pu contribuer sur le plan des idées à son travail sur la seule question des reconversions des enseignants, en lui faisant gagner un temps précieux de réflexion, reconnaissant en cela la qualité du travail qui avait été le nôtre dans cette association. Entre 2010 et 2012 les enseignants étaient dans l'ensemble satisfaits de la qualité d'accueil et d'écoute des conseillers mobilité, qui ont donc été bien formés, mais ils étaient majoritairement déçus du manque de possibilités de reconversion qui leur étaient proposées, puisque de nombreuses académies ont détourné le terme de " reconversion " pour l'appliquer à un simple " changement de discipline d'enseignement ", comme si l'enseignant ne pouvait devenir qu'enseignant. Cette courte vue du métier et des compétences qui y sont développées est très préjudiciable aux enseignants, et à leurs vélléités de changer de voie. Elle ne peut aussi qu'être dommageable au système tout entier, car il manque ici l'occasion de redonner confiance aux enseignants sur le long terme, de fluidifier et diversifier les parcours professionnels, alors que l'allongement des carrières à 44 ans rendra les fins de carrière de plus en plus pénibles physiquement comme psychologiquement, en conduisant les plus atteints vers une précarité majeure, alors qu'initialement ils auront été recrutés au niveau Master. Il y a là un énorme problème que l'Education Nationale ne sait pas résoudre.

           Nous constatons, car les enseignants qui nous contactent nous le rapportent, que les cas de burnout parmi les conseillers mobilité carrière en académie deviennent fréquents. Plus d'une dizaine de cas nous ont été indiqués depuis 2011. C'est sans doute lié au manque de formation en psychologie et de l'absence de superviseur pour ces personnes qui ont quelque peu le rôle de coach. Contactés souvent par des enseignants en grande difficulté, auxquels ils n'ont quasiment rien d'intéressant hors enseignement à leur proposer, ils finissent eux-mêmes par déprimer. Il est clair que les fonctions de conseiller mobilité ne devraient pas être exercées plus de 6 ans par une même personne dans la même académie, car le phénomène d'usure professionnelle s'y ressent très vite, accentué par le manque de moyens.

           Nous remarquons depuis mai 2012 que le nombre de conseillers en mobilité a diminué dans certaines académies, et qu'ici et là, ce sont des personnes non qualifiées, mal formées, qui remplissent ce rôle. De plus, alors que Josette Théophile avait déployé une batterie d'outils conçue pour faciliter la formation continue des enseignants (Droit Individuel à la Formation) et leurs reconversions (Indemnité de Départ Volontaire), même si l'objectif affiché était de diminuer le nombre d'agents publics, on constate depuis mai 2012 une nette diminution des sommes accordées au titre de la création d'entreprise et un accroissement des refus d'IDV et de DIF, notamment dans les grandes académies comme Versailles, Bordeaux, Nantes, Rennes, Orléans-Tours, Marseille. Cette évolution négative montre bien que la GRH au niveau académique n'est pas une bonne chose, car elle est liée à un budget académique contraint, fortement dépendant de la politique conduite par son recteur, qui n'a pas le temps nécessaire, ni son DRH, d'apprécier la qualité de tel ou tel projet de reconversion. Actuellement, les conseillers mobilité voient bien souvent leur bonne volonté d'aide des enseignants dans leur projet hors enseignement annihilée par les directives de leur hiérarchie directe de les garder coûte que coûte dans l'enseignement, quitte à leur propose d'aller dans le 1er degré ou de changer de discipline, même si ce n'était pas leur projet initial.

 

Ce mode de fonctionnement peut-il perdurer longtemps ? Que proposer pour qu'il change ?

 

           J'ai fait de nombreuses propositions dans le bulletin n°138 de juillet 2013 de l'AFAE consacré à la Gestion de Proximité des Ressources Humaines (GPRH), mon article s'intitulant " Vouloir mettre en place une GPRH dans les EPLE, c'est ouvrir une boîte de Pandore ", que vous pouvez vous procurer ici : http://www.education-revue-afae.fr/pagint/revue/sommaire.php?id_numero=15

           J'ai rédigé ma contribution à cette revue fin décembre 2012, et j'ai été très surpris de constater que le Rapport de la Cour des Comptes publié en mai 2013 proposait des pistes similaires à celles issues de ma réflexion. Cependant, leur objectif était sensiblement différent, axé sur les seules économies à réaliser, alors que mon analyse avait comme objectif sur une approche humaniste.

 

 

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