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La recette pour

une "bonne" loi d'orientation

Billet d'humeur!

Recette

1) Savoir que tout se joue dans l'annonce ; les médias et tout le monde seront alors attentifs. Après, la roue tourne et les médias seront ailleurs.

2) Pour bien préparer son annonce,

-prévoir quelques objectifs sur lesquels tout le monde ne peut qu'être d'accord, du genre:

 Rénover la formation initiale et continue des enseignants. Combattre la violence scolaire ; Assurer le remplacement des enseignants absents ;Promouvoir les filières professionnelles ; Renforcer l'apprentissage des langues étrangères ; Faciliter l'accès à l'ordinateur et à Internet.

-rajouter quelques mesures phares désirées par l'opinion ( concept vague correspondant sans doute aux sondages, aux groupes de pression...)

redoublement possible à chaque passage dans la classe supérieure, une note de « vie scolaire » : assiduité, discipline, civisme

- une pincée de mesures pouvant faire plaisir aux enseignants et qui ne mangent pas de pain, du genre:

La liberté pédagogique des enseignants sera inscrite, l'étude des langues anciennes sera soutenue en leur donnant un coefficient majoré.

- aborder avec d'infinies précautions les réformes que tout le monde sait indispensables mais avec des opinions différentes. Là, annoncer la réforme mais sans détails du genre:

"on réformera le bac mais on va prendre le temps de réfléchir". Surtout ne dévoilez rien, si ce n'est de façon vague, par ex: "avec un peu de contrôle continu"!

-enfin annoncer des concertations multiples et tous azimuts même si vous savez que votre texte est prêt.

 

3) Évidemment il faut éviter à tout prix les "lapsus" durant cette annonce.

Les lapsus ces petites choses insignifiantes par rapport à l'ensemble des points importants, ces petites choses qui justement, malgré tout, sont les plus porteurs du sens de l'ensemble.

 

             "Dans un monde qui bouge, l'immobilisme est un désordre"

Publicis Groupe SA

par la bouche de son PDG Maurice Lévy

(In Le monde 17 fev 2004)

 
 

Je pense que notre Ministre a bien réussi la recette de son annonce, sauf sur le point 3: Les lapsus

Personnellement j'en vois trois:

*La suppression des TPE en terminale:

             Un détail dans l'ensemble du projet, mais signe lourd de sens. ("La mesure proposée se traduira pour les élèves de terminale et leurs professeurs par un allègement de leur charge globale de travail au profit de la préparation de l'examen, répondant ainsi à l'une des principales critiques formulées à l'encontre des TPE. En effet, les TPE sont ressentis en terminale comme une surcharge de travail l'année de l'examen", indique la note de présentation accompagnant le projet d'arrêté modifiant l'arrêté du 18 mars 1999".)

             En quelque sorte le ministère dit aux élèves, aux enseignants et parents: "Les TPE sont un gadget qui ne mérite pas d'être au Bac, ce qui est important ce sont les disciplines et ne changez rien à vos méthodes d'enseignement, on vous aide en allégeant votre charge de travail.

             Le ministère aurait pu, au contraire, profiter de cette loi pour développer ces TPE qui amènent une autre façon d'enseigner plus motivante pour les élèves, une meilleure préparation à l'enseignement supérieur, qui développe aussi une culture de recherche, d'innovation, d'adaptation et donne une occasion d'un travail en équipe aux enseignants.

TPE : Les profs aussi pétitionnent

             Parmi les pétitions lancées par des enseignants pour le maintien des TPE au lycée, signalons celle d'un lycée de Villefontaine (38) : "la plupart des élèves (95 % ?) font preuve d’intérêt et souvent d’un véritable engagement dans la réalisation de leur TPE. Nous sommes convaincus que les TPE permettent aux élèves d’apprendre à travailler en équipe, travailler dans le cadre d’une démarche de projet, sur une certaine durée, maîtriser les TICE, se documenter, être autonome, être créatif, s’ouvrir sur l’extérieur, dégager une problématique... Les TPE, en continuité avec les IDD du collège, préparent les futurs étudiants à des méthodes qu’ils rencontreront dans leur cursus… Nous sommes convaincus de l’importance pédagogique des TPE. Nous voulons garder les TPE en Terminale !"Cafépédagogique

*La liberté pédagogique affichée.

             Bien sur elle est illusoire et affirmée pour faire plaisir aux enseignants; Affirmer cette liberté c'est de l'ordre du fantasme! Mais, comme toute liberté, elle est, en réalité, très conditionnée (par les contrôles, les inspections, les publics, les parents...) Du reste dans une nouvelle version, la «liberté pédagogique» des enseignants est désormais assortie d'un ferme rappel de leur statut de «fonctionnaires d'Etat».

<<Les professeurs sont satisfaits de se voir reconnaître une liberté de moyens qui leur permettra de se libérer de l'emprise des parents interventionnistes, des chefs d'établissement toqués de pédagogie et des formateurs qui prônent la construction des savoirs par l'élève>> P. Meirieu. Le Monde 25/11/04

             En revanche cette annonce est porteuse encore de signe: "Vous, enseignants, continuez à travailler individuellement, vous êtes libres ainsi, le travail en équipe, qui serait une forme de contrainte, n'est pas indispensable. "Evidemment on sera parfois obligé de vous "réquisitionner" pour remplacer des collègues".

Bien sûr qu'une marge de liberté est nécessaire pour enseigner surtout si on considère cette "profession" come celle d'un cadre supérieur et non d'un agent d'exécution. Mais il faut en tirer alors les conséquences. (voir: Nous ne sommes pas reconnus)

             Le travail d'équipe encouragé aurait permis les remplacements sans "réquisition" mais comme allant de soi dans toute équipe solidaire et responsable. Cet encouragement aurait aussi été une reconnaissance pour tous les enseignants qui le pratiquent déjà.

*Le concours IUFM qui reste en fin de première année

             On perpétue l'erreur initiale et, en quelque sorte, on admet qu'une formation professionnelle des enseignants n'est pas fondamentale. On ne tient pas compte du renouvellement important des enseignants dans les années à venir.

<<En réalité un tel calcul est pitoyable: fondé sur un mépris...des enseignants considérés comme de piètres professionnels, ne disposant que des sanctions, redoublement et exclusion pour faire réussir leurs élèves>>P. Meirieu. Le Monde 25/11/04

             Le courage voudrait que l'on tienne compte des problèmes importants de la France, d'un besoin de plus en plus grand ( pour conserver ses emplois) de développer sa recherche, son esprit d'invention, d'initiative, d'adaptation, de travail en équipes, or c'est justement dans la formation, à l'école, que tout cela se prépare et à l'âge le plus jeune, pour être efficace.

             Les TPE, entre autres, étaient et restent le symbole d'une méthodologie d'enseignement et d'apprentissage qui développe justement cette esprit de recherche, d'initiative, de travail en équipe. Ils sont supprimés pour conserver le contôle traditionnel de connaissances disciplinaires.

             La compétition mondiale existe, entre pays, sociétés, équipes de recherche; c'est une compétition de groupe, il faut y faire face; et nous, nous paraissons croire que nous pourrons y répondre en développant seulement encore plus la compétition individuelle entre les élèves, entre les profs sans développer une nouvelle forme d'enseignement apte à l'acquisition des compétences nécessaires à cette compétition de groupes!

 

Ceci dit n'accusons pas trop vite nos dirigeants

             Ils ne sont souvent que le reflet d'une partie de nous-mêmes. 

Toute réforme comme tout changement est insupportable car on voit tout de suite ce que l'on va perdre sans être sûr de ce que l'on va y gagner. Et ainsi il y a toujours en chacun de nous une partie qui ne veut rien changer et une partie qui accepterait de voir.

             Des groupes (groupes de pression, syndicats, députés...) se chargent de représenter cette partie de nous-mêmes qui ne veut rien changer. 

             D'autres groupes (pédagogiques, syndicats...) représentent cette autre partie de nous qui demande à voir. 

<<Ce qui doit advenir, c'est une école qui place la personne de l'élève, et non une classe d'âge, au centre de ses préoccupations; une école qui redise sa confiance à des enseignants soucieux de dispenser un savoir incarné dans le progrès humain, une école qui ne referme pas la porte de la crainte sur des parents plus désorientés que démissionnaires; une école, enfin, qui, sans perdre sa spécificité, s'ouvre aux regards et aux richesses du monde extérieur>> Présidents de la PEEP, de la FCPE, de l'UNAPEL. Le monde 25/11/04

Pour chacun de nous la lutte est intérieure, mais elle est plus supportable en la situant à l'extérieur avec des groupes représentatifs.

(
Voir tensions systémiques)

 

             C'est dans cette confrontation de nos imaginaires que se fait l'imaginaire sociale apte à entraîner un changement ou au contraire une stagnation, parfois même un retour nostalgique en arrière... jusqu'au moment ou la réalité s'impose! parfois alors brutalement.

             La réalité pour l'enseignement pourrait bien apparaître dans la difficulté de plus en plus grande qu'ont les jeunes à supporter l'école telle qu'elle fonctionne actuellement et dans la façon maladroite qu'ils ont alors de le dire par la violence à l'école.

             Bien sûr ce billet d'humeur expose une vision partielle et partiale, elle correspond à cette partie de moi déçue (après un débat et un rapport Thélot qui donnaient de l'espoir) et je sais que ce n'est pas bon de trop décevoir.

             Bien sûr il y a une autre partie de moi qui savait qu'une telle loi ne pouvait se terminer que par des réformettes à cause de toutes les résistances qui existent et que les véritables changements ne peuvent venir que d'un "apprentissage collectif" des acteurs auquel j'espère participer par ce site, avec des sites amis.

<<Pour une organisation, l'élaboration de systèmes experts suppose de pénétrer le fonctionnement fin de celle-ci, notamment à travers le repérage des processus qu'elle met en ceuvre et du rôle des différents acteurs et sous-systèmes en son sein. Un tel travail contribue à construire une nouvelle vision des rapports entre acteurs et systèmes. Ils modifient les relations entre les registres individuels et collectifs. Surtout, ils projettent sur le devant de la scène les savoirs collectifs qui ont vocation à être utilisés par de nombreux acteurs différents et à pouvoir se modifier - à évoluer en fonction des résultats obtenus. Repérer et transformer les savoirs collectifs est l'un des principes fondamentaux de l'apprentissage collectif et des systèmes apprenants.>>

Alain Bouvier. p .57

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