Les
postures que nous adoptons en tant
qu'accompagnants, dépendent bien
évidemment de différents facteurs
:
des personnes
accompagnées, individuellement ou en groupe,
de l'alchimie relationnelle des deux partenaires,
du champ dans lequel s'exerce l'activité,
des objectifs fixés, et du style personnel
des accompagnants qui renvoie à leur
structure profonde. Sans oublier à
l'horizon, les visées, puisque ce terme
hyper-modernisé a remplacé les buts,
les visions, les fins et qui chez Jacques Derrida
deviennent même des visées de
sens.
Le croisement de ces différentes
typologies déboucherait sur une
infinité de combinaisons peu exploitables
dans ce cadre. Ce qui apparaît, c'est que
l'accompagnement renvoie dans la pratique à
une palette de rôles évoluant sur des
structures communes, quelles que soient les
typologies des accompagnants, des
accompagnés et des situations. Je propose
plutôt que de tenter une exploration qui ne
pourrait être exhaustive, d'évoquer
deux formes d'accompagnement, issues de ma pratique
et de voir à travers elles des constantes et
des différenciations. Dans l'aller-retour
entre ma pratique et ses repères
théoriques, quelques figures
émergentes permettent de baliser la
réflexion.
Une
communauté de sens
La souffrance est un problème
d'existence qui se traite par l'existence.
Traverser les difficultés de vivre dans la
vie professionnelle ou personnelle amène
à puiser en soi pour trouver
résistance, mouvement et ressources afin
d'affronter les difficultés.
L'accompagnement est alors une forme d'aide
à la personne que ce soit dans le champ
social, l'école, l'entreprise ou la vie
personnelle qui permet à l'individu de
devenir acteur et auteur de sa vie au-delà
des obstacles qu'il doit surmonter ou tout au moins
traverser.
Cette conception de l'accompagnement
débouche sur :
Une posture
éthique
qui vise à
l'autonomie de la personne dans sa
manière de vivre cet accompagnement,
respecte le rythme de la personne,
intègre la confidentialité. Une
posture éthique qui m'interroge
constamment : qu'est-ce que je tente de faire
quand j'accompagne ? C'est une question
récurrente que doit se poser celui qui a
mission d'accompagner, que ce soit
vis-à-vis de l'institution qui mandate ou
vis-à-vis de la personne qui sollicite
une aide.
Une conception de la
relation
qui repose sur une
alliance qui prend en compte non seulement
l'altérité, mais aussi
l'asymétrie, qui se met avec
humilité à l'école de
l'autre, loin des fantasmes de toute-puissance
de celui qui est supposé savoir.
Une constante
d'attitude intérieure personnelle
qui va s'ajuster
selon les situations : donner carte et boussole,
éclairer le chemin, suivre,
précéder, cheminer à
côté, " assurer " la montée,
conseiller parfois . Chaque accompagnateur a une
tendance naturelle qui lui est propre, plus ou
moins interventionniste, plus ou moins
impliquée. Il est évident pour
avoir collaboré avec des coachs en
entreprise, que celui qui exerce par ailleurs
dans son cabinet de psychanalyse fonctionne
autrement que le coach-consultant issu du monde
entrepreneurial.
Un accueil global de
la personne
qui ne se confond
pas avec des techniques et qui met en avant
l'écoute, la confiance, la
coopération, qui confirme la personne
dans ce qu'elle est dans le présent et
dans ce qui peut advenir d'elle.
Une manière
d'être qui favorise la
créativité de chacun et participe
avec lui au dévoilement du sens de ce
qu'il vit et de ce qu'il recherche en lui
permettant de remanier ou d'enrichir son
système de valeurs. Et dans une
perspective très gestaltiste, cheminer
à côté en étant
disponible pour ce qui peut surgir à
l'insu des partenaires.
Une attention à la
distance :
celle-ci va
s'adapter en tenant compte de l'institution, des
objectifs, du contrat mais aussi de la personne
accompagnée et de nos propres limites:
l'accompagnement d'une personne souffrante, par
la vulnérabilité qu'elle
nécessite de notre part pour
l'accueillir, nécessite parfois plus de
distance qu'une activité
pédagogique
S'appuyant sur les figures
anthropologiques formulées par Christine
Josso, professeur de Sciences de l'Education,
susceptibles d'inspirer la démarche
d'accompagnement, Christine Roberge, sa
collègue, en souligne trois.
" La première fait
référence à
l'Amateur. La personne qui accompagne
doit aimer ce qu'elle fait, mais surtout
les gens auprès et avec qui elle le
fait. " L'amateur est animé d'une
inépuisable ouverture à
l'unique, à la singularité,
en quête de cet unique et de cette
singularité. " (Josso, 1998).
La deuxième figure est
l'Ancien. L'accompagnateur, à
titre d'ancien, ou de personne ressource,
connaît les étapes du
processus, les questionnements, les
dangers
il peut les partager, non
pour dicter le chemin, mais pour
l'éclairer, en respectant avec
vigilance le rythme unique de la personne
accompagnée.
Le Passeur
, qui sachant
très bien que nul ne peut faire la
traversée à la place de
l'autre, se mettra au service de cette
traversée. " Bien que le Passeur
connaisse de nombreuses voies de passages
possibles, il ne peut cependant que les
signaler car il n'est détenteur
d'aucune expertise sur le devenir
existentiel qui l'autoriserait à
indiquer la suite du chemin que chacun
choisira d'emprunter. "
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Les variantes
observées dans deux champs différents
: l'accompagnement pédagogique et le
coaching
Ces variantes sont
liées essentiellement
- à la
présence plus ou moins prégnante
du tiers dans la relation.
- au rôle de
l'accompagnant
- au type d'exigence de
résultats
L'accompagnement
pédagogique
Dans la formation que je dispense
à des étudiants en licence
professionnelle et en Master II sur un contenu de
communication relationnelle, je suis
extrêmement influencée par la pratique
de la formation des adultes. Le contenu identique
de formation m'incite à fonctionner dans
l'accompagnement pédagogique de
l'acquisition des savoirs, des savoir-faire et dans
la manière de suivre les projets
pédagogiques sur le même mode qu'avec
des professionnels.
Cela fonctionne, parfois
avec quelques difficultés, ces
étudiants ayant été
plutôt familiarisés avec un
enseignement traditionnel ou expérimental,
mais ne les impliquant pas personnellement
.
Ma posture consiste à leur faire
découvrir au travers d'études de cas
ou d'objets
intermédiaires,
les concepts sous-jacents. Cette démarche
impliquante, trouve ses limites dans
l'évaluation du travail des
étudiants, nécessaire pour
répondre aux exigences du tiers Education
nationale.
Dans ce numéro de funambule, pour
ne pas priver les étudiants de la
possibilité de s'impliquer dans cette
rencontre entre soi et les problématiques
humaines, je prends soin de procéder
à une évaluation sur un thème
de recherche, souvent de groupe, codifié sur
les critères d'appréciation et qui ne
puisse pénaliser les
étudiants.
Les exigences de
résultats ? Est-ce que ce sont les miennes
ou celles des étudiants ? Portent-t-elles
sur les évaluations ou ce qui a
été " transformé " chez eux
par ce qui s'est passé
?
Mais c'est bien
l'enseignant qui est responsable d'une
évaluation des résultats, même
si le Tiers -Education Natioanale intervient
parfois pour harmoniser les notations.
Dans cette démarche
pédagogique, la posture revêt
plusieurs formes selon les temps :
informer, accompagner pour faire
découvrir, conseiller sur une
marche à suivre, rectifier, montrer
les différents chemins possibles,
donner cartes et boussoles. Et
contrôler, ce qui n'est pas le plus
gratifiant. Mais contrôler, c'est
aussi vérifier et comprendre les
erreurs fécondes, et permettre de
découvrir d'autres chemins. Est-il
utile de rappeler qu'en pédagogie,
comme ailleurs, l'appréciation
notée porte sur une production ,
non sur la personne?
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Le coaching
Contrairement à la formation
individuelle qui est centrée en entreprise
ou dans les organisations de santé ou de
soins, sur l'apport de compétences
managériales, le
coaching consiste en
un accompagnement personnalisé, par
un tiers, du développement personnel et
professionnel de la personne coachée, soit
à sa demande soit à sa demande de sa
hiérarchie. Cela peut être aussi un
accompagnement d'équipe.
Le coaching en regard de nos conceptions
éthiques vise à renforcer l'autonomie
et le déploiement du potentiel du manager,
du responsable d'équipe ou de celui qui est
amené à changer de poste, loin des
pratiques qui évoquent le formatage ou
l'emprise comme le dénoncent certains
à propos de certaines formes de
coaching
La personne coachée peut aborder
des difficultés personnelles de
contact avec l'environnement du manager : sa
hiérarchie, ses pairs, ses collaborateurs,
mais aussi travailler sur des projets ou sur ses
difficultés dans
l'entreprise.
Le coaching est
particulièrement adapté à
des situations telles que la prise de nouvelles
responsabilités, l'évolution de
l'organisation, de nouveaux enjeux,
Mais nous sommes amenés hors des
structures, à accompagner des personnes dans
un discernement de choix de vie, qui par le cadre,
extérieur, par le rythme des rencontres,
n'est pas sans s'approcher d'un dispositif
thérapeutique. Elle s'en distingue cependant
par les fins, le cadre limité dans le temps,
le questionnement.
Et plus encore, elle s'en
distingue par l'existence d'un tiers-payant, qui
attend un type de résultats (sauf si c'est
un coaching personnel, financé par la
personne coachée dans le cadre d'une demande
de travail de discernement , d'orientation de vie
par exemple).
Le cadre éthique auquel nous nous
référons en Gestalt invite à
ce que la demande faite par la structure soit
validée tripartitement : entreprise,
personne coachée, coach.
Le coach travaille
dans l'intérêt du coaché et
de son organisation, en s'interdisant toute
influence sur le coaché
La confidentialité
est établie et c'est la personne
accompagnée, qui d'une part, a la
responsabilité des décisions et
des applications au niveau professionnel et
personnel de ce qu'elle a travaillé en
séance et d'autre part. de la restitution
du travail fait avec le coach.
L'exigence de
résultats se mesure dans le
réinvestissement du chemin parcouru par
la personne accompagnée dans son parcours
professionnel. Et parfois, il est vrai par la
satisfaction de l'institution qui vous sollicite
à nouveau.
Si l'on prend du recul face aux
différentes demandes qui nous sont faites,
il semble que pour l'essentiel, elles concernent
un accompagnement du changement, quel qu'il
soit : changement dans les structures, changements
dans la société, changement dans la
vie individuelle, changement dans sa vie
personnelle.
" La transition, c'est
l'intervalle où ce qui change nous traverse.
Dans la transition, nous devenons ce qui se passe.
"Michèle Roberge
Ne serait-ce pas cela "
être accompagné " :
faire que ce qui change dans le
monde extérieur à
nous-mêmes, nous traverse,
nous bouleverse, nous modifie
sans nous briser ? Le sentiment
de profonde solitude individuelle
qui est le lot de tant de vies
humaines ne peut être
diminué que si l'individu
prend le risque d'être
davantage lui-même face aux
autres. Ce n'est qu'alors qu'il
saura s'il est capable
d'établir un contact
humain et d'alléger le
fardeau de sa
solitude.
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"
Demander un accompagnement ,
c'est accepter de faire entrer ma
sincérité dans un
travail de vérité.
Domaine de la délicatesse
où la parole livrée
est reçue, où un
sens esquissé se trouve
confirmé, où un
accord se fait sur une
réalité qui
dépasse l'accompagnant et
l'accompagné.
"
Annie
WELLENS
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