Ainsi,
s'agissant de l'analyse des pratiques
professionnelles en formation d'enseignants,
les résultats de l'observation sur une
année des groupes d'analyse de pratiques
proposés à l'IUFM de Bretagne
conduisent notamment à constater que
l'analyse des pratiques permet aux enseignants
stagiaires de construire des " principes
organisateurs de pratiques ". Dans
l'activité professionnelle, les enseignants
stagiaires développent des façons
d'agir " sur le tas ", dans
l'immédiateté, dans l'instant de la
situation (qui ont souvent un statut
d'imprévu). Bien souvent d'ailleurs, ces
pratiques sont des formes d'ajustement particulier
des choix effectués en amont qui
s'avèrent, dans l'instant de leur mise en
uvre, inadéquats et nécessiter
une adaptation (le public n'étant pas, par
exemple, dans les dispositions souhaitées ou
prévues,
). Ces " trucs de
métier " ont pour particularité
d'être produits dans la situation et donc
d'être efficaces dans l'instant mais rarement
reproductibles à l'identique dans d'autres
situations, car ils sont adaptés à
des contextes particuliers. Ce que permet
précisément l'analyse des pratiques,
c'est d'offrir un espace de mise en mots de ces
pratiques spontanées qui, sans ce lieu de
parole, resteraient souvent incorporées
à l'action, c'est-à-dire non
identifiées par leurs auteurs. L'analyse des
pratiques permet ainsi de les identifier mais
aussi, par le travail d'échange collectif,
d'en saisir les tendances communes, les principes
qui les organisent, ces derniers étant
utiles pour développer d'autres pratiques de
retour en situation professionnelle. C'est ce que
nous entendons par " principe organisateur des
pratiques ", il s'agit de " règles d'action
" régissant les pratiques professionnelles
et susceptibles d'en générer d'autres
(par exemple, " il faut se mettre en scène "
: ce principe est exprimé par certains
stagiaires après avoir analysé des
moments d'interaction avec la classe qui avaient
posé problème).
Par ailleurs, dans
cet ouvrage, une réflexion est conduite,
sur le bien-fondé (ou non) de l'utilisation
du vocable " professionnalisation " à
l'égard des métiers de
l'enseignement. En effet, lorsque l'on parle de
professionnalisation, l'évaluation de
l'efficacité du travail n'est plus
très loin. Or, la conception de
l'efficacité du travail et les
méthodes pour l'évaluer ne sont
probablement pas les mêmes selon que l'on
s'intéresse à un métier de
l'humain (cas de l'enseignement) ou à un
métier de l'industrie (par exemple).
L'efficacité de l'action est une expression
qui peut devenir rapidement suspecte lorsqu'on
aborde l'enseignement, sans doute parce qu'elle
évoque l'idée de rendement, de
productivité, et, au-delà, le risque
de hiérarchiser les institutions, les
individus et les pratiques en fonction de leur
efficacité supposée.
Enfin, la
question est posée dans cet ouvrage de
savoir si la professionnalisation constitue une
thématique renouvelant les pratiques de
formation et de travail ou si elle réside
davantage dans un effet de mode. De ce point de
vue, quels enjeux est-elle susceptible de servir et
pour quels acteurs ? Au travers des exemples
développés dans l'ouvrage, il semble
bien que la professionnalisation relève
avant tout d'une intention sociale et que, de ce
fait, elle fasse l'objet d'une charge
idéologique forte. Cette thématique "
chargée " renvoie, au final, à des
enjeux qui se différencient en fonction des
groupes d'acteurs qui la promeuvent.
Ainsi, lorsque
c'est une institution ou une organisation qui
développe un discours sur la
professionnalisation de ses acteurs (par exemple
l'Education Nationale, au travers des IUFM), on
constate que l'enjeu dominant réside souvent
dans une volonté institutionnelle de "
mise en mouvement " des acteurs qui la
composent, c'est à dire un enjeu
d'évolution continue des individus et des
activités aux transformations
jugées nécessaires du travail. Il y a
ici un paradoxe qui n'est alors qu'apparent en
dernière analyse : invoquer la
professionnalisation n'a pas pour intention
première d'uvrer à la
redéfinition des contours d'une profession
de manière à stabiliser celle-ci dans
un nouveau format mais a plutôt pour
intention de mettre en mouvement continu les
acteurs, de les mettre en situation d'incorporer
les enjeux de changement édictés par
l'institution. Cette logique ne
relève-t-elle pas, au fond, d'une nouvelle
forme d'exigence au travail?
On comprend alors
pourquoi le thème de la professionnalisation
entre de plain pied dans un débat social
duquel il ne peut être absent.
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