Méthode
de la médiation JEAN-POL ROCQUET
Janvier
2004 Méthodes
La
médiation, si on la conçoit
comme le lieu de lintégration
des conflits à la relation,
si on la pense comme un lieu de
résolution, un lieu
dapprentissage sur soi, sur les
autres, et sur les organisations, dispose
de méthode. Depuis Bachelard,
nous savons que « toute
méthode est un discours de
circonstance », pourtant il
nempêche quelle permet
de « traverser le chemin.
»
Avant
toute chose, le principe fondateur
dune médiation, ce quil
faut savoir sans le redouter, cest
que le début dune
médiation commence dans la
confusion et le malentendu surtout,
lorsque le conflit est
déclaré.
Lorsque des actes quon ne peut que
réprouver ont été
posés, lorsque des mots blessants
ont été prononcés,
les adversaires recherchent des
alliés. Comme ils ne voient pas,
comme ils nentendent pas le point de
vue de leur partenaire adversaire,
ils
sont prêts à tout, pour
prouver quils ont raison et que
lautre a
tort.
Il nest donc pas étonnant
quil y ait beaucoup de confusion. Se
pose dabord le problème de
létablissement des faits. Qui
a fait quoi, comment, avec qui, et dans
quelles circonstances ? Les
faits
Ils sont à entendre dans
la convergence et la divergence des points
de vue.
Il
convient que
lIEN-médiateur
entende la relation des faits
comme un récit, une
fiction.
Comme
il nest pas un juge, comme
la médiation na pas
pour fonction de dire qui a
raison et qui a tort, les
récits peuvent être
divergents.
Il convient que les adversaires
comprennent cela : le médiateur
nest pas un enquêteur qui doit
établir le déroulement des
faits tels quils se sont produits,
ce nest pas laveu qui est
recherché, et encore moins la
condamnation de lun et la
réparation de lautre, puisque
les adversaires sortent gagnants (Et pour
gagner, il faut savoir risquer et perdre
un peu.) de la médiation. Il
ny a pas de référence
des faits à des normes.
Il
y a à entendre le récit des
faits par chacune des personnes en
conflit. Et à restituer le
récit de lautre dans
lentretien que le médiateur a
proposé à
lun.
Cest dailleurs toujours aux
faits quil faut revenir. A leur
relation, considérés comme
une fiction. Leur convergence est une
base de conciliation, mais
lexpression de leur divergence est
source de sens. Dans le récit
des faits qui se sont produits à
lécole Jean Macé
(voir
exemple)
et qui ont opposé le père
dun élève et son
enseignante, la convergence ne fait pas
problème, reste à trouver
une résolution ; Christophe et
Maxime se sont chamaillés, Mme
Mérignac est intervenue et M. Duzon
a réagi en insultant et en
menaçant linstitutrice. Mais
la divergence relative à
lintervention de Mme Mérignac
est intéressante.
Et
le travail proposé par le
médiateur visera à
élucider ce sens, pourvu que les
actes soient décrits et
rapportés dans
limaginaire. Le
malentendu
Le malentendu est fondamental.
Il est loccasion de préciser
les fonctions de la médiation.
Ainsi, la plupart du temps, les
protagonistes du conflit, quand ils
acceptent la médiation, en ont une
représentation erronée :
comme ils ne peuvent se faire entendre de
leur adversaire, ils investissent le
médiateur de la fonction de
porte-parole : « Puisque
lautre, mon adversaire, ne
mécoute pas, dites-lui, vous,
ce que jai à lui dire.
Dites-lui que jai raison et
quil a tort. Utilisez votre pouvoir
pour dire à ma place
Et
sanctionnez-le. »
Cette représentation de
la médiation permet,
malgré lerreur
dinterprétation de la
fonction, de suspendre la violence
agressive, de venir entre les adversaires
en conflit. Mais cest tout ce
travail qui sera repris au cours de la
médiation, travail sur ses buts et
sa fonction, travail des mots qui sera
loccasion dintégrer le
conflit en changeant les
perspectives.
Ainsi si la médiation a
vocation de restaurer la relation, si elle
vise la (ré)conciliation,
il
ny a pas lieu de se
préoccuper de la
véracité des
faits.
Peu importe de savoir si Mme
Mérignac a frappé
Christophe, dans la réalité
de premier ordre. Celle qui établit
un socle commun de perception
identique.(voir
exemple)
Il est évident que, dans cet ordre
de la réalité, soit Mme
Mérignac a frappé, soit elle
ne la pas fait. Un fait semble
exclure
lautre.
Et la justice veut que
létablissement des faits soit
univoque. Pas la
médiation.
Nous sommes encore trop
enracinés dans la culture de la
transparence, du jugement moral. Pas assez
dans celle du sens de la relation :
«Quand on parle de relations
humaines, il ny a même pas
(la) base (de la preuve) que lon
pourrait examiner scientifiquement. Une
relation humaine na pas de base
tangible et identifiable. Nous vivons
toujours dans une réalité
que jai qualifiée de second
ordre, où les preuves nen
sont plus, parce que ce sont des
constructions mentales. » (Watzlawick
P.- Communication et paradoxes, in Le
journal des psychologues n° 100,
septembre 1992)
Admettons, par exemple dans un
récit, une fiction, que Mme
Mérignac ait frappé
Christophe. Si lenseignante nie les
faits, cest quelle pense
quils sont insupportables et
cest effectivement autre chose que
dériger le châtiment
corporel en modèle de sanction.
La
dénégation est porteuse de
sens.
On peut même travailler sur un fait
imaginaire, hypothétique : «
Si Mme Mérignac avait frappé
Christophe, elle serait la première
à le regretter. » Cest
en quelque sorte ce qui sera
signifié au cours de lacte de
réconciliation. Admettons que ce
soit Christophe qui ait arrangé
cette version des faits. Là aussi
le sens pourrait advenir dans
limaginaire : dans cette
hypothèse, Christophe aurait pu
craindre la réaction de son
père. Ce pourrait être M.
Duzon qui aurait cherché un
prétexte, consciemment et
inconsciemment, pour déplacer un
problème différent de celui
quil prétend poser. Ce
pourrait être aussi une condensation
des problèmes
non-réglés quil a avec
les enseignants : « la collection
» des griefs, des rancoeurs, des
blessures accumulés trouve son
expression à loccasion
dun
événement.
Pour le
médiateur, on le comprend,
la relation des faits est
importante, non pas pour leur
véracité, mais
parce quelle permet de
comprendre où se situe le
conflit. Cest à ce
lieu quil y a lieu de
travailler par la parole. Et
cest une parole que le
médiateur engage dans la
réalité de second
ordre. Lexpression
du conflit
La réalité de
second ordre est celle qui passe les faits
au travers des filtres de la
subjectivité. Cest
celle qui donne sens au
conflit.
La réalité, pour
reprendre les termes de la
réflexion de Paul Watzlawick est
à considérer à deux
niveaux : la
réalité de premier
ordre
celle qui établit « un
consensus de perception et en particulier
une preuve (ou une réfutation)
expérimentale,
répétable, vérifiable
»
et
la réalité de second
ordre
: « (le premier ordre de la
réalité) ne dit rien de la
signification, ni de la valeur de son
contenu. » La réalité
de premier ordre est importante pour
établir une base de convergence au
conflit : il y a des faits sur lesquels
les adversaires sont daccord pour
reconnaître quils se sont
produits. En
revanche, la réalité de
second ordre est à dire, à
élucider, car elle est
passée par les filtres de la
subjectivité : le ressenti
:
M. Duzon (voir
exemple)
a
éprouvé de la
colère et de la surprise
quand il a constaté les traces de
coups sur le visage de son fils. Il a
éprouvé du
dépit quand Mme
Mérignac, une enseignante, a menti.
Quant à Mme Mérignac, elle a
éprouvé de la peur
quand M. Duzon a fait irruption dans sa
classe, elle a éprouvé de
lingratitude et la blessure
quon puisse douter de sa parole,
elle qui est institutrice. Lexpression
de la réalité de
second ordre passe par la mise en
mots des valeurs et des croyances
:
Pour Mme Mérignac,
il est impensable quon
puisse mettre en doute sa version
des faits, il y va de son image
et de celle des gens de
métier : sa parole est
celle de linstitution. Elle
incarne linstitution. Quant
à M. Duzon, il dira que
lui seul a le pouvoir de frapper
son enfant. Quand quelquun
dautre le frappe,
cest comme si on le
frappait, lui, M. Duzon.
Doù
linvitation brutale et
provocatrice à le frapper,
cet homme croit que, dans ces
conditions, il est
légitime de se
défendre. Limaginaire
est aussi un lieu de sens :
les images à loeuvre
dans les paroles sont à
interpréter :
Lévocation de
« la sorcière du
moyen-âge » construit
une image de linstitutrice
qui est montrée comme une
figure très mauvaise
dun autre temps. Elle
nest ni une enseignante, ni
une femme ordinaire. Elle dispose
de pouvoirs magiques qui lui font
transgresser la loi des humains.
Mme Mérignac
émaille son propos
dimages qui évoquent
linstitution, ce
quelle est devenue : «
Quel cirque !.. On nest pas
dans un match de boxe (sic), on
est à lécole.
» Enfin
chacun a des conceptions sur
léducation des
enfants, quelles soient
fondées sur des
références
officielles, textes et normes de
lécole, sur des
ouvrages scientifiques,
vulgarisés ou non, ou
simplement sur des opinions lues
dans la presse.
M. Duzon « sait
» que les instituteurs
nont pas à frapper
les enfants. Il « sait
» quun enfant doit
« sépanouir
» à
lécole. Il «
sait » aussi que les jeux
des enfants et notamment des
garçons, sont quelquefois
violents, mais « il ny
a pas de mal, on doit les
arrêter, mais pas
sanctionner, sans laccord
des parents. » Mme
Mérignac a entendu parler
des « sauvageons » et
lécole est le lieu
de lépreuve de la
socialisation ; et ce processus
de socialisation à
lécole est
considéré par elle,
comme une « civilisation.
» « Certes, dit-elle,
nous ne pouvons plus frapper les
enfants. Pourtant je sais que les
interdits sont constructeurs de
la personnalité. Nous
devons faire éprouver les
limites de la
sécurité. » Ce
nest pas elle qui le dit,
ce sont les pédiatres et
le ministre.
En médiation,
avant de trouver une
stratégie de
résolution au conflit, il
est indispensable dentendre
le récit des faits pour
les établir dans la
convergence et aussi dans la
divergence. On est à peu
près sûr que
cest
la divergence qui est le noeud du
problème.
Il est nécessaire que
sexprime la manière
dont chacun des adversaires
construit sa
réalité de second
ordre. Cette expression
contribue à construire le
sens du conflit, à
poser le problème qui a
conduit les adversaires à
sopposer, avec
agressivité. Quil
sagisse de
métacommunication : il
faut lever le malentendu,
quil sagisse
dexpression, et le travail
vise à élucider
quelques implicites de la
situation conflictuelle.
On
élucide par exemple quand
on invite à mettre des
mots sur des
affects.
Car le propre de
létat affectif est
souvent dêtre
ignoré par celui-là
même qui la
éprouvé. Mettre des
mots sur des valeurs, cest
connaître la
représentation du monde du
locuteur, cest aussi savoir
quon ne pourra pas toucher
directement à cette
représentation pour la
changer. Opérer des
transferts de sens,
déplacer ou condenser le
sens sur des images, se
référer à
certains paradigmes explicatifs,
telle est la première
partie du processus de
médiation. La
construction de la solution
Quand lexpression du
ressenti, des valeurs et des croyances,
des images, des conceptions et des
méthodes ont été
entendues, quand lélucidation
des implicites est avancée et que
le malentendu est en partie levé,
alors le médiateur peut orienter le
travail de la parole vers la
résolution du conflit, son
intégration dans le
relation. La
question à poser est celle-ci :
« Au fond, que voulez-vous,
maintenant ? »
Toute
expression dun désir est
faite pour être entendue, et pas
forcément
satisfaite.
On peut entendre le désir
dassistance de Mme Mérignac,
le désir de sanction contre elle
formulée par M. Duzon.
(voir
exemple)
On
peut tout entendre, le désir
répété dun
protagoniste : « Dites-lui, vous
quil (ou elle) a tort. » Mais
ces propositions dactions sont
refusées, parce quelles ne
visent pas les buts assignés
à la médiation.
En revanche toute visée
vers la conciliation est
encouragée.
Linspecteur-médiateur peut
même contribuer à la
résolution du conflit : «
Puisque vous voulez de nouveau rentrer
dans une relation ordinaire, une relation
qui nexclut pas les divergences de
point de vue, mais une relation qui
nest pas agressive, qui ne juge pas
les actes de lautre, dans ces
conditions, je peux allier mes ressources
aux vôtres. Quest-ce que vous
êtes prêt(e) à faire ?
» Comme il nest pas facile
denvisager toutes les
possibilités dactes de
réconciliation, dautant plus
quon ne sait pas si ces actes seront
acceptés par
lautre,
le médiateur propose de travailler
dans
limaginaire.
Cest dailleurs dans
limaginaire que la résolution
des conflits se construit, selon les
techniques créatives : «
Imaginons, sans pour linstant
sengager à les
réaliser, tous les actes qui
seraient susceptibles de renouer la
relation. » Dans limaginaire,
tout est acceptable : boire un verre,
présenter des excuses, faire un
voyage, partager un projet, se serrer la
main, ou encore inviter une personne que
lon connaît. La
quantité des solutions
envisagées est un critère de
la valeur dengagement des personnes,
le médiateur encourage la fantaisie
et la créativité.
Dans un second temps, le choix
de lacte exclut les autres
propositions ; le médiateur
intervient si son aide est
souhaitée : « je veux bien
mexcuser pour avoir insulté
lenseignante et lavoir
menacée, mais je ne sais pas
comment faire ; je ne voudrais pas non
plus quelle croie que je gobe son
histoire avec Christophe. » Quand les
adversaires proposent,
généralement la proposition
engage lun et lautre. Il
convient de recueillir les avis de
lautre et de donner le sens qui est
posé dans les actes
imaginés.
Lessentiel
consiste à viser le but : «
renouer une relation ordinaire » et
à donner à la
temporalité sa dimension
essentielle.
Cette proposition qui est
dabord refusée peut
être reconsidérée,
amendée, voire proposée
à nouveau comme une nouvelle
idée.
La temporalité
et le silence sont
nécessaires pour ce
travail de médiation.
Le
temps
met
de la distance, il atténue
les émotions,
précise le sens et la
nécessité de la
relation. Le silence est
élaboration, la
réflexion a besoin de
silence, et lon sait que
quand le silence sinstalle,
il faut le laisser retentir, et
quand il est achevé, il
est à interroger. Ce qui
importe dans la construction
dun acte symbolique de
conciliation, cest le sens
qui en est
donné. Les
actes symboliques
La construction dun acte
symbolique est préparée
minutieusement, réglée dans
le détail ; les rôles
sont précisés, les propos
sont rédigés et appris, et
la mise en scène est quelque peu
solennelle. Le lieu est choisi par les
personnes en conflit, ainsi que les autres
personnes qui seront présentes ;
des témoins sont là pour
garantir la valeur de lacte
posé et ses
conséquences.
Le
médiateur aide à la
construction des actes
symboliques.
Cest lui qui est chargé de la
négociation des propositions,
den expliquer le sens. On ne
sexcuse pas, on présente et
on accepte les excuses, car cest un
acte qui est bon pour renouer une relation
; celui qui accepte les excuses dit
quil naccepte pas lacte
dorigine, qui reste mauvais pour la
relation.
Tout acte symbolique qui engage
le corps retentit de manière
importante : la poignée de main
scelle la réconciliation, le
sourire également. On peut faire
confiance à la
créativité pour trouver des
actes symboliques significatifs. Il
mest arrivé dassister
à de véritables petites
cérémonies de
réconciliation qui auraient
prêté à sourire en
toute autre circonstance : une liste
dinsultes échangées a
été brûlée, une
main devant la bouche a rentré des
paroles inacceptables, deux pierres sur
lesquelles étaient inscrites les
insultes échangées ont
été enfouies.
Ce qui est important, cest
que soit signifié un changement
dans la relation, et le moment de la
cérémonie est ce moment qui
signifie : avant nous étions
ennemis, maintenant nous avons
intégré le conflit dans
notre relation. Nous continuons à
nous opposer parce que nous ne sommes pas
daccord, et cest une richesse
que de ne pas être daccord ;
nous modérons nos propos, ce qui
est une marque destime pour
ladversaire, ce qui fait
également que ce que jai
à dire peut être entendu, car
ça ne blesse pas les
personnes. Méthodes
et rôle en
médiation La
tâche assignée et le
recadrage exécuté
pendant la séance avaient
contraint le patient à ne
pas utiliser les solutions
tentées habituelles,
qui, au lieu de résoudre
le problème, le
compliquaient. (G.
Nardone et P. Watzlawick.-
Lart du changement.-
Lesprit du temps,
1990) La
méthode de médiation sert le
but. La
reformulation avec
élucidation ou la
reformulation-synthèse
favorise les premiers moments de
la médiation, ceux pendant
lesquels le malentendu est
levé, lexpression du
ressenti, des valeurs, de
limaginaire et des
conceptions est
sollicitée. Lempathie est
létat affectif du
médiateur qui essaie de
comprendre et de faire comprendre
le sens que ceux qui sont en
conflit attribuent aux actes et
aux faits. Les
questions
élucidantes qui
visent à faire exprimer le
ressenti : « A ce moment
quavez vous
éprouvé ? »
« Quand Mme Mérignac
vous a dit quelle
navait pas frappé
Christophe, souvenez-vous,
quavez-vous ressenti ?
» Les questions
délucidation des
valeurs et leur hiérarchie
: « Pour vous,
quest-ce qui est important
dans ce que vous avez fait,
entendu, senti ? » «
Quand vous avez dit à M.
Duzon que Christophe avait menti,
quest-ce qui vous
paraissait important ?
» Les
questions qui visent à
solliciter lexpression des
images «
A quoi vous fait penser cette
scène ? Avez-vous
vécu des
expériences semblables ?
» « A quel personnage
de film ou de roman vous fait
penser linstitutrice ?
» :Les
questions qui orientent vers les
conceptions : «
Vous connaissez des ouvrages, des
émissions qui ont
parlé des problèmes
déducation ? »
« Vous dites que vous
êtes le seul à avoir
le droit de frapper votre enfant.
Connaissez-vous dautres
personnes qui disent ou
écrivent cela ?
» Les
questions qui sollicitent le
changement relationnel et les
propositions daction
: «
Au fond que désirez-vous ?
» « Vous voulez revenir
à des relations ordinaires
avec linstitutrice de votre
fils, quest-ce que vous
êtes prêt à
faire pour cela ? » «
M. Duzon propose de vous
présenter des excuses pour
les insultes et les menaces
quil a
proférées. Les
accepteriez-vous ? » «
Il souhaite que vous lui
présentiez des excuses
pour avoir menti
Vous
refusez. Je vous propose de dire
que vous condamneriez un
enseignant qui frapperait un
enfant. Quen pensez-vous ?
Il ne sagit pas de dire que
vous êtes lauteur des
coups, mais de faire savoir que
vous ne pouvez pas agir ainsi
justement parce que vous partagez
les mêmes valeurs
éducatives. M. Duzon ne
pourra pas croire que vous
êtes partisan des
méthodes violentes en
éducation.
»
Les propositions dactes
symboliques et notamment des actes de
parole font lobjet dun travail
décriture, pour que les mots
et la syntaxe soient pesés. Cette
écriture est aussi un travail du
sens qui fait quon change un mot,
une formule pour être au plus proche
de la signification de la
réconciliation.
Tant que le langage
fait travail, tant quil y a
réflexion sur le sens
quon veut donner, alors il
y a relation ; Il se peut bien
que ladversaire ne soit pas
physiquement présent, mais
le médiateur sert aussi
dintermédiaire. Les
obstacles à la
médiation
Le premier obstacle à la
médiation dans les situations
conflictuelles serait de confondre acte de
médiation et acte de
justice.
La
justice est tournée vers le
passé
: elle répare le conflit en
référence aux textes
quelle interprète dans le
cadre de la jurisprudence. Le juge est
revêtu dune autorité
incontestable.
La
médiation est tournée vers
lavenir,
cest un travail de la parole qui
vise à (r)établir du lien
entre les personnes en conflit. Le
médiateur na dautre
autorité que celle qui lui est
reconnue par ses partenaires. Quand la
médiation hésite, quand les
adversaires insistent pour que la
vérité des faits soient
établie, pour que des sanctions
soient prises, le médiateur
signifie larrêt de la
médiation. Il renvoie les
adversaires aux lieux de la justice. Il
nest plus de sa
responsabilité que des liens soient
rétablis entre les
personnes.
Autre obstacle, le
retentissement émotionnel : le
médiateur est en empathie avec ses
partenaires. Ni en sympathie, ni en
antipathie. Pourtant, quand les faits
mettent en scène des situations
insupportables, quand des coups ont
été portés, des
insultes proférées, il
est difficile de rester neutre, de ne pas
porter de jugement. Dautant plus
difficile que le métier a
été et reste pour beaucoup
un lieu de jugement.
La difficulté aussi,
cest lidentification avec les
enseignants. Comment admettre
quun enseignant puisse mentir ?
Comment éviter la suspicion et la
culpabilisation ? Certains parlent de
« maîtriser » ses
émotions, mais, pour être
humains, nous ne pouvons pas être
totalement maîtres des
émotions ou nous faire semblables
à des robots, seuls capables de
néprouver aucun
affect.
En revanche,
la
connaissance intervient en tiers qui
permet non pas de gérer ou de
maîtriser, mais de faire «
avec. »
Il convient de savoir dabord
que les émotions retentissent quand
sont évoqués des faits et
des personnes en conflit. Et admettre que
cest non seulement humain, mais
nécessaire. Il faut se
connaître soi-même pour
reconnaître quelles sont les
émotions qui risquent de se
manifester dans certaines situations :
est-ce que le silence mest
insupportable ? Est-ce la peur ou la
colère qui me saisit lorsque sont
évoquées des scènes
violentes ? Est-ce que jai tendance
à éprouver de la compassion
ou du mépris pour les victimes
selon quelles se montrent passives
ou dolentes ? Est-ce que
jéprouve de la colère,
du dégoût, pour
lagresseur ? Est-ce que je redoute
la surprise ? Quels sont les actes et les
personnes qui me révoltent
?
Savoir que les
émotions retentissent chez
la personne du médiateur
qui écoute, qui est en
relation, savoir par
expérience la nature des
émotions quil
éprouve dans certaines
situations, sont des savoirs qui
viennent en tiers dans la
relation de médiation. Ce
sont ces savoirs qui permettent
au médiateur de faire avec
le retentissement
émotionnel. Ces savoirs ne
se construisent pas dans la seule
expérience, ils se
construisent dans une autre
relation, ailleurs, entre pairs
notamment, en supervision. Il
faut des lieux de
réflexion sur la pratique
de la médiation, et des
formes danalyse qui fondent
lapprofondissement
professionnel. La
résonance constitue un obstacle
majeur.
La résonance consiste
à interpréter ou à
trouver des résolutions à un
problème par analogie avec des
situations similaires. Linspecteur
propose une solution rapidement car il
sait quelle a fonctionné
ailleurs et autrefois dans une situation
dintégration dun
conflit semblable. Les solutions, les
actes symboliques sont
nécessairement une construction.
Leur élaboration est
lachèvement dun
processus plus ou moins long dont il ne
faut pas exclure la temporalité.
Pour quun acte symbolique ou une
solution advienne, il convient de
respecter la méthode et les
propositions des protagonistes :
Pourtant, vu de
lextérieur, le piège
où il se débattait
était assez banal. Il
ninterrogeait que les fruits de sa
quête, mais non la quête
elle-même.(Paul Watzlawick.-
Comment réussir à
échouer.- Seuil, 1988)
Le désir sur lautre
rompt le processus de
médiation,
désir
de séduire ou daffronter les
personnes en médiation. Le
désir sur lautre
déplace lenjeu de la
médiation en développant des
stratégies compliquées.
Lenjeu de la médiation vise
à leffacement du
médiateur dans la relation. Une
médiation réussie est une
médiation qui restaure la relation
entre les adversaires. Dès lors,
ils néprouvent plus le besoin
de lintervention du
médiateur. Pour ce dernier, il
ny a aucune reconnaissance à
attendre, il ny a quà
se retirer. Certains peuvent
éprouver une certaine frustration
et cest ce sentiment de frustration
qui est en lui-même un
critère de
réussite.
Enfin la disponibilité
est nécessaire pour engager une
médiation.
Le processus requiert de la part de
linspecteur sa présence
effective à la situation. Il lui
faut mettre à part toutes les
autres préoccupations, les autres
tâches. Car rien ne saurait le
distraire de cette activité . il
lui faut réserver son
énergie et son attention à
lécoute, à la
concentration sur les propos, la
méthode de médiation, le tri
des informations. Cest
linspecteur qui donne un contenant
à la médiation.
Lécoute est attentive,
flottante parfois, mais aiguë quand
le sens advient, par méthode et
parfois par surprise. La
disponibilité est dautant
plus importante que linspecteur doit
non seulement orienter les entretiens et
en saisir le sens, mais il lui faut
également faire avec la confusion,
le malentendu, la frustration de ses
interlocuteurs. Si linspecteur est
indisponible, parce quil est
préoccupé par une autre
tâche, parce quil
éprouve une grande fatigue
psychique, parce quil ne peut se
centrer sur les personnes en conflit,
mieux vaut alors différer
lacte de médiation. Mieux
vaut renoncer. Echecs
Il y plusieurs raisons à
léchec dune
médiation. La médiation
échoue lorsque la confiance
nest pas établie, lorsque
le malentendu sur les finalités
nest pas levé, lorsque les
adversaires hésitent puis refusent
la conciliation. Lorsquils refusent
à se risquer à la
médiation, ou lorsquils
refusent de « perdre un peu »
pour gagner davantage : perdre un peu de
leur temps, de la face, de leur
pouvoir.
Il y a également une raison
à léchec, une raison
qui nest pas toujours consciente,
cest que les adversaires ou au
moins lun dentre eux ont (a)
intérêt à rester en
conflit.
Plus ou moins consciemment,
certaines personnes développent des
stratégies pour activer et
répéter un
conflit. -
Cest ce parent
délève qui
règle de vieux comptes avec sa
propre scolarité en entretenant et
en dramatisant le conflit qui a mis en
scène son enfant et un
enseignant. -
Cest cet enseignant qui
déplace ou répète
dans le conflit une scène
familiale. - Il y a
également ces acteurs :
élus, directeurs, partenaires de
lécole qui sinstallent
dans le conflit pour éprouver leur
pouvoir. - Cet
éducateur sportif qui intervient
régulièrement dans le cadre
des activités
déducation physique veut
prouver quil est meilleur que
lenseignant et les jugements
quil porte visent à
développer et entretenir un conflit
qui semble justifier son
activité. - Ce maire
se montre ombrageux sur les marques de
reconnaissance de sa charge : il
revendique la place de président du
conseil décole, il refuse de
prêter la salle communale, il
reproche au directeur son manque de
considération à son
égard.
Et bien quils disent
explicitement vouloir sortir des conflits,
on constate quimplicitement, les
conflits leur permettent de conserver un
certain équilibre. Mieux vaut
pour eux dépenser une
énergie considérable dans un
conflit, mieux vaut saffronter
à lautre adversaire que
dêtre confronté
à lautre en soi.
Et on rencontre des personnes qui
se font détestables parce
quelles désirent être
appréciées, à tout
prix, et surtout quand elles se montrent
détestables. Cest la raison
pour laquelle linspecteur doit
vérifier que les protagonistes du
conflit sont au clair avec les
finalités de la médiation.
Il sagit de vérifier
quil sagit bien de renouer une
relation, interrompue par le conflit, qui
est la finalité de la
médiation. Et bien que certains
continuent de protester de leur (bonne)
volonté, linspecteur
contribue à élucider les
implicites de la situation.
Dans le cadre dune
médiation entre un professeur et un
élève qui arrivait
régulièrement en retard, par
provocation, le professeur avait
accepté une médiation. Au
bout dun moment dentretien, il
était évident que ce
professeur souhaitait que «
ladministration fasse son travail.
» Ce quil voulait au fond,
cest que la conseillère
déducation et le principal ne
laissent pas impunis les retards
accumulés. Au-delà, il
souhaitait dénoncer le laxisme du
personnel non-enseignant. Dans cette
perspective, la médiation entre le
professeur et lélève
nétait plus
pertinente.
Quand le conflit est
manifeste, il y a deux voies pour
en sortir, la médiation
qui est toujours
préférable quand
elle est possible et le recours
à la loi. <<
merci de l'information.>>
10/06
Commentaire