Intitulé "LA MATERNELLE :
AU FRONT DES INEGALITES LINGUISTIQUES ET
SOCIALES", le rapport de Monsieur Alain
BENTOLILA recommande que l'objectif
prioritaire, pour ne pas dire exclusif, de
l'école maternelle soit d'augmenter
les performances des enfants
âgés de trois à six
ans dans la maîtrise du langage, en
l'occurrence la langue
française.
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Dans
cette perspective, les enfants sont
considérés avant tout comme des
systèmes linguistiques ... pour ne pas
écrire seulement des systèmes
linguistiques, même si, plus
généralement,"l'enseignante devra
accompagner des bambins de 3 à 6 ans dans
leur développement linguistique,
intellectuel et moteur".
Les "bambins" seraient-ils
des êtres sans émotions, sans
affectivité, sans attachements,
sans interactions sociales (les
interactions avec les pairs sont
considérées comme une source
"d'insécurité
linguistique"), sans perceptions et
communications qui ne s'inscrivent pas
dans une "logique" d'apprentissage du
vocabulaire, de la syntaxe et de la
grammaire, sans degrés de
liberté dans l'expression
comportementale, vocale ou
langagière, sans
spontanéité et pensée
libérées ? Selon Monsieur
Alain BENTOLILA, il est
"impératif que chaque
élève termine l'école
maternelle en ayant compris
l'économie générale
du système alphabétique du
français". Chaque enseignant
devient alors un technicien qui doit
"travailler des séquences dans
lesquelles les productions sont
concrètes, décorticables,
observables, comme par exemple dans les
exercices de graphisme".
On est donc dans une sorte de
système langagier d'économie
productiviste ! En conséquence,
selon l'une des recettes de Monsieur Alain
BENTOLILA, "il conviendra de chercher
les moyens qui permettront aux enseignants
de pouvoir travailler efficacement en
ateliers de sept ou huit
élèves sans avoir à
se demander ce qu'ils vont faire des
autres". Autrement dit, les enfants
n'existent plus en dehors des ateliers
linguistiques. Tout doit être
organisé en classe pour que
même "les temps consacrés
aux comptines et aux chants doivent
devenir des temps d'apprentissage
où l'on privilégiera la
qualité d'articulation, de
mémorisation, d'explication du
lexique, plutôt que la
quantité de comptines
marmonnées" (nous reviendrons
sur ce terme) ?
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La moyenne section (la plupart des
enfants sont alors âgés de quatre
à cinq ans) serait la charnière
organisatrice du système formaté de
Monsieur Alain BENTOLILA. Il écrit en
effet, en jargonnant : "L'écart
grandissant entre les constructions grammaticales
utilisées à l'oral par les
élèves et celles qui organisent les
premières phrases soumises à leur
lecture exige que dès la moyenne section on
accompagne avec soin le jeune enfant dans la
découverte d'une organisation et de
conventions que l'oral ne lui a parfois pas
révélées".
A la lecture du rapport de Monsieur Alain
BENTOLILA, on se frotte les yeux pour être
sûr qu'on ne dort pas, et on se demande si
celui-ci a déjà rencontré les
"vrais" enfants accueillis à l'école
maternelle, c'est-à-dire, selon les
moments, les situations et les partenaires, des
êtres câlins, rieurs, expressifs,
"clowns", sociaux, joueurs, indisciplinés,
turbulents, imprévisibles, appliqués,
provocateurs, conquérants, "baragouineurs",
querelleurs, imaginatifs, inventifs ... aux modes
de communication et "formes" d'intelligence
multiples. En d'autres termes, ils sont des
personnes qui débordent de vie, d'initiative
et de créativité, mais aussi des
êtres vulnérables qui
révèlent leurs détresses,
leurs souffrances et leur insécurité
affective. Faudrait-il qu'ils soient des individus
assujettis que l'on peut enfermer à tout
moment dans la maîtrise du vocabulaire, dans
les productions langagières qui respectent
la syntaxe et la grammaire, et dans un discours
formaté ?
Si on accepte le dogme de Monsieur Alain
BENTOLILA, les enfants doivent devenir des machines
contrôlables et dociles dont il faut
programmer le langage (et donc la pensée)
dès la petite section de l'école
maternelle. Pauline KERGOMARD et ses
collègues pédagogues, qui ont
inventé l'école maternelle, doivent
se retourner dans leur tombe.
MON
POSITIONNEMENT
Je ne peux donc rester sans
réaction aux affirmations
infondées,
contre-vérités,
insuffisances, "analyses" simplistes et
outrancières, dérives et
dangers du rapport de Monsieur Alain
BENTOLILA. Bien évidemment, je ne
me placerai pas sur le terrain de la
linguistique pour discuter le dogme
réducteur de Monsieur Alain
BENTOLILA puisque je n'ai pas de
compétences dans le champ de la
linguistique. En revanche, je soulignerai
ce que, séparément ou en
interaction, la recherche fondamentale,
les observations cliniques et le
vécu des éducateurs ont
permis d'apporter à la connaissance
des vrais enfants de l'école
maternelle et de leurs constructions.
Pour
moi, bien loin de la "vision"
déformée de Monsieur Alain
BENTOLILA, les enfants sont
considérés comme des
personnes à part entière
dans l'ensemble de leurs dimensions
d'enfant, c'est-à-dire
principalement leurs équilibres
physiologiques, émotions, liens
affectifs, attachements, perceptions
combinées, rythmes, constructions
corporelles, habiletés motrices,
conquêtes de l'espace, interactions
sociales, modes et stratégies de
communication (Monsieur Alain BENTOLILA
confond communication et langage oral),
socialisation, processus cognitifs et
activités
symboliques.
Pour plus d'informations, je
renvoie aux publications scientifiques, en
particulier celles que mes collaborateurs
et moi-même avons eu l'honneur de
publier dans des périodiques
internationaux à comité de
lecture (certaines sont
référencées sur
internet ou dans mes livres, par exemple
"L'arbre enfant" paru en 2006 aux Editions
Odile Jacob).
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Nourri
par les recherches nationales et
internationales ainsi que par les
observations cliniques, mon
positionnement est d'abord celui
d'un scientifique qui
s'efforce de contribuer à
une meilleure connaissance du
"petit de l'Homme" et de son
développement. Il est
aussi celui d'un "lecteur-acteur"
de terrain qui a acquis une
certaine expérience des
réalités sur les
lieux de vie de l'enfant depuis
la naissance (maternités,
milieux familiaux, structures de
soins, structures
éducatives ...). C'est
à partir des
éclairages donnés
par ce double positionnement que
je propose de nouvelles
stratégies pour l'accueil
des enfants et de leur famille,
d'autres modes d'organisation du
temps et de l'espace pour les
enfants de tous âges, et
d'autres modes de fonctionnement
des structures de soins et des
structures éducatives, en
particulier les crèches,
écoles primaires et
collèges. L'objectif est
que de nouvelles conditions de
vie, de nouveaux environnements
et de nouvelles interactions
puissent permettre à
chaque enfant de libérer
ses compétences
cachées et d'en
acquérir de nouvelles,
tout en respectant ses dimensions
biopsychologiques, affectives,
sociales, intellectuelles et de
personne qui se nourrit de
communication (voir la
bibliographie de Hubert
MONTAGNER).
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LE
CARACTERE DEMAGOGIQUE DU RAPPORT DE MONSIEUR ALAIN
BENTOLILA.
Le rapport de Monsieur Alain BENTOLILA peut
être perçu comme un document de bon
sens (c'est-à-dire nourri par une
"capacité de bien juger, sans
passion" : définition du Larousse), en
accord avec le désir des parents, soucieux
que leurs enfants apprennent non seulement à
bien parler dès qu'ils sont accueillis
à l'école maternelle, mais qu'ils
s'engagent également dans l'apprentissage de
la lecture et de l'écriture ... et aussi du
calcul. Il flatte les attentes des parents,
persuadés que plus leur enfant est
précoce dans l'apprentissage de la lecture
et de l'écriture ... et du calcul, mieux il
réussira à l'école et plus
tard, sans penser que la précocité
puisse être un leurre ou même un
obstacle. On doit regretter que,
malheureusement, ils sont rarement avertis de ce
que, réellement, l'école maternelle
peut et doit apporter aux enfants âgés
de trois à six ans, tout en
préservant leurs besoins fondamentaux et en
respectant leurs différences, sans les
mettre en danger (voir plus loin).
Le rapport de Monsieur Alain BENTOLILA peut
être "techniquement" accepté par
certains enseignants car il flatte leurs
exigences de professionnels consciencieux et
soucieux de développer la maîtrise du
langage chez tous les enfants. En effet, s'il ne
contient rien de nouveau par rapport à ce
qu'ils savent et à ce qu'ils font ou
essaient de faire, il préconise des
"démarches-recettes" qui peuvent
donner l'illusion d'une efficacité accrue
dans l'apprentissage combiné du langage
verbal, de la lecture et de l'écriture, et
ainsi d'une valorisation de l'acte
pédagogique. Mais, la démagogie
rencontre là ses limites : les enseignants
savent évidemment que le façonnement
des enfants et les apprentissages à
l'école maternelle, y compris dans le cadre
de la maîtrise du langage, "obéissent"
à des phénomènes complexes
qui ne se confondent pas avec les affirmations
dogmatiques et quelque peu simplistes de Monsieur
Alain BENTOLILA (voir plus loin). En outre, on peut
douter qu'ils apprécient les critiques
sévères et injustes qui soulignent
leurs supposées insuffisances ou
incompétences.
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Enfin, le rapport de Monsieur Alain
BENTOLILA est "politiquement
démagogique" car il flatte et
arrange forcément les
décideurs politiques et les
"faiseurs d'opinion" qui
pérennisent les
inégalités sociales et
autres. En effet, avec le "tout
linguistique" qui focalise l'attention
d'une certaine élite
intellectuelle, littéraire et
médiatique de France (pour ne pas
écrire de Paris), et qui flatte sa
capacité à manier la langue
orale, il se garde bien de définir
clairement les finalités d'une
école conçue pour tous les
enfants de tous les milieux, quelles que
soient leurs compétences
linguistiques et leurs origines, y compris
lorsqu'ils sont porteurs d'un handicap ou
d'une anomalie.
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Et pas seulement pour les enfants qui
peuvent comprendre et apprendre "envers et contre
tout", notamment à parler, lire,
écrire et compter, dans les influences
sécurisantes et structurantes de leur milieu
familial et social. Le rapport de Monsieur Alain
BENTOLILA est "l'arbre qui masque la forêt
des réalités et questions
dérangeantes", en particulier les
changements et stratégies à mettre en
oeuvre pour que les différences
individuelles de développement, de
compétences, de façons d'être,
de façons de faire, de façons de
penser ... puissent être réellement
prises en compte à l'école, et pour
que chaque enfant puisse acquérir de
nouvelles compétences à son rythme
(quand il est prêt) dans toutes les
dimensions humaines et éducatives, et pas
seulement la dimension linguistique, quel que soit
son milieu social et ethnique.
Capteur de l'attention de
certaines élites intellectuelles,
littéraires et médiatiques,
le rapport de Monsieur Alain BENTOLILA
évite que soient posées les
questions essentielles : une école
maternelle pour quoi faire, pour quels
enfants, quelles familles et quels
éducateurs, pour quels projets
à l'école
élémentaire et au
delà ? A quelles fins
éducatives, sociales et
culturelles, pour quels besoins et
aspirations de la société
?
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LE
CARACTERE "a-SCIENTIFIQUE", ARBITRAIRE ET
OUTRANCIER DU RAPPORT DE MONSIEUR ALAIN
BENTOLILA.
Dès l'introduction, le rapport de
Monsieur Alain BENTOLILA dévoile ses
approximations et son caractère
"a-scientifique" malgré le jargon qui lui
donne une apparence savante. Monsieur Alain
BENTOLILA se fonde en effet sur "un nombre
important de rapports d'inspection" qui
"donne une idée assez précise
d'une école 0ù la classe se fait au
fil de l'eau, selon les envies, selon les
compétences de l'enseignant, selon le
quartier". Il est ensuite précisé
que le nombre important de rapports d'inspection
provient de trois secteurs, tous situés dans
la région parisienne. Outre le
caractère limité, arbitraire,
sectoriel et opaque de "l'échantillon",
où est la grille de lecture des inspecteurs
(comment peut-on caractériser en particulier
l'item "au fil de l'eau" ?), et quelles sont
leurs "données" quantitatives ? Quelle(s)
démarche(s), méthode(s) et
technique(s) ont été utilisées
? Des réponses précises à ces
questions sont nécessaires pour que des
investigations éventuelles puissent
être conduites par des tiers
indépendants dont l'objectif serait de
valider la grille de lecture et, s'il y en a, les
"données" quantitatives dans les mêmes
écoles et avec les mêmes
démarches et méthodes.
C'est-à-dire de réaliser une
étude peu ou prou de caractère
scientifique (vérifiable et
reproductible).
Se fondant semble-t-il sur ces rapports
d'inspection, Monsieur Alain BENTOLILA affirme
dès son introduction que l'école
maternelle repose sur trois illusions ... sans
apporter la moindre preuve vérifiée
ou vérifiable ni même la moindre
hypothèse argumentée, et sans la
moindre précaution :
* l'illusion des
parents qui verraient dans l'école
maternelle de la bienveillance, de la
présence dans le tissu social, une forme
d'encadrement, des productions
d'élèves joliment mises en
scène" ;
* l'illusion de
"certains enseignants" qui "pensent
créer une pédagogie active et
efficace fondée sur l'interaction, la
participation, l'action en classe" ;
* l'illusion de
l'institution "qui n'ose pas évaluer
vraiment la maternelle d'aujourd'hui, et ce qu'elle
produit en termes d'apprentissage et
d'acquisition".
Autrement dit, tous les acteurs majeurs de
l'école maternelle se trompent (selon le
Larousse, "l'illusion est une erreur de perception
causée par une fausse apparence", "... une
apparence dépourvue de
réalité", "... une opinion fausse,
croyance erronée qui abuse l'esprit par son
caractère séduisant").
Ne serait-ce pas Monsieur Alain
BENTOLILA qui vit dans l'illusion de ce
que perçoivent les parents, les
enseignants et l'institution ... et
surtout les enfants (ils sont
ignorés en permanence par Monsieur
Alain BENTOLILA qui ne voit en eux que des
systèmes linguistiques !)
?
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A-t-il vraiment
réfléchi aux objectifs et au
sens de la pédagogie des
enseignants d'école maternelle ?
A-t-il cherché à comprendre
ce que recouvre leur souci permanent
d'inventer des situations et
activités qui stimulent et
façonnent le cerveau des enfants en
alliance avec leur corps, notamment dans
la "libération" des processus
cognitifs, dans la maîtrise des
apprentissages et dans le
développement des processus de
socialisation, en particulier chez les
enfants en difficulté, parfois en
détresse ou en souffrance ? Mais,
Monsieur Alain BENTOLILA sait-il qui sont
les enfants et comment ils se
construisent, notamment pour se
réaliser dans leurs dimensions
d'élève ? J'y
reviendrai.
Adepte de la méthode COUE,
Monsieur Alain BENTOLILA poursuit sa
"démonstration" en affirmant et
assénant ses certitudes, sans la
moindre preuve vérifiée ou
vérifiable, sans
référence au moindre article
scientifique (dans le rapport, il n'y a
que deux références : une
thèse en cours et donc impossible
à trouver, et un article sans
indications bibliographiques), et sans
esprit critique. Je me limiterai ici
à quelques-unes des plus
outrancières :
|
* "De
langue maternelle française, de parents
francophones, ils (les enfants :
précision de H. Montagner) arrivent
à l'école avec une langue orale
très éloignée de la langue
qu'ils vont rencontrer en apprenant à
lire et à écrire. Ne craignons pas
de le dire, ils parlent une langue
étrangère à celle sur
laquelle va reposer leur apprentissage de la
lecture et de l'écriture ".
Comment peut-on affirmer que la langue
française parlée dans une famille
francophone est étrangère à
celle que l'on parle à l'école
française alors que les mêmes mots
combinés aux mêmes gestes, mimiques,
attitudes, vocalisations ... véhiculent le
même sens dans les deux milieux dès
lors que les situations et contextes sont les
mêmes ? Les observations filmées en
continu dans le milieu familial et à
l'école maternelle montrent que les enfants
utilisent communément de multiples
combinaisons langagières et comportementales
qui sont comparables ou identiques, non seulement
dans leurs demandes de satisfaction des besoins
élémentaires, mais aussi dans leurs
relations affectives, leurs partages
émotionnels, leurs demandes d'explication
sur le sens et la signification des images, des
comportements, des événements ...
leurs demandes d'aide dans la "résolution de
problèmes" (puzzles, constructions diverses
...). Même si les mots ne sont pas
organisés en phrases linguistiquement
correctes, même s'ils sont parfois
"brouillés par "l'accent familial" et
même si des mots différents sont
"spécifiques" du milieu familial alors que
d'autres sont propres à l'école
maternelle. Comme le montrent de multiples
études dans le milieu familial et à
la crèche, le jeune enfant est capable de se
faire comprendre et de comprendre ses partenaires
dès ses premiers mois de vie alors que,
selon l'âge, il ne parle pas ou utilise des
mots plus ou moins audibles ou "décodables".
S'agissant des relations avec les pairs, rappelons
que Monsieur Alain BENTOLILA écrit:
"communiquer et parler avec les pairs ...
conduit à l'insécurité
linguistique". De toute évidence,
Monsieur Alain BENTOLILA ignore les nombreuses
recherches scientifiques, nationales et
internationales, sur les remarquables
capacités d'interaction, de communication et
d'échanges de l'enfant avec ses pairs
dès la première année. Il
est étonnant qu'il confonde communication et
langage oral. Monsieur Alain BENTOLILA pourrait
combler ses lacunes en procédant à
des recherches bibliographiques sur internet au
moyen des moteurs de recherche
appropriés.
*
Dans la continuité de ce qui
précède, "Ils (les enfants
: précision de H. Montagner) arrivent
donc à l'école déjà
résignés à n'avoir aucune
prise sur le monde, à ne revendiquer
aucun pouvoir linguistique et intellectuel sur
les autres ; ils ont déjà
renoncé à la conquête
collective du sens pour ne plus s'occuper que de
se protéger individuellement d'un monde
où les menaces leur paraissent l'emporter
largement sur les promesses ".
Rien ne permet de soutenir une telle
thèse qui est, il faut le dire,
délirante. Là encore, on doit
s'interroger sur les recherches, études,
hypothèses ou analyses ... qui ont pu
conduire Monsieur Alain BENTOLILA à formuler
une telle affirmation désespérante,
farfelue et sans fondements.
*
"les élèves qui poussent pour
la première fois la porte de
l'école avec un bagage linguistique aussi
léger que désordonné"
"ont un langage oral, forgé dans un
contexte familial de silence et
d'indifférence, qui s'est cantonné
à des usages de désignation, de
constat ou de demande".
Comment pourrait-on accepter une telle
affirmation qui vise de toute évidence les
familles jugées à priori frustes ou
limitées aux plans culturel, intellectuel et
linguistique ? Autrement dit, essentiellement les
familles d'origine étrangère qui
"sont de tradition orale"
(maghrébine, africaine ...) transmettraient
leur langage oral dans un contexte de silence et
d'indifférence en le limitant à
"des usages de désignation, de constat ou
de demande". Et non pas aussi pour exprimer et
partager des émotions, de la tendresse, de
l'amour, des pensées ... des demandes
d'explication sur le sens et la signification des
images, des comportements, des
événements ... des demandes d'aide
dans la résolution de "problèmes"
(puzzles, constructions diverses ...) ? Si on
voulait stigmatiser ces familles, on ne s'y
prendrait pas autrement.
*
Pourquoi les enfants de migrants auraient
particulièrement "besoin d'un
attachement fort aux parents pour pouvoir se
séparer d'eux dans de bonnes conditions
et investir l'école sans
appréhension trop grande" ?
Tous les enfants ont besoin d'un attachement
fort avec leur(s) parent(s) (en d'autres termes, un
attachement "sécure") pour accepter la
séparation avec eux et investir
l'école sans appréhension trop
grande. Il n'est pas démontré que
l'attachement des enfants de migrants à
leurs parents soit moins fort (moins
"sécure") que celui des autres
enfants. Pourquoi stigmatiser les enfants de
migrants ?
*"
N'oublions pas que l'École est le lieu
où le maître donne sens à la
diversité et au désordre du
monde ".
Comment peut-on écrire une telle
contre-vérité ? C'est
évidemment à tout moment et dans
leurs différents lieux de vie (milieu
familial, communauté villageoise ou urbaine,
lieux publics dans la cité ...) que, fort
heureusement, les enfants apprennent à
donner "sens à la diversité et au
désordre du monde", et pas seulement en
classe et dans l'école.
* "
L'École, avouons-le, s'est fort peu
occupée de la maîtrise de la
communication orale ".
Là encore, c'est une
contre-vérité. Ayant eu le
privilège et le plaisir de passer des
centaines d'heures d'observation dans de nombreuses
écoles maternelles, et d'avoir pu organiser
le recueil de nombreuses données au cours de
la journée scolaire, pendant toute la
semaine et tout au long de l'année,
j'affirme que, dès la petite section, la
très grande majorité des enseignants
consacrent beaucoup d'attention, de temps et
d'énergie à "s'occuper de la
maîtrise de la communication
orale".
* "
Si les écrits, dans la
diversité de leurs supports et de leurs
contenus, doivent être à
présent au sein même de la classe,
on ne peut pour autant accepter l'intrusion
désordonnée dans les écoles
maternelles d'écrits dont le foisonnement
hétéroclite tente de donner
l'illusion d'une authenticité
retrouvée : le chèque y
fréquente le bon de commande de la
Redoute ; l'affiche publicitaire y voisine avec
la recette de cuisine ; le mode d'emploi d'un
article électroménager le dispute
parfois au conte merveilleux ou au poème.
La seule présentation de la
pluralité ne saurait entraîner une
vision cohérente du monde de
l'écrit. Ces " bains d'écrits "
dans lesquels on plonge les
élèves, avec l'espoir qu'ils s'y
imprègnent d'une sorte de culture
écrite, sont à la fois inefficaces
et dangereux ".
Comment Monsieur Alain BENTOLILA peut-il
être aussi outrancier et péremptoire ?
Comment peut-on affirmer que les documents de la
vie courante choisis par les enseignants pour
développer le vocabulaire et expliquer les
"particularités linguistiques de la
langue" (étiquettes, textes et images
publicitaires, modes d'emploi de tel ou tel
appareil, magazines ...), sont "inefficaces et
dangereux" alors qu'ils ont du sens pour
l'enfant ... et sa famille ? Où
sont les preuves ? Pourquoi seraient-ils
inefficaces, et où est le danger
?
* "
De cette façon, en faisant
découvrir aux élèves et
à leurs parents qu'aller à
l'école c'est apprendre un nouveau
métier, dans lequel l'erreur
analysée est un levier de progression
".
Comment peut-on considérer
"qu'aller à l'école c'est
apprendre un nouveau métier",
c'est-à-dire, selon le Larousse "un genre
d'occupation manuelle ou mécanique qui
trouve son utilité dans la
société", ou encore, "une profession,
une fonction, un gagne-pain, un boulot ..." ? Le
jeune enfant devrait-il être désormais
considéré à l'école
maternelle dans une perspective utilitaire et
économique, et non comme un humain singulier
qu'il faut accompagner dans ses constructions tout
en respectant ses besoins, ses rythmes et ses
autres particularités ? Si on entre dans la
"logique" de Monsieur Alain BENTOLILA, on doit se
demander quel était le "métier" du
jeune enfant avant d'aller à l'école
pour "apprendre un nouveau métier" ? C'est
absurde. On ne discutera pas ici "l'erreur
analysée" qui serait "un levier de
progression", car il faudrait débattre
plus largement des différents "leviers de
progression" de l'enfant dans ses acquisitions
et apprentissages. Ce qui pourrait faire l'objet de
colloques.
L'IGNORANCE
OU LA MECONNAISSANCE DES ENFANTS, SEULEMENT
RECONNUS COMME ENTITES LINGUISTIQUES PAR MONSIEUR
ALAIN BENTOLILA.
Il est incroyable que Monsieur ALAIN
BENTOLILA ignore ou méconnaisse la
complexité du développement et les
multiples facettes des enfants accueillis
à l'école maternelle. Caricatural, il
les réduit aux dimensions linguistique,
intellectuelle et motrice : "l'enseignante"
"devra accompagner des bambins de 3 à 6
ans dans leur développement linguistique,
intellectuel et moteur". Et encore, l'aspect
"moteur" n'est plus ensuite
évoqué.
Cette ignorance ou
méconnaissance des
élèves se traduit par des
exigences irréalistes et
démagogiques, des propositions
contraires aux intérêts de
l'enfant et des oublis dommageables pour
l'être humain en cours de
développement.
|
*
Monsieur Alain BENTOLILA
décrète que "le temps de
concentration quotidien pour chaque
élève doit absolument être
augmenté de manière
significative"(on suppose que, par temps de
concentration, il faut entendre la durée de
la concentration intellectuelle). Certes, mais
c'est plus facile à écrire
qu'à faire ! Monsieur Alain BENTOLILA
n'explique pas comment il faudrait procéder,
surtout pour les enfants en déficit
fréquent ou permanent de concentration
intellectuelle. Comment Monsieur Alain BENTOLILA
va-t-il agir sur les mécanismes, processus
ou phénomènes qui sous-tendent la
concentration de l'élève,
c'est-à-dire non seulement sa
capacité à mobiliser ses ressources
intellectuelles, mais aussi sa
réceptivité et sa
disponibilité, elles-mêmes
dépendantes de son niveau de vigilance, de
ses capacités d'attention et de son
"niveau" de sécurité affective ?
De toute évidence, Monsieur Alain BENTOLILA
ignore les données de la recherche
scientifique. Deux d'entre elles sont pourtant
largement vulgarisées :
++
à tous les âges, le niveau de
vigilance et les capacités d'attention de
la plupart des enfants fluctuent de façon
prévisible au cours de la journée.
En conséquence, les
élèves ne sont pas
également réceptifs et disponibles
aux différents moments de la
journée scolaire. Ils ne peuvent donc
être également concentrés
à tous les moments, quels que soient leur
docilité, leur désir d'apprendre
et leurs compétences ;
++ le niveau de
vigilance et les capacités d'attention
varient d'un enfant à l'autre et d'un
jour à l'autre chez le même
enfant, selon ce qu'il a vécu et ce
qu'il vit dans son milieu familial et à
l'école, selon qu'il a ou non des
déficits de sommeil, selon qu'il est ou
non installé dans la
sécurité affective. Ils sont
particulièrement faibles et fluctuants
chez les enfants en difficulté, non pas
seulement à telle ou telle heure de la
journée, mais à tout moment ou
presque.
La vigilance et donc la
concentration intellectuelle ne se
décrètent pas ! Les enfants
ne sont pas des ordinateurs dont on peut
programmer l'augmentation du "temps de
concentration" au(x) moment(s)
souhaité(s).
|
Cependant, les enseignants peuvent
effectivement s'organiser pour prendre en compte
les fluctuations de la vigilance, de
l'attention, de la réceptivité et de
la disponibilité, et parvenir ainsi à
augmenter peu ou prou la durée de la
concentration intellectuelle des différents
enfants pendant la journée scolaire. Encore
faut-il que certaines conditions soient
réunies. C'est-à-dire, un effectif
réduit (faut-il rappeler que le nombre des
enfants par classe est souvent de vingt ou trente,
parfois davantage en petite section ?), une
ambiance apaisante, sécurisante, non
bruyante et non perturbée par des
allées et venues intempestives, des
possibilités de consacrer plus de temps
à chaque enfant, par exemple s'il y a des
aides-éducateurs ou encore s'il y a deux
enseignants par classe, mais également des
possibilités d'aménager les espaces
pour constituer des "îlots" et des petits
groupes et respecter ainsi les rythmes de chacun,
des possibilités de prendre en compte les
autres singularités des enfants (voir
l'article de H. Montagner dans le livre collectif
"L'école à deux ans : est-ce bon pour
l'enfant ?" publié en 2006 aux Editions
Odile Jacob).
*
"La sieste en petite section et le
temps de repos en Moyenne et Grande
Sections se confondent ; sous
prétexte de réveil
échelonné, certains
élèves dorment une grande
partie de
l'après-midi".
Et alors ? L'école doit
respecter le rythme veille-sommeil des
enfants car il est une composante
importante de leur développement.
Au nom de qui et au nom de quoi
faudrait-il supprimer la sieste ou
l'épisode de repos du début
de l'après-midi en Moyenne Section
et Grande section d'école
maternelle ? Là encore, Monsieur
Alain BENTOLILA ignore les travaux des
scientifiques sur les rythmes
biopsychologiques des enfants, en
particulier le rythme veille-sommeil,
alors qu'il a participé à un
ouvrage collectif dans lequel ces
phénomènes sont
expliqués ("L'école à
deux ans : est-ce bon pour l'enfant
?").
|
|
Une alternance respectée
des épisodes de veille et de
sommeil au cours des 24 heures et d'un
jour à l'autre, en particulier la
sieste, est nécessaire pour que les
enfants puissent vraiment
récupérer de leurs fatigues
physiques, physiologiques et mentales.
|
C'est ce que les parents et les
éducateurs savent intuitivement et par
expérience. Il est aussi établi que
des événements importants pour les
équilibres de l'enfant jalonnent tout
épisode de sommeil qui va à son terme
(le "pic" de sécrétion de l'hormone
de croissance pendant le sommeil lent, la "soupape
psychologique" de l'inconscient affectif et sexuel,
la facilitation de la mémorisation et la
consolidation des apprentissages pendant le sommeil
paradoxal). Mais, il y a de grandes
différences d'un enfant à l'autre
dans la durée de la sieste et dans
"l'âge de son extinction". La majorité
des enfants de la Moyenne Section et de nombreux
élèves de la Grande Section (sans
compter le Cours Préparatoire)
développent encore un épisode de
sieste à la mi-journée dès que
l'environnement le permet, sa durée variant
d'un individu à l'autre.
Effectivement, certains dorment une grande
partie de l'après-midi. Mais, c'est parce
qu'ils en ont besoin physiologiquement,
psychologiquement et intellectuellement pour se
réaliser comme enfant et comme
élève. Lorsque les enfants se
réveillent d'eux-mêmes, ils sont plus
vigilants et attentifs, plus réceptifs et
disponibles pour apprendre que lorsqu'on a
écourté ou supprimé leur
sieste. Ce qui compte, c'est la
capacité des enfants à mobiliser
leurs ressources intellectuelles et à
s'ouvrir au message du maître, puis à
le "traiter", et non la quantité de temps
passé en apprentissage, surtout s'ils sont
somnolents ou s'il leur faut du temps pour " sortir
de leurs rêveries". Lorsque la sieste
disparaît, elle est "remplacée" par un
moment de moindre vigilance qui subsiste à
tous les âges, indépendamment des
entrées alimentaires du déjeuner. Il
ne faut donc pas s'étonner que, logiquement,
les enseignants organisent un "temps de repos" au
début de l'après-midi : il faut
savoir attendre que les enfants soient suffisamment
vigilants pour être attentifs,
réceptifs, disponibles et concentrés
au cours de la deuxième partie de la
journée scolaire la plus longue du monde, et
donc la plus épuisante. Mais,
culpabilisés par la hiérarchie, les
collègues ou les parents, beaucoup n'osent
pas laisser aux enfants le temps de revenir
à la vigilance "à leur rythme" (quand
ils sont prêts à s'activer
cérébralement et
corporellement).
* "...
l'école, et en tout premier lieu
l'école maternelle, doit faire de la
maîtrise de la communication un de ses
objectifs principaux".
Certes ! Là encore, contrairement aux
allégations ou insinuations de Monsieur
Alain BENTOLILA, les enseignants d'école
maternelle déploient beaucoup de temps et
d'énergie à développer la
maîtrise de la communication chez les
enfants, mais au sens plein du terme, et non pas
"simplement" en se limitant au langage oral (ainsi
que nous l'avons déjà
souligné, Monsieur Alain BENTOLILA confond
communication et langage oral). Ici encore, il me
faut rapporter les définitions du Larousse :
communication, c'est " Le fait de communiquer,
d'établir une relation avec quelqu'un",
"Action de communiquer quelque chose à
quelqu'un", résultat de cette action",
"Moyen technique par lequel des personnes
communiquent, messages qu'elles se
transmettent".
Si le langage oral est
évidemment un "vecteur" et un
"canal" majeurs de la communication, il
n'est pas le seul. S'agissant des
jeunes enfants en particulier, la
transmission de messages repose aussi ou
plutôt, parfois exclusivement, sur
des "manifestations" non verbales,
combinées ou non à des
éléments du langage oral.
L'important est qu'ils parviennent
à émettre, recevoir et
échanger des informations, à
comprendre les messages de leurs
partenaires et à faire comprendre
leurs propres messages.
|
Rien ne
permet de justifier l'affirmation de Monsieur
Alain BENTOLILA à propos du jeune enfant
"Ses premiers messages manifestent et
soulignent le partage d'une expérience
plus qu'ils ne fournissent à l'auditeur
les moyens de découverte et de
construction du sens".
|
Monsieur Alain BENTOLILA
paraît ainsi ignorer la somme
considérable de recherches et de
travaux théoriques sur les
composantes non verbales de la
communication et sur "les moyens de
découverte et de construction du
sens", à la fois chez les
bébés, les jeunes enfants et
leurs partenaires (et pas seulement
auditeurs), mais aussi chez les animaux
(qui, évidemment, ne parlent pas).
S'agissant des enfants accueillis à
l'école maternelle, ils utilisent
la communication non verbale non seulement
pour "signaler" leurs besoins et
difficultés
élémentaires (faim,
sommeil, gênes, souffrance ...) ou
pour partager une expérience, mais
aussi pour "diffuser" des
messages émotionnels (joie,
peur, tristesse, colère,
dégoût, surprise ...),
pour transmettre des messages
intentionnels dans les interactions
sociales (expressions du regard,
gestes de désignation,
sollicitations corporelles, manuelles et
vocales ...), et aussi pour faire
passer et partager des messages cognitifs
et intellectuels ("codes" des savoir
être et des savoir faire, "codes"
partagés dans les imitations, les
manipulation d'objets, les interactions
dans "les résolutions de
problèmes").
|
En facilitant et stimulant les
différents modes d'expression qui peuvent
libérer et façonner la communication
dans ses dimensions verbales et non verbales , les
enseignants donnent aux enfants de multiples
"moyens de découverte et de construction du
sens", en même temps qu'ils apprennent
comment chaque enfant découvre et construit
le sens en fonction de la situation, du contexte et
de l'activité. Par exemple, dans la danse,
le mime, les " clowneries ", les activités
ludiques, le graphisme, la peinture, le chant, les
comptines, les cascades, les jeux de rôle, le
théâtre, les interactions avec les
animaux ...
On ne comprend donc pas Monsieur Alain
BENTOLILA quand il affirme "en créant les
conditions de l'expression, on a l'espoir vain de
contribuer à la maîtrise de la
communication". De nouveau, il faut se
référer au Larousse : par expression,
il faut entendre "Manière de s'exprimer,
forme de langage ; le fait d'exprimer un contenu
psychologique par l'art ; le fait d'exprimer (les
émotions, les sentiments) par le
comportement extérieur ; ensemble des signes
apparents, particulièrement sur le visage,
par lesquels se manifeste un état affectif
ou un caractère".
* Par ailleurs, Monsieur Alain BENTOLILA
ignore apparemment que la sensorialité et
les capacités de perception des enfants de
l'école maternelle ne se limitent pas aux
discriminations auditives et visuelles des mots,
phrases et discours, puis à leur
reconnaissance linguistique.
S'agissant de l'audition, les enseignants
organisent aussi des activités qui
développent plus largement les perceptions
auditives des enfants par rapport à toutes
sortes de bruits, de sons, de symphonies et de
"langages oraux", c'est-à-dire non seulement
leur sensibilité auditive mais aussi leurs
capacités à mémoriser,
comparer, combiner, associer ... des stimulations
et informations entendues. Concernant la vision,
les enseignants proposent aux enfants des
activités appropriées pour leur
apprendre à discriminer et reconnaître
les lignes droites, courbes, brisées ... les
formes et les volumes (les capacités
développées pourront ensuite
être utilisées dans l'apprentissage de
la géométrie), ainsi que les
couleurs. Il faut ajouter l'organisation
d'activités qui permettent le
développement des perceptions olfactives,
gustatives, tactiles et proprioceptives. Ce sont
les capacités de découverte, de
discrimination et de compréhension des
informations issues de l'environnement qui se
trouvent ainsi stimulées et
façonnées. Les parents ont le plus
grand plaisir à découvrir que, "au
fil de l'eau" (à partir des activités
imaginée et organisées par
l'enseignant), leur enfant élargit de mois
en mois la gamme et l'acuité de ses
perceptions visuelles, auditives, olfactives,
gustatives, tactiles, proprioceptives ... C'est
aussi l'enfant qui prend plaisir et se sent
valorisé lorsqu'il découvre ses
capacités sensorielles et perceptives et
qu'il les fait découvrir aux autres
.
*
L'importance de l'école maternelle
dans le développement combiné des
interactions sociales, des systèmes de
communication et des processus de socialisation de
l'enfant, est complètement ignorée
par Monsieur Alain BENTOLILA.
Rappelons de nouveau qu'il écrit que
"communiquer et parler avec les pairs ...
conduit à l'insécurité
linguistique", alors que les enfants ont la
possibilité de partager des émotions,
de tisser des liens rassurants, de construire un ou
plusieurs attachements sécurisants,
d'enrichir leurs modes de communication (voir
précédemment), de "tester" leurs
conduites et de confronter leurs perceptions,
idées, raisonnements et pensées
à celles de partenaires différents du
même âge et au même niveau de
développement. Ils découvrent en
même temps d'autres langages, d'autres
cultures et d'autres groupes ethniques.
|
Des savoirs, des connaissances et
des apprentissages sont transmis entre
enfants de différents milieux
sociaux, culturels et ethniques soit au
fil de leurs activités libres, soit
pendant les activités
pilotées par l'enseignant. Celui-ci
organise les interactions et les
activités pour que chacun apprenne
à aller vers les autres sans peur
ou appréhension, à accepter
leurs différences, à
canaliser son "trop plein de mouvements"
(son "hyperactivité") et son
agressivité, à partager et
coopérer. Il permet aux
différents enfants de se vivre
comme des personnes qui peuvent "se mettre
dans la peau d'un autre", et ainsi
dépasser leur
insécurité affective, en les
faisant participer à des comptines,
jeux de rôle, "leaderships"
alternés, clowneries,
activités symboliques, saynettes,
etc. Les parents sont ravis de
découvrir que, "au fil de l'eau"
(à travers des activités
imaginées et organisées par
l'enseignant), leur enfant est moins
souvent replié sur lui-même,
moins évitant et fuyant, moins
"hyperactif", agresseur, "casseur" ... et
de plus en plus sociable. C'est en
même temps l'enfant qui a du plaisir
de trouver sa place dans un groupe de
pairs avec lesquels il peut
échanger, coopérer
...
|
*
"l'enseignante" "devra accompagner des bambins
de 3 à 6 ans dans leur
développement linguistique, intellectuel
et moteur."
Même si Monsieur Alain BENTOLILA
admet une fois que l'école maternelle doit
accompagner le développement moteur des
enfants de trois à six ans, il n'y revient
plus ensuite. Il passe sous silence les
activités qui permettent aux enfants de
structurer leur schéma corporel, de
maîtriser les équilibres de leur
corps, de développer leurs coordinations
motrices et sensori-motrices, et d'affiner leurs
habiletés motrices, notamment celles qui
permettent de maîtriser progressivement, et
au rythme de chacun, les manipulations d'objets,
les constructions, le graphisme, le dessin, la
peinture et plus tard
l'écriture.
Pourtant, les parents ont le "plus grand
plaisir" à découvrir que, "au fil
de l'eau" (à travers les
activités proposées par
l'enseignant), leur enfant est de moins en moins
maladroit ou pataud, qu'il trébuche ou chute
de moins en moins souvent, qu'il peut
évoluer avec de plus en plus de
maîtrise et sans dommage dans toutes les
dimensions de l'espace, et qu'il est de plus en
plus habile dans ses gestes, manipulations et
réalisations. C'est aussi l'enfant qui prend
plaisir à mieux connaître son corps,
à découvrir l'évolution de ses
capacités motrices dans toutes les
dimensions de l'espace et à démontrer
ses compétences manuelles.
On ne saurait trop remercier les
enseignants d'école maternelle de
permettre aux enfants de chanter ensemble,
de leur raconter des histoires qui
sollicitent leur sensibilité, leurs
émotions, leur pensée, leur
imaginaire ... de les laisser jouer sans
autre finalité que jouer, sans les
réduire à des
"entités linguistiques" qu'il faut
formater à tout moment et en toutes
occasions dans un apprentissage permanent
de vocabulaire, de grammaire et de
syntaxe. Au diable le tout linguistique !
Bienvenue aux enfants que l'on
considère d'abord comme des enfants
et non comme des machines formatées
par les idéologues.
|
LE
DENIGREMENT, LA DEPRECIATION, LA DEVALORISATION ET
LA CULPABILISATION DES ENSEIGNANTS
Monsieur Alain BENTOLILA dénigre,
déprécie, dévalorise et
culpabilise les enseignants tout au long de son
rapport. Je me limiterai à deux
exemples.
1. "la
subjectivité affective de l'enseignant
pour évaluer ses performances"
(celles de l'élève : note de H.
Montagner) ... "paralyse l'enseignant qui, ne
sachant pas différencier nettement les
tâches d'apprentissage des tâches
d'occupation, se contente trop souvent, avec
certes beaucoup d'ingéniosité,
d'accumuler les productions sans travailler sur
l'erreur avec les élèves, de peur
de les bloquer ou d'entendre les parents leur
dire "mais ils sont encore si
petits".
Comment Monsieur Alain BENTOLILA peut-il
caricaturer la pédagogie des enseignants
d'école maternelle en affirmant qu'ils ne
savent pas différencier nettement une "
tâche d'apprentissage " d'une "
tâche d'occupation " ? De nouveau, je
pose la question : a-t-il cherché à
comprendre ce que recouvre le souci permanent des
enseignants d'inventer des situations et
activités qui stimulent et façonnent
le cerveau des enfants en alliance avec leur corps,
en particulier dans la "libération" des
processus cognitifs, dans la maîtrise des
apprentissages et dans le développement des
processus de socialisation, notamment chez les
enfants en difficulté, parfois en
détresse ou en souffrance ?
A travers une dichotomie
simpliste (" tâches d'apprentissage
" versus " tâches d'occupation "),
il faut se demander de nouveau si Monsieur
Alain BENTOLILA a vraiment
réfléchi aux objectifs et au
sens de la pédagogie des
enseignants d'école maternelle.
En outre, il leur fait un procès
d'intention en affirmant qu'ils accumulent
les productions sans travailler sur
l'erreur. J'ai été souvent
le témoin du
contraire.
|
* Une
autre affirmation simpliste et arbitraire :
"Les enseignants sont ainsi contraints de
prévoir, selon les jours et les horaires,
des activités peu liées aux
apprentissages, mais plutôt à
l'expression personnelle, voire à la
garderie déguisée, au
prétexte que tous les enfants n'en
profiteraient pas".
On peut d'abord se demander pourquoi
l'expression personnelle des enfants serait
seulement prévue dans le cadre
"d'activités peu liées aux
apprentissages", et pourquoi les activités
d'apprentissages seraient antinomiques de
l'expression personnelle. C'est en diversifiant les
activités qui permettent l'expression
personnelle des enfants (dessins, peintures,
poteries, narration, assemblages d'objets et
constructions, danses, mimes, chants ...), que les
enseignants peuvent stimuler et façonner des
connaissances, des savoirs et des apprentissages
que n'autorisent pas les activités
d'apprentissage formel des connaissances et savoirs
dits fondamentaux. Les enfants apprennent alors par
eux-mêmes, mais aussi par l'imitation des
pairs et la coopération avec l'un ou l'autre
et, bien évidemment, par les interactions
qui se développent à un moment ou un
autre avec l'enseignant. Monsieur Alain BENTOLILA
serait bien inspiré de demander aux enfants
ce qu'ils apprennent lorsqu'ils peuvent
développer librement leur expression
personnelle. Par ailleurs, il fait aux enseignants
un procès d'intention en les
soupçonnant d'organiser des activités
liées à la garderie
déguisée lorsqu'ils prévoient
des activités plutôt liées
à l'expression personnelle.
On pourrait donner d'autres exemples de
dénigrement, de dépréciation,
de dévalorisation et/ou de culpabilisation
des enseignants qui, selon Monsieur Alain
BENTOLILA, font de l'école maternelle
"une école où la classe se fait au
fil de l'eau, selon les envies, selon les
compétences de l'enseignant, selon le
quartier". Autrement dit, une école sans
projet pédagogique, sans cohérence et
sans rigueur. Monsieur Alain BENTOLILA doute
même des capacités d'élocution
des enseignants (les comptines seraient
marmonnées).
En réalité, les critiques
de Monsieur Alain BENTOLILA ne peuvent masquer la
vacuité de son rapport. Il n'apporte en
effet rien de nouveau et les enseignants ne l'ont
pas attendu pour élaborer toutes sortes de
stratégies, de démarches et de
méthodes qui puissent conduire les enfants
à une meilleure maîtrise du langage
oral. Ils savent en particulier :
++ la
"priorité majeure" de "donner
à tous les enfants qui lui sont
confiés (à l'école
maternelle : précision de H. Montagner)
une maîtrise de la langue qui leur
permettra, une fois élucidés les
mécanismes du code écrit, de
construire avec respect et audace le sens du
texte d'un autre", même si on peut
s'interroger sur le sens de "construire avec
respect et audace" ;
++ "l'importance
de la quantité et de la qualité du
vocabulaire qu'un enfant possède avant
qu'il apprenne à lire";
++ "le
déficit du vocabulaire oral qui
empêchera certains enfants
d'accéder au sens des mots écrits"
;
++ le soutien
qu'il faut apporter aux "enfants en
difficulté linguistique" ("peu
importera le thème, seule comptera
l'attention que l'on prêtera aux paroles
des enfants en les reformulant au besoin") ;
ils savent aussi que "Ces enfants ont besoin,
en plus de l'apport scolaire, qu'un adulte
à la fois bienveillant et exigeant leur
adresse une parole sereine et porteuse de
sens" ;
++
l'inégalité des enfants
"à la porte de
l'écrit";
++ la
nécessité d'organiser des
"ateliers de communication" qui devraient
être une constante de la pédagogie
des moyennes et grandes sections.
++ les
façons d'organiser la lecture d'un texte
et les échanges qui en résultent
;
Plus ordinairement, les enseignants
d'école maternelle savent organiser de
façon diversifiée les
opérations quotidiennes "écouter
et parler" que souligne Monsieur Alain
BENTOLILA .
Mais, les
enseignants savent aussi que la maîtrise du
lange oral par le jeune enfant ne repose pas
"simplement" sur les
"démarches-recettes"
préconisées par Monsieur Alain
BENTOLILA, mais qu'elle dépend de nombreux
facteurs personnels, familiaux, sociaux et
culturels. Ils sont demandeurs de stratégies
pour que la maîtrise du langue oral par tous
les enfants devienne une réalité, en
particulier ceux qui sont en
difficulté.
CONCLUSIONS
Le rapport de Monsieur Alain BENTOLILA est
inquiétant car il est dogmatique et
simpliste. Il est également
déshumanisé et déshumanisant.
Monsieur Alain BENTOLILA considère en
effet que les enfants d'école maternelle
sont essentiellement des systèmes
linguistiques qu'il faut formater dans
des ateliers de langage oral dès la petite
section. Pour cela, selon lui, il est
impératif d'augmenter leur concentration
intellectuelle au quotidien ... comme si on pouvait
la décréter au(x) moment(s)
souhaité(s).
L'élève
"conçu" par Monsieur Alain
BENTOLILA est nié dans ses
dimensions de personne et d'enfant. A
aucun moment, Il n'est
considéré comme une personne
d'attachement, d'émotions et
d'affectivité qui se construit dans
les interactions sociales avec des
partenaires multiples, notamment avec les
pairs (selon Monsieur Alain BENTOLILA,
"communiquer et parler avec ses pairs
... conduit à
l'insécurité
linguistique" !).
|
Ses systèmes de communication sont
réduits au langage oral, et les processus de
socialisation ne sont même pas
évoqués ... pas plus que les
activités ludiques (le mot jeux
apparaît une seule fois dans le rapport). De
toute évidence, Monsieur Alain BENTOLILA
oublie ou ignore que la socialisation et les
activités ludiques jouent un rôle
primordial dans le développement de
l'enfant, y compris aux plans intellectuel et
linguistique.
Un besoin fondamental comme le rythme
veille-sommeil est tourné en
dérision. Les
sensorialités auditive et visuelle ne
sont considérées que dans
l'acquisition et la maîtrise du langage oral,
puis de la lecture et de l'écriture. Le
développement du corps et les
habiletés motrices sont
escamotés. Il n'est jamais question de
l'imaginaire (selon Monsieur Alain BENTOLILA,
le discours quotidien, les comptines et le chant
doivent devenir des outils dont les
finalités sont l'acquisition d'un
vocabulaire plus important, et l'apprentissage de
la syntaxe et de la grammaire). La petite section
apparaît comme une propédeutique de la
moyenne section, elle-même
propédeutique de la grande section,
elle-même propédeutique du cours
préparatoire, même s'il est
affirmé que l'école maternelle doit
être une école à part
entière. Le dogmatisme, le
réductionnisme et les dérives de
Monsieur Alain BENTOLILA sont
terrifiants.
En voulant imposer le tout
linguistique comme pierre de voûte de
l'école maternelle, Monsieur Alain BENTOLILA
est implicitement élitiste alors que,
pourtant, il se propose de monter "AU FRONT DES
INEGALITES LINGUISTIQUES ET SOCIALES". En effet,
seuls les enfants vigilants, attentifs,
réceptifs, disponibles, motivés et
"sécures" peuvent faire l'effort
entre trois et six ans d'être
intellectuellement concentrés aux moments
où ils sont sollicités pour un
atelier de langage oral ou à d'autres
moments qui nécessitent une forte
mobilisation des ressources intellectuelles pour
apprendre encore plus de vocabulaire et
maîtriser encore mieux la syntaxe et la
grammaire ... dans la mesure du possible et si
c'est compatible avec les réalités du
développement individuel.
C'est-à-dire, ceux qui, à la maison,
ont une forte probabilité de baigner tous
les jours dans un bain linguistique proche ou
similaire de celui de l'école maternelle,
dans les interactions accordées, la
sécurité affective et l'attachement
"sécure" avec leur(s) parent(s), mais
aussi la "sécurité sociale" (revenus
suffisants, emploi valorisant et rythmes de travail
non épuisants des parents, logement
suffisamment confortable, famille " accordée
"
), que leur rythme veille-sommeil est
respecté et que leurs autres besoins
fondamentaux sont assurés.
En revanche, si on impose tous les
jours ou presque des ateliers de langage oral
à des enfants régulièrement
non vigilants, non attentifs, non
réceptifs, non disponibles, non
motivés et non "sécures", on
risque d'augmenter leur insécurité
affective et leur insécurité
linguistique.
On sait que ces enfants ont une forte
probabilité de ne pas vivre à la
maison dans les interactions accordées, la
sécurité affective, l'attachement
"sécure" et la "sécurité
sociale" (pauvreté, chômage, logement
insalubre et exigu, conflits récurrents
entre les parents...).
Avec les positions dogmatiques et
outrancières de Monsieur Alain BENTOLILA,
les inégalités sociales et
linguistiques ont une forte probabilité de
se creuser, en tout cas de ne pas
s'atténuer. En outre, ça n'est pas en
"matraquant" les enseignants qu'on va les motiver
à s'investir encore davantage dans leurs
missions.
Il est temps de sortir
l'école maternelle de "l'oubli" et
du dogmatisme, de redéfinir ses
finalités et d'en faire une
priorité pour la nation. C'est en
effet entre trois et six ans qu'il faut
agir intelligemment pour donner toutes
leurs chances à tous les enfants,
quelles que soient leurs
particularités, quel que soit leur
milieu familial, social, culturel et
ethnique. Il faudrait notamment
méditer l'exemple de la Finlande,
reconnue par tous ou presque comme le
meilleur élève de la classe
européenne, un pays où on
privilégie l'écoute, le
bien-être, les rythmes et
l'épanouissement de l'enfant, et
où l'apprentissage de la lecture
à l'école est seulement
organisé à partir de
l'âge de sept ans.
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