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Un questionnement : quelles postures

dans les pratiques d'accompagnement ?

Marie-Françoise Bonicel

            Il y a 20 ans et même dix ans, ce terme de " posture " lui aussi était cantonné à un secteur précis, celui des postures physiques (" tiens-toi droit, marche droit "). La thérapie corporelle qui prend le nom de posturologie, s'appuie sur deux critères que nous retrouvons dans notre préoccupation d'accompagnant : la verticalité et le mouvement, avec une différence, c'est qu'en posturologie, c'est d'abord de la posture du patient dont on part.

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             Les postures que nous adoptons en tant qu'accompagnants, dépendent bien évidemment de différents facteurs :

des personnes accompagnées, individuellement ou en groupe, de l'alchimie relationnelle des deux partenaires, du champ dans lequel s'exerce l'activité, des objectifs fixés, et du style personnel des accompagnants qui renvoie à leur structure profonde. Sans oublier à l'horizon, les visées, puisque ce terme hyper-modernisé a remplacé les buts, les visions, les fins et qui chez Jacques Derrida deviennent même des visées de sens.

             Le croisement de ces différentes typologies déboucherait sur une infinité de combinaisons peu exploitables dans ce cadre. Ce qui apparaît, c'est que l'accompagnement renvoie dans la pratique à une palette de rôles évoluant sur des structures communes, quelles que soient les typologies des accompagnants, des accompagnés et des situations. Je propose plutôt que de tenter une exploration qui ne pourrait être exhaustive, d'évoquer deux formes d'accompagnement, issues de ma pratique et de voir à travers elles des constantes et des différenciations. Dans l'aller-retour entre ma pratique et ses repères théoriques, quelques figures émergentes permettent de baliser la réflexion.

 

 Une communauté de sens

             La souffrance est un problème d'existence qui se traite par l'existence. Traverser les difficultés de vivre dans la vie professionnelle ou personnelle amène à puiser en soi pour trouver résistance, mouvement et ressources afin d'affronter les difficultés. L'accompagnement est alors une forme d'aide à la personne que ce soit dans le champ social, l'école, l'entreprise ou la vie personnelle qui permet à l'individu de devenir acteur et auteur de sa vie au-delà des obstacles qu'il doit surmonter ou tout au moins traverser.

             Cette conception de l'accompagnement débouche sur :

 

 Une posture éthique

qui vise à l'autonomie de la personne dans sa manière de vivre cet accompagnement, respecte le rythme de la personne, intègre la confidentialité. Une posture éthique qui m'interroge constamment : qu'est-ce que je tente de faire quand j'accompagne ? C'est une question récurrente que doit se poser celui qui a mission d'accompagner, que ce soit vis-à-vis de l'institution qui mandate ou vis-à-vis de la personne qui sollicite une aide.

 

 Une conception de la relation

qui repose sur une alliance qui prend en compte non seulement l'altérité, mais aussi l'asymétrie, qui se met avec humilité à l'école de l'autre, loin des fantasmes de toute-puissance de celui qui est supposé savoir.

 

 Une constante d'attitude intérieure personnelle

qui va s'ajuster selon les situations : donner carte et boussole, éclairer le chemin, suivre, précéder, cheminer à côté, " assurer " la montée, conseiller parfois . Chaque accompagnateur a une tendance naturelle qui lui est propre, plus ou moins interventionniste, plus ou moins impliquée. Il est évident pour avoir collaboré avec des coachs en entreprise, que celui qui exerce par ailleurs dans son cabinet de psychanalyse fonctionne autrement que le coach-consultant issu du monde entrepreneurial.

 

 Un accueil global de la personne

qui ne se confond pas avec des techniques et qui met en avant l'écoute, la confiance, la coopération, qui confirme la personne dans ce qu'elle est dans le présent et dans ce qui peut advenir d'elle.

Une manière d'être qui favorise la créativité de chacun et participe avec lui au dévoilement du sens de ce qu'il vit et de ce qu'il recherche en lui permettant de remanier ou d'enrichir son système de valeurs. Et dans une perspective très gestaltiste, cheminer à côté en étant disponible pour ce qui peut surgir à l'insu des partenaires.

 

Une attention à la distance :

celle-ci va s'adapter en tenant compte de l'institution, des objectifs, du contrat mais aussi de la personne accompagnée et de nos propres limites: l'accompagnement d'une personne souffrante, par la vulnérabilité qu'elle nécessite de notre part pour l'accueillir, nécessite parfois plus de distance qu'une activité pédagogique

S'appuyant sur les figures anthropologiques formulées par Christine Josso, professeur de Sciences de l'Education, susceptibles d'inspirer la démarche d'accompagnement, Christine Roberge, sa collègue, en souligne trois.

             " La première fait référence à l'Amateur. La personne qui accompagne doit aimer ce qu'elle fait, mais surtout les gens auprès et avec qui elle le fait. " L'amateur est animé d'une inépuisable ouverture à l'unique, à la singularité, en quête de cet unique et de cette singularité. " (Josso, 1998).

             La deuxième figure est l'Ancien. L'accompagnateur, à titre d'ancien, ou de personne ressource, connaît les étapes du processus, les questionnements, les dangers…il peut les partager, non pour dicter le chemin, mais pour l'éclairer, en respectant avec vigilance le rythme unique de la personne accompagnée. …

             Le Passeur…, qui sachant très bien que nul ne peut faire la traversée à la place de l'autre, se mettra au service de cette traversée. " Bien que le Passeur connaisse de nombreuses voies de passages possibles, il ne peut cependant que les signaler car il n'est détenteur d'aucune expertise sur le devenir existentiel qui l'autoriserait à indiquer la suite du chemin que chacun choisira d'emprunter. "

 

Les variantes observées dans deux champs différents : l'accompagnement pédagogique et le coaching

 Ces variantes sont liées essentiellement

 - à la présence plus ou moins prégnante du tiers dans la relation.

- au rôle de l'accompagnant

- au type d'exigence de résultats

 

 L'accompagnement pédagogique

             Dans la formation que je dispense à des étudiants en licence professionnelle et en Master II sur un contenu de communication relationnelle, je suis extrêmement influencée par la pratique de la formation des adultes. Le contenu identique de formation m'incite à fonctionner dans l'accompagnement pédagogique de l'acquisition des savoirs, des savoir-faire et dans la manière de suivre les projets pédagogiques sur le même mode qu'avec des professionnels. Cela fonctionne, parfois avec quelques difficultés, ces étudiants ayant été plutôt familiarisés avec un enseignement traditionnel ou expérimental, mais ne les impliquant pas personnellement .

             Ma posture consiste à leur faire découvrir au travers d'études de cas ou d'objets intermédiaires, les concepts sous-jacents. Cette démarche impliquante, trouve ses limites dans l'évaluation du travail des étudiants, nécessaire pour répondre aux exigences du tiers Education nationale.

             Dans ce numéro de funambule, pour ne pas priver les étudiants de la possibilité de s'impliquer dans cette rencontre entre soi et les problématiques humaines, je prends soin de procéder à une évaluation sur un thème de recherche, souvent de groupe, codifié sur les critères d'appréciation et qui ne puisse pénaliser les étudiants. Les exigences de résultats ? Est-ce que ce sont les miennes ou celles des étudiants ? Portent-t-elles sur les évaluations ou ce qui a été " transformé " chez eux par ce qui s'est passé ? Mais c'est bien l'enseignant qui est responsable d'une évaluation des résultats, même si le Tiers -Education Natioanale intervient parfois pour harmoniser les notations.

             Dans cette démarche pédagogique, la posture revêt plusieurs formes selon les temps : informer, accompagner pour faire découvrir, conseiller sur une marche à suivre, rectifier, montrer les différents chemins possibles, donner cartes et boussoles. Et contrôler, ce qui n'est pas le plus gratifiant. Mais contrôler, c'est aussi vérifier et comprendre les erreurs fécondes, et permettre de découvrir d'autres chemins. Est-il utile de rappeler qu'en pédagogie, comme ailleurs, l'appréciation notée porte sur une production , non sur la personne?

 

Le coaching

             Contrairement à la formation individuelle qui est centrée en entreprise ou dans les organisations de santé ou de soins, sur l'apport de compétences managériales, le coaching consiste en un accompagnement personnalisé, par un tiers, du développement personnel et professionnel de la personne coachée, soit à sa demande soit à sa demande de sa hiérarchie. Cela peut être aussi un accompagnement d'équipe.

             Le coaching en regard de nos conceptions éthiques vise à renforcer l'autonomie et le déploiement du potentiel du manager, du responsable d'équipe ou de celui qui est amené à changer de poste, loin des pratiques qui évoquent le formatage ou l'emprise comme le dénoncent certains à propos de certaines formes de coaching

             La personne coachée peut aborder des difficultés personnelles de contact avec l'environnement du manager : sa hiérarchie, ses pairs, ses collaborateurs, mais aussi travailler sur des projets ou sur ses difficultés dans l'entreprise. Le coaching est particulièrement adapté à des situations telles que la prise de nouvelles responsabilités, l'évolution de l'organisation, de nouveaux enjeux, …

             Mais nous sommes amenés hors des structures, à accompagner des personnes dans un discernement de choix de vie, qui par le cadre, extérieur, par le rythme des rencontres, n'est pas sans s'approcher d'un dispositif thérapeutique. Elle s'en distingue cependant par les fins, le cadre limité dans le temps, le questionnement. Et plus encore, elle s'en distingue par l'existence d'un tiers-payant, qui attend un type de résultats (sauf si c'est un coaching personnel, financé par la personne coachée dans le cadre d'une demande de travail de discernement , d'orientation de vie par exemple).

             Le cadre éthique auquel nous nous référons en Gestalt invite à ce que la demande faite par la structure soit validée tripartitement : entreprise, personne coachée, coach.

Le coach travaille dans l'intérêt du coaché et de son organisation, en s'interdisant toute influence sur le coaché

La confidentialité est établie et c'est la personne accompagnée, qui d'une part, a la responsabilité des décisions et des applications au niveau professionnel et personnel de ce qu'elle a travaillé en séance et d'autre part. de la restitution du travail fait avec le coach.

L'exigence de résultats se mesure dans le réinvestissement du chemin parcouru par la personne accompagnée dans son parcours professionnel. Et parfois, il est vrai par la satisfaction de l'institution qui vous sollicite à nouveau.

 

             Si l'on prend du recul face aux différentes demandes qui nous sont faites, il semble que pour l'essentiel, elles concernent un accompagnement du changement, quel qu'il soit : changement dans les structures, changements dans la société, changement dans la vie individuelle, changement dans sa vie personnelle.

" La transition, c'est l'intervalle où ce qui change nous traverse. Dans la transition, nous devenons ce qui se passe. "Michèle Roberge

             Ne serait-ce pas cela " être accompagné " : faire que ce qui change dans le monde extérieur à nous-mêmes, nous traverse, nous bouleverse, nous modifie sans nous briser ? Le sentiment de profonde solitude individuelle qui est le lot de tant de vies humaines ne peut être diminué que si l'individu prend le risque d'être davantage lui-même face aux autres. Ce n'est qu'alors qu'il saura s'il est capable d'établir un contact humain et d'alléger le fardeau de sa solitude.

" Demander un accompagnement , c'est accepter de faire entrer ma sincérité dans un travail de vérité. Domaine de la délicatesse où la parole livrée est reçue, où un sens esquissé se trouve confirmé, où un accord se fait sur une réalité qui dépasse l'accompagnant et l'accompagné. " Annie WELLENS

 

Voir également du même auteur:

Accompagner : la belle histoire

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<<Dans la maladie chroniqu nous sommes confronté entre deux mondes entre lesquels les ponts sont plutôt de type d'une simple corde entre deux monde: le monde de la science "objective" et anonyme et l'existence de la personne. Quels sont pour vous les clés pour aider les soignants à pouvoir faire une "chimère thérapeutique">>

<< J'ai toujours autant de plaisir à lire tes réflexions sur le sens et la posture de l'accompagnant. Qu'écrire de plus ? Sinon mettre en pratique...>>

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