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CONSTRUIRE UNE EUROPE DES ECHANGES

Jacques Demorgon

 

Le caractère éducatif de l'échange

           <<L'enseignant dans sa classe est confronté à la difficulté de devoir s'occuper de chaque élève mais aussi de la classe dans son ensemble: l'un et le multiple. L'Europe doit tenir compte de chaque pays avec ses coutumes, ses représentations, son histoire mais également il s'assurer de l'intérêt général de l'Europe. Edgar Morin trouverait là un exemple de la COMPLEXITE.

           Dans notre classe nous sommes tiraillés par des soucis contradictoires: faire que tous les élèves puissent comprendre mais aussi arriver à finir le programme ... tenir ainsi continuellement compte des contraires non pour les opposer mais pour trouver une solution, au moins temporaire, et pouvoir les associer: Europe fédérale/ Europe confédérale/ Europe des nations ; Europe libérale/ Europe sociale.

           L'enseignant dans sa classe est de plus en plus amené à se servir de l'INTERACTION des disciplines car la réalité ne peut se laisser enfermée dans une discipline quelle qu'elle soit, les T.P.E. en sont un exemple! L'interaction entre classes se fait également dans un même établissement. Il y a ainsi une prise de conscience d'une INTERDEPENDANCE à l'intérieur de l'établissement avec le projet d'établissement. Il en est de même pour l'Europe qui paradoxalement se construit sur la prise en compte de l'interaction des pays et donc de leur interdépendance. Or, historiquement, les nations se sont au contraire construites, la plupart du temps sur la proclamation de leur indépendance! C'est là l'originalité de l'Europe et donc de sa puissance d'exemple dans le monde. Enfin l'Europe est une occasion d'échanges pour les enseignants et les élèves . Ces échanges peuvent ouvrir les esprits à la tolérance, à l'écoute de l'autre différent. Ils peuvent également conduire à une interrogation sur les diverses cultures. Jacques Demorgon, spécialiste de ces questions, nous donne ci-dessous une idée des difficultés et des possibilités de se comprendre mieux en Europe, à travers nos histoires et nos adaptations. >> J.N.

 

Le vaste champ de l'éducatif européen

Jacques Demorgon  

           Entre des citoyens désireux d'atteindre un bien commun, la liberté de parole et donc de critique est nécessaire. Mais pouvons-nous encore croire en Europe, à un bien commun ? Le sentiment qu'il n'y en a plus tient à deux causes.

1/ La concurrence généralisée se présente comme pouvant fonder légitimement par son verdict l'existence de gagnants et de perdants.

2/ L'Europe est constituée de nations qui posaient, hier, comme légitime et même sacré de faire la guerre à telle ou telle autre. Les citoyens de ces nations sont nombreux à ne pas pouvoir découvrir le sacré dans l'ensemble de pays accolés, nommé Europe.

 Face à ces deux difficultés majeures, gouvernants et citoyens se sont comportés comme si l'Europe allait se faire d'elle-même, comme hier l'Italie Italia fara da se !

           Une perspective comme celle de la construction européenne ne peut se faire seulement par décret. Elle ne peut vraiment " prendre " que si les citoyens des différentes nations trouvent des raisons de vouloir vivre mieux ensemble. Mais cela peut-il se faire sans rencontres, sans échanges, sans coopérations multiples, sans réflexions, sans élaborations de sentiments et de pensées ?

 - Voilà ce qui constitue un vaste ensemble de tâches éducatives pour lesquelles les institutions et les personnes se sont jusqu'ici engagées de façon bien trop modeste. Ce qui a été entrepris, dans l'éducatif européen (trop peu, eu égard à l'étendue et à la profondeur des problèmes), n'a suscité qu'un enthousiasme et un engagement limités des gouvernants, des citoyens, des enseignants. 

- Les Offices franco-allemand et germano-polonais ont été à l'origine des rencontres de huit millions de jeunes et jeunes adultes, mais en quarante ans ! Et pourquoi n'y a-t-il que deux Offices semblables dans toute l'Europe ?

- Que de difficultés aussi pour mettre sur pied des cursus d'études qui conduisent les étudiants ou les enseignants à vivre, étudier ou enseigner une année dans un autre pays que le leur.

           Dans les domaines professionnels, il y a aussi des interrogations culturelles liées au travail en commun. Trop peu est fait pour y répondre.

Rencontre Franco-Allemande; présentation en binome

           La connaissance des cultures des autres pays européens représente une véritable frontière de la communication et du savoir. Et donc une relance exceptionnelle pour toutes nos tâches éducatives.

 

 L'intérêt d'une connaissance de la diversité des cultures

 

           Au-delà de la question passionnante de la diversité des langues et des capacités des traductions, on peut donner des exemples qui montrent aussi l'intérêt profond d'une connaissance de la diversité des cultures dans les échanges concrets entre jeunes ou entre enseignants.

           Un échange conversationnel, entre jeunes européens en rencontre, risque de les opposer. De jeunes Allemands vont souhaiter respecter un rituel organisé de prises de paroles et d'écoutes. Nombre de jeunes Français vont préférer la spontanéité, désorganiser le rituel et seront accusés de se comporter de façon peu démocratique. Ainsi, les choix culturels s'efforcent de résoudre des problèmes d'adaptation. Organisation et spontanéité sont toutes deux nécessaires. Il faut cependant dans chaque circonstance inventer le meilleur équilibre et donc jouer avec les opposés. On est loin d'une caricature des cultures. On est plutôt dans un apprentissage de la complexité relationnelle.

           Second exemple. Les communications dans certains pays européens sont majoritairement de style plus explicite (définitions) et dans d'autres de style plus implicite (allusions). L'histoire permet de comprendre ce biais culturel. Il n'en demeure pas moins que chacun de nous doit pouvoir être implicite avec des familiers et explicite avec les autres. Encore une adaptation à apprendre qui varie selon les circonstances.

<<Le conseil des ministres franco-allemand, mardi 26 avril, devait...confirmer l'importance accordée aux échanges d'étudiants, mais aussi de professeurs, de chercheurs... Il va ainsi devenir possible, pour les enseignants diplômés dans les deux pays, d'être détachés ou mis à la disposition, en France pour les Allemands, en Allemagne pour les Français. Les enseignants contractuels, non fonctionnaires, exerçant en Allemagne pourront aussi, à partir de 2006, travailler en France pour un contrat à durée déterminée de six ans maximum.>>

Le Monde 27/4/05

           Troisième exemple : la manière de traiter les tâches. Dans certains pays on est plus volontiers centré sur une tache unique que l'on effectue avec toute son attention. Dans d'autres, on gère volontiers plusieurs activités en même temps. Là encore les choix culturels dominants selon les pays recouvrent un vrai problème adaptatif. Selon les situations calmes ou mouvantes, je devrais être capable de centrer ou de décentrer mon attention. Une fois de plus la diversité culturelle est une véritable école de l'adaptation humaine.

           Quatrième exemple: Les réunions surtout les premières sont abordées elles aussi bien différemment. Des Français s'y rendent, sans préparation, pour une première prise de contact. Des Allemands s'y rendent avec déjà des propositions précises. Les Allemands trouvent que les français sont "légers". Les Français se sentent déloyalement pris de vitesse par les Allemands.

Rencontre Franco-Allemande Russe

 

 L'éclairage historique des genèses culturelles

           L'éclairage historique des genèses culturelles, qui permet de vraiment comprendre les cultures, a fait de grands progrès. Ainsi, les secteurs d'activité religieux, politique, économique, informationnel, ne sont pas considérés semblablement à travers toute l'Europe.

 

           Au plan religieux, la séparation de l'Eglise et de l'Etat, est une singularité bien française qui ne se retrouve pas telle ailleurs.

           Au plan politique, on a aussi une exception française, avec une unification très centralisée, contrairement à la Grande Bretagne faite des quatre " nations " anglaise, écossaise, galloise, irlandaise ; contrairement à l'Allemagne aux seize Länder ; sans parler de l'Espagne avec ses Catalans et ses Basques, de la Tchécoslovaquie qui s'est séparée, et a fortiori de la Yougoslavie à feu et à sang.

           Au plan économique, on le sait moins, mais les pays de culture catholique restent soupçonneux à l'égard de l'économie, différemment des pays protestants.

           Au plan sexuel, d'ailleurs, cette source historique religieuse induit aujourd'hui encore des différences de conduite. Les naissances illégitimes qui peuvent être inférieures à une sur dix, par exemple en Grèce ou en Italie, passent à 3 sur dix dans le reste de l'Europe et même à 5 sur dix dans les pays nordiques.

Rencontre Franco-Allemande-Irlandaise

           Il y a des centaines d'exemples de ce genre qui nous permettent de comprendre que dans ces rencontres européennes nous avons si nous le voulons un champ éducatif extraordinaire.

 

Nouveaux outils de compréhension profonde

           Ceci dit, les rencontres faites hier ont déjà suscités des travaux qui donnent de nouveaux outils étendus, profonds, accessibles pour entrer dans une compréhension entre citoyens des diverses nations européennes. Ces outils, bio-psycho-sociologiques et historiques nous évitent déjà la caricature des cultures en insistant d'abord sur quatre perspectives fondamentales :

 

 1/ éviter la coupure entre individu et société. C'est en se produisant eux-mêmes que les sociétés et leurs membres produisent leur culture.

 2/ relier nature et culture. L'adaptation humaine est naturellement ouverte sur les contextes de vie eux-mêmes différents et changeants. L'habitus culturel s'engendre en raison de l'intérêt adaptatif à sélectionner, à éprouver, à conserver une réponse utile.

3/ conjuguer renouvellement et conservation. L'habitus culturel, réponse privilégiée peut se modifier, disparaître ; ou bien se renforcer et se maintenir au point de constituer une " identité culturelle ". De telles identités liées font système et peuvent entraîner des réactions d'incompréhension voire de racisme culturel.

 4/ relier histoire et culture. Pour atteindre à la compréhension, il faut compléter la perspective de libre adaptation par celle de singularité historique. Cela en découvrant comment les individus et les sociétés s'engagent diversement dans de grandes orientations d'action : religieuses, politiques, économiques, informationnelles ; comment ils les composent ensemble produisant ainsi les quatre grandes formes de sociétés:

 Communautés-tribus, royaumes-empires, nations marchandes, sociétés informationnelles mondiales 

           Ces quatre grandes formes de sociétés se succèdent ainsi dans l'histoire. Elles engendrent, par leur interaction et leur composition, la singularité géohistorique de chaque société qui, de cette façon, devient situable, comparable et compréhensible.

           Ainsi, dans la genèse de formation des pays européens, une problématique adaptative " unité / diversité " oppose très concrètement plusieurs choix : séparation, association, unification. Si tels de ces choix sont maintenus, ils seront à l'origine de cultures différentes.

           Ainsi " l'Allemagne " composée hier d'une multitude de pays (350 en 1648) est encore aujourd'hui divisée en seize " Länder ". A l'opposé, la France connaîtra quatre unifications successives : romaine, catholique, royale, républicaine.

           Cela seul permet de comprendre que l'Allemagne " fédérale " souhaite une Europe " fédérale ", tandis que la France républicaine veut une Europe des Nations.

           La Grande-Bretagne est encore plus singulière car elle conjoint unité de la Couronne (le Royaume éprouve le besoin de se dire Uni) et diversité des quatre nations qui perdurent : anglaise, écossaise (avec son parlement propre), galloise et irlandaise. L'Espagne, autre culture encore, car tôt romanisée elle a été ensuite déstabilisée par la conquête musulmane. Sa lutte, pendant une " reconquista " de cinq siècles l'a unifiée religieusement mais pas politiquement, d'où une guerre civile qui a fait un demi million de morts, et des autonomies fortes catalane ou basque. Le cas espagnol montre aussi que des investissements différents, ici plus religieux que politique changent le destin d'un pays.

 Autres exemples.

           La France, catholique et royale, restera davantage dans une croyance au politique gouvernant l'économique. La Grande-Bretagne prendra l'orientation inverse, inventant la troisième grande forme de société : la nation marchande agricole, industrielle, maritime, modèle de société repris dans les autres pays. Pas en Allemagne, en Italie, au Japon. Le choc entre ces pays impériaux qui pensèrent pouvoir l'emporter en devenant fascistes et les nations marchandes démocratiques entraîna deux guerres mondiales qui atteignirent des violences si extrêmes que personne n'aurait pu les prédire.

           On le voit la connaissance des cultures, en particulier liées aux formes de société, n'est pas faite de connaissances livresques mais devrait faire aujourd'hui partie de toute éducation humaine, et accompagner les commémorations du passé tragique européen.

Rencontre Franco-Italienne

 

           Nous pensons avoir donné une première idée de l'importance éducative décisive de ces nouveaux outils de compréhension, systémiques et historiques des cultures des pays européens. Comme on le voit on est ici très loin de confondre ainsi culture et folklore.

 

           Il y a là un vaste champ d'enseignement et d'apprentissage qui n'est rien moins qu'une nouvelle frontière : celle de la connaissance des pays, de leurs cultures, de leurs langues, de leurs stratégies en cours.

           C'est dans ces conditions concrètes d'échanges vécus et pensés entre jeunes, jeunes adultes, enseignants, professionnels, créatifs et créateurs que l'Europe se fera ou non. Un haut responsable politique reconnaissait qu'il fallait faire l'Europe pour les citoyens mais pas sans eux.

           Cependant, il ne saurait être question de tout mélanger. Se connaître et se comprendre entre citoyens des nations européennes ne se substitue pas aux engagements politiques. C'est plutôt une condition pour rendre ces engagements mieux informés et donc les coopérations, aussi bien que les conflits, plus clairs. Tout cela pour que l'avenir de nos pays soit plus ouvert, mieux construit pour eux-mêmes et pour le monde.

Pour compléter

Un livre
ECOUTER
Des sites
Des renseignement pour les échanges
Des cours de J. Demorgon

1°) Aller sur:

http://e-sonore.u-paris10.fr

2°) S'inscrire gratuitement

3°) Marquer dans "Recherche": Demorgon

4°) puis après avoir ouvert vos baffles cliquez sur le lien correspondant au cours désiré

l'Office franco-allemand pour la Jeunesse

http://www.ofaj.org

 Des textes de Jacques Demorgon

 jaivisitepourtoi.be

 

 

Les programmes d'action communautaire (gouv-DARIC)

 

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