En
1948 à Boston (USA) un groupe
d'examinateurs de l'enseignement supérieur
se réunit autour de Bloom dans l'intention
modeste d'élaborer un document de travail
simple permettant de classer les questions
d'examen. A la suite de travaux plus importants fut
publié en 1956 le premier ouvrage sur la
question, intitulé "Taxinomie des
objectifs pédagogiques".
A l'origine la taxinomie est la
"science des lois de classification des
formes vivantes" (Robert), par
classification en général, puis le
résultat même. L'extension de
l'Informatique, l'apparition des ordinateurs, la
scolarisation de nouvelles couches de jeunes ont
contribué au développement de
l'étude de ces questions.
L'ouvrage de Bloom obtint tout de suite un
grand succès et contribua au
développement de nombreuses études,
suivies par la publication de nouvelles taxinomies,
dont la liste n'est sûrement pas close
aujourd'hui et dont Gilbert et Viviane De
Landsheere ont fait une étude
détaillée dans leur ouvrage
"Définir les buts de
l'Education".
NOTIONS SUR
QUELQUES TAXINOMIES
Dans son livre Bloom tente d'élaborer
une taxinomie des objectifs pédagogiques
en vue d'une classification des buts du
système éducatif, afin
d'évaluer les problèmes de
l'éducation, de préparer les
programmes scolaires, de préparer les
exercices d'apprentissage.
L'enseignant se
trouve souvent confronté aux questions
fondamentales suivantes :
1) Quels
buts ou objectifs pédagogiques
l'école (ou le cours) doit-elle se
proposer d'atteindre ?
2) Quel
apprentissage permettra d'atteindre les buts
proposés ?
3) Comment
prévoir les expériences
d'apprentissage dans une succession logique et
continue pour aider l'élève
à les saisir autrement que comme des
expériences isolées ?
4) Comment
mesurer l'efficacité des
expériences par le recours aux examens et
autres procédés
systématiques de contrôle
?
La taxinomie de Bloom apporte quelques
lumières sur ces questions. En voici un
résumé succinct.
Pour des raisons
purement didactiques, Bloom distingue et
sépare trois domaines (affectif, cognitif et
psychomoteur).
Dans le domaine cognitif (ensemble
des activités relatives au rappel des
connaissances, â l'exercice de la
pensée, à la résolution des
problèmes, à la création), le
premier exploré, il considère 6
catégories plus ou moins nettement
hiérarchisées.
1)
Acquisition des connaissances (par exemple :
connaissance de la terminologie, connaissance
des principes et des lois).
2)
Compréhension (dans un sens assez
restreint, par exemple : capacité de
transformer du matériel
mathématique verbal en
énoncés symboliques et
vice-versa).
3)
Application
4) Analyse
(objectifs qui requièrent une application
non routinière de concepts).
5)
Synthèse (production d'une oeuvre
personnelle).
6) Evaluation
(formulation de jugements sur la valeur du
matériel et des méthodes
utilisées dans un but
précis).
La taxinomie de Bloom a fait
prendre une conscience nouvelle et
très vive de l'énorme
place que l'enseignement continue
à réserver à la
connaissance (mémorisation ) et
de la très faible stimulation
des processus cognitifs
supérieurs.
|
Bonora (5. 3 p. 177) remarque :"La taxinomie
de Bloom présente l'avantage important
d'être un instrument assez clair et exhaustif
entre les mains des divers spécialistes
susceptibles de l'utiliser pour communiquer entre
eux, pour construire un programme scolaire, une
séquence d'enseignement ou un instrument
d'évaluation".
Pourtant
certaines insuffisances ont été
relevées.
Il semble difficile de trouver des exercices
spécifiques à chaque
catégorie, même dans un domaine de
stricte connaissance, de fait les catégories
présentent un certain flou et ne s'excluent
pas toujours mutuellement, ce qui permet à
Hutin (H p. 36) d'indiquer : "Il est en effet bien
difficile de distinguer, dans certains cas, ce qui
est connaissance de ce qui est
compréhension. Peut-on dire d'autre part
qu'il y a compréhension sans qu'il y ait
analyse ? Selon le plan d'ensemble de Bloom, le
savoir apparaît un peu comme les
éléments d'une machine. Or, les
différents aspects de la connaissance ne se
juxtaposent pas comme les pièces d'un
mécano. Il existe entre eux un
système très complexe de relations et
d'interpénétrations.
La théorie de Bloom est
peut-être utile sur un plan
général, pour l'élaboration
des programmes, mais il nous est apparu qu'elle
était difficilement utilisable pour
l'élaboration d'un test."
En outre certaines catégories peuvent
être mises en cause :"Des réserves
sont parfois exprimées à
l'égard de l'inclusion, dans la taxinomie,
d'objectifs correspondant à des processus
supérieurs, tels que "l'évaluation
critique", ces processus ne pouvant donner lieu
à des apprentissages scolaires.Cet argument
repose sur les deux hypothèses suivantes
:
- on ne
peut distinguer ces processus supérieurs
par rapport à l'intelligence
générale ;
- l'intelligence
étant une caractéristique
attachée à la personnalité
de l'individu, innée et constante, ne
peut être améliorée par
aucun traitement pédagogique.
Cette deuxième assertion est
très discutable, dans la mesure où
les courants actuels de la psychologie mettent
souvent en évidence le rôle essentiel
du milieu dans le développement de
l'intelligence, et on peut donc espérer que
l'école - qui est un élément
de ce milieu - contribue à
l'élévation du niveau intellectuel
des enfants qui lui sont confiés".(Bonora 5.
3 p. 178)
Signalons encore une critique
adressée à la taxinomie de Bloom :
celle-ci accorderait une place beaucoup trop large
à la connaissance (de mémoire) par
rapport aux processus mentaux
supérieurs.
Il faut noter que
Bloom avait par avance répondu à
certaines de ces critiques, très conscient
qu'il était des limites de son entreprise et
regrettant parfois l'utilisation de son instrument
pour un usage auquel il n'était pas
destiné.
A la suite de ces
réactions, quelques auteurs
s'engagèrent dans la voie qui venait
d'être tracée, certains pour
améliorer l'instrument de Bloom, d'autres
pour faire oeuvre plus originale dans le cadre
d'une conception plus théorique, ou au
contraire plus pragmatique.
Sans se vouloir exhaustif, on peut citer
deux taxinomies dont l'une (Krathwohl 2. 71, 1964)
intéresse plus particulièrement le
domaine affectif et l'autre (Harrow G, 1972) le
domaine psychomoteur.
En collaboration avec Bloom et d'autres
chercheurs, Krathwohl fait paraître en 1964
un ouvrage dont le titre "Taxinomie des objectifs
pédagogiques du Domaine affectif" indique
bien qu'il se
situe dans la ligne des travaux de Bloom. Voici les
catégories retenues :
1.
Réception (présence) Sensibiliser
l'élève à l'existence de
certains phénomènes et certains
stimuli, c'est-à-dire l'inciter à
les recevoir ou a y faire attention.
2.
Réponse: Réponses qui suivent la
simple attention prêtée aux
phénomènes. On souhaite qu'un
élève soit suffisamment
engagé dans un sujet, un
phénomène ou une activité
pour chercher à le découvrir et
avoir plaisir à l'approfondir.
3. Valorisation:
Comportement qui est assez solide et stable pour
prendre les caractéristiques d'une
croyance ou d'une attitude.
L'élève manifeste ce comportement
avec suffisamment de cohérence, dans les
circonstances appropriées, pour qu'on
estime qu'il détient une valeur.
Intériorisation d'un ensemble de valeurs
spécifiques idéales : Le
comportement est motivé,non par le
désir de plaire ou d'obéir, mais
par l'engage-ment individuel à la valeur
fondamentale déterminant le
comportement.
4. Organisation:
Organiser les valeurs en système,
déterminer les interrelations qui
existent entre elles, établir celles qui
sont dominantes et plus profondes.
5.
Caractérisation par une valeur ou un
système de valeurs: Les valeurs ont une
place dans la hiérarchie des valeurs de
l'individu. Elles sont organisées en une
sorte de système intrinsèquement
cohérent. Elles ont réglé
le comportement de l'individu assez longtemps
pour que celui-ci s'y soit
adapté.
Chacune de ces catégories comporte un
certain nombre de sous-catégories. Le
principal reproche fait à la taxinomie de
Krathwohl est que le caractère de grande
abstraction et grande
généralité qu'elle
présente rend malaisée son
utilisation pratique.
"
CONCLUSION
Si l'étude des objectifs
pédagogiques a pu ainsi se développer
dans de nouvelles directions, il n'en reste pas
moins qu'il est impensable d'isoler les objectifs
pédagogiques des objectifs
généraux de l'éducation,
problème à caractère social
qui ne concerne plus seulement les techniciens de
l'éducation, mais intéresse et enqage
l'organisation sociale dans son ensemble
Exemple:
Comment penser en effet que les objectifs
généraux définis pour
l'enseignement primaire belge à la fin du
19ème siècle, requièrent les
mêmes objectifs et les mêmes moyens
pédagogiques que les objectifs
généraux pour l'enseignement primaire
définis dans le même pays en 1936,
puis en 1973 ?
Objectifs
affectifs (1936) : 1) Exercer une action
éducative, stimuler des
intérêts, révéler des
valeurs, provoquer la libération
spirituelle et l'élévation de
l'âme.
2)
Préparer nos enfants au gouvernement de
leur pensée comme à celui de leur
conduite.
Objectifs
affectifs (1973) : Dix objectifs
classés dont :
3) Pouvoir
accueillir et orienter le changement.
10) Susciter la
créativité, la pensée
divergente, la liberté, la
disponibilité, la responsabilité,
la faculté de s'assurer,
l'engagement.
On pourra trouver une exposition plus
complète dans l'ouvrage de Gilbert et
Viviane De Landsheere (1-46 p. 50-53), lesquels
soulignent (p. 52) :
"Alors que 1897
a pour évident souci le respect de l'ordre
établi, l'acquisition des vertus
bourgeoises, le conformisme ou, si l'on
préfère, la convergence, 1973 marque
le triomphe de l'homme qui reste certes solidaire
du groupe social, mais se voit accorder le droit de
s'épanouir, de s'exprimer, de
contester".
Aussi c'est en dernière analyse un
problème de société que la
définition des buts de
l'éducation, et les psychologues et
chercheurs se s'y sont pas
trompés.
"Ou
l'éducation trouve-t-elle sa finalité
?
Au-delà de toutes les nuances, deux
courants de pensée se dessinent
nettement.
Pour
les uns, les buts de l'éducation
découlent (déductivement) d'une
conception arbitraire de l'homme, de ses
caractéristiques immuables, de sa "vraie"
nature, c'est-à-dire de sa nature
essentielle.
Pour les
autres, le but de l'éducation est la
conquête quotidienne du milieu mis en
service de l'individu et de la
collectivité. Dans cette perspective, les
buts ne se définissent pas
déductivement à partir d'un
principe ou d'une vérité
abstraite, mais naissent des
nécessités de l'action, de la
contingence.
Certains vont
même jusqu'à considérer que
l'identité entre les fins et l'action est si
étroite qu'une formulation explicite des
fins devient pratiquemment impossible
?...".
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