Edgar
Morin
explique ce qu'est une représentation en
disant qu'elle est " une synthèse cognitive
- il y a donc un aspect cognitif dans la
représentation - dotée des
qualités de globalité, de
cohérence, de constance, de stabilité
- si la représentation est stable et
cohérente il est, par conséquent,
difficile de la faire changer, ce qui explique la
difficulté de tout apprentissage - elle (la
représentation) est obtenue par un processus
de construction - c'est donc la personne qui
construit sa propre représentation à
l'intérieur d'elle-même car elle ne
vient pas de l'extérieur, par exemple de
l'enseignant ou du formateur - à partir du
résultat de l'action du réel sur nos
sens - la représentation a donc bien quelque
chose à voir avec la réalité -
mais également des acquis de notre
mémoire ".
Autrement dit, la représentation
est le processus d'une activité de
construction mentale du réel. Cette
élaboration s'effectue à partir des
informations que l'individu reçoit par
l'intermédiaire de ses sens mais aussi des
acquis liés à son vécu,
à ses expériences personnelles,
à son éducation, à sa culture,
aux relations entretenues avec autrui au cours de
son histoire et qui demeurent gravées dans
sa mémoire. Ces informations sont
codées, organisées,
catégorisées dans un système
cognitif global. Tout à la fois, les
représentations antérieures filtrent,
trient et élaborent les informations
reçues et, en retour, peuvent parfois
être complétées,
limitées ou transformées, ce qui
donne naissance à de nouvelles
représentations.
Gérard
Malglaive reprend
également cette description de l'appareil
cognitif avec la notion de Système de
Représentation et de Traitement (SRT) . Il
explique les deux étapes qui constituent le
fonctionnement du système mental.
- Une
étape d'assimilation qui consiste
à prendre une situation nouvelle et
à " digérer " cette situation dans
le cadre déjà construit.
- Une
étape d'accommodation qui consiste
à modifier le cadre sur les
caractéristiques de la nouvelle
situation.
On peut comparer cette description à
celle de deux pistons qui marchent en alternance et
qui sont la base du processus
d'apprentissage.
On retrouve ces deux mécanismes
indissociables dans la théorie
développée par Jean
Piaget pour
expliquer le fonctionnement de l'intelligence. Pour
lui aussi, l'accommodation est un
aménagement des structures cognitives ou des
connaissances en fonction de nouvelles
données et l'assimilation, un
mouvement d'intégration
d'éléments de l'environnement
à l'intérieur de l'individu. Il
introduit en outre, la notion
d'équilibre en expliquant qu'il peut y
avoir perturbation quand il y a contradiction entre
les représentations déjà
construites et les informations nouvelles qui
arrivent. C'est le conflit cognitif,
c'est-à-dire le moment où
l'assimilation ne fonctionne plus de façon
efficace pour préserver l'équilibre
et où l'accommodation se met en marche pour
permettre l'adaptation qui engendrera un nouvel
équilibre . Le conflit cognitif s'inscrit
donc dans un acte où " apprendre " se
définit comme un processus évolutif
de modification et d'appropriation du
réel.
D'après Edgar Morin, les
reconstructions se font également à
partir " de nos fantasmes, qui nous font
privilégier certains aspects plutôt
que d'autres ".
Ainsi, tout individu en percevant des
éléments du " réel " va
mobiliser différents éléments
personnels chargés de fantasmes et de
pulsions pour construire des outils avec lesquels
il va penser et agir. La rencontre entre des
éléments matériels
constitués par nos impressions du monde
extérieur et des éléments
formels fournis par notre subjectivité
implique une
interaction cognitif / affectif
dans la
construction du système de pensée. La
subjectivité, fruit de l'imaginaire,
de la sensibilité, constitue la partie
affective qui va activement participer à la
mise en place de mécanismes de
défense dominants.
Ainsi, les outils de pensée
s'organisent et se consolident en fonction de ces
mécanismes et le système devient
extrêmement rigide. Sa construction se fait
à l'intérieur de l'individu et
échappe à la conscience et à
la rationalité. Elle induit pourtant les
opinions, les attitudes et les actes de l'individu.
En d'autres termes, le choix du comportement qui
va être adopté est fonction de la
représentation qui est faite sur tel ou
tel " objet ".
La conception d'Antonio
Damasio
complète ces théories sur le
fonctionnement du système cognitif quant il
déclare qu'
"
il ne semble pas judicieux d'exclure de
l'explication du fonctionnement mental la
capacité d'exprimer et de ressentir
les émotions. Cependant, c'est ce que
font bon nombre d'interprétations des
processus cognitifs, pourtant
scientifiquement reconnues, qui ne prennent
tout simplement pas en compte les
émotions et leur perception. On
considère généralement
que la capacité d'exprimer et de
ressentir des émotions ne concerne que
des entités insaisissables, qui ne
méritent pas qu'on y prête
autant d'attention qu'au contenu tangible des
pensées bien que ce dernier soit
néanmoins affecté par elles. La
perception des émotions, en raison de
ses liens inextricables avec le corps, se
manifeste en premier au cours du
développement, puis garde une
prééminence qui imprègne
subtilement notre vie mentale. Puisque le
cerveau est le public obligé du corps,
la perception des émotions l'emporte
sur les autres processus perceptifs. Et
puisqu'elle se développe en premier,
elle constitue un cadre de
référence pour ce qui se
développe ensuite, et par là,
elle intervient dans tout ce qui se passe
dans le cerveau et notamment dans le domaine
des processus cognitifs. Son influence est
immense "
.
Il semble donc nécessaire
d'intégrer la dimension affective dans
l'acte d'apprendre, car elle peut réveiller
chez l'apprenant des situations d'apprentissage
passées vécues comme traumatisantes.
Dans un tel cas, la
représentation peut devenir un frein, pour
ne pas dire un obstacle à l'apprentissage.
Dès lors, si cette phase de
réminiscence, de souvenir n'est pas
soutenue, accompagnée, l'individu peut
entrer dans une phase de retrait, de refoulement de
la représentation, de rejet de ce temps
d'errance, de flottement entre l'investigation et
la structuration du nouveau savoir.
Il convient de situer le statut et le
rôle des représentations dans les
situations de formation comme
éléments constitutifs de
mécanismes de résistance et
d'adaptation du sujet-apprenant.
Nous retiendrons également que la
confrontation des représentations d'un
individu avec celles portées par
l'environnement agit, certes, sur l'identité
cognitive, mais aussi sur la personnalité
psycho-affective ; apprendre devient ainsi un acte
intrinsèquement personnel où
l'apprenant doit être en mesure de supporter
non seulement les mises en question de ce qui a
fait ce qu'il est devenu, mais aussi les risques de
tout engagement dans l'action.
Voir:
Représentation
de l'illétrisme et du
phénomène
illettrisme
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