PLAN
DU SITE
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Evaluation des
acquis des élèves, évaluation
de système, où en est-on en France en
2006 ?
Roger-François
GAUTHIER
inspecteur
général de l'administration de
l'éducation nationale et de la
recherche
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CONFERENCE
ECOLE
NAVALE
BREST le jeudi 8
juin 2006
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Je
vais essayer de procéder en deux temps
:
1.
En un premier temps, je vais donc tenter de vous
faire une espèce d'état des lieux de
la problématique de l'évaluation des
élèves dans le système
éducatif français, pour que
vous puissiez inscrire vos réflexions sur ce
premier fond de décor : quelles sont les
réflexions en cours, les évolutions
en cours ?
2.
Puis je brosserai un deuxième fond de
décor, un peu plus englobant encore, qui est
celui de m'interroger devant vous sur les
passerelles, sur les ponts à construire ou
à ne pas construire entre les
problématiques d'évaluation des
élèves et celles de
l'évaluation des services de l'Etat.
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Les
quelques éléments que je
vais vous apporter sont la partie
émergée de travaux conduits
à plus large échelle, que je
mène avec un certain nombre de
collègues. Ceux d'entre vous qui
souhaiteraient creuser certaines
argumentations, car par manque de temps je
peux parfois courir le risque d'être
un peu caricatural, pourront toujours se
rapporter à des travaux qui sont en
ligne, disponibles sur le site du
ministère de l'éducation
nationale, au titre des
rapports d'inspection
générale, à mon nom
ou à celui de ma collègue
Anne-Marie BARDI.
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1. Premier
versant : l'évaluation des
élèves en France en 2006 :
copie à revoir !
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Je voudrais
rappeler qu'évaluer les élèves
est une activité difficile, et qu'il n'est
pas nouveau qu'elle soit difficile. Bien
évidemment si on fixe à un
enseignement des objectifs très simples, en
termes de compétences à
acquérir, l'évaluation a alors des
chances de ne pas faire trop difficulté. Le
problème, mais ce n'est pas un
problème c'est au fond une ambition, c'est
que le système éducatif
français est ambitieux. A la surface de la
Terre il fait partie de ceux qui ont des ambitions
élevées de formation. Simplement
quand on a des ambitions il faut être
à la hauteur des ambitions qu'on proclame !
La tradition française est celle d'un
enseignement à ambition culturelle (culture
entendue au sens le plus général
d'humanisation de l'homme), une ambition culturelle
véritablement forte et plus souvent mise en
avant que dans la plupart des systèmes
éducatifs de niveau similaire.
En face de ça
on a deux modèles d'évaluation qui se
proposent dans l'histoire :
·
si on vise pour nos élèves
l'obtention d'une " culture ", d'une attitude
générale par rapport au
monde, on peut très bien imaginer
une évaluation relativement " globalisante "
: les examens d'autrefois, qui sont d'ailleurs
très largement les examens maintenus
aujourd'hui, ce qu'on vise, c'est la formation de
l'esprit autour de disciplines diverses. Par
exemple rien ne s'oppose à ce qu'on compense
et qu'on admette qu'une carence en
mathématiques puisse être
compensée par des talents particuliers en
anglais, conception très traditionnelle des
examens à la française qui n'est pas
celle de la plupart des pays du monde, qui ont des
examens qui obéissent à un
système de crédits.
·
une deuxième perspective est une
réponse au contraire " fragmentée "
: on divise les formations en un certain
nombre d'objectifs, de micro -objectifs, on a donc
cette " pédagogie par objectifs ", et on
voit là un autre type d'évaluation se
profiler, beaucoup plus analytique.
Dans
les deux cas vous comprenez bien qu'il y a un
risque de réductionnisme
:
·
si on garde une idée de type
globalisante, on a des examens à la
française, avec par exemple s'agissant du
baccalauréat rien d'éliminatoire (en
effet il n'y a rien d'éliminatoire au
baccalauréat). C'est dans l'héritage,
un héritage culturel encyclopédique
français, qui a sa valeur. Simplement on ne
s'est pas toujours demandé si en face de la
massification de la fréquentation scolaire
depuis les années soixante-dix ce type
d'examen " globalisant ", sans note
éliminatoire, répondait toujours aux
besoins. Aujourd'hui comme vous le savez une large
partie des échecs en premier cycle
universitaire montre qu'effectivement la validation
par le baccalauréat n'est pas tout à
fait en phase avec ce qu'on pouvait attendre. Donc
un risque de réductionnisme désormais
autour de ces examens de type
globalisant.
·
Sur les examens de nature analytique, en
face de la pédagogie par objectifs, il y a
un autre type de réductionnisme, comme vous
le savez : on peut très bien valider un
candidat qui saura réaliser quantité
de micro -tâches, mais aucune tâche
complexe, incapable de réinvestir, incapable
de créativité.
Qu'est-ce
qu'évaluer un apprentissage ? :
c'est passer de quelque chose de
très personnel, (c'est toujours
personnel un apprentissage : c'est moi qui
apprend, c'est pas mon copain !), de
quelque chose de très intime, de
quelque chose de très divers,
à un signe social global. Un
diplôme, un concours, une
unité de valeur, ce sont des signes
sociaux. On a à passer de quelque
chose d'individuel à quelque chose
de collectif, la note, le diplôme,
le concours, c'est de toute
évidence nécessaire, le
fonctionnement social demande ce type de
repère, nécessaire mais
difficile.
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J'aimerais
d'ailleurs vous faire remarquer que ces
interrogations ne sont pas récentes : depuis
longtemps les responsables de l'éducation
savent la difficulté du sujet d'aujourd'hui,
et j'en voudrais pour preuve
, je vais vous
lire très rapidement quelques lignes de
Léon BOURGEOIS, qui était ministre de
l'éducation nationale à la fin du
XIXème siècle, lignes qui vous
montreront l'étonnant recul critique,
à l'époque, chez les responsables,
sur la question de l'évaluation :
"
La vraie fin que le maître, tout en
s'attachant avec passion à sa
tâche journalière, doit avoir
constamment présente à
l'esprit, c'est de donner, par la vertu
d'un savoir dont la majeure partie se
perdra, une culture qui demeure. Par
delà les objets et les exercices
quotidiens de la classe, c'est à
l'esprit, c'est à l'âme
même de ses élèves
qu'il doit viser. Par delà les
sanctions prochaines, que fournissent
à son enseignement examens et
concours, sanctions si souvent hasardeuses
et illusoires (1890 !), c'est à la
grande et décisive épreuve
de la vie qu'il doit les préparer.
C'est là en définitive que
la valeur des leçons reçues
au lycée se démontrera par
l'effet ".
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S'il
fallait terminer ce petit rappel historique,
je vous dirais à très grands traits
que dans les années 1970 en France il y a eu
beaucoup d'interrogations sur cette question des
notes : la " docimologie
" à l'époque faisait partie d'un
bagage relativement diffusé, et il y avait
eu un mouvement de relativisation des notes, voire
même d'abandon de la notation chiffrée
qui a été demandée en 1969 par
le ministère de l'éducation nationale
dans une circulaire célèbre (on en
trouve des traces d'ailleurs : regardez les carnets
de notation de vos enfants, à l'école
primaire, on trouve des survivances de tout cela :
vous verrez des notations en A,B,C,D,E), c'est
l'époque où on s'est beaucoup
interrogé sur les barèmes, où
ont eu lieu différentes entreprises
d'harmonisation des corrections lors des examens,
où les professeurs
réfléchissaient sur la triade "
évaluation diagnostique ", "
évaluation formative ", " évaluation
sommative ",
le contrôle continu,
également, à l'époque avait le
vent en poupe... On a tous en tête ce
passé pas tellement lointain qui
était un passé de réflexion
sur tout cela
Et puis
l'actualité, depuis un certain nombre
d'années, c'est tout le contraire de
ça !
On
est passé depuis un certain nombre
d'années à tout autre chose
: on est actuellement dans un
état de sacralisation des notes
comme on n'en a jamais eu, bien
supérieur au lycée ou au
collège de la fin du XIXéme
siècle, où il y avait cette
attitude " globalisante " dont j'ai
parlé.
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Tout
cela vous le savez c'est dans le contexte
d'angoisse scolaire qui est celui de ce pays : peur
du chômage des jeunes, massification du
système, génération d'une
angoisse scolaire très forte. Du coup refuge
sur la note comme étant une sorte de
repère sacro-saint auquel on peut
s'accrocher. Je ne sais pas si dans le
collège des années soixante-dix on
s'interrogeait sur l'évaluation formative ou
diagnostique, mais aujourd'hui c'est bien fini :
allez dans le collège du coin aujourd'hui :
tout devient sommatif ! Le moindre contrôle
auquel vos enfants sont soumis, vous constatez
qu'il devient sommatif : on veut de la note ! et on
continue à noter au demi -point, au quart de
point, et on continue à décider des
destinées humaines au demi -point ou au
quart de point
, et tout cela ce sont tout de
même des choses qui nous
interrogent
Dans
ce contexte d'angoisse même je vous rappelle
qu'il y a deux ans, alors que la question
était posée, (je faisais partie de la
commission chargée d'étudier la
question) les lycéens eux-mêmes
ont refusé la notion de contrôle
continu au niveau du baccalauréat,
alors qu'il y a vingt ans leurs
prédécesseurs la réclamaient
! Cela montre bien à quel
point la sacralisation des notes est
générale !
Les
logiciels de notation, qui sont apparus un peu
partout vont de leur côté dans ce sens
de la sacralisation des notes. Les moyennes avec
deux chiffres après la virgule, on en a
d'autant plus pléthore qu'il suffit
d'appuyer sur un bouton pour les avoir !
Mauvaise
consciences des notes ? Sans doute
Interrogations ? sans doute, mais questions qui
n'apparaissent pas véritablement au grand
jour, au point que dans l'ensemble "
éducation nationale " j'ai bien conscience
que quand avec quelques collègues nous
posons ces questions nous sommes des
empêcheurs de tourner en rond dans un
ensemble qui n'est pas ouvert à ce type de
questions actuellement. Je pense que ce sont des
choses que vous savez
Essayons
toutefois, tout en restant encore dans les
questions d'évaluation des
élèves, de regarder les choses de
façon un peu plus précise
:
qu'est-ce
que ce tabou sur les notes et en quoi ce
tabou est-il selon moi fondé sur
une sorte de fabrique officielle de
non-sens, que devient la notation dans
l'éducation nationale
?
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il faut voir qu'on
parle là de données absolument
innombrables.
Regardez
sur une classe sixième, une dizaine de
matières, une trentaine
d'élèves,dix notes par trimestre,
vous avez dans une classe de sixième
de l'ordre de 10000 notes qui sont
mises dans une année ! J'insiste
là-dessus : on n'a pas toujours en
tête la fabrication industrielle de la
note qui est la réalité que l'on
constate. En apparence pas de problème,
d'ailleurs : de l'industrie, mais très peu
de réflexion en général : on
réfléchit très peu dans les
établissements à tous ces
fonctionnements-là
L'évaluation
des élèves telle que je la vois
fonctionner se résume en
général à des notes.
Il faut
savoir d'abord qu'il y a 36
systèmes de notation qui sont en concurrence
: on a dans le même établissement
des notes sur 10, des notes sur 100, des notes sur
20, des notes en lettres, du contrôle
continu, des notes " coefficientées " comme
à l'examen : c'est un panel qui fait qu'on a
du mal à s'y repérer. Il y a
plusieurs systèmes de notation concurrents.
On n'a pas un système de formation qui se
reconnaîtrait dans un système
d'évaluation et un seul. Il y en a
trente-six.
Si l'on
donne des notes c'est bien qu'on produit à
un moment donné quelque chose de
chiffré, et c'est bien alors un renvoi
dans l'ombre de l'évaluation par
compétences . Je sais que dans le
premier degré on voit des livrets scolaires
qui font appel aux " compétences ", mais en
général on en est resté
à quelques tentatives non abouties de
réfléchir en termes de
compétences. Dans bien des collèges,
par exemple, en face de la rubrique "
français ", vous avez sur le bulletin
quelques compétences listées, en face
de la discipline, avec une invitation faite aux
professeurs de formuler leur appréciation
par rapport à ces compétences. Mais
ce que je vois, c'est en général une
accolade, regroupant toutes les compétences
" français ", avec, en face,
une note
!
Sur les
livrets de baccalauréat, c'est à peu
près pareil. On constate la trace de
tentatives : on voit qu'à un moment
donné des gens ont réfléchi en
termes de compétences, puis que presque tout
de suite après, ils sont revenus aux
notes.
Notes
diffusées comme un rituel, par exemple les "
relevés de notes à mi
-trimestre ", c'est extraordinaire : vous avez
des successions de notes, que vous recevez chez
vous, vous ne savez absolument pas ce que cela
signifie, vous avez des chiffres dont on ne sait
absolument pas ce que cela recouvre ! Cela devient
presque un contrôle des absences : on sait
qu'il était au collège puisqu'il a eu
une note
! Cela me pose d'ailleurs
problème, en tant que citoyen, de recevoir
de la part de l'institution du non-sens. Ne
trouvez-vous pas ?
La passion
pour les notes, c'est aussi par exemple
actuellement une nouvelle note qui sera
instaurée l'année prochaine, vous en
avez peut-être entendu parler, la note de vie
scolaire
Deuxièmement
: s'il n'y avait que des notes, cela irait encore,
mais il y a plus grave :
le
système à tous les niveaux tire
une dictature invraisemblable de la moyenne.
C'est la moyenne déjà dans une
discipline : vous avez 36 notes, chacune correspond
à l'évaluation de tel ou tel type de
compétence, mais dans le retour qui en est
fait par exemple au conseil de classe, ou sur les
bulletins...tout cela est " moyenné ". Quel
est l'intérêt de cette moyenne ? : il
n'y en a aucun au plan pédagogique
Mais
ça ne suffit pas : ensuite on fait une
moyenne entre les disciplines ! On somme tout,
on divise tout par le nombre des disciplines, et on
a un chiffre
: interrogez-vous une fois sur
ce que signifie ce chiffre ! Il est lui-même
la résultante de moyennes entre des objets
extrêmement disparates dont on ne
connaît pas le sens !
Troisièmement
on tire toutes les conséquences de ces
moyennes avec deux décimales après la
virgule.
C'est-à-dire
que vous avez des élèves qui se
retrouvent dans telle ou telle voie d'études
en fonction de ces chiffres là ! On est
là en train de parler de choses
sérieuses ! c'est bien de destinées
de gens, y compris de désarroi et de
désappointement, voire de
découragement d'un certain nombre
d'élèves qui, comme ils le disent,
auront " été orientés "
à partir de ces deux chiffres après
la virgule.
La
moyenne, et c'est peut-être encore le plus
grave, c'est qu'elle devient l'objectif.
L'objectif
n'est pas d'apprendre, c'est de passer dans la
classe supérieure, et d'avoir la moyenne !
Et ça c'est un état absolument
catastrophique dans lequel nos
établissements sont très fortement
enlisés, et comme vous le savez bien, et des
sociologues l'ont décrit, c'est d'autant
plus regrettable que ce métier
d'élèves défini comme " avoir
la moyenne et passer dans la classe
supérieure ", les enfants des familles qui
ont fait des études savent très bien
que là n'est pas l'important, savent
très bien que l'important c'est
l'acquisition et la construction progressive des
savoirs. La simple obtention de cette " moyenne "
dans les conditions que j'évoquais c'est un
peu une sorte de leurre qui est tendue à ces
élèves et familles-là. Les
plus défavorisées.
Autre
chose : on est sans arrêt dans le
présentiel.
Il y a
très peu de choses qui transitent d'une
année scolaire à une autre s'agissant
des compétences et des acquis des
élèves. Chaque fois on
ramène l'ardoise à zéro,
chaque fois c'est la page blanche en début
d'année scolaire
pour recommencer la
dictature des notes et des moyennes pour
l'année qui commence
Enfin
tout cela serait peut-être moins
grave si cette religion de la
moyenne n'avait pas atteint les
gestionnaires qui font leur travail de
gestionnaires, et qui tirent des moyennes
des moyennes des moyennes,
c'est-à-dire que vous avez
l'inspecteur d'académie qui va
comparer à partir de ces moyennes
tel collège en classe de
troisième avec tel collège
et tout cela avec la moyenne du
département, de l'académie
ou de la nation
On est bien aussi
là dans un travail qui a peu de
sens quand cette religion de la moyenne
s'est emparée de l'ensemble du
dispositif.
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Un
système d'examens qui de son
côté est devenu un leurre :
Le
contrôle continu qui est refusé aux
examens règne en maître pour toutes
les décisions importantes, l'accès en
classe de seconde générale et
technologique et l'accès en classes
préparatoire aux grandes
écoles.
Aux deux
niveaux, fin du collège et fin du
lycée, il est tout de même paradoxal
qu'on retrouve la même structure : un examen
" national ", certes, mais avec ce fait que
l'important n'est pas d'avoir l'examen national en
question, (de toute façon ces
élèves l'ont), mais de contourner
l'examen, la même année, pour
remporter la bonne décision, la
filière prestigieuse, la seconde
générale ou la classe
préparatoire ! C'est tout de même un
porte à faux assez paradoxal, comme effet de
système.
Donc
la perversion évaluatrice est sans
doute à ce moment portée
à son comble. Vu l'état
ambiant de l'angoisse scolaire, personne
ne conteste au fond l'état des
choses. Passer dans la classe
supérieure, avoir l'examen, avoir
la moyenne a pris le pas sur l'acquisition
des connaissances, des compétences,
des comportements et de la culture qui
sont théoriquement les objectifs
pour lesquels le contribuable
français paye le quart du budget de
ce pays.
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2.
Deuxième versant : de
l'évaluation des
élèves à
l'évaluation du
système
|
J'aborde
là des perspectives qui ne sont pas celles
en général des professeurs, ce sont
toutes ces perspectives qui aujourd'hui tendent
à évaluer le fonctionnement du
système éducatif dans son
ensemble. Vous savez qu'on est dans un contexte
international où désormais les
différents systèmes
d'éducation non seulement se comparent mais
comparent leurs mesures.
La
première idée que j'aimerais
introduire, c'est que le système
français marque une différence par
rapport à d'autres pays dont on n'a pas lieu
véritablement de se réjouir, c'est
son caractère largement illisible, quant
à ses résultats, sur une scène
qui est désormais fortement
mondialisée.
Vous ne
pouvez ignorer que ce sujet des résultats
d'un système d'éducation
échappe en partie à la
problématique seulement pédagogique
et individuelle. Pourquoi ? Parce que
l'école n'a pas échappé
à l'évolution des modèles de
l'action humaine. L'école n'est plus
seulement une institution, elle est aussi devenue
un service qui comme d'autres services
s'interroge et est interrogé sur des
résultats. Dit comme ça on ne peut
être hostile à ce qu'on demande des
résultats à un appareil qui
coûte très cher, qui mobilise beaucoup
de personnes et qui est aussi important. Simplement
je vais essayer de vous montrer pourquoi ce projet
fait actuellement difficulté.
En
apparence on a en France un système
éducatif de type monopoliste,
c'est-à-dire que toutes les cartes sont
entre les mains de l'Etat. Traversez la Manche
et déjà vous avez une logique toute
différente : l'Etat finance bien une large
partie des formations, comme en France, mais par
exemple ne se charge pas de les valider, renvoyant
la définition des examens, à des
Boards indépendants. En France on a une
conjonction particulière : d'autres pays,
notamment latins, ont des systèmes
centralisés. Aucun autre pays ont le
même monopole d'Etat qu'en France. Je ne juge
pas cela, je considère seulement que cette
situation devrait permettre une excellente
connaissance du système, puisque l'Etat a
toutes les cartes.
Or
la réalité n'est pas celle
-là. C'est vrai qu'on a aujourd'hui des
indicateurs innombrables sur les résultats
de l'éducation : indicateurs qui viennent
des évaluations internationales de type "
PISA ", qui viennent d'évaluations de type "
Shanghai ", les évaluations
réalisées dans le cadre du
benchmarking de l'Union européenne ; vous
avez, depuis quinze ans, tout ce qu'on appelle l' "
évaluation de système ", et vous
n'avez là qu'à vous reporter aux
travaux de la direction de l'évaluation du
ministère ; vous serez effarés de
voir l'avalanche de données dont on dispose
!
Et vous
avez aussi les évaluations
d'établissements, l'évaluation des
académies : depuis cinq ou six ans l'Etat
s'interroge sur la plus value des
différentes académies ; vous avez
l'évaluation de l'état des
disciplines : quel est l'état de
l'enseignement des mathématiques aujourd'hui
au collège ? Etc.
On a quantité
de données.
Et pourtant ! Et
pourtant la réalité est très
en retrait sur ce qu'on pourrait
attendre.
Pourquoi
? Parce qu'à la source les
évaluations des élèves qui
débouchent sur cet " enregistrement " dont
je parlais tout à l'heure, non pas de
compétences atteintes, mais de chiffres,
entre lesquels on fait tout de suite des tas de
moyennes, ces évaluations produisent
très peu de données signifiantes.
Les résultats agrégés entre
ces données peu signifiantes sont aussi peu
signifiants. Du coup on a l'illusion de savoir
beaucoup de choses, même au niveau de
l'établissement, alors que ce n'est pas le
cas.
Je me rends
dans un collège et je demande : " M. le
Principal, Mmes et MM. les professeurs, que
pouvez-vous dire de l'état des connaissance
géographiques de vos élèves en
classe de troisième ? " Silence absolu ! Et
j'entends dans les têtes : " Mais que veut-il
donc qu'on lui dise, on enseigne les programmes,
c'est tout ! "
A
l'échelle de l'établissement
comme à l'échelle du
ministre il est assez effarant de voir que
malgré la centralisation du
système on sait très peu de
choses.
|
Quant
aux indicateurs d'Etat dont on dispose, il s'agit
très peu d'indicateurs de résultats,
mais essentiellement d'indicateurs de flux, et
là on est très bons (quel
pourcentage d'élèves accède
à tel niveau d'études ? etc.), des
indicateurs de gestion, qui ont pris l'avantage sur
tout le reste.
Les
examens eux-mêmes sont peu utilisés :
dans un lycée on n'a pas de retour
individuel des notes des candidats ! Or on peut
faire des tas de choses avec des notes d'examen :
on peut faire des études de dispersion, on
peut étudier les corrélations entre
les notes de l'examen et celles du contrôle
continu, on peut rechercher finement les facteurs
du succès ou de l'échec des
élèves, et des classes, etc. Rien de
tout ça : on ne reçoit pas même
les données !
J'ai
personnellement pris conscience de ce paradoxe
français en travaillant avec des
Américains. Ils pensaient que chez nous (ils
admirent beaucoup les programmes à la
française !) nous devions tout savoir avec
notre système de programmes et d'examens
nationaux. J'ai dû convenir du
contraire.
Pour
trente-six motifs
Il y a eu des motifs
corporatistes, il ne faut pas se le cacher : la
question de la plus-value de ce collège en
géographie par rapport à ses
élèves a pu être
évitée parce qu'on avait peur en
certains cas qu'on fasse ressortir que ce
collège n'est pas efficace en
géographie et que cela soit la faute du
professeur de géographie
. Il est
sûr qu'en certains cas on a
considéré que la meilleure
façon de na pas avoir de réponses
à des questions, c'était encore de ne
pas les poser !
Mais je ne
pense pas que ces motifs corporatistes aient
été déterminants.
C'est
vraiment je crois notre paradigme
pédagogique historique en
matière de programmes, qui
décrivent de manière
très ambitieuse un état des
connaissances sans se préoccuper
d'évaluation, sans se
préoccuper de ce qu'il est
légitime d'atteindre à tel
ou tel moment. On crée les
programmes d'un côté et
quelques mois ou années
après, on se demande, d'autres
équipes que les concepteurs de
programmes se demandent " comment on va
évaluer cela à l'examen ? "
(en dehors de l'enseignement professionnel
où les logiques sont plus
intégrées)
|
Et en
France on débouche toujours au bout du
compte sur ces examens " avec compensation ",
où la notion de compétences est
détruite dans l'uf par des pratiques
globalisantes d'évaluation.
Le
contrôle des professeurs est de son
coté plus un contrôle de
conformité par rapport à la
façon de traiter un programme que par
exemple un contrôle sur leur façon de
noter, domaine sur lequel les inspecteurs ne
portent pas le regard.
La conséquence
de tout ça c'est un pilotage de l'ensemble
sans tableau de bord véritable ou
véritablement
signifiant.
Or
dans un contexte mondial de révolution
libérale, je pense que cette situation est
assez préoccupante. En effet
l'évaluation des élèves aux
différents échelons du système
ne donne pas de repère clair aux uns et aux
autres, ni aux élèves, ni aux
professeurs, ni aux citoyens, ni au ministre :
on a des fabriques de monnaie, innombrables et
parfois de fausse monnaie, avec des ateliers locaux
: regardez vos enfants qui passent de
l'école primaire au collège, ce n'est
déjà plus la même monnaie ! Les
compétences auxquelles l'instituteur du CM2
attachait de l'importance, voici que les
professeurs de sixième ne s'y
intéressent pas et qu'ils le proclament ! Ce
n'est plus le même monde.
La
conséquence est un système qui
souffre, avec une mise en concurrence de fait entre
les établissements. Le règne de la
rumeur, des établissements souvent sans
boussole, ne sachant pas vraiment ce que c'est que
s'améliorer, avec une ghettoïsation
flagrante. Tout ça peut être une
espèce de "révolution douce ",
comme le dit Claude Lelièvre. Si on laisse
les choses se faire comme ça, la
dérive va continuer. Ce creusement des
écarts entre les établissements va se
poursuivre
Le
risque, puisque ce système ne sait
pas lire ses résultats, c'est que
des modèles de lecture de
résultats autres s'installent,
inspirés du modèle du
marché, qui, lui, sait lire des
résultats . Si la République
ne sait pas faire, le marché saura
faire ! Il fera autre chose, mais il fera.
Centré sur la " performance ". Et
cette centration aveugle sur la
performance, je n'invente rien, elle est
très active dans des
systèmes voisins, c'est le "
testing " permanent, c'est le " teaching
for testing ", avec comme
conséquence la réduction des
curricula, la réduction des
programmes à ce qui peut être
évalué à peu de frais
; c'est la centration sur les
compétences basiques, le " back to
basics " de Margaret Thatcher ; ce sont
des phénomènes de triche et
de corruption , qui ne sont pas non plus
à minimiser. Avec de façon
plus grave l'abandon des plus faibles,
l'abandon des plus faibles
établissements et l'abandon des
plus faibles élèves : ceux
qui ne font pas monter les scores, bien
évidemment. Et puis d'autres choses
autour comme le paiement des professeurs
au mérite, etc.
|
Voulons-nous
cela ? Ai-je tort de vouloir vous faire peur
avec cela en vous disant que la fabrique officielle
de non-sens et de fausse monnaie que constitue
l'évaluation des élèves dans
le paysage éducatif français
d'aujourd'hui risque bien de nous amener à
une révolution libérale vers un
paradigme pédagogique qui nous sera
imposé par une perspective gestionnaire de
rentabilité à court terme ? Ai-je
tort de vouloir vous faire peur avec cela ? bien
sûr je n'en sais rien, mais en tous cas
j'essaye de vous alerter.
Pour terminer
, il est, je crois au contraire, tout
à fait possible de mettre en place des
logiques d'évaluation qui soient celles de
la responsabilité à la fois pour le
notateur et pour le noté. On peut tout
à fait imaginer d'autres chemins.
Il y a en effet
jusqu'ici deux isolats qui communiquent peu
:
·
l'isolat de l'évaluation de
système, qui intéresse surtout
les administrateurs, qui a ses logiques, avec
toute cette batterie considérable de
technocratie triomphante
·
l'isolat de l'évaluation des
élèves, où seuls les
professeurs auraient droit de regard.
Deux isolats,
l'un confiné dans la gestion, l'autre dans
l'indicible
Sans communiquer. Mondes
étanches ! On
peut laisser les choses en l'état, on peut
aussi essayer de se demander s'il ne serait pas
opportun et possible que les finalités
pédagogiques reprennent la main.
Cela impliquerait
qu'on s'engage sur une voie de remise à plat
des routines d'évaluation des
élèves, afin d'essayer de
réconcilier les deux activités :
essayer de faire en sorte qu'on produise une
évaluation des élèves qui soit
signifiante pour les élèves mais
aussi pour ceux qui pilotent le système.
Pourquoi cela serait-il impossible ?
Redonner du
sens à l'évaluation des
élèves et des candidats, c'est faire
la chasse à tout ce qui ne produit pas du
sens en n'hésitant pas à s'attaquer
aux bulletins, aux examens, aux moyennes,
etc.
Une
mesure toute simple par exemple que nous
avions proposée sans
naïveté excessive : on
proposait qu'à la rentrée
prochaine on " interdise " (il est rare
qu'on emploie des mots comme ça !)
dans tout collège et dans tout
lycée le calcul de toute moyenne. "
On ne fait plus ça, c'est fini ! "
|
Bien
sûr en le proposant nous nous faisions peu
d'illusions sur la suite qui serait donnée
à court terme, mais nous pensons
malgré tout qu'il faut chercher dans des
directions comme celle-ci.
Il
faut voir qu'il y a un certain nombre de questions
actuelles, amenées y compris par voie
législative qui nous invitent à cette
révision d'attitude.
La
question du " socle
commun de connaissances et de compétences en
fin de scolarité
obligatoire
", par exemple : soit on s'en fiche de ce
truc-là (beaucoup s'apprêtent à
s'en ficher), soit on le prend au sérieux
(le Législateur l'a quand même
voté !). Or il y a plein de mots dans la
définition du socle commun qui ne
correspondent pas au schéma traditionnel, ne
serait-ce que le mot de " compétences " :
une compétence, on l'a ou on ne l'a pas,
mais on ne fait pas la moyenne entre une
compétence qu'on a et une compétence
qu'on n'a pas : quand je vais chez le
médecin, j'espère qu'il n'a pas eu
son doctorat en médecine par " compensation
" entre des connaissances en hématologie et
une ignorance crasse en neurologie. On
espère tous cela, sinon on n'irait plus chez
le médecin !
Accepter
aussi que l'évaluation ne soit plus une
activité solitaire : il faut
réfléchir ensemble à
l'évaluation, notamment dans les
établissements. Par exemple regardez dans un
collège le contrôle continu. Il y a
d'autres pays qui pratiquent le contrôle
continu, comme l'Allemagne : mais ce contrôle
continu, le professeur n'est pas laissé tout
seul pour le fabriquer. A un moment donné de
l'année les professeurs de telle discipline
de tel établissement produisent un protocole
d'évaluation. Et ils l'envoient à un
inspecteur du niveau du Land, qui réagit en
approuvant ce protocole ou en demandant sa
révision. Ce n'est pas la solitude, c'est
l'échange. En France, le contrôle
continu c'est d'abord la solitude d'un maître
! Responsabilité totale, du coup
irresponsabilité !
Accepter
aussi que ce soit une activité
elle-même évaluée, qu'elle
n'échappe pas à cet ensemble de
démarches en tant qu'acte, mais
également qu'elle fournisse elle-même
des données sur le
système.
Vous êtes en
position de m'objecter : et si on arrivait à
avoir des " résultats " de meilleure
qualité, plus lisibles, ça servirait
au fond à quoi, au niveau du fonctionnement
général ? On en ferait quoi ?
I
Il faut être clair, on a un ou deux
concepts : le concept
d'efficacité et le concept
d'équité. Je n'ai
bien sûr pas le temps de
détailler cela, mais avoir des
résultats d'élèves
qui signifient enfin quelque chose, cela
permettrait à tous, et d'abord aux
professeurs, de mieux connaître et
de mieux suivre l'action de l'école
sur les deux axes de l'efficacité
et de l'équité de son
action.
En
tirant les deux ficelles tout viendrait,
comme les programmes d'enseignement
à la française, comme la
formation des maîtres, comme
la fonction actuelle de
l'inspection, etc. Nous pensons pour
ce qui nous concerne qu'il faut
affronter ces questions, et non pas les
enterrer, qu'il faut en effet tirer
ces ficelles. Il en va d'une fonction
collective importante qui s'appelle
l'éducation nationale, qui est en
danger, et dont la
désagrégation
menaçante fait courir à mon
sens à la collectivité des
risques majeurs. Je pense que par ce biais
de la réflexion sur
l'évaluation des
élèves, nous pouvons avoir
une petite idée à la fois de
quelques problèmes sensibles de
notre système éducatif et de
ce qu'il faudrait faire pour
améliorer le
schéma.
|
|
Ecouter: Le
lycée français face à ses voisins
européens
Réactions:
<<
ipr de mathématiques en retraite mais .pas
totalement déconnecté, j'ai envie de
dire qu'il est sain d'avoir une telle lecture,
même (et surtout) si elle touche là
où ça fait mal. La "mesure (si)
simple" que vous proposez concerne aussi le
primaire. Cela fait 20 ans, 30 ans ou plus qu'on la
propose. En vain ou presque. Alors,
espérons.tout en sachant bien qu'il faudra
un jour donner un (grand) coup de pied dans la
fourmilière. Sinon, comme vous l'indiquez
justement, ce sera le marché qui prendra
l'affaire en main. On peut lui faire
entièrement confiance : efficacité
commerciale garantie, quant à
l'efficacité en termes de formation, c'est
une autre affaire. Merci pour cette contribution.
j.b.>>
<<Enseignant
en sciences Physiques, en BTS CIRA à Arles.
Un sujet excellent et parfaitement rédiger
et expliquer et c'est vraiment la
réalité des choses... Saïd Prof
de Maths en BTS CIRA>>
<<Quel
bonheur de vous lire.Enseignante en arts plastiques
j'ai beaucoup travaillé la question de
l'évaluation et lutté contre "ces
fichues moyennes".que de mots
échangés autour des grilles
demoyennes que je refusais de remplir! directrice
de collège ensuite nous avons
supprimé la "moyenne générale"
et pris en compte les acquis des
élèves. Lorsque je suis partie la
moyenne générale est revenue au galop
et le "passage" se faisait au 1/2 point. C'est plus
facile, plus rapide m'a-t-on dit! Merci pour ce que
je viens de lire.>>
<<Bonjour
Jacques, petit lifting du site très
réussi: bravo!! J'ai lu l'ensembles des
article notamment la carte scolaire et la question
relative au notation. Les arguments dans l'ensemble
sont fort convaincants ce n'est pas facile pour se
positionner. toutefois, avec un peu de recul : deux
choses apparaissent, me semble-t-il.
N'hésitez pas à réagir Jacques
, je compte sur vous!! 1. il apparaît dans
l'ensemble des articles un manque de vision
globale: mis a part des
généralités sociologiques que
l'ont infuse depuis 1985 le discours ne change pas.
pourquoi? je crois, que l'on a une analyse trop
microscopique de l'enseignement, trop professoral.
je serais d'avis que l'on insère des avis
plus pratiques et plus stables en matière de
pédagogie et que l'on cesse de vouloir
inventer toujours quelque chose de nouveaux. En
effet, la conséquence immédiate est
qu'il n'existe plus de continuité dans la
méthode de l'enseignement si l'on fait des
mini-réformettes. cela m'amène au
deuxième point: 2. Enlevons aux enseignants
qui sont issus du monde relativement autarcique des
iufm, ce trop de liberté à inventer
l'enseignement selon leur inspiration. ET ouvrons
plus l'enseignement à des personnes issues
du monde de l'entreprise, non pas pour changer la
méthode, mais pour discerner les points
saillant à faire évoluer, ce qui est
le plus important pour un étudiant qui
s'achemine vers la recherche d'emploi. Un juste
équilibre entre des avis issus de deux
sérails est plus judicieuse: la règle
du compromis. c'est lent et ce sera bien venu.
Cessons ces mouvement browniens des profs. En fait
l'enseignement est loin d'être mauvais, bien
au contraire. Par contre le nombrilisme
pathétique de l'enseignement nous aveugle.
Les prof ne sont pas des chercheurs, il suffit de
constater le manque de méthodologie dans les
processus de réforme engagés dans le
passé. Donc stop, maîtrisons dans un
premier temps l'outil, ajoutons lui des
matériels notamment liés au TIC bien
sur. Sur le reste, que les profs se calment, et
soient plus méthodiques dans leur
réflexion. En général, la
majorité ne sont pas des premiers de la
classe à la fac, c'est plutôt le
contraire , des cools bon vivant et loin
d'être des lumières: j'ai vu le niveau
général de l'iufm d'Avignon: dur
dur.! Petit coup de gueule de la journée,
merci Jacques pour ce site
remarquable.>>
<<Bonjour, Je
vous remercie pour cette réflexion sur
l'évaluation des acquis dans le
système scolaire français dont la
Belgique se rapproche fort, selon mon point de vue.
Je m'autorise à vous faire part de quelques
réflexions issues de ma pratique
pédagogique de ces trois dernières
années, articulées autour de quelques
extraits de votre texte,et qui les prolongent pour
une autre implication possible des enseignants.
"Evaluer les élèves est une
activité difficile" (p.1.) J'ajouterais
complexe sur plusieurs plans: de nombreux
paramètres conscients et inconscients sont
à l'oeuvre, en sus des données
docimologiques; ces paramètres sont
complexifiés lors des conseils de classe par
les relations humaines mises en jeu par la simple
présence des enseignants, leurs
comportements ,etc. J'estime que la prise de
conscience de ces éléments et la
manière de réguler leur impact sur le
fonctionnement des conseils de classe pourraient
faire l'objet d'une formation continue des
enseignants. "Simplement, quand on a des
ambitions, il faut être à la hauteur
des ambitions qu'on proclame!" (p.1.) La fin ne
justifie pas les moyens; les moyens ne justifient
pas la fin. Je proposerais plutôt un dialogue
à plusieurs niveaux qui permette de prendre
en compte les différents intervenants du
système éducatif et non seulement les
dirigeants. De quelle ambition s'agit-il? Quelles
sont les valeurs en jeu? Le projet de
société? P.2. Vous citez un extrait
de Léon BOURGEOIS et parlez de son
"étonnant recul critique". Je
proposerais plutôt d'interrroger la
pertinence de ses propos en les replaçant
dans leur contexte: "...C'est de donner, par la
vertu d'un savoir dont la majeure partie se perdra,
une culture qui demeure... C'est à l'esprit,
c'est à l'âme de ses
élèves qu'il doit viser... C'est
à la grande et décisive
épreuve de la vie qu'il doit les
préparer. C'est là en
définitive que la valeur des leçons
reçues au lycée se démontrera
par l'effet". Je pense que là aussi se
trouve le réservoir de beaucoup de violences
qui ne préparent pas à l'implication
citoyenne. Il ne s'agit pas de "formater"
des individus mais de les aider à se
construire dans leur diversité pour qu'ils
acquièrent estime de soi et confiance en
soi. En outre, le fait de "donner des
leçons" peut faire craindre l'absence de
remise en question de l'enseignant, peut alimenter
chez lui l'illusion qu'il a le droit d'exercer un
pouvoir et, effet pervers d'un système que
vous décrivez plus loin, qu'il a le droit de
l'exercer pour autant qu'il collabore au
système actuel sans déranger les
enjeux de pouvoir diffus d'une institution peureuse
très coercitive. "Etat de sacralisation
des notes": avec tous les effets
désastreux sur le fonctionnement des
conseils de classe, la déresponsabilisation
d'enseignants lassés ou ignorants des lois
ou règles internes: ce que je
résumerais par "effet couvercle".
"Il y a 36 systèmes de notation qui sont
en concurrence"(p.4): Pourquoi cette
diversité des systèmes est-elle vue
comme une faiblesse et non une richesse? Si les
enseignants recevaient une sensibilisation aux
relations humaines et au déploiement des
ressources humaines, à construire autour
d'un vrai dialogue, faudrait-il encore craindre
cette diversité des systèmes de
notation? "Cela me pose d'ailleurs
problème , en tant que citoyen, de recevoir
de la part des institutions du non-sens.Ne
trouvez-vous pas?" Je partage aussi votre point
de vue; je pense en effet que cela
dévitalise et affaiblit l'engagement des
agents. Je pense aussi que nous devrions
reconsidérer notre manière de nous
impliquer face aux institutions. Si elles nous
encadrent, elles devraient être aussi au
service d'une meilleure qualité de vie.
"Dictature invraisemblable de la moyenne".
Nous la subissons aussi. Ne s'agit-il pas d'une
décision politique dont l'objectif n'est pas
nécessairement pédagogique? Ne
faudrait-il pas alléger la procédure
et l'assouplir? Les concertations
pédagogiques pourraient servir de relais de
solidarité. "Vu l'état ambiant de
l'angoisse scolaire, personne ne conteste au fond
l'état des choses". On pourrait inverser
cette phrase et dire: "Vu que personne ne conteste
cet état des choses, cela crée un
état d'angoisse scolaire... " Ne faut-il pas
oser dire non et résister aux
critères économiques qui sont
appliqués au détriment d'une
pédagogie de qualité? "Un appareil
qui coûte cher": voilà, me
semble-t-il, une expression qui a la vie dure et
sert à justifier les mesures dont on
évitera d'analyser la pertinence. Quels sont
nos enjeux? Quelles sont les valeurs essentielles
pour lesquelles nous souhaitons oeuvrer? "Vous
êtes effarés de voir l'avalanche de
données dont on dispose" Cela peut
être une manière de disperser les
forces, de museler les initiatives concrètes
directement opérationnelles. Dans un
système scolaire très
politisé, comme c'est le cas en Belgique,
dans l'enseignement provincial, la peur des recours
en justice et de l'altération de la bonne
image, du politiquement correct, alourdissent le
travail des conseils de classe, détournant
l'attention des vrais enjeux pédagogiques,
faisant ainsi l'affaire de ceux qui choisissent la
dictature des moyennes et des examens par
compensation. Peut-être serait-il
préférable de resimplifier le
système? Et d'ouvrir au dialogue avec des
personnes relais dans les établissements
scolaires. Enfin, je terminerai par une remarque
sur le signifiant "inspecteur" qui ne
suggère pas nécessairement un rapport
d'adulte à adulte mais de parent à
enfant: "l'oeil inquisiteur" même si je
connais des contre-exemples remarquables.
L'implication des enseignants serait
peut-être différente si le terme
était remplacé par "coordinateur
pédagogique" par exemple.>>
<<Je vais
proposer la lecture de ce texte en concertation
avec mes collègues du CP au CM2.Nous nous
posons depuis longtemps la question de
l'évaluation juste et bienveillante. Nous y
travaillons depuis quelques années
déjà, avec la conscience aigue d
'"élever" chaque enfant qui nous est
confié et de l'aider à se construire
avec ses propres matériaux. Nous ne sommes
pas de grands savants mais honorons notre
tâche avec respect et engagement, du mieux
que nous le pouvons. Pour cela, merci de nous
fournir de quoi réfléchir autrement.
Merci pour ce support. Autre chose : nous, les
instit's sommes notés, comme les enfants !
Peut être une reflexion sur ce thème,
de façon sereine et en tenant compte de bien
des paramètres, permettrait elle de voir
autrement l'évaluation des
élèves pour éviter les
...arroseurs arrosés !>>
<<un texte
riche, intéressant dans lequel je me
retrouve assez bien, mais hélas c'est un
IGEN qui l'écrit. Ma pratique des corps
d'inpection me conduit à beaucoup de
méfiance... Les langages à
polysémie, ils maitrisent paraitement....Par
ailleurs on a vu souvent des distances gigantesques
entre des discours (tenus par des responsables
institutionnels) devant une assemblée et
leur pratique de contrôle et
d'évaluations dans les
établissements.... Certains sont coutumiers
de ce genre de faits. Je suis prof certif de math
en collège, titulaire d'un doctorat de psy
(processus cognitifs ) et j'ai obtenu la qualif de
maitre de conf de 92 à 96... ce que je ne
suis jamais devenu pour des raisons personnelles.
par ailleurs j'anime nombre de formations
transversales en FC et à l'IUFM. Qu'en
est-il des évaluations nationales à
l'entrée en 6°? On y est en plein en ce
moment de l'année....je souhaiterais
communiquer mes analyses à propos de
l'évaluation 6° qui pour moi reste bien
une antiévaluation...Si l'institution avait
voulu détourner les enseignants des
pratiques intelligentes de l'évaluation ,
elle ne s'y serait pas prise autrement.
L'évaluation de compétence n'est pas
une chose simple aussi mécaniste que ces
évaluations qui massivement sont
inutilisées. Il y a bien là quelque
chose qui ne va pas. A bientot pour entreprendre le
débat.>> E.
<<J'adhère
à vos écrits. J'ai beaucoup
réfléchi à l'évaluation
et je souhaiterais faire une recherche dans ce
domaine. Je suis de la région bordelaise, ma
formation initiale est la filière C, puis
prépabiomathsup, spé, licence de
biochimie....doctorat de 3ème cycle en
Neurosciences...commerciale par
nécessité, formation en informatique
et formatrice à la chambre des
métiers, arrêt pour me consacrer
à ma famille, puis retour sur les bancs de
la fac de Toulouse pour préparer le CAPES de
math, 2 fois une admissibilité. Ceci m'a
donnée l'occasion d'être nommée
à l'Ecole Normale de Toulouse comme prof de
math!Puis prof des écoles dans
différents lieux. Il y a 2 ans, reprise des
études en psychologie et enfin psychologue
scolaire depuis juin mais sans poste! Je
souhaiterais me former dans le domaine de la
psychologie de l'évaluation voire de
participer à des travaux de recherche dans
ce domaine. En particulier, pour avoir
été délégué de
parents d'élèves, les
modalités de notation et d'évaluer ne
sont pas harmonisées dans un même
niveau, avecle stress que cela entraine au niveau
des élèves, surtout pour leur
orientation. Je suis effarée que des profs
de math ne donnent plus de devoirs à la
maison. Il faut dire que les trimestres ne sont
plus des trimestres. Ils sont surchargés de
travail, ils n'ont plus le temps de corriger. J'ai
eu l'impression que le travail de réflexion
et d'acquisition se faisaient au moment de
l'interrogation! De quoi dégoûter les
élèves de continuer une
carrière scientifique! Le plaisir de
chercher, de réfléchir de trouver et
de se former un esprit curieux et critique
constructif est remplacé par de la
performance mesurée. Il n'y a plus de place
pour la géométrie et ses diverses
démonstrations. Le goût, la
persévérance, la confrontation
à de vrais problèmes n'existent plus
au profit de ce qui est mesurable et vite
corrigé. Ce qui est incroyable c'est la
multiplicité des cours privés! Ce qui
est triste, beaucoup de jeunes se détournent
de la science et de sa formation parce qu'ils ont
l'impression de devenir des machines. Bon je ne
sais pas si vous me lirez. MAis une autre demande :
est-ce vous qui avez fait une recherche sur la
réussite en math avec plusieurs variables :
sexe, pays, place du père.. 'avais lu ce
livre et l'avais donné à M.Antibi de
Toulouse. Je me sens moins seule face à ce
genre de questionnement. cordiament,
désolée d'avoir été
longue>>
<<Il y a, en
effet beaucoup à dire ! Ma fille est
entrée en 6ème et j'ai
été stupéfaite par une fiche
émanant de sa prof d'histoire concernant sa
manière de noter. En situation de
contrôle, celui qui triche : 0/20, celui qui
ne rend pas son exposé : 0/20, celui qui
copie : note divisée en 2 pour les deux
élèves... (quid pour
l'élève qui se fait copier à
son insu ? il se fait pirater ses réponses
et sa note est partagée ??) Là
carrément on note le comportement, pas les
savoirs. Bel exemple de dérive
!>>
<<La question
qui se pose est encore de savoir pourquoi, alors
qu'on a tant de doutes sur les notes, on renforce
encore un système qui a si peu de sens. Et
lorsque l'on constate que, dorénavant, en
collège, il nous faut noter le comportement
des élèves (note de vie scolaire), on
se dit qu'on n'est pas près de faire bouger
le système.>>
<< Je suis
tout à fait d'accord avec les idées
développées sur la notation d'autant
plus que certains enseignants se basent sur
très peu de notes pour juger de la
capacité des élèves à
poursuivre des études. Du fait de
l'existence des différentes intelligences,
personne ne tient compte. Un élève
peut être jugé inapte à
poursuivre des études dans notre
système mais il faudrait l'encourager
à développer ses compétences.
Encore faudrait-il savoir et pouvoir les
détecter. L'exemple de la terminale S de mon
fils me fait penser que la grande majorité
des enseignants ne croient pas à la
capacité de réussite de leurs
élèves. De mauvaises notes sur les
bulletins et le choix des IUT s'est
rétréci... En effet, la
présélection des dossiers est
maintenant informatisée et ne tient pas
compte des exigences des différents
lycées ni du niveau de la classe! Les
enseignants ont même manifesté leur
étonnement à mon fils quand il leur a
dit qu'il avec eu son bac du premier coup!!! Quand
apprendra -t-on aux enseignants que les
élèves ont besoin d'encouragements et
de voir que les enseignants croient en leur
capacité à réussir! Bien
entendu, les parents ne sont pas
écoutés puisqu'ils sont
supposés ne rien connaître en
pédagogie... Les enseignants devraient
être choisis en fonction de leur
faculté à intéresser et
motiver les élèves. Mais, on sait
bien que ce métier n'attire plus et les
élèves subissent l'école. Bien
entendu, je suis une fidèle lectrice et j'ai
beaucoup appris grâce à votre
site.>> Brigitte, maître de
conférences
<<
enseignants-int-ext-fmv@lists.ulg.ac.be - Bonjour
à tous et toutes, Une information avant les
délibérations de demain. Bonne
lecture>>
<<La
scolarisation des enfants handicapés peut
servir de révélateur du non sens
d'une évaluation globale.>>
<<Merci pour
ce texte très sain et roboratif en ce
début d?année. Dans notre
lycée, une équipe a commencé
à réfléchir sur un projet
d?évaluation directement inspiré de
la méthode Antibi d? «
évaluation par contrat de confiance ».
Finalement, on trouve encore en 2006 des
enseignants en quête de sens pour leurs
élèves et pour eux-mêmes? A
suivre !
+ En
réaction à la réaction
précédente suggérant
d?introduire des tests QCM normalisés :
Pourquoi pas ? Mais à petites doses.
Permettez-moi de regarder avec circonspection ce
que l?on qualifie de « très simple
». Les enseignants qui utilisent des QCM sont
confrontés à leurs limites. Leur
emploi comme outil sommatif est certes très
simple pour tout le monde mais représente en
soi un arbitrage contestable au
bénéfice d?un mode très
restreint d?évaluation.>>
<<
Très simple : Mettez en place des tests QCM
normalisés (à l'américaine =
horreur ! ) et on pourra mesurer quasi
objectivement le niveau de tel ou tel
établissement dans telle ou telle
matière, mais ça, le "mammouth" ne
veut pas en entendre parler!>>
<<Bravo!!
ici: http://home.tele2.fr/Old_Timer/ j'ai
écrit que l'on pouvait craindre d'avoir eu
raison trop tôt...>>
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