QUAND
J'ENSEIGNE
suis-je
dans un rôle ou suis-je moi
même?
<<Je
ne suis pas un éducateur, je suis
un enseignant. On ne m'a pas formé
pour faire de" l'éducation" mais
pour
"instruire">>
<<Si
je suis devenu prof, c'est parce que
j'aimais ma discipline et que j'y
réussissais bien, l'enseigner
c'était une façon de pouvoir
continuer à faire cette
discipline>>
<<Quand
je suis en classe je suis là comme
prof pour enseigner et les
élève sont là pour
apprendre.>>
Combien de fois avons nous
entendu de tels propos qui ne sont pas
choquants dans la mesure où ils
résultent du type de recrutement et
de formation des
enseignants.
Mais le monde bouge, les
conditions du travail changent, les
éducateurs comme les enseignants
sont en crise: la comparaison des deux
professions n'est pas sans
intérêt pour comprendre cette
nouvelle tension entre rôle et
personne qui
apparaît.
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Autrefois les identités
professionnelles (rôles) étaient
très structurées:
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Enseignants
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Travailleurs
sociaux
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Pour les enseignants, elles
s'appuyaient sur une reconnaissance par un haut
diplôme, par une référence
à une culture scolaire officielle
définie dans des programmes et des horaires
précis, un espace limité,
l'établissement scolaire, un objectif clair,
la réussite de l'élève
à l'examen.
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Pour les travailleurs sociaux la
reconnaissance est plus floue, elle ne se fait pas
à travers une culture extérieure,
mais par la culture de leur public servant de
référence, leur espace est le
quartier, pas toujours précis, le temps de
travail flou, les objectifs parfois sans
limites.
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L'enseignant n'a pas besoin et donc
pas l'habitude de parler de sa pratique qu'il vit
en solitaire.
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Le travailleur social, au contraire,
est apprécié par sa connaissance du
quartier et des personnes qui y vivent, il sait
donc en parler.
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Or,
ces identités pour les uns et pour
les autres sont ébranlées
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Pour l'enseignant, par des nouveaux
publics qui deviennent imperméables à
cette culture fondamentale pour lui ; par les
demandes de plus en plus larges qui l'obligent
à sortir de son établissement, par la
création de nouvelles structures de
formation qui n'ont plus les mêmes bases
historiques, par de nouvelles technologies de
formation et par le travail interdisciplinaire qui
l'oblige à sortir de sa seule
discipline.
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Les travailleurs sociaux, eux, sont
remis en cause par l'arrivée de nouveaux
éducateurs, bénévoles ou en
situation précaire, ils sont
écrasés par leur tâche qui leur
paraît de plus en plus
irréaliste.
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C'est ainsi qu'apparaissent des lieux
tels que les ZEP, où des rencontres peuvent
se faire dans la tension des identités
professionnelles, mais aussi dans
l'appréciation des personnes.
De façon plus
générale
L'instabilité de plus en plus
grande des métiers, qui apparaissent
puis disparaissent, la nécessité d'en
changer plusieurs fois dans la vie, vont obliger
chacun à rechercher la reconnaissance dont
il a besoin, non dans un rôle
professionnel, mais davantage grâce à
ses caractéristiques
personnelles.
Je me souviens, dans un colloque auquel je
participais avoir été témoin
des réactions provoquées par un
rééducateur qui possédait
également le titre de psychologue et
utilisait des méthodes psychologiques.
Certains de ses collègues lui demandaient de
rester dans son statut de
rééducateur, alors que lui voulait
utiliser toutes ses capacités.
Cette évolution de la
société amène un rapprochement
des identités professionnelles, des champs
de travail, mais sans doute également par
effet d'équilibration, une augmentation de
la dispersion des méthodes dans une
même profession, chacun s'autorisant
davantage à exploiter ses capacités
propres.
Comment les institutions
prendront-elles en compte les besoins de
stabilité et d'unité de chacun
?
Les moments de crise sont des moments
où de nouvelles solutions peuvent
naître ; évidemment le mieux n'est pas
toujours certain.
On peut inversement imaginer, par
exemple, que ces identités professionnelles
se durcissent de façon défensive,
qu'une technicité de plus en plus grande
s'impose, que la formation introduise de plus en
plus de méthodologies, d'autant plus
rigoureuses qu'elles seront vides et aboutiront
à éliminer les
personnes.
C'est le risque des TIC par exemple
qui parfois sont présentées de
façon fétichiste comme la baguette
magique qui résoudrait tous les
problèmes de l'enseignement (Alors qu'elles
peuvent être utiles dans un contexte
approprié)
On a de même vu parfois la
médecine officielle se techniciser de plus
en plus, se spécialisant au point d'oublier
la personne globale et d'éliminer la
relation médecin-malade, avec les effets que
l'on sait.
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En définitive on peut se
demander si l'une des difficultés
de la crise n'est pas d'obliger à
passer d'une recherche de reconnaissance
grâce à notre identité
professionnelle, à une recherche de
reconnaissance de notre personne en tant
que telle. (voir: Nous
ne sommes pas
reconnus)
Dans nos formations
d'enseignants nous pouvions constater une
diminution des rôles, une rencontre
des personnes, ce qui entraînait une
solidarité nouvelle entre
enseignants.
La rencontre de collègues
devenant une rencontre de
personnes.
Cela développe une
capacité plus grande à
s'impliquer dans l'institution grâce
à une énergie nouvelle
provenant du déplacement de celle
accaparée par les défenses.
Le rôle n'est plus seulement
protecteur.
Un nouvel équilibre peut
exister dans la tension entre rôle
et personne.
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Réactions:
<<Bonjour
c'est un sujet très intéressant et
matière à debat,personellement je
suis moi-même mais ce n'est pas simple il
faut toujours se rappeler l'existence de "limites"
quant à notre comportement en classe, il
faut gérer le
relationnel..>>Nadège.
<<Cher
Monsieur, Le sujet que vous abordez ici -
rôle et présence de soi - me
paraît être le sujet central de votre
site; ou bien : votre site m'a permis de comprendre
que l'objet de ma recherche est quelque chose comme
la vérité du sujet dans les
situations de communication finalisée. Les
définitions et références
expérientielles ou théoriques que
vous offrez m'apportent beaucoup : un écho
qui donne valeur à ma préoccupation,
une formalisation solide qui conforte, une
sécurité affective et
opérationnelle. L'approche qui est la votre
m'apporte également une confirmation que,
passé le constat des limites des usages
institués, une relation centrée sur
le sujet est opérante dans la transmission
du contenu ou dans la résolution d'un
problème, et que cette voie n'est pas un
processus flou, qu'il produit des effets mesurables
et prévisibles. La combinaison de ces bases
avec un domaine de technicité doit permettre
à l'intervenant de développer sa
"poésie" et d'instaurer une dynamique de
relations fructueuses. C'est là le but qui
est le mien - son niveau d'exigence est aussi ma
limite pratique aujourd'hui.
Ma situation
professionnelle est différente de celles que
vous connaissez~: je travaille pour des chefs
d'entreprise et des responsables de secteurs
professionnels. L'attente de ces "~clients~" est
une réponse rapidement opérationnelle
sur problématiques insuffisamment
approfondies. Aussi je peine à inventer le
cadre, le registre et la méthode
d'intervention qui permettraient de les amener sur
le terrain fructueux de mes compétences.
D'une manière générale, il me
semble que les démarches inspirées
des recherches pédagogiques et
psychologiques ne sont guère
expérimentées dans les situations
professionnelles d'entreprise. Comme s'il y avait
un mur lié au fait de la division du travail
et de la relation de marché qui
prévalent dans les entreprises. La
même difficulté se retrouve sans doute
au sein des institutions d'enseignement ou
socio-éducative. C'est sans doute aborder
là la question de l'autorité et de
l'organisation dans la construction des possibles
du sujet.
J'aimerais avoir
votre avis~: ces difficultés
(confusément exprimées, je vous
l'accorde) sont elles génériques,
sont-elles réelles et comment les contourner
ou bien s'agit-il de l'expression de ma propre
difficulté -celle qui fonde ma
recherche~?>> M.
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