Mon
engagement dans la formation de formateurs à
l'Institut E.S.P.E.R.E. ainsi que la
réalisation d'un DVD didactique " Pour vivre
l'école autrement
apprendre à
communiquer " m'ont permis de
bénéficier d'une dérogation
pour assurer, en parallèle avec les cours de
français et de maîtrise de la langue,
le cours de " Psychologie de la relation et de la
communication " .
Depuis plusieurs années, je
travaille à créer à
l'intérieur de ce cours un espace de
réflexion, de " théorisation vivante
" pour guider l'étudiant(e) dans sa
formation en tant que personne et en tant que
futur(e) pédagogue.
Se situant hors du clivage traditionnel "
théorique / pratique ", ce cours est
principalement articulé autour des outils de
la méthode E.S.P.E.R.E. de Jacques SALOME,
considérés comme base d'une
démarche de sensibilisation pour une plus
grande implication personnelle des enseignants.
C'est une invitation à aider les
étudiants à se mettre en question ,
à amorcer une dynamique d'interrogations sur
leurs propres attitudes relationnelles, à
acquérir plus d'autonomie sur plusieurs
plans : la relation à soi
(intrapersonnelle), la relation à l'autre
(interpersonnelle), la relation professionnelle,
mais aussi la relation filiale (la
dépendance financière aux parents ou
tuteurs convoquant des enjeux à prendre en
compte dans le développement psychoaffectif
non achevé des étudiants).
Le cloisonnement des cours disciplinaires
ainsi que le système scolaire dans son
fonctionnement actuel conditionnent les
étudiants à utiliser les
règles d'hygiène relationnelles, les
outils, les concepts dans le cadre un peu rigide
d'un cours magistral ( à l'exception de
certaines expérimentations possibles sur le
terrain des stages, dans un contexte relativement
étroit).
Ce cloisonnement des cours n'est pas sans me
rappeler une des dérives actuelles des cours
de langue française : à force de
n'enseigner le français que comme une
matière parmi d'autres , on en oublie son
caractère transdisciplinaire et on
l'affaiblit, allant à l'encontre, me
semble-t-il, de la formulation pourtant explicite
des Socles de compétences, document
publié par le Ministère de la
Communauté française de Belgique et
adressé aux enseignants de l'enseignement
fondamental et du premier degré de
l'Enseignement secondaire (professeurs des
écoles et des collèges).
C'est dans la perspective des
compétences transversales
développées notamment dans ce
document et de la pédagogie
différenciée, qu'il s'agit
d'appréhender les outils E.S.P.E.R.E. et de
se les approprier (Cf. " Jalons pour une grammaire
relationnelle "). La question du rythme a tout son
sens, donnant le tempo de progression du cours : je
m'appuierai, pour l'expliciter, sur un des aspects
de la dynamique relationnelle exprimée dans
Pour ne plus vivre sur la planète Taire, de
Jacques SALOME : " inviter, demander, exiger ".
Au-delà de la forme linéaire et
chronologique de la description, il s'agit bien
d'une approche méthodologique en spirale,
à portée ontologique.
Inviter :
Il s'agit
de proposer aux étudiants un exposé
très bref de quelques outils, notions
clés, règles d'hygiène
relationnelle de la " méthode" ; quelques
témoignages de l'implication personnelle en
pédagogie (en évitant l'écueil
de l'enthousiasme et d'un prosélytisme trop
marqué). Il s'agit de les inviter à
décrire des situations pédagogiques
dont ils ont été témoins en
stages d'observation, ou qu'ils ont vécues
en stages de participation, ou de faire
référence à des situations
d'ex - enfants (quand ils étaient
eux-mêmes élèves, de la
maternelle au lycée).
1) Les
élèves (futurs enseignants) vont
pouvoir s'exprimer sur trois niveaux : les faits,
les idées, les ressentis.
Cela nécessite de la part de
l'enseignant une qualité d'écoute et
le rappel de quelques règles : respect de la
confidentialité, règle de l'anonymat
des personnes et des lieux.
2)
L'enseignante balise la lecture de ces
témoignages avec les outils E.S.P.E.R.E.
, métalangage au service de
l'analyse.
3) Elle
sollicite ensuite de micro - applications sur
d'autres situations.
En utilisant ces termes techniques, les
étudiants sont amenés à
conscientiser la démarche. Ces exercices
permettent une distanciation par rapport au
vécu et un retour à la théorie
devenue plus vivante. Comme les étudiants,
le pédagogue avance aussi en terrain
inconnu. Il possède un " équipement "
qui lui permet de " faire face ", mais ne peut pas
contrôler tout ce qui se présente dans
cette aventure centrée sur les relations
humaines.
Demander
: La
présentation des savoirs, et la lecture de
ces savoirs évoluent. La mise en application
des outils s'organise en exercices " de
structuration " qui portent autant sur la prise de
parole en classe que sur des exemples
proposés. Elle implique l'enseignant comme
les élèves.
A partir de situations ou de phrases
indicatrices des phénomènes à
dominantes antirelationnelles, retrouvées
dans leurs souvenirs, les étudiants
reconnectent un ressenti négatif souvent
censuré ou autocensuré, qui va
commencer à se dire. Le passage de
l'impression à l'expression peut
s'effectuer ; la qualité de l'écoute
individuelle et dans le groupe,
s'améliore.
Exiger :
La phase
d'évaluation va replacer l'enseignant
dans une relation de pouvoir (évaluation
sommative) en fin d'année, qui clôture
une phase d'évaluation formative
ciblée à l'entretien individuel de
l'examen. L'enseignant, conscient de faire partie
du système scolaire, peut négocier
cette situation paradoxale en développant
une écoute plus impliquante à
dimension humaniste. Il va s'agir d'évaluer
le niveau de prise de conscience , d'identifier sur
quoi elle s'effectue, les preuves de la
sensibilisation à l'implication. S'ajoute la
possibilité d'une gratification possible de
la démarche d'implication , qui
dépend de la subjectivité de
l'évaluateur, de son éthique
personnelle, de son degré d'implication, de
ce que l'étudiant apporte, et de ce que
l'enseignant est capable de recevoir de
lui.
L'étudiant aura à nommer et
expliciter quelques-unes des notions
théoriques abordées de manière
récurrente et selon les contextes de
découverte et d'utilisation.
Il aura à identifier, à partir
d'un rapport d'observation en stage, ou rapport
témoignage, les manifestations des
phénomènes antirelationnels
présents dans la classe ou les signes de
l'utilisation consciente ou non des outils issus de
la méthode E.S.P.E.R.E.
Parfois, les étudiants partageront
les fruits de leur démarche réflexive
issue de lectures personnelles
suggérées en classe ( Jacques SALOME,
Jacques NIMIER, Alice MILLER, Françoise
DOLTO
) mais seront ramenés à
les passer au tamis des " outils " de l'approche
E.S.P.E.R.E.
Quelques signes d'une dynamique
d'implication sur le plan pédagogique sont
perceptibles au travers de motivations personnelles
d'étudiants qui reviennent en fin de cycle
solliciter le professeur pour être promoteur
d'un mémoire. Parfois ces motivations sont
issues de choix tout à fait personnels,
individuels, ou émanent de suggestions au
cours ou dans un autre cours, ou de contraintes
d'application (utilisation du bâton de parole
en stage, assorti d'un compte rendu écrit)
qui génèrent l'idée d'une
expérimentation pour la réalisation
du mémoire, comme le cas se présente
pour l'année scolaire prochaine.
Redonner au verbe ses
lettres de noblesse : une démarche
personnalisée.
A l'instar de l'apprentissage de la langue,
l'apprentissage de la communication relationnelle
semble relever d'une démarche
d'appropriation similaire. Mais celle-ci peut en
outre se mettre à son service , et vice
versa, dans une mise en abyme métaphorique
que je me plais à souligner ici. L'enfant au
début de ses activités
langagières ne sait pas qu'il utilise des
ressources linguistiques particulières, ne
les connaît pas. Il ne les utilisera en
conscience qu'après avoir appris à
les reconnaître, à " jouer " avec
elles, à les tester dans de multiples
contextes , à reconstruire des
synthèses pour s'approprier par une
démarche réflexive ces savoirs
théoriques , à les réinvestir
de manière empirique . Le cours de grammaire
puis d'initiation à la stylistique va lui
permettre de " nommer ", " reconnaître ", "
appliquer ", " achever d'initiative ",
les
éléments linguistiques afin de se les
approprier, de les intérioriser, de les
redynamiser dans des actes créatifs,
d'enrichir la langue. Il dépendra alors de
chacun d'affiner ses apprentissages , de
créer son style , de créer sa propre
parole. Mais , dans un premier temps, la
maîtrise de la langue offrira à
l'individu la possibilité de la mettre au
service d'autres matières, d'autres
expériences de vie, au service de la
qualité de sa vie. Ainsi en va-t-il des
ressources humaines en communication relationnelle.
Dénommer les ressources
humaines sollicitées ou
potentiellement exploitables permet de
passer de l'impression à
l'expression, de l'expression à la
communication, de la communication
à une relation plus vivante, plus
dynamique.
|
L'intégration des outils E.S.P.E.R.E.
favorise chez les personnes s'impliquant, une plus
grande ouverture d'esprit, un changement de regard
, pour aller de l'avant vers de nouvelles
situations de vie.
Tout comme on assiste, depuis une dizaine
d'années, à une formalisation
structurale de l'apprentissage, la vigilance
s'impose aussi en ce qui concerne la
spécificité de ce cours de
communication relationnelle. En effet, dans
l'enseignement fondamental, l'exigence de
production d'écrits inscrite dans des
attentes intellectualisées
réductrices , montre par exemple comment
le conte est vidé de sa substance,
à la fois comme genre littéraire et
comme langage symbolique puissant. Cette approche
du conte permet-elle aux enfants de s'en nourrir et
de se construire à travers un
imaginaire
nécessaire, pour accéder à
leur propre parole
?
Il me semble qu'il ne s'agit pas non plus de
" s'emparer " du cours de communication
relationnelle, comme cela a été
illustré par l'exemple
précité. Peut-être ces nuances
du mot " outils " aideront-elles à ne pas
enfermer ni s'enfermer dans une vision
réductrice. " Outils " peut signifier "
jalons " permettant une démarche, un chemin
de construction de soi à l'intérieur
d'un système complexe ; repères
théoriques incluant les notions de concepts,
règles d'hygiène relationnelles,
objets de visualisation; " outils " dans le sens
pragmatique où ils ne fonctionnent que si
l'on s'en sert !
Ce cours, axé sur cette " approche
méthodologique ", est en évolution :
c'est inhérent à son contenu, ses
objectifs et l'éthique professionnelle
minimale compatible avec la tradition humaniste
dont se réclament les politiques
chargés de l'Education.
Bibliographie
succincte
GEERLANDT
KATHLEEN , Découvrir la
communication relationnelle dès
l'enfance, Editions Jouvence,
2002.
MILLER
Alice, C'est pour ton bien, Racines de la
violence dans l'éducation de
l'enfant, Editions Aubier, 1984 ;Notre
corps ne ment jamais, Flammarion,
2004.
NIMIER
Jacques, La
formation psychologique des
enseignants,
Coll. Formation permanente en sciences
humaines, ESF éditeur, 1996
;
Camille
a la haine et
Léo adore les
maths. L'imaginaire dans
l'enseignement,
ALEAS Editeur, avril 2006.
SALOME
Jacques, Pour ne plus vivre sur la
planète Taire, Albin Michel, 1997
;
Minuscules
aperçus sur la difficulté
d'enseigner,
Albin Michel, 2004. Vidéographie (
DVD )
CORONEL
Elisabeth et MEZAMAT Arnaud (de),
Françoise DOLTO, Tu as choisi de
naître,
Parler
vrai, N'ayez pas peur, Gallimard,
1997.
COUTURE
Rachel, La communication relationnelle
avec la méthode E.S.P.E.R.E. ,
Editions Quintessence, 2005.DE LA FUENTE
Thérèse, Graines de
communication, 2004.
|
|
|