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Vers une pragmatique de la transmission

Anne Salomon

             Il y a quatre ans, un décret ministériel confirmant les réformes entreprises dans la formation des futurs enseignants a officialisé l'instauration d'une série de nouveaux cours intégrés dans la première année du cursus des Normales Bacheliers préscolaires, primaires et secondaires, en Belgique.

             Mon engagement dans la formation de formateurs à l'Institut E.S.P.E.R.E. ainsi que la réalisation d'un DVD didactique " Pour vivre l'école autrement…apprendre à communiquer " m'ont permis de bénéficier d'une dérogation pour assurer, en parallèle avec les cours de français et de maîtrise de la langue, le cours de " Psychologie de la relation et de la communication " .

             Depuis plusieurs années, je travaille à créer à l'intérieur de ce cours un espace de réflexion, de " théorisation vivante " pour guider l'étudiant(e) dans sa formation en tant que personne et en tant que futur(e) pédagogue.

             Se situant hors du clivage traditionnel " théorique / pratique ", ce cours est principalement articulé autour des outils de la méthode E.S.P.E.R.E. de Jacques SALOME, considérés comme base d'une démarche de sensibilisation pour une plus grande implication personnelle des enseignants. C'est une invitation à aider les étudiants à se mettre en question , à amorcer une dynamique d'interrogations sur leurs propres attitudes relationnelles, à acquérir plus d'autonomie sur plusieurs plans : la relation à soi (intrapersonnelle), la relation à l'autre (interpersonnelle), la relation professionnelle, mais aussi la relation filiale (la dépendance financière aux parents ou tuteurs convoquant des enjeux à prendre en compte dans le développement psychoaffectif non achevé des étudiants).

             Le cloisonnement des cours disciplinaires ainsi que le système scolaire dans son fonctionnement actuel conditionnent les étudiants à utiliser les règles d'hygiène relationnelles, les outils, les concepts dans le cadre un peu rigide d'un cours magistral ( à l'exception de certaines expérimentations possibles sur le terrain des stages, dans un contexte relativement étroit).

             Ce cloisonnement des cours n'est pas sans me rappeler une des dérives actuelles des cours de langue française : à force de n'enseigner le français que comme une matière parmi d'autres , on en oublie son caractère transdisciplinaire et on l'affaiblit, allant à l'encontre, me semble-t-il, de la formulation pourtant explicite des Socles de compétences, document publié par le Ministère de la Communauté française de Belgique et adressé aux enseignants de l'enseignement fondamental et du premier degré de l'Enseignement secondaire (professeurs des écoles et des collèges).

             C'est dans la perspective des compétences transversales développées notamment dans ce document et de la pédagogie différenciée, qu'il s'agit d'appréhender les outils E.S.P.E.R.E. et de se les approprier (Cf. " Jalons pour une grammaire relationnelle "). La question du rythme a tout son sens, donnant le tempo de progression du cours : je m'appuierai, pour l'expliciter, sur un des aspects de la dynamique relationnelle exprimée dans Pour ne plus vivre sur la planète Taire, de Jacques SALOME : " inviter, demander, exiger ". Au-delà de la forme linéaire et chronologique de la description, il s'agit bien d'une approche méthodologique en spirale, à portée ontologique.

 

Inviter : Il s'agit de proposer aux étudiants un exposé très bref de quelques outils, notions clés, règles d'hygiène relationnelle de la " méthode" ; quelques témoignages de l'implication personnelle en pédagogie (en évitant l'écueil de l'enthousiasme et d'un prosélytisme trop marqué). Il s'agit de les inviter à décrire des situations pédagogiques dont ils ont été témoins en stages d'observation, ou qu'ils ont vécues en stages de participation, ou de faire référence à des situations d'ex - enfants (quand ils étaient eux-mêmes élèves, de la maternelle au lycée).

1) Les élèves (futurs enseignants) vont pouvoir s'exprimer sur trois niveaux : les faits, les idées, les ressentis.

             Cela nécessite de la part de l'enseignant une qualité d'écoute et le rappel de quelques règles : respect de la confidentialité, règle de l'anonymat des personnes et des lieux.

2) L'enseignante balise la lecture de ces témoignages avec les outils E.S.P.E.R.E. , métalangage au service de l'analyse.

3) Elle sollicite ensuite de micro - applications sur d'autres situations.

             En utilisant ces termes techniques, les étudiants sont amenés à conscientiser la démarche. Ces exercices permettent une distanciation par rapport au vécu et un retour à la théorie devenue plus vivante. Comme les étudiants, le pédagogue avance aussi en terrain inconnu. Il possède un " équipement " qui lui permet de " faire face ", mais ne peut pas contrôler tout ce qui se présente dans cette aventure centrée sur les relations humaines.

Demander : La présentation des savoirs, et la lecture de ces savoirs évoluent. La mise en application des outils s'organise en exercices " de structuration " qui portent autant sur la prise de parole en classe que sur des exemples proposés. Elle implique l'enseignant comme les élèves.

             A partir de situations ou de phrases indicatrices des phénomènes à dominantes antirelationnelles, retrouvées dans leurs souvenirs, les étudiants reconnectent un ressenti négatif souvent censuré ou autocensuré, qui va commencer à se dire. Le passage de l'impression à l'expression peut s'effectuer ; la qualité de l'écoute individuelle et dans le groupe, s'améliore.

Exiger : La phase d'évaluation va replacer l'enseignant dans une relation de pouvoir (évaluation sommative) en fin d'année, qui clôture une phase d'évaluation formative ciblée à l'entretien individuel de l'examen. L'enseignant, conscient de faire partie du système scolaire, peut négocier cette situation paradoxale en développant une écoute plus impliquante à dimension humaniste. Il va s'agir d'évaluer le niveau de prise de conscience , d'identifier sur quoi elle s'effectue, les preuves de la sensibilisation à l'implication. S'ajoute la possibilité d'une gratification possible de la démarche d'implication , qui dépend de la subjectivité de l'évaluateur, de son éthique personnelle, de son degré d'implication, de ce que l'étudiant apporte, et de ce que l'enseignant est capable de recevoir de lui.

             L'étudiant aura à nommer et expliciter quelques-unes des notions théoriques abordées de manière récurrente et selon les contextes de découverte et d'utilisation.

             Il aura à identifier, à partir d'un rapport d'observation en stage, ou rapport témoignage, les manifestations des phénomènes antirelationnels présents dans la classe ou les signes de l'utilisation consciente ou non des outils issus de la méthode E.S.P.E.R.E.

             Parfois, les étudiants partageront les fruits de leur démarche réflexive issue de lectures personnelles suggérées en classe ( Jacques SALOME, Jacques NIMIER, Alice MILLER, Françoise DOLTO…) mais seront ramenés à les passer au tamis des " outils " de l'approche E.S.P.E.R.E.

 

             Quelques signes d'une dynamique d'implication sur le plan pédagogique sont perceptibles au travers de motivations personnelles d'étudiants qui reviennent en fin de cycle solliciter le professeur pour être promoteur d'un mémoire. Parfois ces motivations sont issues de choix tout à fait personnels, individuels, ou émanent de suggestions au cours ou dans un autre cours, ou de contraintes d'application (utilisation du bâton de parole en stage, assorti d'un compte rendu écrit) qui génèrent l'idée d'une expérimentation pour la réalisation du mémoire, comme le cas se présente pour l'année scolaire prochaine.

 

Redonner au verbe ses lettres de noblesse : une démarche personnalisée.

             A l'instar de l'apprentissage de la langue, l'apprentissage de la communication relationnelle semble relever d'une démarche d'appropriation similaire. Mais celle-ci peut en outre se mettre à son service , et vice versa, dans une mise en abyme métaphorique que je me plais à souligner ici. L'enfant au début de ses activités langagières ne sait pas qu'il utilise des ressources linguistiques particulières, ne les connaît pas. Il ne les utilisera en conscience qu'après avoir appris à les reconnaître, à " jouer " avec elles, à les tester dans de multiples contextes , à reconstruire des synthèses pour s'approprier par une démarche réflexive ces savoirs théoriques , à les réinvestir de manière empirique . Le cours de grammaire puis d'initiation à la stylistique va lui permettre de " nommer ", " reconnaître ", " appliquer ", " achever d'initiative ", …les éléments linguistiques afin de se les approprier, de les intérioriser, de les redynamiser dans des actes créatifs, d'enrichir la langue. Il dépendra alors de chacun d'affiner ses apprentissages , de créer son style , de créer sa propre parole. Mais , dans un premier temps, la maîtrise de la langue offrira à l'individu la possibilité de la mettre au service d'autres matières, d'autres expériences de vie, au service de la qualité de sa vie. Ainsi en va-t-il des ressources humaines en communication relationnelle.

             Dénommer les ressources humaines sollicitées ou potentiellement exploitables permet de passer de l'impression à l'expression, de l'expression à la communication, de la communication à une relation plus vivante, plus dynamique.

             L'intégration des outils E.S.P.E.R.E. favorise chez les personnes s'impliquant, une plus grande ouverture d'esprit, un changement de regard , pour aller de l'avant vers de nouvelles situations de vie.

 

             Tout comme on assiste, depuis une dizaine d'années, à une formalisation structurale de l'apprentissage, la vigilance s'impose aussi en ce qui concerne la spécificité de ce cours de communication relationnelle. En effet, dans l'enseignement fondamental, l'exigence de production d'écrits inscrite dans des attentes intellectualisées réductrices , montre par exemple comment le conte est vidé de sa substance, à la fois comme genre littéraire et comme langage symbolique puissant. Cette approche du conte permet-elle aux enfants de s'en nourrir et de se construire à travers un imaginaire nécessaire, pour accéder à leur propre parole ?

             Il me semble qu'il ne s'agit pas non plus de " s'emparer " du cours de communication relationnelle, comme cela a été illustré par l'exemple précité. Peut-être ces nuances du mot " outils " aideront-elles à ne pas enfermer ni s'enfermer dans une vision réductrice. " Outils " peut signifier " jalons " permettant une démarche, un chemin de construction de soi à l'intérieur d'un système complexe ; repères théoriques incluant les notions de concepts, règles d'hygiène relationnelles, objets de visualisation; " outils " dans le sens pragmatique où ils ne fonctionnent que si l'on s'en sert !

 

             Ce cours, axé sur cette " approche méthodologique ", est en évolution : c'est inhérent à son contenu, ses objectifs et l'éthique professionnelle minimale compatible avec la tradition humaniste dont se réclament les politiques chargés de l'Education.

 
Bibliographie succincte

 GEERLANDT KATHLEEN , Découvrir la communication relationnelle dès l'enfance, Editions Jouvence, 2002.

 MILLER Alice, C'est pour ton bien, Racines de la violence dans l'éducation de l'enfant, Editions Aubier, 1984 ;Notre corps ne ment jamais, Flammarion, 2004.

 NIMIER Jacques, La formation psychologique des enseignants, Coll. Formation permanente en sciences humaines, ESF éditeur, 1996 ;

Camille a la haine et…Léo adore les maths. L'imaginaire dans l'enseignement, ALEAS Editeur, avril 2006.

 SALOME Jacques, Pour ne plus vivre sur la planète Taire, Albin Michel, 1997 ;

Minuscules aperçus sur la difficulté d'enseigner, Albin Michel, 2004. Vidéographie ( DVD )

 CORONEL Elisabeth et MEZAMAT Arnaud (de), Françoise DOLTO, Tu as choisi de naître,

Parler vrai, N'ayez pas peur, Gallimard, 1997.

 COUTURE Rachel, La communication relationnelle avec la méthode E.S.P.E.R.E. , Editions Quintessence, 2005.DE LA FUENTE Thérèse, Graines de communication, 2004.

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<< bréf exposer sur l’Eveil de la dissonance dans des contextes sociaux selon FESTINGER ET ELILIOT ARANSON>>

 
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