Qu'elle
soit liée à un parent ou à un
enseignant, l'autorité est devenue
rarissime, ce qui fait qu'elle est de plus en plus
recherchée. L'autorité parentale en
ce début du XXI° siècle est
devenue quasiment un mythe, qui brille par son
absence. Nous en parlons avec gravité, comme
d'un défunt, chacun regrettant sa
disparition, son inexistence, même si on en
critiquait (autrefois) les modalités
d'application.
Nous
la regrettons en évoquant sa disparition ou
sa rareté. Nous la critiquions au temps de
sa splendeur, dans un passé plus ou moins
lointain, touchant à l'enfance de ceux qui
ont largement dépassé le mitan de
leur vie.
Où
est l'autorité?
Nous
la recherchons sans toujours la trouver, nous
l'invoquons en espérant qu'elle n'a pas
totalement disparue. Nous tentons de la
ressusciter
mais elle semble se
dérober ou alors ses manifestations sont
décourageantes car trop
réactionnelles et inadaptées ou au
contraire si faibles qu'elles nous
désespèrent ! Nous faisons parfois
appel à des références
psychologiques, voire psychanalytiques pour
justifier à la fois sa
nécessité et son absence. Nous avons
la tentation d'avoir recours à des menaces,
pensant qu'elles seront plus efficaces que notre
impuissance, nous nous réfugions
derrière l'idée de sanctions pouvant
venir de la vie, de l'extérieur, de
école (pour les parents) des parents (pour
les enseignants), des services sociaux, de la
police (de proximité ou celle plus aveugle
des commissariats) ou encore, en désespoir
de cause, des juges, quand tous les autres moyens
semblent avoir échoués. Et nous nous
étonnons quand même de ne pas obtenir
plus
de résultats.
Autrefois...
Autrefois,
l'autorité parentale, était surtout
exercée par les hommes. Ces bribes de
pouvoir qu'ils détenaient, ils ne laissaient
à personne d'autres le soin de les exercer.
Les hommes qui pensaient, à cette
époque là avoir de l'autorité,
étaient surtout des pères, en
oubliant d'ailleurs le plus souvent d'être
des papas ! Le concept d'autorité (et toutes
les mythologies qui pouvaient s'y rattacher)
était assimilé à la
détention d'un droit qui justifiait
l'exercice d'un pouvoir fait de contraintes, de
coercitions ou même de violences possibles.
Les pères, détenteurs de
l'autorité parentale, étaient
censés détenir une force qui leur
donnait le droit de punir, de sanctionner, de
priver, de rejeter, de désavouer ou
d'obliger
Bien sûr les modalités
différaient d'un milieu socio-
économique à l'autre, mais on
retrouvait quelques points communs, avec entre
autres, un certain nombre d'obligations autour du
droit d'exiger et de devoirs à
assumer.
Et les principaux devoirs
à assumer étaient
· un devoir
de présence et de témoignage
des contraintes sociales.
· un devoir de
sécurité face aux besoins de
survie (nourriture, vêture, logement,
protection physique)
· un devoir
d'écoute et de respect par rapport
aux besoins relationnels d'un enfant (pourvoir
se dire, être entendu, être reconnu,
être valorisé, besoin
d'intimité, besoin d'influencer son
environnement et besoin de rêver
!).
Le
droit d'exiger, se répartissait autour de
différents droits que les pères
exerçaient de façon très
variables.
LE DROIT, LE DEVOIR ET LA
CAPACITÉ D'INTERDIRE ET DE SANCTIONNER
voire de punir. C'est-à-dire de provoquer du
désagrément chez l'enfant en lui
imposant des frustrations, à partir de
limites, de privations, d'interdits. En provoquant
parfois de la douleur soit physique (la fameuse
fessée) soit psychologique
(dévalorisation,
culpabilisation
) relationnelles
(isolation, mise en pension) censée donner
à l'enfant une " bonne leçon " pour
l'iciter à ne plus recommencer !
LE DROIT, LE DEVOIR ET LA
CAPACITÉ À RÉPRIMANDER,
c'est-à-dire d'exprimer fortement,
puissamment une critique, un jugement de valeur ou
un refus. Cela allait du "gronder " à "
engueuler !"
Sermonner, comparer,
évaluer ce qui aurait dû être
fait ou pas fait faisait partie de l'arsenal de
base de la réprimande.
LE DROIT, LE DEVOIR ET LA
CAPACITÉ DE MENACER, soit d'une
punition, d'une privation possible dans
l'immédiat, soit par un anathème pour
l'avenir, la promesse d'une punition et même
d'une catastrophe plus lointaine (ou même
divine) avec des perspectives de vie humiliante,
dévalorisante ou de
déchéance.
LE DROIT, LE DEVOIR ET LA
CAPACITÉ DE RÉCOMPENSER,
c'est-à-dire d'offrir certaines choses
agréables, de donner du plaisir (pas trop
quand même !) en anticipant ou en comblant
des désirs, des aspirations ou des demandes.
En promettant aussi des satisfactions à
venir, pour encourager à rester dans la
bonne voie !
LE DROIT, LE DEVOIR ET LA
CAPACITÉ À COMPLIMENTER, en
donnant à l'enfant le reflet d'une image
positive, en mettant en avant et en valorisant un
aspect particulier de sa personne, de son
caractère ou de son comportement. Mettre en
évidence une réussite, une
compétence, ou un résultat
particulier et même le donner en
exemple.
LE DEVOIR, LA
CAPACITÉ À SOUTENIR, INVIGORER,
DYNAMISER, en apportant un appui, une aide
spécifique ou en favorisant un climat, un
environnement stimulant, des encouragements et des
moyens concrets pour une meilleure
réussite.
Condition pour
l'exercice de l'autorité
Il
faut cependant rappeler qu'une autorité
(parentale ou pédagogique), pour pouvoir
s'exercer avec efficacité, doit d'une
certaine façon être reconnue,
validée par celui sur qui elle est
censée s'exercer. Il ne suffit pas
d'être habilité à avoir de
l'autorité (du fait de sa fonction, de son
titre, de son rôle ou d'un pouvoir reconnu),
encore faut-il qu'elle soit l'objet d'une
confirmation implicite ou explicite de la part de
celui sur lequel elle se dépose !
Sans
cette reconnaissance, l'autorité n'est que
du pouvoir qui ne peut s'exercer (provisoirement)
qu'à l'intérieur d'un rapport de
force favorable (à un moment donné)
à celui
qui l'exerce !
Le
fait d'être père, et aujourd'hui
mère, (car depuis des années,
l'autorité parentale a été
partagée légalement), ne suffit pas,
encore faut-il que les signaux envoyés
soient reçus et acceptés par
l'enfant. Si l'enfant méprise son
père, s'il le sent incohérent, s'il
ressent la faiblesse ou l'inconsistance de la
mère, s'il ressent trop la fragilité,
l'insécurité ou l'incompétence
(relationnelle surtout) de l'enseignant, autrement
dit, s'il n'a pas une confiance suffisante dans
leurs décisions, s'il ne peut se confronter
à un positionnement clair de leur part,
l'autorité est caduque, restera alors le
pouvoir (très relatif) du rapport de force,
de la menace ou de l'exclusion.
Avoir de
l'autorité c'est...
Peut
être faut-il rappeler, qu'avoir de
l'autorité, face à l'autre, signifie
être capable d'avoir une influence sur ses
comportements, ses conduites, sa façon
d'être, pour lui permettre d'être plus
lui-même, et de l'aider ainsi à
être, en quelque sorte, auteur de sa propre
vie en percevant mieux ses ressources et ses
limites.
Il
est toujours possible aux parents, à un
enseignant d'exercer du pouvoir,
c'est-à-dire d'établir un rapport de
force, cela au moins durant une certaine
période (pour les parents et les enseignants
des classes enfantines) correspondant à la
petite enfance, tant que le rapport de forces,
qu'ils peuvent établir avec un enfant, leur
est favorable. Avoir du pouvoir revient à
exercer une influence sur les enfants par la
contrainte, autrement dit par une pression externe.
Avoir de l'autorité reviendrait à
exercer une influence à partir non d'une
pression, mais d'une aspiration, d'une
adhésion interne. Combien d'enfants et
d'adolescents aujourd'hui ne peuvent
reconnaître une autorité, c'est
à dire un pouvoir d'influence, à des
parents qu'ils ne peuvent respecter; cette
expression revient souvent dans la plainte de
certains adultes : "il ne me respecte plus, il ne
respecte plus rien
" Car pour respecter un
adulte encore faut-il s'être confronté
à sa fiabilité, à sa
cohérence, à ses valeurs. Pour
déclencher cette aspiration, cette
adhésion encore faut-il que l'enfant ait en
face de lui, un témoin, un pôle
d'attraction qui mobilise ses énergies dans
cette direction.
La crise de
l'autorité
La
crise actuelle de l'autorité parentale,
constatée par beaucoup, qui se
répercute à l'école et qui
désespère les enseignants, est le
reflet d'une défaillance tragique. Quand les
fonctions parentales de père et de
mère, à bases de demandes,
d'exigences et de refus mais aussi de
réponses aux besoins relationnels, ne sont
pas exercées, sont hypotrofiées et
que les fonctions de maman et de papa, fonctions de
gratifications à base de laisser faire, de
dons, d'acceptation inconditionnelle des
désirs sont hypertrophiées.
Aujourd'hui,
l'autorité parentale, comme
l'autorité professorale ne peut plus
s'exercer à partir d'une fonction, ou
d'un pouvoir qui est attribué par un
titre ou une position, elle doit être
soutenue et vivifiée par une relation
de qualité, la possibilité
d'une circulation de messages porteurs de
sens et d'espoir entre des enfants et ses
parents, entre les élèves et
les enseignants. Si un adulte est capable de
cohérence entre ses paroles et ses
actes, s'il est susceptible de
témoigner de valeurs inscrites dans
son quotidien, s'il est capable de se
définir comme étant au service
des besoins relationnels d'un enfant et non
de ses désirs, alors son
autorité sera reconnue,
intériorisée et
acceptée.
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