Deux
fonctions souvent entremêlées:
"l'inspecteur vient-il pour me conseiller ou pour
m'évaluer?".
Deux fonctions
souvent mal définies et dont
l'ambigüité soulève bien des
questions.
Par exemple, dans "Le miroir du
débat" de la commission Thelot; on demande
<<des « visites de conseil »
réalisées par les inspecteurs et les
conseillers pédagogiques et des «
visites d'évaluation »
réalisées par les seuls
inspecteurs.>>.
Mais ces
fonctions de conseil et d'évaluation
sont-elles compatibles? Si oui, dans quelles
conditions ?
Pour moi "ÉVALUER"
c'est avoir des NORMES (extérieures
à la personne, plus ou moins bien
définies et qu'elle ne peut
remettre en question: ce n'est pas
l'inspecteur qui fait les lois!) et
comparer une RÉALITÉ
à ces NORMES. Si je corrige un
devoir implicitement ou explicitement j'ai
"un corrigé" dans la tête et
je vais comparer ce devoir à ce
corrigé. Si j'inspecte un
enseignant, j'ai un ensemble de lois
édictées par l'institution
et je vais regarder si ces règles
sont respectées par l'enseignant
(combien de devoirs par trimestre? le
programme est-il suivi?....). Si je
suis formateur je vais me construire une
norme minimale de "capacités
professionnelles" exigibles et voir si les
candidats les ont...
<<Dans
les conditions actuelles
d'inspections trop brèves
et épisodiques,
l'évaluation au «
mérite » fait peur
aux enseignants et ils ne
souhaitent pas non plus voir le
rôle des chefs
d'établissement se
renforcer en
matièred'évaluation.>>
http://www.debatnational.
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Dans tous les
cas il y a un
"jugement de
rendu" (c'est bien
ou c'est mal ou de
façon plus
nuancé, c'est
conforme ou non) et
des
conséquences
(positives ou
négatives) pour
l'intéressé
(note
pédagogique,
réussite à
un
examen...). C'est
donc normal qu'elle
(l'inspection) fasse
peur!
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Bien sûr il peut y avoir
d'autres formes d'évaluation comme
rechercher si une personne est bien
à sa place dans telle fonction, si
l'enseignant paraît
"motivé"?...mais c'est toujours une
comparaison par rapport à des
NORMES implicites ou explicites,
conscientes ou inconscientes qui se
veulent externes à la
personne (on veut qu'une solution d'un
exercice soit bonne indépendamment
de l'évaluateur... ).
CONSEILLER
ne relève pas de la même
démarche quelle que soit la
méthodologie
utilisée(voir
le schéma envoyé par une
correspondante).
Conseiller peut, en effet, s'exercer de
diverses façons: proposer des
solutions à une question,
écouter la personne, clarifier la
question qu'elle se pose... dans tous les
cas le conseiller n'a pas "d'à
priori" extérieur à
lui, il n'a que ses propres "à
priori" internes qu'il peut
remettre en question par les
réactions de la personne qu'il
conseille. Son but est de permettre
à la personne de trouver une
solution qui lui convienne à une
situation donnée. Là,
il n'y a pas de normes (si ce n'est celles
internes des personnes, conseiller
et enseignant). Les conséquences ne
viennent pas directement, si elles
existent, du conseiller. L'effet sur
l'enseignant ou l'élève est
un ressenti d'aide plus ou moins
grand.
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<<En
matière d'évaluation des
enseignants, les inspections sont
jugées trop rares et leur
fréquence inégale entre les
disciplines, ce qui crée des
injustices concernant l'avancement. (on
note aussi des variations en fonction des
académies). Les critères
d'évaluation ne sont pas
suffisamment clairs et les pratiques
constatées demeurent opaques,
parfois infantilisantes ou purement
répressives, ou constituent des
évaluations sommatives sans
intérêt pour la formation.
Les inspecteurs devraient davantage
avoir un rôle de conseil.
Pour ce faire, on pourrait distinguer a
priori des « visites de conseil
» réalisées par les
inspecteurs et les conseillers
pédagogiques et des « visites
d'évaluation »
réalisées par les seuls
inspecteurs.>>
http://www.debatnational.
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Si on ne tient pas compte des effets
psychologiques de ces deux fonctions (en
particulier des types de "transferts" qu'elles sont
susceptibles de provoquer), on peut concevoir
qu'elles puissent être assurées
conjointement par la même personne, si elle
en a les capacités et à des moments
différents: un temps de conseil, un temps
d'évaluation.
Mais ces
deux fonctions entraînent souvent de la part
des intéressés des attitudes
différentes. L'enseignant (ou
l'élève) aura tendance à
:
Devant
un conseiller
|
Devant
un évaluateur
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Se
confier
S'exprimer
Partager
Demander
Échanger...
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Se
taire
Se
révolter
Séduire
Gérer
un conflit
Argumenter...
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Il y a alors un
risque de "perversion" de la relation entre les
intéressés.
Face aux "conseils" d'un inspecteur on pourrait
souhaiter le séduire par sa seule soumission
dans le but de s'épargner une
"évaluation" trop négative
etc...
Perversion
dans le sens où la relation entre les
intéressés devient "fausse"
(on accepte non parce qu'on adhère mais pour
les conséquences de l'évaluation
qu'on redoute ou qu'on cherche à obtenir).
Les fonctions en définitive ne peuvent plus
vraiment être remplies dans leurs objectifs,
elle sont faussées (on peut comparer
à la perversion du chantage affectif de
certains parents)
Cela ne veut pas dire qu'une
même personne (inspecteur,
formateur, enseignant) n'a pas les
capacités de remplir ces deux
fonctions avec des publics
différents. Un inspecteur peut
"conseiller" un enseignant dans une
académie et inspecter d'autres
enseignants dans une autre (faut-il encore
que ces enseignants soient assurés
de ne pas le retrouver dans l'autre
fonction par la suite!!!).
Ce cumul de fonctions est
ambivalent et les enseignants ne sont pas
chauds pour le contrôle continu; ils
sont attachés à la
correction du bac par des correcteurs
anonymes venant d'un autre
établissement.
Même le "conseiller principal
d'éducation" a une fonction mixte,
parfois de conseil, parfois de sanction;
le "conseiller d'orientation" peut avoir,
suivant les personnalités, une
fonction de conseil mais parfois il sera
aussi celui qui "évalue les
capacités" et en définitive
oriente.
On
voit que la question n'est pas
simple
et
qu'il est plus simple d'en faire
l'impasse!
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La
situation devient encore plus
inextricable
pour:
-les
enseignants dans leur classe.
Devraient-ils échanger
leurs copies avec un(e)
collègue pour les
corrections?
-pour
les groupes de soutien ou les
groupes de parole qui veulent
être du coté du
conseil, de l'aide. Peut-on
réunir pour cela ses
propres élèves (qui
savent bien qu'on les notera et
qu'on les orientera par la
suite).
-pour
les formateurs d'IUFM qui
animent des Groupes d'Analyse de
Pratique Professionnelle
(G.A.P.P.) avec des
stagiaires. Les auront-ils
ensuite dans leur jury? leur
demandera t-on des
"appréciations" sur les
participants?
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Exemple de contradiction:
<< Les étudiants en stage
bénéficient d'un double encadrement.
Le directeur de l'école qui les accueille
est censé les aider. Et des enseignants
expérimentés rendent visite aux
stagiaires pour les aider avant la classe.
Ces « tuteurs » élaborent
ensuite un rapport de stage qui compte dans
l'évaluation.>> Gilles
Baillat (Jenousils)
La fonction de
"conseil" (en
dehors du premier degré où les
conseillers pédagogiques existent de longue
date) n'est pas vraiment "structurée" (par
un statut, une formation appropriée) dans
l'institution Éducation Nationale; c'est ce
qui entraîne, sans doute, cette confusion. Il
existe toujours un implicite dans le choix des
"conseillers" comme
pour celui des
animateurs:
<<C'est un "bon prof" : il n'a pas besoin de
formation spécifique>>.Or non
seulement la fonction de conseiller, ou celle
d'inspecteur, a besoin d'une formation
spécifique appropriée, mais encore
elle nécessite sans doute des "motivations
internes aux personnes" différentes. On ne
devient pas indifféremment conseiller ou
inspecteur!
Doit-on chercher à mieux
séparer les fonctions? Doit-on plutôt
faire évoluer "l'évaluation" (voir:
"Privé: les parents notent
l'évaluation" dans La lettre de
l'éducation, 26/4/04) pour qu'elle devienne
une véritable "aide" aux
élèves, aux enseignants? La
différenciation entre "évaluation
sommative" et "évaluation formative" y tend,
mais est-ce suffisant? Les deux évolutions
sont sans doute utiles? Mais il y a, en tout cas,
nécessité de formations au conseil et
à la relation d'aide.
Dans le
"Miroir des débats" on
réclame des
conseillers.
Mais
lesquels?
<<On
considère qu'il y a là un
dysfonctionnement majeur qui jette le
discrédit sur les normes de
compétences exigées pour
la profession. On avance que seule une
revalorisation des salaires permettrait de
faire face au défi du
renouvellement de 40% du corps enseignant
avant 2011, au risque sinon d'avoir une
croissance importante des emplois
précaires non-qualifiés ou
artificiellement « qualifiés
» contre l'avis des jurys de concours
et lancés dans les classes les plus
difficiles sans aucune formation
(on
parle alors de « cage aux lions
»).
Les exigences en termes de
compétences pédagogiques,
psychologiques et de communication
sont jugées en
général fort
insuffisantes....
Les formations en psychologie de
l'enfant et de l'adolescent, en
communication, en gestion
de classe
et des conflits sont tout à fait
insuffisantes, voire inexistantes, si
bien que chaque professeur découvre
les sources d'embarras au dernier moment,
seul face à des classes difficiles
et à des enfants ou à des
adolescents à problèmes.
L'essentiel de la formation se fait sur le
terrain, encore faudrait-il
bénéficier de conseils
fournis par des professeurs
expérimentés, tels que des
tuteurs ou des conseillers
pédagogiques.>>
http://www.debatnational.
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<<Sur
la notion de conseil, voici
quelques petites avancées,
modestes réflexions
menées, en réponse
ou en écho à votre
regard : Je reprends d'abord la
nuance, qui me semblait a priori
importante entre tenir
conseil (consilium,
délibération en
commun) et donner conseil.
Tenir
conseil : examen d'une
question avec d'autres personnes.
On entre-tient la question, c'est
à dire que l'on
s'entretient autour de cette
question.
Donner
conseil : je transmets une
opinion, un avis, une solution
à l'autre dans une double
indétermination : d'une
part, l'autre est-il prêt
à recevoir, à
s'approprier cela, d'autre part
on peut s'interroger sur la
légitimité d'une
opinion, d'un avis... Par
ailleurs on peut aussi
s'étonner que l'expression
"donner conseil" puisse passer
d'un caractère positif (on
cherche à aider l'autre)
à un caractère
injonctif, voire menaçant
(laisse-moi te donner un petit
conseil... Je te conseille
d'arrêter
immédiatement
!).
Troisième
point, je vous cite, "Il ne faut
pas oublier aussi que
derrière une demande s'en
cache souvent une autre" : le
sujet à qui on
"administrerait" un conseil n'est
pas entendu. Mais je pense aussi
que c'est là une posture
fréquente que de recourir
bien vite au conseil plutôt
que d'entendre la demande
réelle : plus
économique, sans doute
aussi moins menaçant pour
soi. Protection de soi, position
de fuite utilisée en toute
bonne foi et en toute bonne
conscience sans doute.
J'ai
à ce sujet
un
schéma qui distingue la
posture "oraculaire" (je prends
des informations pour pouvoir
donner un conseil, tel l'oracle)
de la posture "dialogique" (je
construis par le dialogue des
hypothèses de
réponses avec le
sujet).
J'en
viens maintenant à me dire
qu'il s'agit d'aider le sujet
à formuler ses propres
réponses. C'est à
dire que l'on tient conseil avec
lui sur une question, un
problème, une
difficulté. D'une certaine
manière on
établit une
médiation entre lui et sa
question. "Les seules
connaissances qui peuvent
influencer le comportement sont
celles que l'on découvre
soi-même et que l'on
s'approprie" (Rogers). Cela vaut,
à mon sens, pour les
conseillers d'éducation
avec les élèves.
Pour les conseillers
pédagogiques avec leur
stagiaire. Mais dans le cas d'un
inspecteur qui donne conseil
à un professeur, je pense
que l'on bascule plutôt du
coté de l'injonction : on
aime à voir que ce conseil
donné est appliqué
par la suite... Voilà
quelques éléments
que je voulais vous soumettre...
Je ne suis pas sûre de la
qualité de ma
réflexion... Mais on
travaille, on travaille !!! Merci
de m'avoir lue>>
Nicole
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