Il
peut sembler étrange de s'interroger sur
l'impact sur l'École de la grippe A (H1N1,
souvent appelée grippe porcine). Se
pose-t-on la même question pour la grippe
saisonnière qui touche en France près
de 2 millions de personnes et provoque 2 000
décès ? S'interroge-t-on sur les
conséquences des autres maladies sur
l'École et son fonctionnement ? Pourquoi le
faire plus particulièrement pour la grippe
porcine ? Pourquoi un bouleversement du
système éducatif serait-il en marche
? Lequel ?
En premier lieu,
plusieurs facteurs légitiment
d'évoquer la grippe A et ses
conséquences sur le système
éducatif.
· * Cette
maladie nouvelle, planétaire,
médiatisée, se répand un
peu plus chaque jour. Dans l'inconscient
collectif elle renvoie aux tragiques
épidémies des temps anciens. Je
sais les craintes que de tels risques inspirent
aux personnes, même de nos jours. Lorsque
j'étais recteur en Auvergne, je fus
confronté à quelques cas
isolés de méningite sur un
territoire de l'ordre du quart d'un
département. À maintes reprises,
les chercheurs expliquèrent au grand
public, aux médias, aux élus,
preuves à l'appui, qu'il ne s'agissait
pas d'une épidémie : les cas ne
provenaient pas d'un même virus. Rien n'y
fit. Les explications, qui se voulaient
rassurantes, ne firent qu'accroître les
craintes des familles. Au point que le
Préfet dû se résoudre
à faire procéder dans l'urgence
à la vaccination de 150 000 enfants et
étudiants. L'impact d'une menace
d'épidémie ressemble à un "
effet papillon " : il est sans commune mesure
avec la cause. La grippe A réunit les
conditions pour que des effets de panique se
produisent et obligent les autorités
sanitaires à prendre des mesures
drastiques, sans précédent, sur de
larges territoires et pour de longues
périodes. Il est presque certain que cela
se produira dans les mois qui viennent et,
peut-être même, dès la
prochaine rentrée scolaire. Certes,
différents scenarii sont possibles : on
voit des pays qui préfèrent ne
diffuser aucun chiffre officiel et jouer sur la
discrétion, alors que d'autres, comme
l'Angleterre, s'inquiètent
déjà de l'impact sur leur PIB, en
craignant une baisse de 5 points de
celui-ci.
· * En France,
face aux quelques cas de grippe A, les pouvoirs
publics ont décidé une
brève fermeture de deux ou trois
collèges, d'une quarantaine
d'écoles (sur les 56 000 que compte notre
pays) et de quelques colonies de vacances. La
grippe A émerge en des lieux
variés qui se multiplieront. Cela
conduira les responsables de la santé
publique à prendre des mesures de
fermeture d'écoles (qualifiées de
" confinement ") sur des zones étendues :
plusieurs établissements scolaires, toute
une circonscription, tout un bassin, tout un
département, peut-être plus large
encore
Le confinement a un bel avenir
devant lui !
· * La
fermeture d'une école ou d'un
établissement secondaire pendant quelques
jours s'est déjà produite dans le
passé, pour des raisons diverses,
notamment de santé publique. Cela
arrivera encore. Les périodes de
fermetures sont en général courtes
; les familles font face avec quelques modestes
aides publiques. Lorsque ces fermetures sont
longues (destruction d'un bâtiment par
incendie, ou explosion, comme à Toulouse
par exemple), les autorités
arrêtent des mesures de substitution en
s'appuyant sur les écoles et
établissements les plus voisins qui
fonctionnent. Or, demain, de vastes territoires
seront concernés et il sera ni possible
ni pertinent de déplacer quotidiennement
un très grand nombre
d'élèves. Le temps de propagation
de l'épidémie pouvant durer des
semaines, voire des mois, le virus devenant de
plus en plus actif, ce sont d'autres dispositifs
alternatifs qui seront mis en place. On parle
déjà, officiellement de 12
semaines au moins. Enfin,
l'épidémie peut revenir plusieurs
fois et sous des formes plus redoutables.
On discerne donc
la nouveauté de ce phénomène,
sans précédent dans l'histoire
récente de l'Éducation nationale :
tous les élèves d'un territoire "
interdits d'école " pendant plusieurs
semaines, plusieurs mois, plus encore
peut-être. Essayons d'imaginer ce qui se
passera et ce que seront les conséquences
ultérieures sur notre système
éducatif : comme pour la crise
financière, il faudra bien sortir de la
grippe A !
Alertés
depuis longtemps par les chercheurs et les
responsables de la santé publique, les
autorités de l'Éducation nationale
ont anticipé l'avènement de ce
phénomène et préparé
une riposte pédagogique en complément
des mesures sanitaires qui relèvent d'autres
responsables. Plaçons-nous dans
l'hypothèse où tout un territoire
serait " confiné " pour un temps long et
indéterminé. Soudainement, pour la
première fois dans son histoire, le
système éducatif sera entre les mains
des parents et des élèves. Que
pourront-ils faire et que feront-ils ? Quel
rôle jouera alors l'Éducation
nationale et comment ?
En France,
l'École (publique et privée) est sous
le contrôle de l'État. Son
organisation est uniforme sur l'ensemble de
l'Hexagone. Uniformité formelle, j'en
conviens, mais qui sert de colonne
vertébrale à l'ensemble. Suite au
confinement, sans préparation ni des parents
ni du corps enseignants c'est un autre
système, hybride, qui se mettra en
place et fonctionnera pendant des semaines,
peut-être des mois. Aux mécanismes
centralisés, bureaucratiques et
technocratiques, très peu évolutifs,
succèdera l'empirisme total, à
travers une complète décentralisation
sur les parents.
Première
conséquence de la grippe A
:
un bouleversement
profond du système éducatif ; or la
majorité des acteurs n'en ont pas encore
pris conscience.
Pour dire vrai,
cela va considérablement accentuer
l'existant scolaire actuel, nié par beaucoup
d'enseignants et de cadres éducatifs.
Deviendront essentielles les activités
autour de l'École mais que l'École
feint d'ignorer. La colonne vertébrale ayant
disparue, les autres éléments
déjà à l'uvre vont
prendre une place prépondérante, de
façon diversifiée suivant les
élèves. Alors que depuis quelques
décennies les enseignants français
peinent à individualiser les enseignements,
ce sont les parents qui soudain le feront.
Les
élèves pourront
bénéficier des productions
pédagogiques déjà
préparées dans cette perspective
depuis plusieurs mois, notamment par le CNED. Elles
leur parviendront par la télévision,
la radio, puis par Internet. La " e-académie
" est promise à un beau succès, au
moins au début, tant qu'elle pourra afficher
une situation de quasi-monopole qui sera
brève. En supposant que la totalité
des familles disposent, à défaut de
l'accès à Internet, d'une radio ou
d'une télévision, le système
éducatif considèrera qu'il a rempli
son devoir et assuré sa mission. Les
enseignants, qui n'auront plus
d'élèves en classe, seront
sollicités pour faire de l'accompagnement
à distance (alors qu'ils ne sont pas
formés à cela), de la correction de
devoirs, etc. Une coupure se fera rapidement entre
d'un côté les élèves qui
se " contenteront " de ce service formel minimal,
somme toute peu contraignant et de l'autre ceux qui
bénéficieront de groupes de travail
collaboratif à distance, avec leurs
enseignants ou d'autres personnes ressources,
accompagnés de différentes formes de
" coaching ", dont celles offertes par Internet.
Quatre grandes catégories
d'élèves, déjà
présentes, se distinguent.
· * Il y
aura d'abord les élèves
aidés par leur famille, ceux dont
l'avenir est tracé dès la
maternelle, qui sont destinés à
entrer à Polytechnique, Normale sup,
Sciences Po ou en médecine. Ils sont
accompagnés par leurs grands-parents,
leurs parents, leurs frères et
surs, leurs cousins, des amis, par leur
milieu composé de cadres, d'enseignants,
d'avocats, d'architectes, d'ingénieurs,
etc. Ces élèves apprennent
l'essentiel en dehors de l'École, parfois
avec plusieurs d'années d'avance sur
l'âge officiel. Pourtant l'École
les présente comme ses plus belles
réussites : mentions au Bac,
lauréats du concours
général, olympiades, etc. Dans
PISA ils font mieux que les petits finlandais ou
coréens. Pour eux, avec le confinement,
le changement sera faible. Les nouvelles
ressources mises à leur disposition par
l'Éducation nationale s'ajouteront
à celles qu'ils utilisent
déjà. Il n'est pas certain qu'ils
s'en servent tant ils pourront les trouver
culturellement pauvres. Leur communauté
continuera, comme si de rien n'était,
à les prendre en charge. Parmi eux, les
enfants des familles les plus aisées en
profiteront sans doute pour aller faire un
semestre ou une année d'études
dans un pays moins touché par la grippe.
Je n'évoque pas ici les
élèves intellectuellement
précoces (200 000 selon l'Inspection
générale). Ceux d'entre eux qui
réussissent à l'école sont
souvent repérés au moment
où ils passent le Bac avec deux ou trois
années d'avance. Pour eux, rien ne
changera. Par contre, ceux qui, au contraire,
échouent (plus du tiers) parce qu'ils
s'ennuient à l'école emprunteront
les autres voies que je vais indiquer. Entrent
encore dans cette première
catégorie les élèves dont
les familles ont décidé de ne pas
scolariser leurs enfants ; elles ne
représentent qu'un faible pourcentage, en
légère augmentation, mais qui
risquera de s'accroître après le
confinement. Au total, ce premier groupe
représente environ 30% des
élèves.
· * Existe
une deuxième catégorie
d'élèves. Il se dit qu'il y
aurait en France aujourd'hui plusieurs milliers
d'officines d'enseignement. Leur chiffre
d'affaire a augmenté de 35% cette
année. Il a atteint 2,5 milliards
d'Euros. Elles concernent massivement les
enfants des classes moyennes, entre 20% et 25%
des élèves. Certes, les cours
particuliers existent depuis longtemps et les
parents français, l'été
dernier, ont acheté 4,5 millions de
livrets de devoirs de vacances. Mais avec le
développement massif des officines, on
est passé de l'artisanat à de
l'industrie de masse. En raison de leur petite
taille, ces entreprises sont très
réactives. Elles collent aux besoins.
Pour elles, c'est une question de vie ou de
mort. Par exemple lorsque l'orientation des
élèves a été
pointée comme une faiblesse du
système éducatif français,
en peu de temps, elles ont lancé sur le
marché de nouveaux produits " orientation
", sous la forme de modules. Il est
évident que face aux confinements, elles
transformeront leur offre : d'une part, en
proposant de très petits groupes avec de
strictes règles sanitaires ; d'autre
part, par un usage
généralisé des
possibilités de travail à distance
: Internet, mails, SMS, Webcam,
téléphone, outils de travail
collaboratif, etc. La jeunesse n'aura aucune
peine à les utiliser, bien au contraire.
Je suis certain que ces officines s'y
préparent déjà.
Certes, les
produits officiels de l'Éducation nationale
diffusés en cas de confinement seront
gratuits pour les familles. Mais ils sont
élaborés par des organismes dont la
réactivité n'est pas la
qualité première, ni l'écoute
des usagers. Ils sont le fruit d'équipes
habituées à traiter les grandes
masses, par des modalités uniformes et
impersonnelles. La part sera donc belle pour la
concurrence qui jouera la carte de l'écoute
et de l'individualisation. Toutes les formes de
coaching seront proposées et
pratiquées. Dans les faits, il reviendra aux
coachs de veiller, pour chaque élève,
à la cohérence de ses
activités. Sur le territoire confiné,
on devine le patchwork que constituera l'ensemble :
il sera de plus en plus difficile de trouver dix
élèves faisant la même chose.
C'est déjà en grande partie le cas
aujourd'hui pour près du quart des
élèves qui font appel à ces
officines, alors que le corps enseignant feint de
l'ignorer pour ne pas en tenir compte. Avec la
grippe porcine, cela deviendra central et les
enseignants, placés en situation
périphérique, devront s'adapter
à cette situation totalement
nouvelle.
· * Comme
ils le font déjà, les
élèves des familles plus
modestes, se tourneront vers les
associations de quartier, lorsqu'elles ne seront
pas fermées par précaution
sanitaire. Ceux qui disposent d'Internet iront
sur des sites gratuits, à la rencontre de
personnes de bonne volonté qui les
aideront à faire un devoir (ou même
le feront à leur place !). Qui assurera
le suivi global de l'élève lorsque
la famille n'en est pas capable (famille
éclatée, absente, peu
éduquée
), lorsque ses moyens
financiers ou sa culture ne lui permettra pas de
bénéficier de coaching ou
d'Internet ? Existera sans doute un vague suivi
à distance, assuré par les
enseignants. Pour des élèves ayant
peu d'appétence pour les études et
peu d'encouragement de la part de leur
entourage, son influence sera encore plus
réduite qu'elle ne l'est en classe,
où l'on sait qu'elle est faible. Or on
peut estimer que ce groupe représente
près de 30% de nos élèves,
ceux dont les performances à PISA, sans
être les plus bas, sont en dessous de la
moyenne des pays de l'OCDE. Ils seront, de fait,
condamnés à " de l'auto
coaching ", c'est-à-dire
livrés à eux-mêmes. On
demandera donc encore plus à ceux qui
à l'heure actuelle peuvent
déjà le moins, ou presque, car il
existe une quatrième
catégorie.
· * C'est la
population (de 15% à 20%) des
élèves en très grande
difficulté depuis la fin de la grande
section de maternelle. Ils lisent très
difficilement et ne se sentent pas vraiment
concernés par la classe. De là
à leur demander de reproduire
l'école volontairement chez eux ou
ailleurs et d'en assumer toutes les
conséquences
Sans oublier les 180
000 élèves de l'enseignement
secondaire (" que " 5,4% des
élèves dit la DEPP ; en fait, cela
représente deux fois l'académie de
Clermont-Ferrand !) absents fréquents et
qui finissent par ne plus revenir assister aux
cours, ou seulement au fond de la classe
où ils passent leur temps à
envoyer des SMS. Souvent ils disparaissent, au
soulagement de leurs enseignants ; on comprend
pourquoi. Que feront ces élèves ?
Qui les prendra en charge ? Même
physiquement présents en classe, ils ont
déjà quitté l'École.
Peut-on raisonnablement attendre qu'ils la
réorganisent en dehors ? En outre, tous
n'ont pas Internet chez eux. Si dans certains
établissements ils sont peu nombreux (de
l'ordre de 2%), dans d'autres, ils
représentent plus de 30% des
élèves. Personne ne tient à
mettre cela sous les projecteurs car les moyens
financiers attribués aux
établissements scolaires dépendent
du nombre de leurs élèves inscrits
chez eux. C'est ainsi qu'il n'est pas rare de
voir dans un lycée professionnel une
section prévue pour 16
élèves ouvrir difficilement en
juillet avec 12 inscrits (sous de multiples
pressions), puis seulement 8 présents
à la rentrée de septembre et plus
que 4 élèves en novembre. Personne
ne pourrait alors imaginer de la fermer à
cette époque de l'année pour cause
de nombre insuffisant d'élèves.
Pourtant, la grippe A le fera ! Pour ce
quatrième groupe d'élèves,
il y a peu d'espoirs que les effets de la grippe
porcine aillent dans le sens de
l'amélioration de leurs performances
scolaires.
lPour
résumer :
La grippe porcine
n'aura guère d'effets négatifs sur la
population des élèves qui apprennent
bien, de multiples façons et en
différents lieux. Elle modifiera les
attitudes et comportements des deux groupes
intermédiaires, peut-être de
façon durable et elle isolera encore plus
ceux qui n'arrivaient pas à trouver leur
place dans le système scolaire. Les
écarts se creuseront encore plus et les
enseignants découvriront, sous la
contrainte, de nouveaux métiers.
Si le confinement
se poursuit pendant plusieurs mois (qui sait ?), la
diversification des pratiques effectives des
élèves et des familles
s'intensifiera. C'est un système
totalement individualisé qui progressivement
se mettra en place, de façon empirique et
non régulée. D'uniforme,
l'école deviendra hybride. De
formalisée jusqu'au moindre détail,
elle tendra à être indescriptible. Les
écarts de performances entre les
différents groupes d'élèves,
cruellement mis en lumière par PISA, vont
s'accroître. Le rapport entre les
élèves et les enseignants devenus une
ressource parmi d'autres, vont
considérablement évoluer. Des sortes
de " facebook pédagogique " entre
élèves verront le jour, proposant des
groupes de travail entre " amis " et indiquant les
" bons " enseignants ; sans attaquer les autres,
leurs messages seront clairs. Le rôle de
l'Éducation national restera essentiel sur
les examens, mais il faudra les faire passer
autrement. Si nous en sommes encore à
vouloir interdire l'usage des calculatrices
(c'est-à-dire, en réalité, des
ordinateurs de poche connectés à
Internet), certains pays ont déjà
fait un choix opposé : l'usage d'Internet
est favorisé pendant les examens. Cela
oblige à concevoir des épreuves d'un
tout autre type.
Ce
bouleversement sera-t-il durable ? Sans doute en
partie. Pour aller vers quoi ? Que sera le
rôle de l'État ?
Un jour le
confinement cessera et
tout ne reviendra
pas dans l'ordre précédent.
D'abord d'autres confinements pourront suivre. Mais
il y a plus important. Pendant des semaines, les
élèves et leurs familles auront
inventé, construit et fait fonctionner une
autre école. Certes, pour l'enseignement
primaire dont les fonctions sont autant sociales
que cognitives, les familles rescolariseront leurs
enfants, mais elles chercheront de nouveaux
équilibres avec les enseignants. Je
peine à imaginer lesquels. Ils
diffèreront d'une école à une
autre. La variété règnera. Les
parents ne seront plus " sur le paillasson " de la
classe, selon la remarque faite par une
délégation québécoise
venue en France observer nos établissements
scolaires. D'usagers, ils deviendront parties
prenantes.
Au collège,
ce sera plus difficile de trouver un nouvel
équilibre. Les élèves ne
voudront pas renoncer à l'autonomie acquise,
qu'ils l'aient utilisée à bon escient
ou pas. Les officines ne lâcheront pas les
marchés conquis, les associations non plus,
même si elles se défendent de
raisonner en termes de marché. Les
élèves ne voudront pas interrompre du
jour au lendemain leurs usages d'Internet et de
leurs instruments nomades. Un nombre plus important
de parents se seront emparés de ce que font
leurs enfants. Placés soudainement par la
grippe A au cur du réacteur, en
majorité ils n'accepteront pas de se
retrouver rejetés à la porte de
l'Ecole et de la classe. L'École du
XIXème siècle sera révolue,
celle du XXIème entamera son
élaboration et le milieu enseignant
devra s'y atteler.
Dans les
lycées, professionnels (44% des
élèves de lycées) ou
d'enseignement général, que se
passera-t-il ? Qui peut le deviner ? Se risquer
à faire des paris ? À sa
manière, la grippe porcine va
réformer le lycée.
C'est donc un
radical chambardement du système
éducatif qu'annoncent les suites de la
grippe A.
L'épidémie
est mondiale. Pourtant, elle n'aura pas le
même impact sur les divers systèmes
éducatifs. L'existant est différent
d'un pays à un autre. Là où le
rôle des parents est déjà
important, intégré dans les pratiques
sociales comme dans les pays du nord de l'Europe,
les relations entre eux et le milieu enseignant se
poursuivront à travers des modalités
adaptées, basées sur les outils
modernes de communication. Selon leurs traditions,
ils bâtiront ensemble, sans heurt, leur
nouvelle école.
Là
où les élèves sont dans
l'obligation de poursuivre des activités
scolaires intenses en dehors de l'École
(comme au Japon ou en Chine), ces pratiques seront
accentuées. Des équilibres inverses
entre les registres scolaires et hors temps
scolaires verront le jour. Dans les pays où
les élèves doivent déjà
obligatoirement, chez eux, passer un temps
important à travailler sur Internet (comme
en Corée), ils auront encore plus à
le faire. Ils perdront progressivement de vue
l'intérêt du travail en
présentiel. C'est encore un autre type
d'école qui se dessine.
À
l'intérieur de chaque pays, les
organisations scolaires seront hybrides. Et, d'un
pays à un autre, les évolutions se
feront dans des voies dissemblables, même si
des standards internationaux serviront de
référence. Ces évolutions
seront peu corrélées aux
systèmes politiques. En fait, c'est
déjà le cas. Des pays
libéraux, comme l'Angleterre, introduisent
des régulations étatiques, tandis que
la république socialiste du Vietnam
voudrait, que dans les quatre années qui
viennent, le nombre des étudiants dans les
universités privées passe de 17%
à 60%.
Pour reprendre une
expression de Gérard Moreau
(Secrétaire général de l'AFAE)
: " le mammouth est réformable " ; grippe
porcine oblige, il le sera. Loin des
misérables débats actuels sur les
épreuves du brevet, les structures et les
filières du lycée, etc. il devra
prendre en compte les questions les plus naturelles
qui soient : comment les élèves
apprennent en classe ? Comment les
élèves apprennent en dehors de la
classe ? Comment ces deux voies s'articulent-elles
? Quel sera le nouveau rôle des enseignants
?
Aucun
modèle mondial unique ne se dégagera
: les situations seront variées entre les
pays et à l'intérieur de chaque pays.
Les États fixeront les standards, les
indicateurs de résultats et assureront les
régulations, en veillant à
l'équité du système (faiblesse
majeure du système actuel). L'avenir sera
bientôt dans des systèmes scolaires
pluriels et hybrides.
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