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La leçon de morale

Didier Martz  

          En février 2012, l'ancien ministre de l'Education Luc Chatel et le Haut conseil à l'intégration avaient installé une mission "Pédagogie de la laïcité" afin de donner aux personnels éducatifs "les outils conceptuels et pédagogiques nécessaires pour mieux s'approprier le principe de laïcité". Aujourd'hui, Vincent Peillon, le nouveau ministre de l'éducation, soucieux de continuité, reprend le dossier. Le ministre, par ailleurs agrégé de philosophie, a lancé pour cela une mission de réflexion avec pour but, comme il l'expliquait lors de sa conférence de presse de rentrée, d'avoir un enseignement de la "morale laïque" harmonisé pour enseigner aux enfants les principes et comportements du "vivre ensemble".

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           Dans un entretien au Journal du Dimanche, le ministre fixe à la mission "trois objectifs : qu'il y ait une cohérence depuis le primaire jusqu'à la terminale, que cet enseignement soit évalué, qu'il trouve un véritable espace". Il souligne que la morale laïque ne doit pas s'apparenter à l'"ordre moral" ou à l'"instruction civique": "le but de la morale laïque, dit-il, est de permettre à chaque élève de s'émanciper, car le point de départ de la laïcité c'est le respect absolu de la liberté de conscience. Pour donner la liberté du choix, il faut être capable d'arracher l'élève à tous les déterminismes, familial, ethnique, social, intellectuel, pour après faire un choix", précise-t-il.

 

Leçon de philosophie n°1

           " Arracher les élèves à tous les déterminismes familial, ethnique, social, culturel, intellectuel pour après faire un choix ". Le cerf-volant d'André Gide s'imagine qu'il volerait bien mieux s'il se libérait de la corde qui le retient. Autrement dit nous serions plus libres si nous nous arrachions aux cordes ou déterminismes qui nous retiennent. Enlevez la corde qui retient le cerf-volant et celui-ci s'effondre au sol.

 

Leçon de philosophie n° 2

           Aussi, Jean-Paul Sartre pose que ce ne sont pas les déterminations qui empêchent notre liberté mais plutôt le rapport que nous entretenons avec elles. C'est-à-dire que l'éducation que j'ai reçue peut jouer soit comme contrainte ou comme ressource. Sartre nous pose alors la question de savoir ce que nous faisons de ce qui nous a fait plutôt que de s'en " arracher " et le nier.

 

Leçon de philosophie n° 3

           Selon Emmanuel Kant et Hannah Arendt derrière lui, il faut distinguer connaître et penser. Nous pouvons connaître par coeur les chefs-lieux des départements français et les grandes maximes morales. Nous pourrons même, grâce à un QCM - questionnaire à choix multiples - être noté sur nos connaissances morales ou comme le dit le ministre être " évalué ". S'il faut être soucieux de " remplir les têtes ", il faut aussi être attentif à ce qu'elles " soient bien faites " (Montaigne). Autrement dit connaître n'est pas penser et comprendre le sens. Hannah Arendt, à propos d'un Eichman pétri de principes moraux, se demandait ce qui avait pu le conduire aux atrocités qu'il a commises : l'absence de pensée.

 

Leçon de philosophie n ° 4

           " La morale laïque ne doit pas s'apparenter à l'ordre moral ". Que je sache toute morale, fut-elle laïque, fixe un ordre, un ordre de grandeur qui part du plus mal au moins mal, du plus petit au plus grand. La morale, fut-elle laïque, permet de porter des jugements de valeur, de classer, de séparer ce qui est bien de ce qui ne l'est pas. Le bon grain de l'ivraie. Des bons des méchants. Il est dans l'essence même de toute morale de mettre de l'ordre dans le monde. Que ce soit au nom de grand ou de petits principes.

 

Leçon de philosophie n° 5

           Qu'est-ce que la morale ? Elle répond à la question : " que dois-je faire ?" et non pas : " Que doivent faire les autres ". C'est ce qui distingue la morale du moralisme et des moralisateurs. La morale disait Alain le philosophe, " ce n'est jamais pour le voisin ". Aussi dire aux autres : soyez émancipés, ce n'est pas nécessairement être émancipé soi-même. De plus, cette leçon de morale n'implique pas que les individus à qui elle s'adresse le deviennent. On en a connu de fort bien élevés, bardés de principes moraux commettre les pires exactions... au nom du Bien.

 

Leçon de philosophie n° 6 :

           Le principe moral ne s'apprend pas il se montre. Il prend chair dans le comportement, l'attitude, parfois dans le geste, de l'individu. Il y a dans le comportement d'Achille devant Troie ou du quidam qui se jette à l'eau pour en sauver un autre quelque chose qui se rapporte au courage. Le comportement est dit exemplaire. On peut alors s'y identifier. Aussi la leçon de morale doit être en accord, en cohérence avec les actes, même s'il y a toujours un écart entre le faire et le dire. L'instituteur qui écrit au tableau une maxime morale sur le respect et la justice et l'instant d'après donne une punition collective à sa classe devient un contre-exemple. Le premier principe moral - plutôt éthique - qui ne s'enseigne pas est la cohérence entre le faire et le dire quel que soit le niveau de responsabilité occupé. A bon entendeur...

 

Leçon de philosophie n° 7 :

           Avant même que l'Ecole ait pris la parole, avant même qu'elle ait énoncé un discours moral, elle a mis de l'ordre. Ce qu'apprennent les enfants avant toute chose à l'école : se mettre en rang, se tenir assis 8 heures d'affilée, répondre toutes les heures au commandement de la sonnerie, se lever ou s'asseoir à la demande. s'imprégner d'une certaine manière d'occuper l'espace et le temps, de re-dresser son corps. Le discours moral silencieux de l'Ecole est celui de la discipline.

 

Leçon de philosophie n° 8 :

           C'est Alain le philosophe qui la donne. Voici ce qu'il écrit dans ses propos de 1909 :

"...Je connais une maîtresse d'école maternelle qui a sincèrement essayé d'enseigner un peu de morale à ses petits ; mais les leçons lui rentraient dans la bouche. "Quel plaisir, mes petits amis, d'avoir une maison propre et claire ! " Mais elle rencontrait le regard d'un ou deux mioches qui n'avaient pour fenêtre qu'une tabatière et qu'une mansarde étroite pour trois lits. " On doit changer son linge de corps une fois par semaine. " Hélas ! Elle savait bien que si on lavait la chemise de ce tout-petit, elle s'en irait en charpie. Les dangers de l'alcoolisme, autre chanson; mais comme elle allait faire le portrait de l'ivrogne, elle s'apercevait qu'elle pensait au père de ces deux jumeaux, qui commençaient à rougir de honte." Il y a des discours qui vous restent dans les dents.

 

Comment faire ?

           Ne point prêcher. Laver ceux qui sont sales, si on peut. Pratiquer soi-même la justice et la bonté. Ne pas faire rougir les enfants. Ne pas appuyer maladroitement sur leurs maux. Ne pas flatter, sans le vouloir, ceux qui ont la bonne chance d'être proprement vêtus et d'avoir des parents sobres.

           Non, réellement, il vaut mieux parler d'autre chose, de ce qui est à tout le monde, du soleil, de la lune, des étoiles, des saisons, des nombres, du fleuve, de la montagne, de façon que celui qui n'a point de chaussettes se sente tout de même citoyen ; de façon que la maison d'école soit le temple de la justice, et le seul lieu où les pauvres ne soient pas méprisés.

Gardons nos sermons pour les riches; et d'abord pour nous-mêmes. "

Sans commentaire.

  Le site de Didier Martz

http://www.cyberphilo.org/index.php/

 

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<<Superbe. J’ai repris la transcription des propos de ce M. Peillon. Mon intérêt est plus pour PMA, GPA et les modernité introduites par les progressistes (adeptes du Progrès). http://CCADVParis.free.fr>>

<<« La » morale – qu’elle soit puritaine, religieuse, laïque ou autre –, est loin d’être universelle et absolue. Ce qui est considéré moral à un endroit ou aujourd’hui est barbare ailleurs ou à une autre époque. Sorte de théorisation/abstraction de ce qui est bien ou mal pour une culture donnée, la morale résulte des moeurs3 et ne les détermine pas. En ce sens, elle ne peut présider à une vie, ni l’organiser – puisqu’elle n’en est qu’une résultante. Et les millions de victimes de tortures, d’assassinats, de viols, de crimes, de mensonges… au nom du Bien contre le Mal, au long de millénaires, sont là pour le prouver. Ce qui ne m’empêche pas de juger encore en termes de bien et de mal, de « cool » ou de « dégueulasse », de « génial » ou de « nul »… >> Education-authentique

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