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 Morale (?) laïque (?) et enseignement (?)  

Jacques Demorgon

 

          Le projet de Vincent Peillon part sans doute d'une observation et d'une réflexion assez largement partagées. Chacun peut le constater, les conduites immorales, y compris les plus violentes et meurtrières se manifestent de plus en plus souvent. De même, on entend constamment dire qu'il y a un déficit d'éducation et, singulièrement, d'éducation morale.       

 

           Ceci dit, trois obstacles sont là:

1./ D'abord, la morale ?

           Est-il possible de s'entendre à son sujet, de la définir pour tous ? Davantage, à notre époque où ce sont les faits qui priment, la morale peut-elle se réconcilier avec eux ? Ce serait nécessaire et peut-être possible. Il faudrait pour cela retrouver, dans toute sa factualité singulière, l'origine de l'être humain. Celle-ci reste peu perçue et mal comprise. La singularité de la condition humaine le constitue en être de nature et de culture. Il ne bénéficie pas comme les animaux d'une existence largement programmée. Ses programmes de vie, il doit les inventer lui-même à partir des moyens exceptionnels qui sont les siens : l'échange des visages, la parole, la pensée, les mathématiques et les techniques qui émanent de son corps multiplicateur d'angles de vue et d'action.

           Le problème, c'est que cette première morale lui manque : celle qui chérirait ces moyens, les siens, et qui nourrirait la nécessaire distance critique à l'égard des fins qu'il se donne en réaction plutôt qu'en réflexion. Pascal le disait déjà : " Bien penser, c'est le principe de la morale ".

 

2./ Ensuite, la laïcité ?

           Elle demeure, elle aussi, bien incomprise, du fait de ses ennemis et de ses amis. Elle est confondue avec une certaine suspicion concernant la religion. En France, elle est aussi revendiquée comme une manifestation exemplaire d'universalité. Si l'on se réfère aux textes de Jaurès et de Briand, disons qu'elle peut aller dans ce sens. Encore faut-il comprendre comment, pour l'y aider.

           En fait, tout au long de l'histoire, les acteurs religieux et les acteurs politiques se sont d'abord associés puis peu à peu dissociés. Les acteurs politiques ont profité du manque d'ouverture des religions aux informations scientifiques et techniques, de leurs corruptions diverses et de leurs divisions devenues meurtrières pour capter le sacré qu'elles défiguraient.

           Malheureusement, certains acteurs politiques ont, à leur tour, abusé du pouvoir et se sont retrouvés producteurs des violences les plus extrêmes. De ce fait, les pouvoirs économiques et informationnels se sont renforcés. Ils achoppent aujourd'hui à la croissance vertigineuse des inégalités et à l'impossibilité de contrôler les menaces qui pèsent sur la biosphère.

 

           Qu'est-ce que la laïcité peut à tout cela ? Peut-être beaucoup plus qu'on ne croit si l'on comprend qu'elle a été, dans une certaine mesure, un premier dispositif d'articulation pondérée entre la religion et la politique. Elle devrait pouvoir l'être entre toutes les grandes activités humaines.

           Il faudrait traiter d'une laïcité externe capable d'articuler mieux les pouvoirs, séparés et reliés, du religieux, du politique, de l'économique et de l'informationnel.

           Elle serait aidée par une laïcité intrasectorielle comme celle que Montesquieu définit pour le politique, quand il précise - dans l'" Esprit des Lois " - la nécessaire " séparation et reliance " des trois pouvoirs : législatif, exécutif et judiciaire. Du moins si l'on veut éviter tout gouvernement despotique.

 

3./ Enfin, l'enseignement ?

           Pour situer la laïcité, il faut, nous l'avons vu, d'abord repenser l'anthropologie, ensuite repenser l'histoire. Cela suppose un remaniement - profond, étendu et relié - de l'enseignement. Faute de quoi, l'enseignement de la morale laïque ne serait, sans jeu de mots, qu'un vœu pieux !

 

           Une aide peut encore nous venir de la Grèce antique. Sa langue a trois mots pour traiter du peuple.

Ethnos, c'est le peuple ethnique ! On est alors dans la morale " communautariste ".

Demos, c'est le peuple politique ! On est alors dans la " démocratie " mais elle recouvre aujourd'hui des gestions économiques malhonnêtes et des inégalités politiques monstrueuses.

Il y a un troisième mot : " laos ", c'est l'humain quelconque, tout être humain quel qu'il soit. Alors, la morale laïque pourrait être factuelle en étant respect de l'humain et de ses moyens.

 

           Le philosophe italien contemporain, Giorgio Agamben précise : " L'homme est l'animal qui doit se reconnaître humain pour l'être ". Il peut aussi se reconnaître inhumain et l'être. En trois mots, Montaigne disait : " Bien faire l'homme ! ". La romancière américaine, Toni Morrison, prix Nobel 1993, nous livre ce dialogue dans sa fiction de 2012 : " Quel métier tu veux faire quand tu seras grand ? " De la main gauche, Thomas tourna la poignée et ouvrit la porte : " Homme " répondit-il. Puis il sortit.

 

 Le site de Jacques Demorgon

http://www.jacques-demorgon.com

 Bibliographie

-Actes du 7ème colloque international du Gerflint, " Les enjeux de la laïcité à l'ère de la diversité culturelle planétaire ". Paris, juin 2012. Avant la version papier dans Synergies Monde, on a la version audio sur http://www.gerflint.eu

-Agamben G. 2006. L'ouvert. De l'homme et de l'animal. Paris, Payot.

-Demorgon J. 2010. Déjouer l'inhumain. Avec Edgar Morin. Préf. de J. Cortès. Paris, Economica.

-Forestal C. 2012. Textes et documents sur la laïcité. 3 tomes. Edition à préciser.

-Morrison T. 2012. Home. Paris, Christian Bourgois.

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