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Les émotions

obstacle ou source d'énergie vers l'autre ?

 Marie Françoise Bonicel

Article paru dans: Le journal de la Paix dossier " au coeur des émotions du monde" n°502 Dec.2008

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Faire pousser la paix, c'est faire pousser la compréhension, le dialogue, la communication et non la violence ". Stephan Hessel

             C'est pour tendre vers cet objectif qui caractérise le mouvement Pax Christi, que je propose de mettre en perspective quelques repères théoriques essentiels et d'orienter le projecteur sur celles des émotions qui peuvent jouer un rôle particulier dans cette dynamique de paix pour un monde moins violent.

 

Que savons-nous des émotions ?

             Parmi les définitions colorées par leur époque et leur posture idéologique, je m'appuierai volontiers sur celle-ci. Elle offre l'avantage de présenter un visage de complexité, dans une alchimie entre intérieur et extérieur, corps et psyché, soi et l'autre.

 "Une émotion est la résultante de manifestations psychiques impliquant l'inconscient avec des retentissements corporels (neurovégétatifs, voire moteurs), largement involontaire et induite par une réactivité personnelle à des événements intérieurs ou extérieurs à soi-même." Philippe Clémençot, praticien en développement personnel et professionnel

 

             Les classifications consensuelles retiennent le plus souvent les émotions de base comme la joie, la surprise, la peur, la colère, le dégoût, la tristesse ,( Définies par l'anthropologue Paul Ekman ) et indiquent qu'elles seraient à peu près universelles avec des manifestations de mimiques reconnaissables, tandis que d'autres auteurs déclinent des émotions dites " secondaires " qui seraient la combinaison d'émotions primaires, comme la honte, croisement de la colère et du dégoût, ou la compassion, plus rarement citée.

             C'est ici l'occasion de rappeler que la frontière entre l'émotion et le sentiment est parfois ténue, marquée notamment par la notion de durée ; l'ambigüité du langage commun le traduit bien en parlant de " sentiment de tristesse " ou " sentiment de joie " et Antonio Damasio opère à ce sujet une distinction peu courante en évaluant l'émotion comme la partie émergée de l'iceberg des sentiments qui eux, sont intériorisés.

 

Les émotions, un territoire partagé avec l'animal

 

" Le sentier qui mène au-dedans et celui qui débouche sur l'extérieur font une seule et même voie " René Girard

             Selon les époques, la littérature, les grands textes mythiques ont valorisé l'émotion tandis qu'au quotidien de la vie, la famille, l'école, tendaient à en dénoncer les effets pernicieux.

Sartre, pourtant peu enclin à se faire un parangon de vertu, y voyait encore en 1960, le lieu du désordre. La publicité et les medias ont su, quant à eux, en mobiliser le formidable réservoir énergétique, et les grandes affaires judiciaires, sociales, ou les réactions aux catastrophes naturelles montrent l'impact de l'utilisation consciente ou pas de cet inépuisable vivier.

 

             Réaction spontanée à l'environnement, l'émotion, contrairement aux sentiments -du moins semble t'il -, est partagée avec l'animal. A ce titre, elle divise depuis toujours, philosophes, psychologues et depuis ces derniers temps, les spécialistes des neurosciences, qui armés des dernières ressources de l'imagerie médicale, valident ou invalident les interprétations selon les idéologies sous-jacentes qui les mobilisent ou les avancées technologiques.

             Les connaissances, acquises à l'occasion des lésions désormais observables, chez les traumatisés crâniens, permettent de mieux déterminer la localisation des émotions, leur circulation dans le cerveau mais aussi d'observer les mécanismes compensateurs que l'organisme humain développe ou non pour en pallier les désordres.

 

             Mais les émotions, qui pour certains sont les vestiges du cerveau reptilien, ne se contentent de suivre les circuits limbiques ou de stimuler l'amygdale où siège aussi la mémoire émotionnelle. Elles infiltrent les sentiments et les passions, qui eux s'inscrivent dans la durée en associant les représentations issues du néocortex. Elles marcottent dans le champ du désir et de l'envie, ramifient dans celui des croyances et des idéologies, essaiment, brouillent et vivifient celui de la raison.

 

Un modèle possible d'interactions entre cognitif et affect

 

             Les interactions cognitivo- émotionnelles sont alimentées par la part objective de ce qui déclenche l'émotion ( le fait ou la situation) affectées par l'imaginaire individuel ou collectif chargé d'expériences antérieures, de l'histoire de l'individu ou du groupe, qui agissent sur les représentations de ces faits ou de cette situation . Le registre rationnel est ainsi traversé par ces dimensions affectives et émotionnelles et va lui-même réagir sur les autres plans dans un système de boucle qui en fait des partenaires totalement imbriqués.

             Selon les situations, individuelles ou collectives, selon le contexte, il est possible d'agir à l'un ou l'autre des points de jonction.

- agir sur les somatisations dans une situation de stress

- décoder les différents niveaux de langage

- proposer des lieux de médiations, des espaces de parole, mettre des mots sur les émotions individuelles ou collectives afin de réintroduire du lien

- faire évoluer les représentations par la formation, l'enseignement, une éthique des medias…

             Si les émotions semblent être constituées d'un socle commun, avec quelques universaux d'indices ou d'expression, elles vont cependant se manifester différemment en fonction de critères culturels et sociaux , d'âge, de pays ou d'époques et ne nous donnent pas pour autant la clé de ce qui se passe chez l'autre. C'est une des raisons pour lesquelles, l'illusion selon laquelle " on se comprend à travers nos émotions " doit être relativisée par une mise en mots qui permette d'en décoder le sens.

 

             Le psychanalyste Serge Tisseron nous invite lui, à débusquer les pièges du " ressenti ", vécu comme gage de vérité . A la lumière des théories du développement de l'enfant et de la psycho-généalogie nous savons en effet, que les émotions se constituent à partir de nos expériences actuelles mais s'enracinent dans des situations originaires, le plus souvent oubliées, parfois même issues de transmissions transgénérationnelles inconscientes. (Voir ex colère)

 

 

La colère, à la croisée des chemins

             Si une situation déclenche une réaction de colère (travail non rendu par un collaborateur, affrontement de couple sur un sujet qui fâche, injures reçues dans la cour de récréation, mauvaise foi …), elle peut conduire le sujet à un passage à l'acte (violence verbale ou physique, partir en claquant la porte, jeter ses papiers à la tête du gendarme qui verbalise, démissionner…), en tout état de cause, couper la relation. Quels enjeux dans cette manière de faire souvent disproportionnée avec l'élément déclencheur ?

             Le bébé, fait l'impasse et pour cause sur le langage pour dire l'indicible : la colère est le chemin pour faire entendre sa détresse ; certains adultes ne trouvent encore que ce chemin là pour faire entendre leurs besoins et il serait judicieux que nous puissions discerner en nous les traces de ces émotions originaires, afin de ne pas s'installer dans une répétition compulsive. Il peut nous arriver aussi d'être habité par cette émotion qui est en fait une formation réactionnelle face à des sentiments, affects, désirs inavouables. L'agressivité que nous pouvons éprouver à l'égard d'autrui, mais que nous ne nous m'autorisons pas à exprimer -et même à imaginer- pour des raisons éducatives, morales, religieuses, trouvera un chemin de choix dans la colère avec un cortège de violence, physique, verbale ou des passages à l'acte anodins ou graves, y compris contre soi, ou des somatisations .

             Pourtant, la colère n'est ni bonne, ni mauvaise en soi, elle est ajustée ou non à la situation.

Si elle est répétitive et destructrice, c'est probablement que la situation fait émerger des situations plus archaïques d'impuissance, de peur, d'abandon, de honte ou d'injustice, et mérite vigilance.

             Si elle est source d'énergie pour l'action et le maintien du lien, elle n'a pas lieu d'être censurée. La colère initiale peut ainsi s'orienter dans une autre direction. Le sujet peut prendre du recul, garder l'énergie, la vitalité de cette émotion et la transformer en réflexion et action créatrice : réaffirmer ses exigences de responsable ou de conjoint, exprimer ses attentes, écrire pour protester contre la verbalisation jugée injustifiée etc. : socialiser sa colère et garder vivante la relation. (Voir article Reforme n° 3274 juin 2008 " De la bonne violence du Christ "

 Emotions collectives

             Ce qui se passe au niveau individuel et dont je ne donne ici qu'un bref aperçu, se complexifie dans le registre du groupe et bien plus encore dans les manifestations collectives qui relèvent de la psychologie des foules. Car le groupe, petit ou grand, n'additionne pas seulement les inconscients ou les manifestations physiques des personnes qui le composent. A la lumière de la psychanalyse, nous savons la porosité des inconscients et la collusion de ses composants dans des phénomènes de groupes où agissent les résonances fantasmatiques groupales et les représentations collectives.

             Par ailleurs, les connaissances récentes de la biologie nous permettent de comprendre les réactions physiologiques " contagieuses " par le biais du système hormonal et qui sont mobilisées dans la peur, la colère, l'agressivité ou la sexualité. L'association du cognitif, de l'affectif et de l'émotionnel avec ses composants physiologiques et culturels constitue ainsi un cocktail trop souvent détonant et nous en connaissons les effets aussi bien dans les quartiers difficiles, que dans les stades ou dans les rangs de ceux qui n'hésitent pas à se laisser emporter dans la violence anti-OGM ou dans la mise à sac d'un Macdonald.

 

             Dans ce qui génère ainsi des émotions collectives, notamment par petit écran interposé, on observe aussi que l'émotion suscitée par les évènements qui défrayent la chronique génère des mécanismes d'identification, de contre-identification ou de projection, au niveau individuel, comme au niveau collectif.

             C'est ainsi que dans une affaire comme celle d'Outreau, les émotions produisent un mécanisme d'identification aux victimes ou à leur familles, ou au juge-justicier, et une expulsion projetée sur les " monstres " de tout ce qui en soi peut couver dans nos zones grises, sur un registre ou un autre, dans la logique du bouc-émissaire.

La joie collective s'embrase aussi de la même manière comme on le voit dans les fêtes, concerts, rassemblements spirituels ou libération d'otages, dans un même jeu d'identifications ou de contre -identifications au sein d'une éphémère illusion groupale.

 

             Dans ce que certains qualifient " d'émotions sociales ", la honte, par ses ambigüités, me parait être très intéressante dans le cadre de nos questionnements pour une amplification des conditions de la paix. Elle est en hausse dans les histoires de vie, ou du moins dans son expression et analysée largement dans les mouvements mémoriels de la déportation, de l'histoire de l'esclavage ou des exclus de la croissance. La peur d'avoir honte, qui est un régulateur interne, pare-feu de nos errances, est paradoxalement en baisse. Il faut y voir sans doute l'altération des repères, l'exhibitionnisme déculpabilisant des reality-shows, et l'absence de cadre structurant dans la vie éducative. C'est ainsi que des jeunes arrêtés après une " tournante ", la destruction de voitures ou un vol à l'étalage, ne semblent pas manifester de honte et encore moins de culpabilité, selon les acteurs judiciaires ou leurs éducateurs, ce qui ne les empêchera pas d'autre part de vivre la honte de la marginalisation de leur statut social. Bien des adultes sont eux aussi - regrettons le- " immunisés " contre la peur de la honte de leurs actes, et cette absence est une des nombreuses voies vers la violence.

 

Humaniser nos émotions pour les transformer en partenaires de la paix

"Que je ne connaisse plus d'autres tristesses que celle provenant d'un excès de bonheur ". F. Nietzsche

             Nous voyons bien que c'est la manière dont s'organise notre monde interne qui nous fait voir notre monde externe, et la distinction que font nombre de praticiens de la psychologie actuelle entre émotions positives et émotions négatives ne me parait pas pertinente .Toute émotion est positive dans le sens où elle remplit une fonction d'équilibre intérieur et d' ajustement à l'environnement.

             L'émotion est là, mais comment en faire bon usage? Les émotions sont un prodigieux réservoir d'énergie. Elles peuvent diminuer ou assurer notre vigilance pourtant bien utile face aux dangers .Elles nous font accéder à l'art, elles gardent vif notre capacité désirante mais elles peuvent aussi nous couper de l'autre, quand leur irruption brutale, fracture le lien. Elles mobilisent nos capacités à agir, à apprendre, à nous indigner, nous ouvrent à la sympathie ou nous replient sur nous- mêmes.

             Nous savons comment les tentatives de maîtrise extrême des émotions peuvent avoir des effets très pervers. La fameuse injonction "perinde ac cadaver " qui a fait une des force des Jésuites, a aussi ouvert la porte dans des formulations moins latines, à des manipulations de soumissions collectives nécessitant un véritable clivage interne pour survivre dans des postures de bourreaux, de complices ou de victimes anesthésiées.

             Censurer ou dénoncer la violence ne fait que la redoubler, parce qu'elle est un langage, un signe d'alerte, un symptôme… qui demande à être entendu. Une vie sans violence n'est pas concevable, ne serait-ce que parce que la mort - violence radicale - en est fondatrice. Il convient de la penser comme une énergie vitale qui affecte l'âme, la psyché et le corps, et qu'il faut savoir interpréter non pour s'en libérer, mais pour en garder le bénéfice dans une mobilisation d'énergie pour une action créatrice et pas seulement pour une libération cathartique.

             Beaucoup de violences dites " de situation ", expriment ainsi l'énergie d'une rencontre impossible ouvrant sur une désaffection du lien. Mais voilà : comment transformer l'explosion ou la peur qu'elle inspire en " rencontre ", dure mais féconde ? C'est cela même qu'il s'agit d'inventer pour rétablir une relation au quotidien de nos vies, comme dans les responsabilités des institutionnels.

 

" C'est en faisant croître la lumière que l'on triomphe de l'obscurité et non en lui livrant combat " Charif Bouzouk, philosophe kabyle

             Certains auteurs ont mis en valeur la compassion comme émotion sociale et pas seulement individuelle. Elle se révèle être une des voies possibles pour aller vers les autres, s'investir dans des actions collectives, dépasser sa peur pour signer une autorisation de don d'organe, défendre une cause humanitaire et nous entrainer vers un monde plus pacifié.

             Et la joie, individuelle ou collective ? Selon les travaux de recherche il semble qu'elle soit plus facilement observable dans les sociétés plus centrées sur l'être, mais non dans les ilots de pauvreté de nos sociétés de bien-être matériel que la richesse environnante renvoie à l'injustice. Et pourtant, elle est l'enfance retrouvée, elle ouvre à l'altruisme, à la créativité et à la motivation à agir, et constitue comme la compassion, un antidote possible aux forces de la nuit.

             Nous avons vu que au-delà de l'émotion, c'est ce qu'elle provoque en nous et chez l'autre, et ce que nous en faisons qui va colorer la relation avec soi, avec l'autre, ou avec le monde.

             S'en protéger, ce serait pour les hommes, " calfeutrer les interstices par où la vie peut les atteindre " selon l'expression du théologien Jean Sulivan, et s'installer dans une hibernation du cœur bien sclérosante. Les censurer, les refouler, c'est prendre le risque de les voir ressurgir masquées.

" En renforcer les berges ", selon l'expression de Serge Tisseron, c'est au contraire ouvrir un possible chemin vers l'autre et les autres, dans une relation vivante mais plus apaisée.

 

" Le poète a toujours raison écrivait Aragon ". Laissons-lui le dernier mot.

 

Il meurt lentement

Celui qui évite la passion

Et son tourbillon d'émotions

Et celles qui redonnent la lumière

Et réparent les cœurs blessés

Pablo Neruda

En savoir plus :

 

Antonio Damasio .Spinoza avait raison. Joie et tristesse, le cerveau de nos émotions .Odile Jacob .2003 .

François Lelord et Christophe André. La force des émotions ; Amour, colère, joie. Odile J Jacob .2001

Olivier Luminet .Psychologie des émotions. Confrontation et évitement. De Boeck, 2002.

L'association Pax Christi International   

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Commentaire

Réaction

<<Maîtriser ses émotions, c’est nier son réel (intérieur)au profit de la réalité (extérieur). Depuis que nous sommes enfants, nous avons été formatés autant que faire se peut à cette maîtrise.Un garçon ne pleure pas, la colère n’est qu’un caprice etc... Un monde socialement polissé où il n’est pas bon de montrer ce que l’on ressent.En effet, nous ne pouvons sans cesse laisser libre cours à l’expression de celles-ci que je différencie de la maîtrise. >>

<<Curieux ... il y a 40 ans lorsque nous entrions dans une entreprise, nous étions formés à laisser notre personnalité à la porte et endossions notre rôle sans état d'âmes. Les "émotions" ont pris une place prépondérante dans les relations humaines, au travail, comme dans la vie privée, ou vie publique si l'on observe nos politiciens. Que pensez vous de ce que j'ose appeler "dérive comportementale" ???? >>

<<L'émotion est un paramètre important dans le comportement humain. Les publicitaires l'ont bien compris. En jouant sur le côté émotionnel, on capte beaucoup plus l'attention. Les réactions émotionnelles sont mieux gravées dans la mémoire. C'est important pour faire passer un message que l'on souhaite durable. Maitriser son émotion, c'est autre chose. On peut néanmoins y travailler. >>

<<Maîtriser ses émotions : un joli challenge qui reste pourtant accessible à tous... (ça c'est la bonne nouvelle). Puisque nos émotions forgent nos pensées, et que nos pensées construisent notre représentation du monde ainsi que notre relation au monde (et aux personnes qui l'habitent), il me semble essentiel de développer ces capacités. Malheureusement les approches "psy" ou spirituelles qui peuvent aider les individus à maîtriser leur émotions (avec des outils vraiment très simples) sont encore trop mal perçues en France. Les connotations "thérapeutiques" et "religieuses" sont des barrières solides qui ne permettent pas à ces techniques de franchir la frontière de l'entreprise. C'est bien dommage car tous et toutes auraient à y gagner, y compris les enterprises elles-mêmes. >>

<<Les comédiens qui travaillent pour les entreprises font travailler avec l'émotion. Ils tentent de faire comprendre nos comportements relationnels sous l'angle de cette émotion. En revanche, certains stagiaires sont réfractaires à cette approche du comportement par le travail sur l'émotion. >>

<<Le travail sur les émotions met à nu... c'est un peu comme demander aux personnes de se déshabiller, clairement ! >>

<<je pense que l’émotion est la petite flame qui fait vivre un coeur bon, sans elles on pourra pas ressentir le monde ni le sentiment de l’autre.>>

 
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