Dans
toutes les sociétés, des
dispositifs (tutelle, apprentissage,
parrainages, adoption partielle, etc.)
sont mis en place pour que les enfants ne
soient pas élevés uniquement
par leur famille.
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L'anthropologue Suzanne Lallemand
estime même que la circulation des enfants
est, à l'égal des mariages, un des
moyens pour favoriser l'échange et les liens
entre différents groupes sociaux, afin
notamment d'éviter le repli sur soi du
groupe familial.
Sur un plan plus psychanalytique, on
peut considérer que ces dispositifs sont
nécessaires pour se prémunir de ce
que j'appelle " la tentation du clone "
c'est-à-dire le désir de se
reproduire à l'identique qui risque
d'empêcher l'enfant de se construire et
s'autonomiser en-dehors du psychisme de ses
parents.
Chez nous, c'est bien l'école
qui joue ce rôle, même s'il ne faut
pas négliger les différents adultes
en contact avec l'enfant (grands-parents, oncles et
tantes, parents et marraines, nounous,
beaux-parents, ami-e-s des parents, etc.). C'est
l'école qui " socialise " le
rapport
au savoir
de l'enfant, en insérant ses " objets de
savoir privés " (l'expression est de Nicole
Mosconi) dans une culture commune.
Il me semble donc indispensable de
replacer notre rôle
d'enseignant et d'enseignante dans
son contexte anthropologique, afin de
sortir de la relation duelle avec
l'élève : nous ne sommes pas
là à cause du bon vouloir ou
du désir de l'un-e ou l'autre, mais
parce que toutes les
sociétés ont besoin
d'adultes autres que les parents pour
faire grandir les enfants. Nous ne sommes
donc pas là dans un
face-à-face avec l'enfant, mais
bien en tant qu'être humain
chargé de l'insérer dans
l'histoire humaine. Adopter une telle
posture peut également être
un bon moyen de nous prémunir, nous
aussi, de la " tentation du clone ", dont
les enseignant-e-s ne sont
évidemment pas plus indemnes que
les parents !
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Filles et
garçons : une socialisation et donc un
rapport au savoir
différents
Filles et garçons ne sont pas
socialisés de la même
façon, n'apprennent pas de la même
façon, non pas parce qu'ils et elles n'ont
pas, au départ, les même "
gènes " ou les mêmes "
compétences ", mais bien parce qu'on ne leur
enseigne pas la même chose, et pas de la
même façon.
Je rends compte dans Savoir,
apprendre,
transmettre
de plusieurs résultats sur ce thème.
Par exemple, dans Variations
sur une leçon de
mathématiques,
publié en 1997 sous la direction de Claudine
Blanchard-Laville, l'apport de didacticiens et
didacticiennes nous permet de montrer que les
filles, habituées à s'exprimer
clairement et selon les normes scolaires, sont
davantage sollicitées pour rappeler les
règles acquises antérieurement (ce
que la didactique appelle " la mémoire
didactique ") alors que les garçons
entrent en scène lorsqu'il s'agit d'explorer
une nouvelle notion (ou de " faire avancer le temps
didactique ").
Bref, les filles sont
formées à
répéter et les
garçons à chercher, ce qui
correspond bien à la division
sociale du savoir dans nos
sociétés.
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