Qu'est-ce que
c'est?
Selon Gaston
Pineau, l'histoire de vie est une recherche
et une construction de sens à partir
de faits temporels personnels
vécus.
Elle fait
mémoire entre passé et avenir, entre
dire et faire.
C'est une pratique
auto-poïétique (du grec au-tos, soi et
poiein, produire), qui contribue à une
'prise en mains' de sa propre vie par
chacun.
A quoi ça
sert?
L'histoire de vie
permet aux sujets de se comprendre, de 'prendre
ensemble' les événements et les
rencontres ayant jalonné leur histoire et
d'en faire un récit leur donnant du sens
dans un contexte sociohistorique certes
déterminant, mais dans lequel une marge de
manuvre propre persiste. Cette production de
sens s'oppose à la croyance fataliste en un
destin inéluctable, elle est une
résultante personnelle des
expériences vécues.
Pour permettre aux
individus de faire face aux diverses ruptures
auxquelles ils sont confrontés, la pratique
de l'histoire de vie offre ainsi aux sujets la
possibilité, par une construction narrative
accompagnée, d'accéder à leur
propre historicité, de devenir acteurs de
leur vie autant qu'auteurs de leur texte et par
là, de se réapproprier le sens global
de leur existence.
Son
histoire
Si 'le récit
de soi' connaît à notre époque
une popularité croissante, comme en
témoignent les rayons des librairies
où s'accumulent biographies et
autobiographies de personnages illustres, de
vedettes, comme parfois de 'gens simples',
l'écriture biographique est cependant une
pratique séculaire . Ce n'est pas simplement
celle-ci qui est ici convoquée.
Son entrée
dans les sciences sociales s'est faite
originairement dans les années vingt, par la
dite " Ecole de Chicago " .
Des sociologues
expérimentèrent une étude de
la société, par le biais du recueil
de récits de vie d'immigrés polonais.
Dans cette démarche, c'est la parole des
acteurs sur leur vécu qui permet la
compréhension des phénomènes
sociaux étudiés.
Après un
reflux elle est réapparue à partir
des années soixante et surtout depuis les
années quatre-vingts, où elle est
utilisée dans le champ de la formation des
adultes, et pensée comme art formateur
de l'existence, dans un contexte de bouleversements
socioprofessionnels et familiaux.
Une
éthique nécessaire
Mais de telles
pratiques, traitant de la vie de la personne, ne
vont pas sans risques. Ainsi elles sont
régies, depuis 1991, par une association
internationale, l'ASIHVIF (Association
internationale des histoires de vie en formation.),
orientée par une éthique " qui se
caractérise par une conception du lien
social qui met au centre la valeur de respect de la
personne, capable d'orienter sa vie à partir
de l'assomption des déterminants de sa
propre histoire (personnelle et historique) et leur
transformation en projet existentiel socialement
inscrit ". Une charte (actuellement en cours de
réactualisation), assortie d'un contrat
négocié avant chaque mise en
application, en découle.
Histoire
de vie pour les enseignants
La mise en
application des histoires de vie dans le champ de
l'éducation se présente
généralement sous le terme de "
biographie éducative " . Mais cette
approche, utilisée aujourd'hui assez
fréquemment en formation des professionnels
de l'action sociale, demeure encore relativement
discrète en formation
d'enseignants.
Dans le cadre des
dispositifs faisant appel à l'approche
biographique, les participants sont invités
à explorer leur passé scolaire,
universitaire et professionnel, dans le but de
travailler la connaissance de leur parcours de
formation et de vie et par-là même, la
connaissance de soi dans une perspective de
professionnalisation.
L'objectif
est de faire émerger ou de clarifier le
sens de leur projet de formation et de leur projet
professionnel, c'est-à-dire comment ceux-ci
ont émergé en lien avec leur
passé et ce qu'ils en attendent dans
l'avenir.
Des pratiques de
chercheurs/formateurs, à l'origine du
'Groupe de recherche sur l'utilisation du
récit de vie en formation d'enseignants',
sont regroupées dans un ouvrage dans lequel
les finalités des sessions de formation,
réalisées à partir d'un
travail de récit de vie, sont les suivantes
:
- la construction de
l'identité professionnelle
- la transformation des
pratiques par la prise de conscience, celle-ci
favorisant le passage d'une conception d'un
parcours subi à une conception plus
dynamique où les choix sont
assumés
- la production d'un
savoir sur soi et sur les autres, visant un
apprentissage de la différence
- la production de sens
à partir d'expériences de vie
réactivées et
revisitées
- la formation par la mise
en relation d'une histoire avec une pratique
pédagogique, dans le but de la
comprendre, voire de la modifier.
Comment
ça se passe?
Au cours de ces
sessions, la présentation des
récits s'effectue oralement dans un premier
temps, au sein de groupes
restreints.
Une relation
intersubjective s'instaure entre les
différents participants, basée sur
l'écoute de l'autre et de son propre
ressenti à l'énonciation des
discours, ainsi que sur l'analyse des récits
réalisée conjointement par tous les
membres du groupe, analyse étoffée
grâce aux questions posées aux
narrateurs ainsi qu'aux demandes
d'éclaircissement à propos de
secteurs demeurés obscurs.
Une production
écrite individuelle est
réalisée et, en dernier ressort,
l'interprétation de celle-ci est faite par
les sujets eux-mêmes, le formateur ne se
trouvant pas ici en position d'expert.
Un contrat lie
les différents acteurs, assurant
l'engagement volontaire des personnes, la
confidentialité, la non-violence
symbolique.
Les
conditions
L'engagement dans
de tels dispositifs n'est pas sans effet sur les
personnes dont les formateurs : ceux-ci, ayant
réalisé au minimum en
préalable leur propre récit
biographique, sont les garants de leur mise en
uvre auprès des autres et avec
eux.
Ces dispositifs
relèvent d'une conception de la formation
basée sur la prise en compte de la
personne de l'enseignant et va à
l'encontre (voire en complément) d'une
formation uniquement dominée par
l'acquisition de connaissances et la maîtrise
de compétences techniques.
Notons que la
perspective biographique intègre
l'étude de la formation dans une
temporalité longue, tout au long de la
vie, et ne la limite pas à la seule
formation institutionnelle. L'effet formateur n'est
pas immédiatement constatable, et il peut
n'apparaître qu'à
posteriori.
Cette
démarche ne peut en aucun cas être
généralisée car elle s'appuie
à la base, comme cet exemple en atteste et
l'ASIHVIF le met en uvre, sur le
volontariat et l'adhésion à un
contrat négocié
conjointement.
Attention : il
n'est en aucun cas question d'un usage
auprès d'enfants dans un cadre scolaire(
Voir: mise
en garde)
!
C'est
probablement pour cet ensemble de raisons
que l'approche biographique est encore
utilisée de façon
très discrète en formation
d'enseignants, mais l'exigence actuelle de
professionnalisation du métier, qui
met en avant l'importance d'une analyse
des pratiques et l'implication, pourrait
proposer et s'appuyer en partie sur les
apports de telles approches, contribuant
par leur biais à une autre forme de
formation (initiale comme continue) pour
ceux qui le souhaiteraient.
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Bibliographie
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