PRATIQUES DES
ÉLÈVES, PRATIQUES DES
ENSEIGNANTS Gérard
Vergnaud
La
pratique est à la fois source et
critère de la connaissance. Ceci vaut
aussi bien pour les élèves et pour
les enseignants.
Mais la portée et la signification
n'en sont pas exactement les mêmes dans les
deux cas, pour la raison principale que la
pratique de l'enseignant est une pratique
professionnelle, dans laquelle la
majorité des activités sont
maîtrisées, tandis que la pratique
de l'élève vise majoritairement le
développement de nouvelles
compétences. Cela ne signifie pas bien
sûr que l'élève ne dispose pas
de compétences fiables pour certaines
classes de situations scolaires, ni que
l'enseignant ne développe pas de nouvelles
compétences dans l'exercice de sa profession
:
Toute activité est
à la fois productive et
constructive : productive d'effets
immédiats sur l'environnement
extérieur matériel et social
; constructive d'effets à long
terme sur les ressources personnelles du
sujet acteur.
Les conséquences de cette attention
particulière accordée à la
pratique sont importantes pour la
didactique. -
Il est essentiel
également
d'analyser la professionnalité des
enseignants à partir de leur pratique, et
pas seulement de leurs
diplômes.
Ces remarques
concernent toutes les activités
d'enseignement et
d'apprentissage
: mathématiques, compréhension de
textes, récit, éducation physique et
sportive, musique, observation, enquête,
relation à autrui, affectivité et
dialogue
Cela suppose qu'on analyse le
mieux possible le contenu conceptuel,
explicite ou implicite, des situations
proposées et des activités
sollicitées. Les raisons
théoriques de ce
déplacement des
préoccupations pédagogiques
vers la pratique peuvent être
résumées de la
manière suivante : 1- La
connaissance est adaptation. Or ce qui
s'adapte ce sont des schèmes,
c'est-à-dire des formes
d'organisation de l'activité ; et
ils s'adaptent à des situations.
Ceci est vrai pour le bébé,
pour l'élève, pour le
professionnel. 2- Ce
qui est premier dans la connaissance,
c'est sa forme opératoire,
c'est-à-dire celle qui permet de
faire et de réussir. D'ailleurs
dans le travail et dans l'école, on
recourt de plus en plus à
l'évaluation des
compétences, même si on
ne sait pas encore très bien
conduire cette évaluation, faute
d'outils reconnus.
Le
développement des
compétences demande du
temps
: entre les premières
acquisitions et la maîtrise relative
d'un domaine, il se passe des
années ; de telle sorte que
l'enseignement doit prendre comme
échelle de temps, non pas la
leçon, ni la semaine ou le mois, ni
même l'année scolaire, mais
la longue durée de
l'appropriation des
compétences.
Pour prendre un seul
exemple,
la compréhension des
structures additives et
multiplicatives,
c'est-à-dire des relations
entre grandeurs et entre
transformations des grandeurs,
recouvre une bonne dizaine
d'années, depuis les
premières acquisitions des
enfants de 5 ans, jusqu'aux
acquisitions des
élèves de
lycée (d'ailleurs jamais
acquises par une proportion
notable d'adultes). Les
recherches montrent en outre de
grandes différences entre
individus dans les étapes
de ce
développement.
On n'a jamais fini d'apprendre,
justement parce qu'on apprend par
l'expérience, et donc par la
pratique. Mais l'expérience ne
s'oppose pas à la formation
initiale et à la formation continue
: elles permettent de donner un autre
statut à l'expérience, et
ouvrent aussi des possibilités de
tirer un meilleur profit de
l'expérience ; à condition
de ne pas oublier que la formation est
aussi une question de pratiques et de
situations
-
Il est en effet
essentiel,
dans l'enseignement, d'offrir aux
élèves des situations qui les
conduisent à construire de nouvelles
formes d'activité, par des prises
de conscience personnelles et avec l'aide de
l'enseignant.
<<J'ai
trouvé avec plaisir sur votre
site les références
à Vygotski (bouquin de Vergnaud,
article dans l'Huma...). Puis-je me
permettre une suggestion ? Je ne sais
pas si vous connaissez Michel Brossard,
prof émérite de psycho
à Bordeaux II, et grand
vygotskien (par exemple, chapitre dans
"Avec Vygotski", ouvrage collectif
dirigé à La Dispute par
Yves Clot, entre bien d'autres...),
fondateur du labo de psycho de cette
université et de l'équipe
de psychologie des apprentissages qui a
été la matrice d'une
équipe de chercheurs en
enseignement / apprentissage du
français dont je suis
aujourd'hui le responsable. Michel
Brossard a publié en Avril
dernier aux Presses Universitaires du
Septentrion un ouvrage intitulé
"Vygotski - Lectures et perspectives de
recherches en éducation", suivi
d'un inédit de Vygotski, traduit
par O. Anokhina, du CNRS. Je ne me
souviens plus si vous l'avez
signalé, mais dans la
négative, je crois qu'il serait
très utile de le faire, et je
peux vous servir
d'intermédiaire. Pour vous
donner idée de la teneur de
l'ouvrage, voici un fragment de la
quatrième de couverture :
"L'auteur ne cherche pas ici à
"résumer" la pensée de
Vygotski mais à la questionner.
Après avoir
présenté quelques unes
des thèses de la théorie
historico-culturelle, il examine avec
soin les arguments qui permettent
à Vygotski d'affirmer que les
apprentissages devancent le
développement. Suivant le fil de
la pensée de Vygotski, il
s'efforce de montrer combien il est
éclairant de replacer la
question des rapports entre
apprentissage et développement
dans un cadre historique. Les concepts
de situation scolaire, de contexte, de
recontextualisation, de
conceptualisation en situation scolaire
permettent d'approfondir et
d'opérationnaliser les
thèses et hypothèses
proposées par Vygotski." Nous
avons publié plusieurs
d'ouvrages collectifs : "Apprendre
à l'école - Perspectives
Piagétiennes et Vygotskiennes",
dirigé par Brossard &
Fijalkow, "Apprentissage,
développement et
significations", que j'ai
dirigé, aux Presss
Universitaires de Bordeaux. Je suis
à votre disposition pour vous
communiquer sur tous ces travaux toutes
les informations et documents qui vous
sembleraient pouvoir figurer avec
profit sur votre site.Bien
cordialement>>JP. B