COMPRENDRE LES RESSORTS DE
LA RELATION PEDAGOGIQUE POUR CERNER LES SOURCES
POTENTIELLES D'ERREUR ET OPTIMISER LE TAUX DE
REUSSITE
La pédagogie est principalement de la
psychologie appliquée dans l'acte
d'enseigner, autrement dit de transmettre des
contenus que les élèves doivent
apprendre.
Pour autant, enseigner ne consiste pas
qu'à transmettre des savoirs. Il s'agit
aussi et peut-être surtout d'apprendre aux
élèves à apprendre, autrement
dit de faire en sorte qu'ils apprennent le plus
possible de manière autonome.
C'est d'autant plus vrai qu'on
enseigne à des élèves des
grandes classes ou à des adultes, ce rapport
de vérité étant proportionnel
à l'âge, pour ainsi dire.
Par "apprendre", il faut entendre que
l'élève acquiert des connaissances,
ceci nécessitant qu'il comprenne dans un
premier temps ce qu'il doit ensuite
mémoriser et assimiler. Apprendre
consiste à s'approprier des savoirs,
à les incorporer pour pouvoir ensuite les
restituer lors d'un contrôle, par
exemple.
Dans cette mesure, il est essentiel que les
élèves développent un
transfert positif vis à vis de
l'enseignant. En effet, l'enseignant occupe
symboliquement la place du père ou de la
mère dans la relation pédagogique. En
tant que représentant de l'autorité,
il est essentiel qu'il assoie cette autorité
sur des rapports de confiance et d'amour spirituel
pour ses élèves, même si
ceux-ci peuvent parfois être mis à
mal. Pour que sa mission
réussisse, il est indispensable en effet
qu'un enseignant aime ses élèves pour
pouvoir être aimé par eux en retour et
pour qu'ils puissent s'identifier partiellement
à lui.
Autrement
dit, le contre-transfert
positif de l'enseignant précède
le transfert positif de l'élève
quand tout se passe bien, en principe tout au
moins.
Ajoutons à cela que dans
l'idéal, l'enseignant doit aussi aimer
véritablement les savoirs qu'il enseigne
ainsi que son métier, ceci lui permettant de
jouer pleinement le rôle de modèle
identificatoire qu'il remplit dans la relation
pédagogique. En
effet, rien n'est plus contagieux que la passion
d'un enseignant pour sa spécialité et
pour son rôle. Ainsi,
les meilleurs enseignants ne font rien d'autre que
communiquer leur passion pour leur matière
à leurs élèves, et leur
intérêt sincère pour ceux-ci,
pourrait-on dire.
On comprend ainsi comment les
émotions
interviennent au cur même de la
relation pédagogique, celle-ci ne
différant pas des autres relations, de ce
point de vue. En d'autres
termes, dans la relation pédagogique, les
émotions ne sont pas obstacle ou source
d'énergie vers l'autre. Elles sont
tantôt l'un tantôt l'autre.
Globalement, les émotions
négatives sont obstacle, tandis que les
émotions positives sont source
d'énergie vers l'autre (et non pas contre
l'autre comme les émotions négatives,
pourrait-on dire). Néanmoins,
il faut relativiser, car des questions de
congruence, harmonie et synchronisation entrent
aussi en ligne de compte. Autrement
dit, les dissonances émotionnelles sont des
obstacles, en général et
notamment. Il en est
ainsi par exemple lorsque quelqu'un sourit en
disant des choses graves, ou bien est joyeux
lorsque ses interlocuteurs sont tristes.
Quoi qu'il en soit, les travaux de
Damasio
(cf "l'Erreur de Descartes")
ont montré que les émotions
interviennent dans toutes les
décisions. Cela
signifie que les sphères cognitive et
affective ne sont pas séparées comme
la plupart des théories classiques les
représentent. Cela
signifie aussi que contrairement aux idées
reçues, la neutralité
émotionnelle ou affective n'existe pas, ce
qui n'est pas banal en regard des nombreux
préjugés et idées fausses sur
ce sujet.
Les résultats de ces travaux
corroborent enfin les thèses
psychanalytiques du développement
psycho-sexuel, c'est-à-dire du devenir
pulsionnel et des mécanismes de
défense.
Tout cela est très important dans la
relation pédagogique, car les ressorts de
cette relation sont essentiellement des ressorts
affectifs, comme on l'aura compris à la
lecture de ce qui précède, ce qu'il
ne s'agit pas d'ignorer ou de
sous-estimer.
ON APPREND PLUS DE SES
ERREURS QUE DE SES SUCCES
D'un point de vue strictement cognitif, un
individu apprend parce qu'il ne sait pas ou parce
qu'il se trompe. L'ignorance
et l'erreur (i.e. l'incompréhension), sont
les fondements sur la base desquels nous devons
apprendre pour atteindre des objectifs ou
réussir certaines tâches.
Autrement dit, plus nous savons de choses,
plus nous nous éloignons de l'ignorance et
réduisons les risques d'erreur.
Inversement, plus nous sommes
dans l'erreur, plus nous avons besoin d'apprendre
et plus le cheminement est long jusqu'à la
réussite. D'où
cette idée qu'on apprend plus du fait de ses
erreurs que de ses succès.
D'un point de vue strictement logique en
effet, quand nous réussissons quelque chose,
c'est que nous avons atteint le but que nous nous
proposions, donc plus rien à
apprendre. Enfin, on
apprend plus de ses erreurs parce qu'on a souvent
besoin de les comprendre pour accepter ou bien
trouver leur solution, ce qui représente en
soi un surcroit de travail.
L'apprentissage procède par essais et
erreurs parce que la compréhension et la
connaissance ne s'obtiennent pas de manière
instantanée, la plupart du temps.
En effet, plus un apprentissage
est complexe, plus il est susceptible de susciter
des erreurs de la part des apprenants.
Tout cela signifie que les erreurs sont
indispensables et formatrices en quelque sorte.
Elles sont le négatif des connaissances
manquantes.
Entre l'intention d'apprendre et la fin d'un
apprentissage, il y a de nombreux processus et pas
seulement ceux consistant à assimiler
purement et simplement des savoirs, comme on l'a
vu. Pour toutes ces
raisons, la plupart des apprentissages sont
progressifs et procèdent par ajustements
successifs aux objectifs. C'est
aussi pourquoi il est souvent nécessaire de
fixer des buts et des sous-buts. On dit aussi que
l'important est de tirer les bonnes leçons
des échecs notamment.
Toutes ces vérités ont
néanmoins du mal à s'imposer dans le
milieu scolaire où la performance et la
compétition l'emportent
systématiquement sur toute autre
considération.
Ceci aboutissant à
culpabiliser les élèves ne
réussissant pas ou moins bien que les
autres, en confondant leurs résultats avec
leur intelligence, notamment. Ainsi
les préjugés courants veulent que les
bons élèves ont des bonnes notes et
les mauvais des mauvaises notes.
Or cela n'est pas toujours
vérifiable. Autrement dit des
élèves intelligents, voire
surdoués, peuvent tout à fait
être en difficultés au niveau de leur
résultats scolaires. On
le sait et ce n'est pas qu'une question de
maîtrise émotionnelle mais
peut-être surtout d'investissements
affectifs et de
relations comme c'est évoqué plus
haut.
L'affirmation qu'on apprend plus de ses
erreurs que de ses succès, est parfaitement
congruente enfin avec les thèses
freudiennes. En effet, toute la psychanalyse
n'est d'une certaine manière que l'histoire
de ce qui échoue, manque ou fait
défaut dans les processus psychiques
menant le petit animal humain au statut
d'adulte. Ceci
particulièrement dans les processus de
symbolisation résultant de l'accès au
langage, on pourrait d'ailleurs dire aux
différents langages, par extension, les
matières enseignées aux
élèves pouvant être
considérées comme autant de
"langages".
Tous
les lapsus, oublis, actes manqués et
mécanismes de défense, ont
comme on le sait, une signification
inconsciente au sens freudien,
notamment.
C'est pourquoi on peut parler des
innombrables erreurs, illusions etc
sur la base desquelles se construit la
personnalité, et que la psychanalyse s'est
donné pour rôle de
dévoiler.
La formalisation du psychisme, comme nouveau
paradigme, et de l'inconscient en particulier, a
bouleversé comme on le sait, les paradigmes
antérieurs concernant la Raison Universelle
de Descartes et Malebranche, notamment.
Autrement dit, en
révélant que "le Moi n'est pas le
maître dans sa propre maison", Freud n'a-t-il
pas mis au jour l'erreur fondamentale commise en
permanence par le moi ? De
même quand il affirme que "L'Homme n'a rien
de mieux à faire qu'essayer d'être en
accord avec lui-même", ne nous invite-t-il
pas à "chercher l'erreur" et à
comprendre ce qu'il en est exactement de la
rationalité humaine ?
La
révélation des erreurs et
illusions humaines est bien ainsi le
leitmotiv majeur de la psychanalyse, c'est
dire si pour la psychanalyse, on apprend
bien plus de nos erreurs que de nos
succès.
Enfin, on remarquera que cette
dernière assertion de Freud est congruente
avec la théorie des brouillons de
pensée de Daniel
Dennett.
Les travaux de ces auteurs
montrent que la Raison n'est pas une ou unique
comme les anciens le croyaient, mais que
plutôt que la conscience est
constituée de processus complexes et parfois
contradictoires.
|