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Lecture globale ou syllabique?

Billet d'humeur

          Je ne suis pas spécialiste de la lecture, encore moins des méthodes de lecture; je ne suis qu'un dyslexique (handicapé?) soi-disant fruit des méthodes syllabiques des année 35!

           Bien sûr je sais que l'apprentissage de la lecture est quelque chose de complexe qui fait intervenir autre chose qu'une méthode: identification à un parent, à un maître qui aime lire, désir d'imiter celui qui lit des histoires, etc... Mais je me garderais bien de me prononcer sur une méthode!

           D'un autre coté je suis plutôt d'un tempérament à faire confiance aux personnes, aussi je me dis que notre Ministre ne doit pas être aussi bête qu'on a l'air de le penser ici et là. Alors quelle est son intention?

           J'émettrais une hypothèse (seulement une hypothèse) en replaçant ce fait dans un contexte plus large: Ne met-il pas en place ce qu'on nomme une "bonne pratique", c'est-à-dire une pratique (une méthode) choisie par quelques experts et qui devra être employée par tous les enseignants sous peine de sanction (avancement retardé...etc.)? On se dirige déjà vers cela en médecine où les bonnes pratiques définies par un collège d'experts doivent être employées par les médecins sous peine de non remboursement, par exemple. (Une "conférence de concensus d'experts" peut être intéressante si elle se conçoit seulement comme état d'une question et moyen d'information provisoire).

<<Le plus inquiétant n'est-il pas qu'après que le Parlement a légiféré sur la bonne façon d'enseigner l'histoire de la colonisation, en lieu et place des historiens, un ministre s'arroge le droit de trancher sur la bonne façon d'enseigner la lecture, en lieu et place des professionnels ? A-t-il conscience qu'il dénie aux enseignants ce que l'école laïque leur a toujours reconnu : la pleine responsabilité de leurs démar-. elles pédagogiques ?>>Le Monde 11/1/06 Pétition sur les méthodes de lecture

           Si c'est cela, on va vers un enseignement à la Knock où le Ministre saura que ce lundi à 9 h tous les petits du CP apprennent que B-A font BA , B-O font BO et que BO et BO font BOBO!

 

           Trêve de plaisanterie. Il est bien évident que la méthode est tentante, elle permet de standardiser et surtout... coûte moins cher. Dans le cas contraire on est obligé de faire une recherche pour savoir ce qui se passe réellement dans les classes, d'étudier les avantages et les inconvénients de chaque méthode; de créer des rencontres d'enseignants pour leur permettre de partager leurs découvertes, leurs façons de faire, bref de payer une véritable formation continue des enseignants tout au long de la vie. Ce qui avait été, autrefois, l'objectif des MAFPEN créées par Alain Savary en 1982 et rattachées directement au Ministère de l'Education Nationale pour cela.

           Or nous avons d'abord vu le rattachement des MAFPEN aux Rectorats pour que la formation continue soit mieux contrôlée. Puis la suppression des MAFPEN en 1998 avec un rattachement de la formation continue aux IUFM, non préparés à la recevoir.

Puis on nous annonce, maintenant, la quasi-disparition des IUFM dans une fusion avec les Universités. Tout cela montre que la formation des enseignants n'est pas prioritaire pour le moins qu'on puisse dire! (exception faite de la formation des cadres de l'E.N. chefs d'établissements.etc. voir: B.O.!)

           Doit-on s'attendre à un retour vers un recrutement d'enseignants au niveau bac ou bac +2 (ce qui coûterait là aussi moins cher!). En effet si les enseignants sont des agents d'exécution de "bonnes pratiques" définies ailleurs, il n'est pas utile de recruter des cadre A, mais seulement des agents d'exécution. Les aides éducateurs en sont-ils les prémices? La question n'est pas simple et demanderait à être approfondie.

Pour rassurer les gens fâchés avec l'orthographe

Sleon une édtue de l'Uvinertisé de Cmabrigde, l'odrre des ltteers dnas un mtos n'a pas d'ipmrotncae, la suele coshe ipmrotnate est que la pmeirère et la drenéire soit à la bnnoe pclae. Le rste peut êrte dnas un dsérorde ttoal et vuos puoevz tujoruos lrie snas porlbème. C'est prace que le creaveu hmauin ne lit pas chuaqe ltetre elle-mmêe, mias le mot cmome un tuot.

           Je ne vois pas derrière tout cela une sorte de complot, mais plutôt la mise en place d'un nouvel imaginaire social dont nous sommes tous partie prenante et dans lequel les facteurs humains se dissolvent progressivement au milieu de facteurs techniques ou scientistes.

Cet imaginaire social répond au besoin de sécurité que nous avons dans un monde incertain et inquiétant. (Le principe de précaution en est un autre exemple). Un imaginaire où la technique serait ressentie comme la solution à tous nos problème et la science comme toute-puissante (bonne ou mauvaise!). Les relations humaines, les rencontres deviennent alors inutiles, seule la "bonne pratique" est indispensable et doit être adoptée par tous. La médicalisation de la souffrance psychique en est un autre exemple.

           Or comme le dit si bien le Professeur Mialaret: <<Au-delà des querelles sur les méthodes... qui datent depuis plus de 100 ans, une réflexion sur ce qu’est une méthode permet d’apporter quelques lumières. Une méthode n’existe pas en soi ; elle n’existe qu’à travers un éducateur qui la met en œuvre et plusieurs facteurs sont à considérer avant de pouvoir porter un jugement sur la valeur de telle ou telle méthode. Une méthode est un ensemble de démarches psychologiques et pédagogiques (quelquefois même sociologiques) qui amène le sujet à l’apprentissage de la lecture.>>(voir: http://www.cahiers-pedagogiques.com/)

Un témoignage reçu:

<<J'ai eu le bonheur d'apprendre à lire à des centaines d'élèves, de participer à la formation de pas mal d'enseignants et de militer pour un meilleur dialogue avec les familles. Grâce à des compagnons de route éclairés et solidaires, j'ai poursuivi par mes propres moyens ma formation tout au long de ma carrière. J'ai gardé mon enthousiasme et ma foi dans les possibilités de l'être humain jusqu'à la retraite et au-delà.

Aussi, je suis sidérée devant l'incompétence de ceux qui se permettent de juger des méthodes de lecture, de l'autorité des maîtres ou de l'orientation des adolescents. Qui sont-ils ? Responsables politiques aux connaissances approximatives ? Journalistes peu regardants avec la déontologie ? Enseignants aigris par leurs échecs ?

Lorsqu'on est ministre, il faut prendre garde de ne pas utiliser l'angoisse et la méconnaissance des parents en assénant des mensonges que peu d'entre eux auront les moyens de déceler.

Qu'on cesse enfin de nous parler d'une méthode "globale " fantasmée : si, effectivement, elle respectait mieux le fonctionnement du cerveau, pour certains enfants, elle n'allait pas assez loin dans l'analyse. Mais comme elle n'a été appliquée que très peu d'années, par un nombre infime d'instituteurs, elle ne risque en aucune manière d'être la cause de tous les maux dont on l'accable.

Célestin Freinet, répondant aux mêmes idées fausses, l'expliquait déjà très clairement ; c'était en 1959 ! Nous bégayons…

Quant à la méthode syllabique (la combinaison de lettres pour former des mots puis de mots pour former des phrases), elle apprend à déchiffrer mais sûrement pas à comprendre ce qu'on lit.

C'est ce qui se passe, aujourd'hui, pour nos élèves en difficulté : ils reconnaissent bien les lettres mais ne comprennent pas le sens de textes plus divers et complexes que ceux qui suffisaient autrefois pour trouver une place dans la société.

C'est peut-être, en partie, à cause d'elle que si peu d'adultes aiment lire… Et ça risque de ne pas s'arranger car les méthodes les plus couramment employées aujourd'hui, sous un habillage moderne, sont plutôt syllabiques, contrairement à ce que s'imaginent nos ministres.

Nous qui avons appris malgré tout, c'est parce que nous avons effectué une démarche complémentaire, alliant l'identification du type de texte, la richesse du vocabulaire, la prise d'indices pertinents (pronoms, ponctuation…), l'anticipation et la combinatoire.

Je n'entrerai pas plus avant dans la technique ici mais je suis à la disposition de quiconque souhaite des précisions. (*) La solution ne réside pas dans des consignes ministérielles à courte vue et fallacieuses de surcroît mais dans une meilleure formation des maîtres : la pédagogie est un métier, voire un art, n'en déplaise aux pourfendeurs du " pédagogisme " que je voudrais bien voir à l'œuvre dans une classe de 25 enfants de CP ! La solution est aussi dans le temps de travailler en équipes pluridisciplinaires et de collaborer avec les familles. Elle est dans le choix de la mixité sociale, de la coopération plutôt que la compétition, de l'éducation à la citoyenneté et à la culture plutôt que l'orientation " utilitaire " trop précoce (toujours préconisée pour les enfants des autres !).

Je peux témoigner que, là où ces éducateurs que sont aussi les enseignants se montrent à la fois compétents et enthousiastes, fermes et bienveillants, respectueux des ces personnalités en devenir que sont les jeunes, ceux-ci apprennent plus efficacement que ne veulent bien le dire les esprits chagrins et n'ont nulle envie de fuir l'école. Encore faudrait-il que la société les accueille comme les siens, ces jeunes ; qu'elle leur offre des perspectives d'avenir au lieu de formater les uns et d'humilier les autres... Encore faudrait-il que l'administration, les grands médias, les décideurs cessent de les désespérer, ces enseignants ; qu'elle cesse de les mépriser, de leur mettre des bâtons dans les roues, d'imposer des contre-valeurs qui détruisent tout ce qu'ils tentent de construire...

(*) juste deux exemples : -comment lisez-vous les mots " est " ou " fils " si vous ne comprenez pas la phrase dans laquelle ils sont ?

- vous qui avez appris comment on prononce " e " et " n " accolés, cela vous aide-t-il pour lire les mots : renne, venu, viens, le couvent, elles couvent… ? Merci aux collègues qui ont bien voulu relire ce texte et m'aider de leurs observations. >>Annie CARTON ex formatrice et directrice d'école d'application Gattières.>>

On peut voir également:

Rapport d l'inspection générale (en PDF)

conférence de consensus: http://www.bienlire.education.fr/04-media/a-consensus.asp

Le dossier de Education & devenir

 

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<<Merci Annie Carton d'exprimer si bien, exemples à l'appui, ce que tout enseignant vit au quotidien. Le mépris est souvent lourd à supporter et nos élèves ont besoin non seulement d'enseignants compétents mais aussi enthousiastes.>>

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