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Evaluation des acquis des élèves, évaluation de système, où en est-on en France en 2006 ?

Roger-François GAUTHIER

inspecteur général de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche

CONFERENCE

ECOLE NAVALE

BREST le jeudi 8 juin 2006

          Je vais essayer de procéder en deux temps :

1. En un premier temps, je vais donc tenter de vous faire une espèce d'état des lieux de la problématique de l'évaluation des élèves dans le système éducatif français, pour que vous puissiez inscrire vos réflexions sur ce premier fond de décor : quelles sont les réflexions en cours, les évolutions en cours ?

2. Puis je brosserai un deuxième fond de décor, un peu plus englobant encore, qui est celui de m'interroger devant vous sur les passerelles, sur les ponts à construire ou à ne pas construire entre les problématiques d'évaluation des élèves et celles de l'évaluation des services de l'Etat.

           Les quelques éléments que je vais vous apporter sont la partie émergée de travaux conduits à plus large échelle, que je mène avec un certain nombre de collègues. Ceux d'entre vous qui souhaiteraient creuser certaines argumentations, car par manque de temps je peux parfois courir le risque d'être un peu caricatural, pourront toujours se rapporter à des travaux qui sont en ligne, disponibles sur le site du ministère de l'éducation nationale, au titre des rapports d'inspection générale, à mon nom ou à celui de ma collègue Anne-Marie BARDI.

 

1. Premier versant : l'évaluation des élèves en France en 2006 : copie à revoir !

           Je voudrais rappeler qu'évaluer les élèves est une activité difficile, et qu'il n'est pas nouveau qu'elle soit difficile. Bien évidemment si on fixe à un enseignement des objectifs très simples, en termes de compétences à acquérir, l'évaluation a alors des chances de ne pas faire trop difficulté. Le problème, mais ce n'est pas un problème c'est au fond une ambition, c'est que le système éducatif français est ambitieux. A la surface de la Terre il fait partie de ceux qui ont des ambitions élevées de formation. Simplement quand on a des ambitions il faut être à la hauteur des ambitions qu'on proclame ! La tradition française est celle d'un enseignement à ambition culturelle (culture entendue au sens le plus général d'humanisation de l'homme), une ambition culturelle véritablement forte et plus souvent mise en avant que dans la plupart des systèmes éducatifs de niveau similaire.

 

En face de ça on a deux modèles d'évaluation qui se proposent dans l'histoire :

           · si on vise pour nos élèves l'obtention d'une " culture ", d'une attitude générale par rapport au monde, on peut très bien imaginer une évaluation relativement " globalisante " : les examens d'autrefois, qui sont d'ailleurs très largement les examens maintenus aujourd'hui, ce qu'on vise, c'est la formation de l'esprit autour de disciplines diverses. Par exemple rien ne s'oppose à ce qu'on compense et qu'on admette qu'une carence en mathématiques puisse être compensée par des talents particuliers en anglais, conception très traditionnelle des examens à la française qui n'est pas celle de la plupart des pays du monde, qui ont des examens qui obéissent à un système de crédits.

           · une deuxième perspective est une réponse au contraire " fragmentée " : on divise les formations en un certain nombre d'objectifs, de micro -objectifs, on a donc cette " pédagogie par objectifs ", et on voit là un autre type d'évaluation se profiler, beaucoup plus analytique.

 Dans les deux cas vous comprenez bien qu'il y a un risque de réductionnisme :

           · si on garde une idée de type globalisante, on a des examens à la française, avec par exemple s'agissant du baccalauréat rien d'éliminatoire (en effet il n'y a rien d'éliminatoire au baccalauréat). C'est dans l'héritage, un héritage culturel encyclopédique français, qui a sa valeur. Simplement on ne s'est pas toujours demandé si en face de la massification de la fréquentation scolaire depuis les années soixante-dix ce type d'examen " globalisant ", sans note éliminatoire, répondait toujours aux besoins. Aujourd'hui comme vous le savez une large partie des échecs en premier cycle universitaire montre qu'effectivement la validation par le baccalauréat n'est pas tout à fait en phase avec ce qu'on pouvait attendre. Donc un risque de réductionnisme désormais autour de ces examens de type globalisant.

           · Sur les examens de nature analytique, en face de la pédagogie par objectifs, il y a un autre type de réductionnisme, comme vous le savez : on peut très bien valider un candidat qui saura réaliser quantité de micro -tâches, mais aucune tâche complexe, incapable de réinvestir, incapable de créativité.

           Qu'est-ce qu'évaluer un apprentissage ? : c'est passer de quelque chose de très personnel, (c'est toujours personnel un apprentissage : c'est moi qui apprend, c'est pas mon copain !), de quelque chose de très intime, de quelque chose de très divers, à un signe social global. Un diplôme, un concours, une unité de valeur, ce sont des signes sociaux. On a à passer de quelque chose d'individuel à quelque chose de collectif, la note, le diplôme, le concours, c'est de toute évidence nécessaire, le fonctionnement social demande ce type de repère, nécessaire mais difficile.

           J'aimerais d'ailleurs vous faire remarquer que ces interrogations ne sont pas récentes : depuis longtemps les responsables de l'éducation savent la difficulté du sujet d'aujourd'hui, et j'en voudrais pour preuve …, je vais vous lire très rapidement quelques lignes de Léon BOURGEOIS, qui était ministre de l'éducation nationale à la fin du XIXème siècle, lignes qui vous montreront l'étonnant recul critique, à l'époque, chez les responsables, sur la question de l'évaluation :

           " La vraie fin que le maître, tout en s'attachant avec passion à sa tâche journalière, doit avoir constamment présente à l'esprit, c'est de donner, par la vertu d'un savoir dont la majeure partie se perdra, une culture qui demeure. Par delà les objets et les exercices quotidiens de la classe, c'est à l'esprit, c'est à l'âme même de ses élèves qu'il doit viser. Par delà les sanctions prochaines, que fournissent à son enseignement examens et concours, sanctions si souvent hasardeuses et illusoires (1890 !), c'est à la grande et décisive épreuve de la vie qu'il doit les préparer. C'est là en définitive que la valeur des leçons reçues au lycée se démontrera par l'effet ".

           S'il fallait terminer ce petit rappel historique, je vous dirais à très grands traits que dans les années 1970 en France il y a eu beaucoup d'interrogations sur cette question des notes : la " docimologie " à l'époque faisait partie d'un bagage relativement diffusé, et il y avait eu un mouvement de relativisation des notes, voire même d'abandon de la notation chiffrée qui a été demandée en 1969 par le ministère de l'éducation nationale dans une circulaire célèbre (on en trouve des traces d'ailleurs : regardez les carnets de notation de vos enfants, à l'école primaire, on trouve des survivances de tout cela : vous verrez des notations en A,B,C,D,E), c'est l'époque où on s'est beaucoup interrogé sur les barèmes, où ont eu lieu différentes entreprises d'harmonisation des corrections lors des examens, où les professeurs réfléchissaient sur la triade " évaluation diagnostique ", " évaluation formative ", " évaluation sommative ",… le contrôle continu, également, à l'époque avait le vent en poupe... On a tous en tête ce passé pas tellement lointain qui était un passé de réflexion sur tout cela…

 Et puis l'actualité, depuis un certain nombre d'années, c'est tout le contraire de ça !

           On est passé depuis un certain nombre d'années à tout autre chose : on est actuellement dans un état de sacralisation des notes comme on n'en a jamais eu, bien supérieur au lycée ou au collège de la fin du XIXéme siècle, où il y avait cette attitude " globalisante " dont j'ai parlé.

           Tout cela vous le savez c'est dans le contexte d'angoisse scolaire qui est celui de ce pays : peur du chômage des jeunes, massification du système, génération d'une angoisse scolaire très forte. Du coup refuge sur la note comme étant une sorte de repère sacro-saint auquel on peut s'accrocher. Je ne sais pas si dans le collège des années soixante-dix on s'interrogeait sur l'évaluation formative ou diagnostique, mais aujourd'hui c'est bien fini : allez dans le collège du coin aujourd'hui : tout devient sommatif ! Le moindre contrôle auquel vos enfants sont soumis, vous constatez qu'il devient sommatif : on veut de la note ! et on continue à noter au demi -point, au quart de point, et on continue à décider des destinées humaines au demi -point ou au quart de point…, et tout cela ce sont tout de même des choses qui nous interrogent…

           Dans ce contexte d'angoisse même je vous rappelle qu'il y a deux ans, alors que la question était posée, (je faisais partie de la commission chargée d'étudier la question) les lycéens eux-mêmes ont refusé la notion de contrôle continu au niveau du baccalauréat, alors qu'il y a vingt ans leurs prédécesseurs la réclamaient ! Cela montre bien à quel point la sacralisation des notes est générale !

           Les logiciels de notation, qui sont apparus un peu partout vont de leur côté dans ce sens de la sacralisation des notes. Les moyennes avec deux chiffres après la virgule, on en a d'autant plus pléthore qu'il suffit d'appuyer sur un bouton pour les avoir !

           Mauvaise consciences des notes ? Sans doute… Interrogations ? sans doute, mais questions qui n'apparaissent pas véritablement au grand jour, au point que dans l'ensemble " éducation nationale " j'ai bien conscience que quand avec quelques collègues nous posons ces questions nous sommes des empêcheurs de tourner en rond dans un ensemble qui n'est pas ouvert à ce type de questions actuellement. Je pense que ce sont des choses que vous savez…

           Essayons toutefois, tout en restant encore dans les questions d'évaluation des élèves, de regarder les choses de façon un peu plus précise :

qu'est-ce que ce tabou sur les notes et en quoi ce tabou est-il selon moi fondé sur une sorte de fabrique officielle de non-sens, que devient la notation dans l'éducation nationale ?

 

il faut voir qu'on parle là de données absolument innombrables.

           Regardez sur une classe sixième, une dizaine de matières, une trentaine d'élèves,dix notes par trimestre, vous avez dans une classe de sixième de l'ordre de 10000 notes qui sont mises dans une année ! J'insiste là-dessus : on n'a pas toujours en tête la fabrication industrielle de la note qui est la réalité que l'on constate. En apparence pas de problème, d'ailleurs : de l'industrie, mais très peu de réflexion en général : on réfléchit très peu dans les établissements à tous ces fonctionnements-là…

  L'évaluation des élèves telle que je la vois fonctionner se résume en général à des notes.

           Il faut savoir d'abord qu'il y a 36 systèmes de notation qui sont en concurrence : on a dans le même établissement des notes sur 10, des notes sur 100, des notes sur 20, des notes en lettres, du contrôle continu, des notes " coefficientées " comme à l'examen : c'est un panel qui fait qu'on a du mal à s'y repérer. Il y a plusieurs systèmes de notation concurrents. On n'a pas un système de formation qui se reconnaîtrait dans un système d'évaluation et un seul. Il y en a trente-six.

           Si l'on donne des notes c'est bien qu'on produit à un moment donné quelque chose de chiffré, et c'est bien alors un renvoi dans l'ombre de l'évaluation par compétences . Je sais que dans le premier degré on voit des livrets scolaires qui font appel aux " compétences ", mais en général on en est resté à quelques tentatives non abouties de réfléchir en termes de compétences. Dans bien des collèges, par exemple, en face de la rubrique " français ", vous avez sur le bulletin quelques compétences listées, en face de la discipline, avec une invitation faite aux professeurs de formuler leur appréciation par rapport à ces compétences. Mais ce que je vois, c'est en général une accolade, regroupant toutes les compétences " français ", avec, en face, …une note !

           Sur les livrets de baccalauréat, c'est à peu près pareil. On constate la trace de tentatives : on voit qu'à un moment donné des gens ont réfléchi en termes de compétences, puis que presque tout de suite après, ils sont revenus aux notes.

           Notes diffusées comme un rituel, par exemple les " relevés de notes à mi -trimestre ", c'est extraordinaire : vous avez des successions de notes, que vous recevez chez vous, vous ne savez absolument pas ce que cela signifie, vous avez des chiffres dont on ne sait absolument pas ce que cela recouvre ! Cela devient presque un contrôle des absences : on sait qu'il était au collège puisqu'il a eu une note… ! Cela me pose d'ailleurs problème, en tant que citoyen, de recevoir de la part de l'institution du non-sens. Ne trouvez-vous pas ?

           La passion pour les notes, c'est aussi par exemple actuellement une nouvelle note qui sera instaurée l'année prochaine, vous en avez peut-être entendu parler, la note de vie scolaire…

 Deuxièmement : s'il n'y avait que des notes, cela irait encore, mais il y a plus grave :

           le système à tous les niveaux tire une dictature invraisemblable de la moyenne. C'est la moyenne déjà dans une discipline : vous avez 36 notes, chacune correspond à l'évaluation de tel ou tel type de compétence, mais dans le retour qui en est fait par exemple au conseil de classe, ou sur les bulletins...tout cela est " moyenné ". Quel est l'intérêt de cette moyenne ? : il n'y en a aucun au plan pédagogique…Mais ça ne suffit pas : ensuite on fait une moyenne entre les disciplines ! On somme tout, on divise tout par le nombre des disciplines, et on a un chiffre… : interrogez-vous une fois sur ce que signifie ce chiffre ! Il est lui-même la résultante de moyennes entre des objets extrêmement disparates dont on ne connaît pas le sens !

 Troisièmement on tire toutes les conséquences de ces moyennes avec deux décimales après la virgule.

           C'est-à-dire que vous avez des élèves qui se retrouvent dans telle ou telle voie d'études en fonction de ces chiffres là ! On est là en train de parler de choses sérieuses ! c'est bien de destinées de gens, y compris de désarroi et de désappointement, voire de découragement d'un certain nombre d'élèves qui, comme ils le disent, auront " été orientés " à partir de ces deux chiffres après la virgule.

 La moyenne, et c'est peut-être encore le plus grave, c'est qu'elle devient l'objectif.

           L'objectif n'est pas d'apprendre, c'est de passer dans la classe supérieure, et d'avoir la moyenne ! Et ça c'est un état absolument catastrophique dans lequel nos établissements sont très fortement enlisés, et comme vous le savez bien, et des sociologues l'ont décrit, c'est d'autant plus regrettable que ce métier d'élèves défini comme " avoir la moyenne et passer dans la classe supérieure ", les enfants des familles qui ont fait des études savent très bien que là n'est pas l'important, savent très bien que l'important c'est l'acquisition et la construction progressive des savoirs. La simple obtention de cette " moyenne " dans les conditions que j'évoquais c'est un peu une sorte de leurre qui est tendue à ces élèves et familles-là. Les plus défavorisées.

 Autre chose : on est sans arrêt dans le présentiel.

           Il y a très peu de choses qui transitent d'une année scolaire à une autre s'agissant des compétences et des acquis des élèves. Chaque fois on ramène l'ardoise à zéro, chaque fois c'est la page blanche en début d'année scolaire…pour recommencer la dictature des notes et des moyennes pour l'année qui commence…

           Enfin tout cela serait peut-être moins grave si cette religion de la moyenne n'avait pas atteint les gestionnaires qui font leur travail de gestionnaires, et qui tirent des moyennes des moyennes des moyennes, c'est-à-dire que vous avez l'inspecteur d'académie qui va comparer à partir de ces moyennes tel collège en classe de troisième avec tel collège et tout cela avec la moyenne du département, de l'académie ou de la nation… On est bien aussi là dans un travail qui a peu de sens quand cette religion de la moyenne s'est emparée de l'ensemble du dispositif.

 Un système d'examens qui de son côté est devenu un leurre :

           Le contrôle continu qui est refusé aux examens règne en maître pour toutes les décisions importantes, l'accès en classe de seconde générale et technologique et l'accès en classes préparatoire aux grandes écoles.

           Aux deux niveaux, fin du collège et fin du lycée, il est tout de même paradoxal qu'on retrouve la même structure : un examen " national ", certes, mais avec ce fait que l'important n'est pas d'avoir l'examen national en question, (de toute façon ces élèves l'ont), mais de contourner l'examen, la même année, pour remporter la bonne décision, la filière prestigieuse, la seconde générale ou la classe préparatoire ! C'est tout de même un porte à faux assez paradoxal, comme effet de système.

           Donc la perversion évaluatrice est sans doute à ce moment portée à son comble. Vu l'état ambiant de l'angoisse scolaire, personne ne conteste au fond l'état des choses. Passer dans la classe supérieure, avoir l'examen, avoir la moyenne a pris le pas sur l'acquisition des connaissances, des compétences, des comportements et de la culture qui sont théoriquement les objectifs pour lesquels le contribuable français paye le quart du budget de ce pays.

 

2. Deuxième versant : de l'évaluation des élèves à l'évaluation du système

           J'aborde là des perspectives qui ne sont pas celles en général des professeurs, ce sont toutes ces perspectives qui aujourd'hui tendent à évaluer le fonctionnement du système éducatif dans son ensemble. Vous savez qu'on est dans un contexte international où désormais les différents systèmes d'éducation non seulement se comparent mais comparent leurs mesures.

           La première idée que j'aimerais introduire, c'est que le système français marque une différence par rapport à d'autres pays dont on n'a pas lieu véritablement de se réjouir, c'est son caractère largement illisible, quant à ses résultats, sur une scène qui est désormais fortement mondialisée.

           Vous ne pouvez ignorer que ce sujet des résultats d'un système d'éducation échappe en partie à la problématique seulement pédagogique et individuelle. Pourquoi ? Parce que l'école n'a pas échappé à l'évolution des modèles de l'action humaine. L'école n'est plus seulement une institution, elle est aussi devenue un service qui comme d'autres services s'interroge et est interrogé sur des résultats. Dit comme ça on ne peut être hostile à ce qu'on demande des résultats à un appareil qui coûte très cher, qui mobilise beaucoup de personnes et qui est aussi important. Simplement je vais essayer de vous montrer pourquoi ce projet fait actuellement difficulté.

           En apparence on a en France un système éducatif de type monopoliste, c'est-à-dire que toutes les cartes sont entre les mains de l'Etat. Traversez la Manche et déjà vous avez une logique toute différente : l'Etat finance bien une large partie des formations, comme en France, mais par exemple ne se charge pas de les valider, renvoyant la définition des examens, à des Boards indépendants. En France on a une conjonction particulière : d'autres pays, notamment latins, ont des systèmes centralisés. Aucun autre pays ont le même monopole d'Etat qu'en France. Je ne juge pas cela, je considère seulement que cette situation devrait permettre une excellente connaissance du système, puisque l'Etat a toutes les cartes.

           Or la réalité n'est pas celle -là. C'est vrai qu'on a aujourd'hui des indicateurs innombrables sur les résultats de l'éducation : indicateurs qui viennent des évaluations internationales de type " PISA ", qui viennent d'évaluations de type " Shanghai ", les évaluations réalisées dans le cadre du benchmarking de l'Union européenne ; vous avez, depuis quinze ans, tout ce qu'on appelle l' " évaluation de système ", et vous n'avez là qu'à vous reporter aux travaux de la direction de l'évaluation du ministère ; vous serez effarés de voir l'avalanche de données dont on dispose !

           Et vous avez aussi les évaluations d'établissements, l'évaluation des académies : depuis cinq ou six ans l'Etat s'interroge sur la plus value des différentes académies ; vous avez l'évaluation de l'état des disciplines : quel est l'état de l'enseignement des mathématiques aujourd'hui au collège ? Etc.

 

On a quantité de données. Et pourtant ! Et pourtant la réalité est très en retrait sur ce qu'on pourrait attendre.

           Pourquoi ? Parce qu'à la source les évaluations des élèves qui débouchent sur cet " enregistrement " dont je parlais tout à l'heure, non pas de compétences atteintes, mais de chiffres, entre lesquels on fait tout de suite des tas de moyennes, ces évaluations produisent très peu de données signifiantes. Les résultats agrégés entre ces données peu signifiantes sont aussi peu signifiants. Du coup on a l'illusion de savoir beaucoup de choses, même au niveau de l'établissement, alors que ce n'est pas le cas.

           Je me rends dans un collège et je demande : " M. le Principal, Mmes et MM. les professeurs, que pouvez-vous dire de l'état des connaissance géographiques de vos élèves en classe de troisième ? " Silence absolu ! Et j'entends dans les têtes : " Mais que veut-il donc qu'on lui dise, on enseigne les programmes, c'est tout ! "

           A l'échelle de l'établissement comme à l'échelle du ministre il est assez effarant de voir que malgré la centralisation du système on sait très peu de choses.

           Quant aux indicateurs d'Etat dont on dispose, il s'agit très peu d'indicateurs de résultats, mais essentiellement d'indicateurs de flux, et là on est très bons (quel pourcentage d'élèves accède à tel niveau d'études ? etc.), des indicateurs de gestion, qui ont pris l'avantage sur tout le reste.

           Les examens eux-mêmes sont peu utilisés : dans un lycée on n'a pas de retour individuel des notes des candidats ! Or on peut faire des tas de choses avec des notes d'examen : on peut faire des études de dispersion, on peut étudier les corrélations entre les notes de l'examen et celles du contrôle continu, on peut rechercher finement les facteurs du succès ou de l'échec des élèves, et des classes, etc. Rien de tout ça : on ne reçoit pas même les données !

           J'ai personnellement pris conscience de ce paradoxe français en travaillant avec des Américains. Ils pensaient que chez nous (ils admirent beaucoup les programmes à la française !) nous devions tout savoir avec notre système de programmes et d'examens nationaux. J'ai dû convenir du contraire.

           Pour trente-six motifs…Il y a eu des motifs corporatistes, il ne faut pas se le cacher : la question de la plus-value de ce collège en géographie par rapport à ses élèves a pu être évitée parce qu'on avait peur en certains cas qu'on fasse ressortir que ce collège n'est pas efficace en géographie et que cela soit la faute du professeur de géographie…. Il est sûr qu'en certains cas on a considéré que la meilleure façon de na pas avoir de réponses à des questions, c'était encore de ne pas les poser !

           Mais je ne pense pas que ces motifs corporatistes aient été déterminants.

           C'est vraiment je crois notre paradigme pédagogique historique en matière de programmes, qui décrivent de manière très ambitieuse un état des connaissances sans se préoccuper d'évaluation, sans se préoccuper de ce qu'il est légitime d'atteindre à tel ou tel moment. On crée les programmes d'un côté et quelques mois ou années après, on se demande, d'autres équipes que les concepteurs de programmes se demandent " comment on va évaluer cela à l'examen ? " (en dehors de l'enseignement professionnel où les logiques sont plus intégrées)

           Et en France on débouche toujours au bout du compte sur ces examens " avec compensation ", où la notion de compétences est détruite dans l'œuf par des pratiques globalisantes d'évaluation.

 Le contrôle des professeurs est de son coté plus un contrôle de conformité par rapport à la façon de traiter un programme que par exemple un contrôle sur leur façon de noter, domaine sur lequel les inspecteurs ne portent pas le regard.

 

La conséquence de tout ça c'est un pilotage de l'ensemble sans tableau de bord véritable ou véritablement signifiant.

           Or dans un contexte mondial de révolution libérale, je pense que cette situation est assez préoccupante. En effet l'évaluation des élèves aux différents échelons du système ne donne pas de repère clair aux uns et aux autres, ni aux élèves, ni aux professeurs, ni aux citoyens, ni au ministre : on a des fabriques de monnaie, innombrables et parfois de fausse monnaie, avec des ateliers locaux : regardez vos enfants qui passent de l'école primaire au collège, ce n'est déjà plus la même monnaie ! Les compétences auxquelles l'instituteur du CM2 attachait de l'importance, voici que les professeurs de sixième ne s'y intéressent pas et qu'ils le proclament ! Ce n'est plus le même monde.

           La conséquence est un système qui souffre, avec une mise en concurrence de fait entre les établissements. Le règne de la rumeur, des établissements souvent sans boussole, ne sachant pas vraiment ce que c'est que s'améliorer, avec une ghettoïsation flagrante. Tout ça peut être une espèce de "révolution douce ", comme le dit Claude Lelièvre. Si on laisse les choses se faire comme ça, la dérive va continuer. Ce creusement des écarts entre les établissements va se poursuivre…

 

           Le risque, puisque ce système ne sait pas lire ses résultats, c'est que des modèles de lecture de résultats autres s'installent, inspirés du modèle du marché, qui, lui, sait lire des résultats . Si la République ne sait pas faire, le marché saura faire ! Il fera autre chose, mais il fera. Centré sur la " performance ". Et cette centration aveugle sur la performance, je n'invente rien, elle est très active dans des systèmes voisins, c'est le " testing " permanent, c'est le " teaching for testing ", avec comme conséquence la réduction des curricula, la réduction des programmes à ce qui peut être évalué à peu de frais ; c'est la centration sur les compétences basiques, le " back to basics " de Margaret Thatcher ; ce sont des phénomènes de triche et de corruption , qui ne sont pas non plus à minimiser. Avec de façon plus grave l'abandon des plus faibles, l'abandon des plus faibles établissements et l'abandon des plus faibles élèves : ceux qui ne font pas monter les scores, bien évidemment. Et puis d'autres choses autour comme le paiement des professeurs au mérite, etc.

           Voulons-nous cela ? Ai-je tort de vouloir vous faire peur avec cela en vous disant que la fabrique officielle de non-sens et de fausse monnaie que constitue l'évaluation des élèves dans le paysage éducatif français d'aujourd'hui risque bien de nous amener à une révolution libérale vers un paradigme pédagogique qui nous sera imposé par une perspective gestionnaire de rentabilité à court terme ? Ai-je tort de vouloir vous faire peur avec cela ? bien sûr je n'en sais rien, mais en tous cas j'essaye de vous alerter.

 

           Pour terminer , il est, je crois au contraire, tout à fait possible de mettre en place des logiques d'évaluation qui soient celles de la responsabilité à la fois pour le notateur et pour le noté. On peut tout à fait imaginer d'autres chemins. Il y a en effet jusqu'ici deux isolats qui communiquent peu :

· l'isolat de l'évaluation de système, qui intéresse surtout les administrateurs, qui a ses logiques, avec toute cette batterie considérable de technocratie triomphante…

· l'isolat de l'évaluation des élèves, où seuls les professeurs auraient droit de regard.

 Deux isolats, l'un confiné dans la gestion, l'autre dans l'indicible…Sans communiquer. Mondes étanches ! On peut laisser les choses en l'état, on peut aussi essayer de se demander s'il ne serait pas opportun et possible que les finalités pédagogiques reprennent la main. Cela impliquerait qu'on s'engage sur une voie de remise à plat des routines d'évaluation des élèves, afin d'essayer de réconcilier les deux activités : essayer de faire en sorte qu'on produise une évaluation des élèves qui soit signifiante pour les élèves mais aussi pour ceux qui pilotent le système. Pourquoi cela serait-il impossible ?

           Redonner du sens à l'évaluation des élèves et des candidats, c'est faire la chasse à tout ce qui ne produit pas du sens en n'hésitant pas à s'attaquer … aux bulletins, aux examens, aux moyennes, etc.

           Une mesure toute simple par exemple que nous avions proposée sans naïveté excessive : on proposait qu'à la rentrée prochaine on " interdise " (il est rare qu'on emploie des mots comme ça !) dans tout collège et dans tout lycée le calcul de toute moyenne. " On ne fait plus ça, c'est fini ! "

           Bien sûr en le proposant nous nous faisions peu d'illusions sur la suite qui serait donnée à court terme, mais nous pensons malgré tout qu'il faut chercher dans des directions comme celle-ci.

           Il faut voir qu'il y a un certain nombre de questions actuelles, amenées y compris par voie législative qui nous invitent à cette révision d'attitude.

           La question du " socle commun de connaissances et de compétences en fin de scolarité obligatoire ", par exemple : soit on s'en fiche de ce truc-là (beaucoup s'apprêtent à s'en ficher), soit on le prend au sérieux (le Législateur l'a quand même voté !). Or il y a plein de mots dans la définition du socle commun qui ne correspondent pas au schéma traditionnel, ne serait-ce que le mot de " compétences " : une compétence, on l'a ou on ne l'a pas, mais on ne fait pas la moyenne entre une compétence qu'on a et une compétence qu'on n'a pas : quand je vais chez le médecin, j'espère qu'il n'a pas eu son doctorat en médecine par " compensation " entre des connaissances en hématologie et une ignorance crasse en neurologie. On espère tous cela, sinon on n'irait plus chez le médecin !

           Accepter aussi que l'évaluation ne soit plus une activité solitaire : il faut réfléchir ensemble à l'évaluation, notamment dans les établissements. Par exemple regardez dans un collège le contrôle continu. Il y a d'autres pays qui pratiquent le contrôle continu, comme l'Allemagne : mais ce contrôle continu, le professeur n'est pas laissé tout seul pour le fabriquer. A un moment donné de l'année les professeurs de telle discipline de tel établissement produisent un protocole d'évaluation. Et ils l'envoient à un inspecteur du niveau du Land, qui réagit en approuvant ce protocole ou en demandant sa révision. Ce n'est pas la solitude, c'est l'échange. En France, le contrôle continu c'est d'abord la solitude d'un maître ! Responsabilité totale, du coup irresponsabilité !

           Accepter aussi que ce soit une activité elle-même évaluée, qu'elle n'échappe pas à cet ensemble de démarches en tant qu'acte, mais également qu'elle fournisse elle-même des données sur le système.

Vous êtes en position de m'objecter : et si on arrivait à avoir des " résultats " de meilleure qualité, plus lisibles, ça servirait au fond à quoi, au niveau du fonctionnement général ? On en ferait quoi ?

I

          Il faut être clair, on a un ou deux concepts : le concept d'efficacité et le concept d'équité. Je n'ai bien sûr pas le temps de détailler cela, mais avoir des résultats d'élèves qui signifient enfin quelque chose, cela permettrait à tous, et d'abord aux professeurs, de mieux connaître et de mieux suivre l'action de l'école sur les deux axes de l'efficacité et de l'équité de son action.

            En tirant les deux ficelles tout viendrait, comme les programmes d'enseignement à la française, comme la formation des maîtres, comme la fonction actuelle de l'inspection, etc. Nous pensons pour ce qui nous concerne qu'il faut affronter ces questions, et non pas les enterrer, qu'il faut en effet tirer ces ficelles. Il en va d'une fonction collective importante qui s'appelle l'éducation nationale, qui est en danger, et dont la désagrégation menaçante fait courir à mon sens à la collectivité des risques majeurs. Je pense que par ce biais de la réflexion sur l'évaluation des élèves, nous pouvons avoir une petite idée à la fois de quelques problèmes sensibles de notre système éducatif et de ce qu'il faudrait faire pour améliorer le schéma.

Ecouter:
Le lycée français face à ses voisins européens

 

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 << ipr de mathématiques en retraite mais .pas totalement déconnecté, j'ai envie de dire qu'il est sain d'avoir une telle lecture, même (et surtout) si elle touche là où ça fait mal. La "mesure (si) simple" que vous proposez concerne aussi le primaire. Cela fait 20 ans, 30 ans ou plus qu'on la propose. En vain ou presque. Alors, espérons.tout en sachant bien qu'il faudra un jour donner un (grand) coup de pied dans la fourmilière. Sinon, comme vous l'indiquez justement, ce sera le marché qui prendra l'affaire en main. On peut lui faire entièrement confiance : efficacité commerciale garantie, quant à l'efficacité en termes de formation, c'est une autre affaire. Merci pour cette contribution. j.b.>>

<<Enseignant en sciences Physiques, en BTS CIRA à Arles. Un sujet excellent et parfaitement rédiger et expliquer et c'est vraiment la réalité des choses... Saïd Prof de Maths en BTS CIRA>>

<<Quel bonheur de vous lire.Enseignante en arts plastiques j'ai beaucoup travaillé la question de l'évaluation et lutté contre "ces fichues moyennes".que de mots échangés autour des grilles demoyennes que je refusais de remplir! directrice de collège ensuite nous avons supprimé la "moyenne générale" et pris en compte les acquis des élèves. Lorsque je suis partie la moyenne générale est revenue au galop et le "passage" se faisait au 1/2 point. C'est plus facile, plus rapide m'a-t-on dit! Merci pour ce que je viens de lire.>>

<<Bonjour Jacques, petit lifting du site très réussi: bravo!! J'ai lu l'ensembles des article notamment la carte scolaire et la question relative au notation. Les arguments dans l'ensemble sont fort convaincants ce n'est pas facile pour se positionner. toutefois, avec un peu de recul : deux choses apparaissent, me semble-t-il. N'hésitez pas à réagir Jacques , je compte sur vous!! 1. il apparaît dans l'ensemble des articles un manque de vision globale: mis a part des généralités sociologiques que l'ont infuse depuis 1985 le discours ne change pas. pourquoi? je crois, que l'on a une analyse trop microscopique de l'enseignement, trop professoral. je serais d'avis que l'on insère des avis plus pratiques et plus stables en matière de pédagogie et que l'on cesse de vouloir inventer toujours quelque chose de nouveaux. En effet, la conséquence immédiate est qu'il n'existe plus de continuité dans la méthode de l'enseignement si l'on fait des mini-réformettes. cela m'amène au deuxième point: 2. Enlevons aux enseignants qui sont issus du monde relativement autarcique des iufm, ce trop de liberté à inventer l'enseignement selon leur inspiration. ET ouvrons plus l'enseignement à des personnes issues du monde de l'entreprise, non pas pour changer la méthode, mais pour discerner les points saillant à faire évoluer, ce qui est le plus important pour un étudiant qui s'achemine vers la recherche d'emploi. Un juste équilibre entre des avis issus de deux sérails est plus judicieuse: la règle du compromis. c'est lent et ce sera bien venu. Cessons ces mouvement browniens des profs. En fait l'enseignement est loin d'être mauvais, bien au contraire. Par contre le nombrilisme pathétique de l'enseignement nous aveugle. Les prof ne sont pas des chercheurs, il suffit de constater le manque de méthodologie dans les processus de réforme engagés dans le passé. Donc stop, maîtrisons dans un premier temps l'outil, ajoutons lui des matériels notamment liés au TIC bien sur. Sur le reste, que les profs se calment, et soient plus méthodiques dans leur réflexion. En général, la majorité ne sont pas des premiers de la classe à la fac, c'est plutôt le contraire , des cools bon vivant et loin d'être des lumières: j'ai vu le niveau général de l'iufm d'Avignon: dur dur.! Petit coup de gueule de la journée, merci Jacques pour ce site remarquable.>>

<<Bonjour, Je vous remercie pour cette réflexion sur l'évaluation des acquis dans le système scolaire français dont la Belgique se rapproche fort, selon mon point de vue. Je m'autorise à vous faire part de quelques réflexions issues de ma pratique pédagogique de ces trois dernières années, articulées autour de quelques extraits de votre texte,et qui les prolongent pour une autre implication possible des enseignants. "Evaluer les élèves est une activité difficile" (p.1.) J'ajouterais complexe sur plusieurs plans: de nombreux paramètres conscients et inconscients sont à l'oeuvre, en sus des données docimologiques; ces paramètres sont complexifiés lors des conseils de classe par les relations humaines mises en jeu par la simple présence des enseignants, leurs comportements ,etc. J'estime que la prise de conscience de ces éléments et la manière de réguler leur impact sur le fonctionnement des conseils de classe pourraient faire l'objet d'une formation continue des enseignants. "Simplement, quand on a des ambitions, il faut être à la hauteur des ambitions qu'on proclame!" (p.1.) La fin ne justifie pas les moyens; les moyens ne justifient pas la fin. Je proposerais plutôt un dialogue à plusieurs niveaux qui permette de prendre en compte les différents intervenants du système éducatif et non seulement les dirigeants. De quelle ambition s'agit-il? Quelles sont les valeurs en jeu? Le projet de société? P.2. Vous citez un extrait de Léon BOURGEOIS et parlez de son "étonnant recul critique". Je proposerais plutôt d'interrroger la pertinence de ses propos en les replaçant dans leur contexte: "...C'est de donner, par la vertu d'un savoir dont la majeure partie se perdra, une culture qui demeure... C'est à l'esprit, c'est à l'âme de ses élèves qu'il doit viser... C'est à la grande et décisive épreuve de la vie qu'il doit les préparer. C'est là en définitive que la valeur des leçons reçues au lycée se démontrera par l'effet". Je pense que là aussi se trouve le réservoir de beaucoup de violences qui ne préparent pas à l'implication citoyenne. Il ne s'agit pas de "formater" des individus mais de les aider à se construire dans leur diversité pour qu'ils acquièrent estime de soi et confiance en soi. En outre, le fait de "donner des leçons" peut faire craindre l'absence de remise en question de l'enseignant, peut alimenter chez lui l'illusion qu'il a le droit d'exercer un pouvoir et, effet pervers d'un système que vous décrivez plus loin, qu'il a le droit de l'exercer pour autant qu'il collabore au système actuel sans déranger les enjeux de pouvoir diffus d'une institution peureuse très coercitive. "Etat de sacralisation des notes": avec tous les effets désastreux sur le fonctionnement des conseils de classe, la déresponsabilisation d'enseignants lassés ou ignorants des lois ou règles internes: ce que je résumerais par "effet couvercle". "Il y a 36 systèmes de notation qui sont en concurrence"(p.4): Pourquoi cette diversité des systèmes est-elle vue comme une faiblesse et non une richesse? Si les enseignants recevaient une sensibilisation aux relations humaines et au déploiement des ressources humaines, à construire autour d'un vrai dialogue, faudrait-il encore craindre cette diversité des systèmes de notation? "Cela me pose d'ailleurs problème , en tant que citoyen, de recevoir de la part des institutions du non-sens.Ne trouvez-vous pas?" Je partage aussi votre point de vue; je pense en effet que cela dévitalise et affaiblit l'engagement des agents. Je pense aussi que nous devrions reconsidérer notre manière de nous impliquer face aux institutions. Si elles nous encadrent, elles devraient être aussi au service d'une meilleure qualité de vie. "Dictature invraisemblable de la moyenne". Nous la subissons aussi. Ne s'agit-il pas d'une décision politique dont l'objectif n'est pas nécessairement pédagogique? Ne faudrait-il pas alléger la procédure et l'assouplir? Les concertations pédagogiques pourraient servir de relais de solidarité. "Vu l'état ambiant de l'angoisse scolaire, personne ne conteste au fond l'état des choses". On pourrait inverser cette phrase et dire: "Vu que personne ne conteste cet état des choses, cela crée un état d'angoisse scolaire... " Ne faut-il pas oser dire non et résister aux critères économiques qui sont appliqués au détriment d'une pédagogie de qualité? "Un appareil qui coûte cher": voilà, me semble-t-il, une expression qui a la vie dure et sert à justifier les mesures dont on évitera d'analyser la pertinence. Quels sont nos enjeux? Quelles sont les valeurs essentielles pour lesquelles nous souhaitons oeuvrer? "Vous êtes effarés de voir l'avalanche de données dont on dispose" Cela peut être une manière de disperser les forces, de museler les initiatives concrètes directement opérationnelles. Dans un système scolaire très politisé, comme c'est le cas en Belgique, dans l'enseignement provincial, la peur des recours en justice et de l'altération de la bonne image, du politiquement correct, alourdissent le travail des conseils de classe, détournant l'attention des vrais enjeux pédagogiques, faisant ainsi l'affaire de ceux qui choisissent la dictature des moyennes et des examens par compensation. Peut-être serait-il préférable de resimplifier le système? Et d'ouvrir au dialogue avec des personnes relais dans les établissements scolaires. Enfin, je terminerai par une remarque sur le signifiant "inspecteur" qui ne suggère pas nécessairement un rapport d'adulte à adulte mais de parent à enfant: "l'oeil inquisiteur" même si je connais des contre-exemples remarquables. L'implication des enseignants serait peut-être différente si le terme était remplacé par "coordinateur pédagogique" par exemple.>>

<<Je vais proposer la lecture de ce texte en concertation avec mes collègues du CP au CM2.Nous nous posons depuis longtemps la question de l'évaluation juste et bienveillante. Nous y travaillons depuis quelques années déjà, avec la conscience aigue d '"élever" chaque enfant qui nous est confié et de l'aider à se construire avec ses propres matériaux. Nous ne sommes pas de grands savants mais honorons notre tâche avec respect et engagement, du mieux que nous le pouvons. Pour cela, merci de nous fournir de quoi réfléchir autrement. Merci pour ce support. Autre chose : nous, les instit's sommes notés, comme les enfants ! Peut être une reflexion sur ce thème, de façon sereine et en tenant compte de bien des paramètres, permettrait elle de voir autrement l'évaluation des élèves pour éviter les ...arroseurs arrosés !>>

<<un texte riche, intéressant dans lequel je me retrouve assez bien, mais hélas c'est un IGEN qui l'écrit. Ma pratique des corps d'inpection me conduit à beaucoup de méfiance... Les langages à polysémie, ils maitrisent paraitement....Par ailleurs on a vu souvent des distances gigantesques entre des discours (tenus par des responsables institutionnels) devant une assemblée et leur pratique de contrôle et d'évaluations dans les établissements.... Certains sont coutumiers de ce genre de faits. Je suis prof certif de math en collège, titulaire d'un doctorat de psy (processus cognitifs ) et j'ai obtenu la qualif de maitre de conf de 92 à 96... ce que je ne suis jamais devenu pour des raisons personnelles. par ailleurs j'anime nombre de formations transversales en FC et à l'IUFM. Qu'en est-il des évaluations nationales à l'entrée en 6°? On y est en plein en ce moment de l'année....je souhaiterais communiquer mes analyses à propos de l'évaluation 6° qui pour moi reste bien une antiévaluation...Si l'institution avait voulu détourner les enseignants des pratiques intelligentes de l'évaluation , elle ne s'y serait pas prise autrement. L'évaluation de compétence n'est pas une chose simple aussi mécaniste que ces évaluations qui massivement sont inutilisées. Il y a bien là quelque chose qui ne va pas. A bientot pour entreprendre le débat.>> E.

<<J'adhère à vos écrits. J'ai beaucoup réfléchi à l'évaluation et je souhaiterais faire une recherche dans ce domaine. Je suis de la région bordelaise, ma formation initiale est la filière C, puis prépabiomathsup, spé, licence de biochimie....doctorat de 3ème cycle en Neurosciences...commerciale par nécessité, formation en informatique et formatrice à la chambre des métiers, arrêt pour me consacrer à ma famille, puis retour sur les bancs de la fac de Toulouse pour préparer le CAPES de math, 2 fois une admissibilité. Ceci m'a donnée l'occasion d'être nommée à l'Ecole Normale de Toulouse comme prof de math!Puis prof des écoles dans différents lieux. Il y a 2 ans, reprise des études en psychologie et enfin psychologue scolaire depuis juin mais sans poste! Je souhaiterais me former dans le domaine de la psychologie de l'évaluation voire de participer à des travaux de recherche dans ce domaine. En particulier, pour avoir été délégué de parents d'élèves, les modalités de notation et d'évaluer ne sont pas harmonisées dans un même niveau, avecle stress que cela entraine au niveau des élèves, surtout pour leur orientation. Je suis effarée que des profs de math ne donnent plus de devoirs à la maison. Il faut dire que les trimestres ne sont plus des trimestres. Ils sont surchargés de travail, ils n'ont plus le temps de corriger. J'ai eu l'impression que le travail de réflexion et d'acquisition se faisaient au moment de l'interrogation! De quoi dégoûter les élèves de continuer une carrière scientifique! Le plaisir de chercher, de réfléchir de trouver et de se former un esprit curieux et critique constructif est remplacé par de la performance mesurée. Il n'y a plus de place pour la géométrie et ses diverses démonstrations. Le goût, la persévérance, la confrontation à de vrais problèmes n'existent plus au profit de ce qui est mesurable et vite corrigé. Ce qui est incroyable c'est la multiplicité des cours privés! Ce qui est triste, beaucoup de jeunes se détournent de la science et de sa formation parce qu'ils ont l'impression de devenir des machines. Bon je ne sais pas si vous me lirez. MAis une autre demande : est-ce vous qui avez fait une recherche sur la réussite en math avec plusieurs variables : sexe, pays, place du père.. 'avais lu ce livre et l'avais donné à M.Antibi de Toulouse. Je me sens moins seule face à ce genre de questionnement. cordiament, désolée d'avoir été longue>>

<<Il y a, en effet beaucoup à dire ! Ma fille est entrée en 6ème et j'ai été stupéfaite par une fiche émanant de sa prof d'histoire concernant sa manière de noter. En situation de contrôle, celui qui triche : 0/20, celui qui ne rend pas son exposé : 0/20, celui qui copie : note divisée en 2 pour les deux élèves... (quid pour l'élève qui se fait copier à son insu ? il se fait pirater ses réponses et sa note est partagée ??) Là carrément on note le comportement, pas les savoirs. Bel exemple de dérive !>>

<<La question qui se pose est encore de savoir pourquoi, alors qu'on a tant de doutes sur les notes, on renforce encore un système qui a si peu de sens. Et lorsque l'on constate que, dorénavant, en collège, il nous faut noter le comportement des élèves (note de vie scolaire), on se dit qu'on n'est pas près de faire bouger le système.>>

<< Je suis tout à fait d'accord avec les idées développées sur la notation d'autant plus que certains enseignants se basent sur très peu de notes pour juger de la capacité des élèves à poursuivre des études. Du fait de l'existence des différentes intelligences, personne ne tient compte. Un élève peut être jugé inapte à poursuivre des études dans notre système mais il faudrait l'encourager à développer ses compétences. Encore faudrait-il savoir et pouvoir les détecter. L'exemple de la terminale S de mon fils me fait penser que la grande majorité des enseignants ne croient pas à la capacité de réussite de leurs élèves. De mauvaises notes sur les bulletins et le choix des IUT s'est rétréci... En effet, la présélection des dossiers est maintenant informatisée et ne tient pas compte des exigences des différents lycées ni du niveau de la classe! Les enseignants ont même manifesté leur étonnement à mon fils quand il leur a dit qu'il avec eu son bac du premier coup!!! Quand apprendra -t-on aux enseignants que les élèves ont besoin d'encouragements et de voir que les enseignants croient en leur capacité à réussir! Bien entendu, les parents ne sont pas écoutés puisqu'ils sont supposés ne rien connaître en pédagogie... Les enseignants devraient être choisis en fonction de leur faculté à intéresser et motiver les élèves. Mais, on sait bien que ce métier n'attire plus et les élèves subissent l'école. Bien entendu, je suis une fidèle lectrice et j'ai beaucoup appris grâce à votre site.>> Brigitte, maître de conférences

<< enseignants-int-ext-fmv@lists.ulg.ac.be - Bonjour à tous et toutes, Une information avant les délibérations de demain. Bonne lecture>>

<<La scolarisation des enfants handicapés peut servir de révélateur du non sens d'une évaluation globale.>>

<<Merci pour ce texte très sain et roboratif en ce début d?année. Dans notre lycée, une équipe a commencé à réfléchir sur un projet d?évaluation directement inspiré de la méthode Antibi d? « évaluation par contrat de confiance ». Finalement, on trouve encore en 2006 des enseignants en quête de sens pour leurs élèves et pour eux-mêmes? A suivre !

+ En réaction à la réaction précédente suggérant d?introduire des tests QCM normalisés : Pourquoi pas ? Mais à petites doses. Permettez-moi de regarder avec circonspection ce que l?on qualifie de « très simple ». Les enseignants qui utilisent des QCM sont confrontés à leurs limites. Leur emploi comme outil sommatif est certes très simple pour tout le monde mais représente en soi un arbitrage contestable au bénéfice d?un mode très restreint d?évaluation.>>

<< Très simple : Mettez en place des tests QCM normalisés (à l'américaine = horreur ! ) et on pourra mesurer quasi objectivement le niveau de tel ou tel établissement dans telle ou telle matière, mais ça, le "mammouth" ne veut pas en entendre parler!>>

<<Bravo!! ici: http://home.tele2.fr/Old_Timer/ j'ai écrit que l'on pouvait craindre d'avoir eu raison trop tôt...>>

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