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Connaître son corps pour commencer à mieux se connaître" ?

André Giordan LDES Université de Genève

             Le corps humain, dans ses dimensions mécanique, anatomique et physiologique est un domaine traditionnellement important de l'enseignement. Et les enseignants ne rechignent pas à l'aborder, contrairement à d'autres domaines. Depuis les derniers programmes, la demande institutionnelle ne se limite plus à quelques éléments d'anatomie, de physiologie, d'hygiène ou d'activités physiques, elle concerne -quoique de façon encore trop homéopathique- l'éducation à et/ ou pour la santé.              Les jeunes, quant à eux, ont des attentes très fortes par rapport à ce thème. Malheureusement elles ne coïncident pas souvent avec celles de l'institution ou des enseignants. Et ils finissent par s'y désintéresser très rapidement pour cause d'ennui !

 

Quels modèles du corps?

             L'école se devrait de réfléchir quelques instants sur cet étonnant ensemble d'atomes, de cellules et d'organes qui constituent notre corps. Pourquoi les présentations habituelles font perdre tout intérêt à la plupart des élèves. Quels modèles du corps et quelles pratiques corporelles valorisent-elles, soit de manière implicite, soit plus explicitement ? Quel imaginaire de la santé et de la maladie véhiculent-elles ?

             Comment répondre aux enjeux actuels ? Quelles sont aujourd'hui les conceptions collectives sur le corps, sur la relation qui existe entre activité physique et santé ? Comment aller au-delà de l'apparence prônée par les magazines de jeunes ?

             D'autres valeurs, et par là d'autres éducations sur le corps, ne seraient-elles pas à imaginer ou à valoriser ? En définitive, sur quoi se centrer et comment fournir des savoirs " porteurs "?

 

 Education et rééducation du corps

             A toutes les époques, dans toutes les cultures, le corps de l'homme et celui de la femme ont fait l'objet d'éducation ou de rééducation. Cette éducation pouvait être très directe au point de marquer irrémédiablement le corps sans passer par le cerveau ! Le corps était bandé, scarifié ou rectifié pour s'inscrire dans des normes ou des valeurs. Mais peut-on parler en la matière d'éducation ?

             A partir de la Renaissance, le corps se doit d'être droit. Ainsi, corps droit et vertus sociales sont reliés : " Les négligences du maillot et de l'âme commencent toutes les imperfections de l'un et de l'autre " (Fortin de la Hoguette 1648). Ce redressement est obtenu d'abord par des maillots ou des corsets avec armature ; progressivement par des exercices tout aussi contraignants. Une éducation qui se veut "médicinale" est promue par les médecins hygiénistes. Elle devient " corporelle ", puis "physique" quand l'armée prend le relais en injectant une série de pratiques issues des exercices militaires.

             L'école s'inscrit dans cette longue tradition. En biologie, elle présente un corps machine, décomposé en quelques mécanismes séparés… Les plus évidents à tout enseignant, car habituels, sont la locomotion, la digestion et la respiration dont on décrit seulement " les tuyauteries ". Rien d'étonnant que le corps humain excède et que les savoirs appris soit des plus limités. Toutes les évaluations le confirment.

             L'éducation physique et sportive a fait le pas pour s'éloigner de l'entraînement militaire et de la gymnastique médicale. Elle se veut contribuer "à l'épanouissement harmonieux du corps, de la sensibilité, de la volonté, de l'intelligence, et elle favorise la santé psychique et physique de l'élève ". En outre elle souhaite valoriser l'épanouissement, l'expression et l'autonomie. Mais dans sa pratique quotidienne, beaucoup reste à faire.

 Des perspectives possibles

             Le corps, la santé ou encore l'amélioration de celle-ci par l'exercice physique semblent "fonctionner" dans l'école, comme un " allant de soi ". C'est cet allant de soi qu'il s'agit d'interroger. Est-il réellement éducatif ? A quoi correspond-t-il en définitive ? Ne pourrait-on pas envisager le corps à l'école tout à fait autrement ?.. Plusieurs directions ne sont-elles pas plutôt à explorer… Parmi les multiples possibles, trois semblent importantes pour l'école.

 

* Une première approche didactique est dans " l'apprivoisement " de son propre corps par l'enfant très jeune.

             L'enfant est souvent dans l'étrangeté par rapport à celui-ci. Une " éducation corporelle " peut rendre le corps (son corps) plus familier à travers ses sensations, ses émotions, ses désirs ? Comment les reconnaître ? Les ressentir ? Les connaître de l'intérieur ? En dépasser les tensions ? La place du plaisir lié à un rapport ludique d'échanges avec l'environnement ou avec l'autre, ses stress, ses frustrations sont d'autres accroches pour mener des activités. Comment les apprivoiser ? Les positiver ? Les exprimer ? Les partager ?

La personne se trouve carrément évacuée, voire niée, dans l'enseignement actuel.

             Dans les cours de biologie ou d'EPS, il paraît indispensable de réintroduire un corps vécu. De même, il apparaît tout aussi important de l'envisager comme "l'auteur" d'actions et porteur de convictions et de sens à travers une plus large place faite au théâtre, à la danse ou au jeu de rôle.

             La personne, et elle s'appuie sur les expressions et les ressentis d'un corps, devrait avoir une place prioritaire ; pourtant elle est trop peu envisagée à l'école. Cette simple approche permettrait déjà de cesser de faire du corps une simple machine ou un objet marchand comme il l'est dans la publicité. Elle permettrait au jeune d'exprimer et de reconnaître qui il est vraiment…

 

* Une deuxième direction serait de faire prendre conscience au jeune de ses hautes capacités.

             Un corps, " ce n'est pas rien " ! Les jeunes sont fiers par exemple de parler de leur vélo ou de leur game-boy qui peuvent faire une centaine de pièces. Un corps humain, c'est 40 mille milliards de pièces, les cellules. Et chacune de ces "minusculissimes" cellules n'est pas une simple "brique", empilée les unes sur les autres. Chacune présente des raffinements inouïs, dignes d'un meilleur scénario de science-fiction. Une seule cellule intestinale d'un centième de millimètre peut avoir jusqu'à 30 000 villosités pour augmenter sa surface externe et faciliter l'absorption des aliments digérés. Une simple cellule du foie peut contenir 1 000 à 2 000 mitochondries, lieux d'intenses activités énergétiques ou encore des dizaines de milliers de ribosomes qui synthétisent des milliers de protéines différentes. Dans chaque intérieur cellulaire, des centaines de milliers de réactions chimiques s'y déroulent à la seconde. Pour produire la peau, les muscles, les os... et tout le reste, le corps fabrique plus 100 000 produits différents dont trente mille sont de vraies merveilles de sophistication, les enzymes….

             Découvrir et prendre conscience des aptitudes incroyables du corps en l'étudiant comme un " écosystème ", unique et complexe, qui de surcroît a une histoire, celle de la Vie, de la Terre et de l'Univers, renforce l'estime de soi, mais pas seulement…

             De même, le jeune n'utilise pas suffisamment ses compétences, qu'elles soient cognitives (utilise-t-il le millième des capacités du cerveau !) ou réparatrices (en prend-t-il suffisamment soin ?)… De façon pragmatique, une place importante faite à la personne physique, à ses potentialités et non à ses apparences ou à ses parties envisagées séparément peut contribuer également à préserver la santé. Nos décideurs devraient être plus attentifs à une telle approche, le trou de la sécurité sociale pourrait être comblé facilement !..

* La troisième orientation pour le corps à l'école est dans une mise en perspective de l'imaginaire social.

             Les projets étudiés en classe peuvent contribuer à clarifier des liens entre corps, gestuelle, émotions, mais également culture, éthique, histoire et art de vivre. Autant de sujets de recherche ! Ils peuvent conduire à mieux comprendre les manières de représenter le corps humain, aussi bien dans l'histoire de l'art que dans les modes récentes.

             De même, les différentes façons de penser le corps, la santé, la maladie, les techniques de prévention ou de soins sont extrêmement révélatrices du contexte social, des avancées scientifiques, de l'histoire des idées et encore des différentes façons de penser l'être humain.

             Comment un modèle culturel, des normes sociales induisent-ils une façon de marcher ou de manger et combien celles-ci sont-elles diverses ; ces études sont très révélatrices pour les élèves. Elles sont autant de points de départ pour s'initier à l'anthropologie, l'éthique, la philosophie, la psychologie, savoirs toujours absents de l'école.

             Faire entrer le corps avec ses multiples dimensions dans la culture pourrait être un enjeu pour l'école du XXIème siècle.

             La conscience de son propre corps n'est pas que dans l'image du corps qu'en donne notre société !

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Réactions

<<Et bien quel enjeu essentiel que voilà!Enfin de l’intelligence relié au sensible!l’humanité à soif de cela mais se remplit de tellement de choses inutiles et encombrantes pour son corps et son esprit!Merci pour cet propostion d’enjeu essentiel! Christophine>>

<< Et bien quel enjeu essentiel que voilà!Enfin de l’intelligence relié au sensible!l’humanité à soif de cela mais se remplit de tellement de choses inutiles et encombrantes pour son corps et son esprit!Merci pour cet propostion d’enjeu essentiel!>> Christophine

<<C’est très instructif tout ceci pour moi qui aimerais faire la médécine>>

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