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On apprend plus de nos erreurs que de nos succès

Un paradoxe apparent est souvent dépassable  

Françoise Zannier

Dr en Psychologie, Psychologue, Psychothérapeute, Coach

      

            En pédagogie comme en psychologie, il est essentiel de ne pas confondre l'apparence ou la surface des choses avec la profondeur, autrement dit avec le tout de la réalité psychique.

             De même, il ne faut pas confondre le sens premier des choses avec celui découvert quand on les interroge plus précisément.

             Pour illustrer cela, nous allons tenter d'expliquer les processus d'apprentissage d'un point de vue psychanalytique et cognitif.

             Le but est de dédramatiser l'erreur et l'échec en en expliquant la nécessité et l'utilité, non sans avoir précisé le fond sur lequel ces faits viennent s'inscrire.    

 

COMPRENDRE LES RESSORTS DE LA RELATION PEDAGOGIQUE POUR CERNER LES SOURCES POTENTIELLES D'ERREUR ET OPTIMISER LE TAUX DE REUSSITE

 

             La pédagogie est principalement de la psychologie appliquée dans l'acte d'enseigner, autrement dit de transmettre des contenus que les élèves doivent apprendre.

             Pour autant, enseigner ne consiste pas qu'à transmettre des savoirs. Il s'agit aussi et peut-être surtout d'apprendre aux élèves à apprendre, autrement dit de faire en sorte qu'ils apprennent le plus possible de manière autonome. C'est d'autant plus vrai qu'on enseigne à des élèves des grandes classes ou à des adultes, ce rapport de vérité étant proportionnel à l'âge, pour ainsi dire.

 

             Par "apprendre", il faut entendre que l'élève acquiert des connaissances, ceci nécessitant qu'il comprenne dans un premier temps ce qu'il doit ensuite mémoriser et assimiler. Apprendre consiste à s'approprier des savoirs, à les incorporer pour pouvoir ensuite les restituer lors d'un contrôle, par exemple.

 

             Dans cette mesure, il est essentiel que les élèves développent un transfert positif vis à vis de l'enseignant. En effet, l'enseignant occupe symboliquement la place du père ou de la mère dans la relation pédagogique. En tant que représentant de l'autorité, il est essentiel qu'il assoie cette autorité sur des rapports de confiance et d'amour spirituel pour ses élèves, même si ceux-ci peuvent parfois être mis à mal. Pour que sa mission réussisse, il est indispensable en effet qu'un enseignant aime ses élèves pour pouvoir être aimé par eux en retour et pour qu'ils puissent s'identifier partiellement à lui.

Autrement dit, le contre-transfert positif de l'enseignant précède le transfert positif de l'élève quand tout se passe bien, en principe tout au moins.

 

             Ajoutons à cela que dans l'idéal, l'enseignant doit aussi aimer véritablement les savoirs qu'il enseigne ainsi que son métier, ceci lui permettant de jouer pleinement le rôle de modèle identificatoire qu'il remplit dans la relation pédagogique. En effet, rien n'est plus contagieux que la passion d'un enseignant pour sa spécialité et pour son rôle. Ainsi, les meilleurs enseignants ne font rien d'autre que communiquer leur passion pour leur matière à leurs élèves, et leur intérêt sincère pour ceux-ci, pourrait-on dire.

 

             On comprend ainsi comment les émotions interviennent au cœur même de la relation pédagogique, celle-ci ne différant pas des autres relations, de ce point de vue. En d'autres termes, dans la relation pédagogique, les émotions ne sont pas obstacle ou source d'énergie vers l'autre. Elles sont tantôt l'un tantôt l'autre. Globalement, les émotions négatives sont obstacle, tandis que les émotions positives sont source d'énergie vers l'autre (et non pas contre l'autre comme les émotions négatives, pourrait-on dire). Néanmoins, il faut relativiser, car des questions de congruence, harmonie et synchronisation entrent aussi en ligne de compte. Autrement dit, les dissonances émotionnelles sont des obstacles, en général et notamment. Il en est ainsi par exemple lorsque quelqu'un sourit en disant des choses graves, ou bien est joyeux lorsque ses interlocuteurs sont tristes.

 

             Quoi qu'il en soit, les travaux de Damasio (cf "l'Erreur de Descartes") ont montré que les émotions interviennent dans toutes les décisions. Cela signifie que les sphères cognitive et affective ne sont pas séparées comme la plupart des théories classiques les représentent. Cela signifie aussi que contrairement aux idées reçues, la neutralité émotionnelle ou affective n'existe pas, ce qui n'est pas banal en regard des nombreux préjugés et idées fausses sur ce sujet.

 

             Les résultats de ces travaux corroborent enfin les thèses psychanalytiques du développement psycho-sexuel, c'est-à-dire du devenir pulsionnel et des mécanismes de défense.

             Tout cela est très important dans la relation pédagogique, car les ressorts de cette relation sont essentiellement des ressorts affectifs, comme on l'aura compris à la lecture de ce qui précède, ce qu'il ne s'agit pas d'ignorer ou de sous-estimer.

 

 

ON APPREND PLUS DE SES ERREURS QUE DE SES SUCCES

 

             D'un point de vue strictement cognitif, un individu apprend parce qu'il ne sait pas ou parce qu'il se trompe. L'ignorance et l'erreur (i.e. l'incompréhension), sont les fondements sur la base desquels nous devons apprendre pour atteindre des objectifs ou réussir certaines tâches.

 

             Autrement dit, plus nous savons de choses, plus nous nous éloignons de l'ignorance et réduisons les risques d'erreur. Inversement, plus nous sommes dans l'erreur, plus nous avons besoin d'apprendre et plus le cheminement est long jusqu'à la réussite. D'où cette idée qu'on apprend plus du fait de ses erreurs que de ses succès.

 

             D'un point de vue strictement logique en effet, quand nous réussissons quelque chose, c'est que nous avons atteint le but que nous nous proposions, donc plus rien à apprendre. Enfin, on apprend plus de ses erreurs parce qu'on a souvent besoin de les comprendre pour accepter ou bien trouver leur solution, ce qui représente en soi un surcroit de travail.

 

             L'apprentissage procède par essais et erreurs parce que la compréhension et la connaissance ne s'obtiennent pas de manière instantanée, la plupart du temps. En effet, plus un apprentissage est complexe, plus il est susceptible de susciter des erreurs de la part des apprenants.

 

             Tout cela signifie que les erreurs sont indispensables et formatrices en quelque sorte. Elles sont le négatif des connaissances manquantes.

 

             Entre l'intention d'apprendre et la fin d'un apprentissage, il y a de nombreux processus et pas seulement ceux consistant à assimiler purement et simplement des savoirs, comme on l'a vu. Pour toutes ces raisons, la plupart des apprentissages sont progressifs et procèdent par ajustements successifs aux objectifs. C'est aussi pourquoi il est souvent nécessaire de fixer des buts et des sous-buts. On dit aussi que l'important est de tirer les bonnes leçons des échecs notamment.

 

             Toutes ces vérités ont néanmoins du mal à s'imposer dans le milieu scolaire où la performance et la compétition l'emportent systématiquement sur toute autre considération.

Ceci aboutissant à culpabiliser les élèves ne réussissant pas ou moins bien que les autres, en confondant leurs résultats avec leur intelligence, notamment. Ainsi les préjugés courants veulent que les bons élèves ont des bonnes notes et les mauvais des mauvaises notes. Or cela n'est pas toujours vérifiable. Autrement dit des élèves intelligents, voire surdoués, peuvent tout à fait être en difficultés au niveau de leur résultats scolaires. On le sait et ce n'est pas qu'une question de maîtrise émotionnelle mais peut-être surtout d'investissements affectifs et de relations comme c'est évoqué plus haut.

 

             L'affirmation qu'on apprend plus de ses erreurs que de ses succès, est parfaitement congruente enfin avec les thèses freudiennes. En effet, toute la psychanalyse n'est d'une certaine manière que l'histoire de ce qui échoue, manque ou fait défaut dans les processus psychiques menant le petit animal humain au statut d'adulte. Ceci particulièrement dans les processus de symbolisation résultant de l'accès au langage, on pourrait d'ailleurs dire aux différents langages, par extension, les matières enseignées aux élèves pouvant être considérées comme autant de "langages".

Tous les lapsus, oublis, actes manqués et mécanismes de défense, ont comme on le sait, une signification inconsciente au sens freudien, notamment.

 

             C'est pourquoi on peut parler des innombrables erreurs, illusions etc… sur la base desquelles se construit la personnalité, et que la psychanalyse s'est donné pour rôle de dévoiler.

 

             La formalisation du psychisme, comme nouveau paradigme, et de l'inconscient en particulier, a bouleversé comme on le sait, les paradigmes antérieurs concernant la Raison Universelle de Descartes et Malebranche, notamment. Autrement dit, en révélant que "le Moi n'est pas le maître dans sa propre maison", Freud n'a-t-il pas mis au jour l'erreur fondamentale commise en permanence par le moi ? De même quand il affirme que "L'Homme n'a rien de mieux à faire qu'essayer d'être en accord avec lui-même", ne nous invite-t-il pas à "chercher l'erreur" et à comprendre ce qu'il en est exactement de la rationalité humaine ?

La révélation des erreurs et illusions humaines est bien ainsi le leitmotiv majeur de la psychanalyse, c'est dire si pour la psychanalyse, on apprend bien plus de nos erreurs que de nos succès.

 

              Enfin, on remarquera que cette dernière assertion de Freud est congruente avec la théorie des brouillons de pensée de Daniel Dennett.

Les travaux de ces auteurs montrent que la Raison n'est pas une ou unique comme les anciens le croyaient, mais que plutôt que la conscience est constituée de processus complexes et parfois contradictoires.

 

Voir le site:

 

http://www.psychologue--paris.fr

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<<: j’avoue que votre Thèse suscite d’importantes questions sur la façon de faire quant à notre méthode d’apprentissage de tous les jours. Je pense que la Découverte, dans tout domaine de connaissance, est le résultat de l’étonnement. Autrement dit, l’ignorence et les limites de la connaissance, de ses connaissances, poussent les hommes à la recherche afin de combler ce vide en soi. Seulement, faudrait-il que le concerné, pour être plus concret, soit conscient de ses limites. cela veut dire qu’il faudrait, dans une situation d’apprentissage, amener les élèves à prendre conscience de leurs manques à partir de leurs erreurs, ce qui susciterais un désire d’apprendre. Merci de votre sagesse! >>

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