Un exemple de
médiation entre un parent
et un enseignant
Sortie
de classe à lécole Jean
Macé, 11heures et demie. Il a plu
toute la matinée, les CP se bousculent pour
sortir au plus vite. Dans la bousculade, la
maîtresse intervient. De quelle
manière ? Toujours est-il que Christophe
sort de lécole, en pleurs ; il dit
à son père que la maîtresse
la frappé avec une telle force
quil est tombé dans les escaliers. Il
porte des traces rouges sur les joues et une bosse
sur le front. Le père rentre dans
lécole, en furie. Il monte les
escaliers, entre dans la classe de Mme
Mérignac, il lapostrophe,
linsulte et la menace : « Cest
bien vous la soi-disant maîtresse de CP ?
Vous êtes une sacrée salope pour
frapper mon fils ! Si vous voulez frapper
quelquun, allez-y, frappez-moi et vous verrez
ce qui vous arrivera ! » La maîtresse
reste sans voix, incapable de parler et de bouger.
Le père de Christophe quitte la salle de
classe et dit quil va trouver la directrice.
Celle-ci lécoute et demande
laide de linspecteur.
J'entends la relation des faits
par Mme Mérignac. Son
état émotif est perceptible
: elle tremble et sa voix est mal
assurée. Il y a eu bousculade dans
les escaliers. Christophe se chamaillait
avec Maxime. Ils sont tombés tous
les deux et linstitutrice les a
séparés en les attrapant
chacun par la manche, en les grondant.
Cest au cours de la bousculade que
les enfants ont échangé des
coups qui les ont marqués.
Linstitutrice proteste quon
puisse lui attribuer la
responsabilité de ces marques. Elle
sest sentie outragée et
menacée. Elle me demande protection
et soutien. Mme Mérignac
hésite à porter plainte.
Elle attend la rencontre de
linspecteur avec le père de
Christophe. M. Duzon, le père de
Christophe, me rencontre le soir
même.
Il est encore ému par la
scène. Il précise que
Mme Mérignac a attrapé les
deux enfants, Maxime et Christophe ; elle
les a projetés violemment
crâne contre crâne, puis elle
les a giflés. Christophe, lui, est
tombé dans les escaliers. Il me
demande dintervenir pour
empêcher linstitutrice de
« faire plus de dégâts.
» Quand je lui signifie que Mme
Mérignac ne reconnaît pas sa
responsabilité dans les faits
quil lui impute, il se dit
scandalisé. Il reconnaît les
insultes et la menace quil a
proférées. Il sait bien
quil na pas le droit de
pénétrer dans
lécole, il sait
également quil na pas
le droit dinsulter et de menacer les
enseignants, mais il sest senti
autorisé par le fait quune
institutrice ait frappé aussi
violemment son enfant. Il me demande
dintervenir, sinon il donnera une
suite judiciaire à cette
affaire.
Je dis à chacun des
protagonistes que la question se pose de
porter laffaire en justice. Si
lun dentre eux décide
de porter plainte, ce sera une autre
affaire ; je meffacerai et la loi
passera, lenseignante pourra
demander au recteur de faire appliquer
larticle 11 de la loi de 83 portant
protection des fonctionnaires. En
revanche, si chacun des protagonistes
accepte ma proposition de
médiation, je mengage
à essayer de restaurer une relation
qui ne soit pas agressive entre les
personnes. Ma proposition est
acceptée et je recevrai
séparément Mme
Mérignac et M. Duzon à deux
reprises, avant de les réunir pour
sceller un acte de
réconciliation. Les
entretiens commencent toujours par
un
malentendu :
Mme Mérignac souhaite mon assistance
pour condamner le père ; et M. Duzon
souhaite mon intervention pour sanctionner
lenseignante. Il faut à plusieurs
reprises lever le malentendu, préciser le
cadre : je veux entendre lun et lautre,
dans un seul but, celui de restaurer les conditions
dune relation ordinaire entre un parent et
une enseignante. Lintérêt de
cette médiation, cest le partage
dun projet éducatif pour
Christophe. Je souhaite dailleurs le
laisser en dehors du conflit, et chacun le
comprend. Sil souffre de ce conflit qui
oppose son père et sa maîtresse, il
aura loccasion de parler en toute
confidentialité à la psychologue
scolaire.
L'incident sest bien passé dans
les circonstances que chacun reconnaît, il y
a bien eu bousculade dans les escaliers à
lheure de la sortie, chamaillerie entre
Christophe et Maxime, marques sur les joues et le
front de Christophe. M. Duzon est bien entré
dans lécole pour proférer
insultes et menaces dans les termes
rapportés. Mme Mérignac na rien
dit. Voilà pour les
convergences.
La divergence porte sur la nature des
actions de lenseignante. M. Duzon a entendu
son fils accuser linstitutrice : cest
elle qui aurait frappé Christophe (et
Maxime.). Mme Mérignac dit quelle a
tiré les deux garçons par la manche.
Evidemment chacun voudrait que la
véracité des faits soit
établie.
Après avoir entendu la relation des
faits, jentends: la
colère de M. Duzon, la peur de Mme
Mérignac, comment
une enseignante peut-elle mentir, se
demande M. Duzon ? Comment peut-on mettre
en doute ses propos, sinsurge Mme
Mérignac, elle, une institutrice
? cest
une scène dun mauvais film,
un cauchemar, pour Mme Mérignac.
Pour M. Duzon, lenseignante est
« une sorcière, une
maîtresse du moyen âge
» (sic). Ce que je
ressens pendant ce
temps-là :
Jécoute avec toute
lempathie possible. Je ressens toute
la difficulté de ne pas prendre position
pour lenseignante à laquelle jai
tendance à midentifier. Le registre de
langue dans lequel parle M. Duzon, ne mest
pas familier, les ruptures dans différentes
variations, les phénomènes
dhypercorrection me surprennent : « vous
vous en foutez, vous, cest pas votre
gamin
oh je mexcuse, pardon, pardon,
ça ma échappé. » Et
puis, inévitablement, le sentiment de
soupçon. Je suis convaincu que la
véracité est sans importance, mais il
y a quand même quelquun qui ment,
quelquun qui sarrange avec la
réalité. Je ne puis éviter de
penser que Mme Mérignac ne peut se
reconnaître dans les actes qui ont
été posés, ce
jeudi-là. Je connais bien les
obstacles à la médiation, et je sais
que plutôt que les nier, il faut faire
avec
pour mieux en neutraliser les effets,
dans le cours de la médiation.
Il me faut résister aux
sollicitations de lun et de lautre
: « Vous me croyez, au moins ? Dites-moi que
jai raison. » « Vous devez
débarrasser lécole de la
sorcière ! Vous pensez peut-être que
Christophe est un menteur ?»
Quand
se sont exprimés le ressenti, les
valeurs et les croyances,
limaginaire, je peux orienter les
entretiens vers les solutions
possibles. Les solutions
proposées sont lexpression du
désir de sortir de la situation
conflictuelle. Et
tout désir est écouté, pas
forcément satisfait.
Quand Mme Mérignac souhaite
que M. Duzon lui fasse des excuses publiques,
cest compréhensible, mais pas
admissible.
Quand M. Duzon souhaite que Mme
Mérignac reconnaisse quelle a menti,
cest la même chose.
En revanche, quand lun et
lautre cherchent lissue du conflit,
lintérêt de Christophe afin
quil puisse sentir que ses parents et sa
maîtresse partagent un projet fort pour lui,
quils se sont accordés en
dépassant cet épisode dans lequel
lui-même a été acteur. Dans ces
conditions, si le désir est partagé,
si des ressources sont mobilisables, chez lun
et chez lautre, je peux allier mes propres
ressources aux leurs. Nous pouvons construire un
acte de réconciliation. se passe dans le
bureau de la directrice de lécole.
Elle a été réglée dans
le détail, et je suis garant que tout se
passera comme il a été convenu. La
directrice est présente, ainsi que les
protagonistes. Christophe rentrera dans le bureau
à mon signal.
Je prends la parole pour rappeler les
circonstances qui nous réunissent : «
Un incident a eu lieu le jeudi 16 octobre, à
lécole Jean Macé, à onze
heures et demie
» Jétablis
les faits dans leur convergence et dans leur
divergence.
Cest à M. Duzon de parler
: « Pour ma part, je regrette davoir
insulté et davoir menacé Mme
Mérignac. Quand bien même elle aurait
frappé les enfants, je navais pas
à faire irruption dans sa classe pour
linsulter et la menacer. Cest pour
cette raison que je lui présente des
excuses
Mais je nadmettrais jamais
quun enseignant frappe un
élève. »
Mme Mérignac prend la parole
à son tour: « Jaccepte vos
excuses et je comprends que cest la
colère qui vous a fait réagir de la
sorte. Je nadmettrais pas quon insulte
et menace quiconque, même sil a agi
contre la loi et la civilité
Je
nadmets pas non plus quun enseignant
frappe des élèves, quoi quils
aient fait. Et sil doit y avoir sanction,
elle ne peut être prise dans
limmédiat sous leffet de la
colère ou de la peur, ou de toute autre
émotion. Si javais frappé
Christophe et Maxime, je présenterais
à leurs parents des excuses, et
jespère quils les accepteraient.
»
M. Duzon : « Si tel était le
cas, jaccepterais vos excuses.
»
La directrice fait entrer Christophe
et il assiste à la scène de
réconciliation : Mme Mérignac, sa
maîtresse, et M. Duzon, son père, se
serrent la main, tout en se remerciant davoir
pris du temps pour retrouver le sens de
laction éducative, pour
Christophe.
Christophe est sorti ; les derniers mots
mappartiennent : je délivre des
félicitations aux personnes présentes
pour les efforts quils ont consentis pour
réaliser lobjectif fixé
à la médiation : se
réconcilier et montrer à Christophe
quun projet éducatif est
partagé par son père et son
enseignante. Réaction: <<Bof... pas
très profond lanalyse. Tout le monde
saccorde sur le même constat plutot
coté enseignant. Que fait on des autres
élèves témoins, de
lautre garçon ? Car là, 2
fonctionnaires contre un parent, un peu
léger, non ? je ne veux pas donner du tort
au corps enseignant, je trouve deja que
létat se désengage de plus en
plus et cest pas bon pour lavenir de
nos enfants. Alors, sil faut mener un combat,
gardons en un peu pour un enseignement public de
qualité.>> <<je suis
élève en 2nd, et ce que je viens de
lire est assez désolant côté
professeur, comme côté
élève. pourquoi l'adulte ne parle t
il pas avec ses prôpre mots ? il sais bien
que l'élève ne comprend pas, il
l'embrouille et (même si ca a toujours
été le cas) le tutoiement de
l'élève est une forme de non respect.
si l'élève dit "c'est pas moi" c'est
parce qu'il sais bien qu'il se retrouvera avec une
sanction débile et innutile. peut être
a t il compris, peut être que le professeur a
bien fait; mais ca n'est pas mon avis. cracher sur
quelqu'un, c'est rien en terme de violence, et
l'école deviens une prison, les professeurs,
des "policiers". si vous voulez faire de
l'école un elvage de poules aux quelles on
aurais coupées leurs ailes, continuez! si
vous cherchez une solution a ces problèmes,
alors commençons par l'égalité
entre élèves ET professeurs. on vois
bien dans le dialogue rapporté qu'il y a un
mur entre l'élève et l'adulte;
comment voulez vous comprendre les autres si vous
leurs parlez dans une autre langue ? pardon pour
l'orthographe, je vous souhaite non "bonne chance"
ou "bon courrage" comme on regarde partir un soldat
sur un champ de bataille, mais bonne continuation.
c'est juste une question de
direction.>> <<La
mediation est elle applicable a tout les conflit?
>> 9/07 <<Commençant
ma vie de retraitée de l'éducation
nationale, j'ai proposé d'intervenir
bénévolement dans le lycée
où j'enseignais, pour aider soit à la
résolution de conflits, soit à la
mise en place de projets; la neutralité due
à ma nouvelle situation et une bonne
connaissance du terrain m'ont paru favorables
à la création d'un espace "mediatio".
L'exemple que vous exposez me permet
déjà de mieux définir les
modalités de cette médiation; je
poursuis la lecture de votre site avec
intérêt>> <<Je suis
policier municipal et je travaille seul,
d'où l'importance de savoir gérer ce
genre de situation. Je m'en inspirerai à
l'avenir, car l'approche du professeur est
très
intéressante.Merci>> <<Ce cour
texte explicatif met en evidence la problematique
des jeux de pouvoir chez les jeunes , et la
façon dont ces mêmes jeunes
perçoivent la situation>>