Entré au CMPP
comme psychiatre psychothérapeute, je
n'avais, à l'origine, nul a priori, ouvert
que j'étais à l'accueil de quelque
difficulté ou pathologie que ce fût,
à l'exclusion des pathologies lourdes,
incompatibles avec un traitement ambulatoire.
Après quelques mois de pratique, je
remarquai que les difficultés scolaires,
souvent l'échec scolaire
caractérisé, constituaient un
dénominateur commun à nombre de
pathologies : traits caractériels,
obsessionnels, dépressifs, troubles du
comportement etc. Je décidai donc, contre la
doxa freudienne alors en vigueur, de m'attaquer
centralement au symptôme : échec
scolaire, comptant que nombre de troubles
concomitants s'atténueraient ou
disparaîtraient une fois l'adaptation
scolaire rétablie, ce que
l'expérience a confirmé dans une
large mesure.
Je me bornerai dans ce bref
exposé à évoquer quelques
points saillants de la méthode
utilisée. " Parler
à hauteur ".
L'expression est du psychiatre Pierre
Mâle. Il s'agit de trouver le ton juste, ce
qui implique avant tout de prendre au
sérieux l'interlocuteur, enfant ou
adolescent, c'est-à-dire de lui parler, non
dans son langage, mais dans celui qui
m'était naturel, dans les termes les plus
simples et les plus directs, sans chercher à
établir une complicité ni à
cacher mes sources d'information : " tes parents
me disent que ça ne va pas en classe ?
Pourquoi ? qu'est-ce qu'on peut faire pour que
ça aille mieux
? "
Voir les parents et entendre leurs
plaintes sans les mettre en cause. J'ai fait
l'erreur au début de défendre
l'enfant contre leurs accusations, ce qui coupait
la confiance " vous ne diriez pas ça si
vous étiez avec lui tous les jours ! ".
J'ai ensuite adopté le style : " Oui,
votre enfant est difficile, que peut-on faire ?
" Ce n'est qu'après avoir entendu leurs
suggestions : mettre en pension, être plus
sévère, supprimer la
télé, supprimer le football etc. que
j'avançais mes propres suggestions :
accorder à l'enfant ou à
l'adolescent, dans son emploi du temps une part
intangible réservée au jeu. Car le
jeu, loin d'être une simple distraction, une
récompense après le travail, est un
besoin fondamental et contribue -
déjà chez l'animal - au
développement de nombreuses qualités
et à l'apprentissage de la vie
sociale.
Cette " injonction paradoxale "
désarçonnait les parents mais je
tenais bon moyennant une sorte de marchandage avec
l'enfant : on allait lui laisser sa part de jeu
sans la contester ou tenter de la rogner, sous
quelque prétexte que ce soit. En revanche il
allait se mettre au travail, ce qui comportait
certaines conditions : - Ecouter en
classe.
Les entretiens, conduits sur un mode
amical et, bien entendu, sans aucune nuance de
culpabilisation, révèlent, dans la
grande majorité des cas, que
l'élève en difficulté s'agite
ou rêvasse durant la plus grande partie des
cours. Je lui demande de " revenir " dans la
classe lorsqu'il s'aperçoit qu'il a "
décroché ". Il ne comprendra pas
grand-chose puisqu'il a manqué une partie du
cours. Qu'importe, qu'il se remette à
écouter, et peu à peu la
compréhension se rétablira. Il
décrochera de nouveau, c'est normal. Qu'il
revienne de nouveau dans la classe et se remette
à écouter. La méthode est en
général efficace car, en effet,
l'enfant, et même l'adolescent, sont en
général totalement inconscients du
fait qu'ils sont absents d'esprit durant les heures
de classe.
Pour le travail à la
maison, tristement nommé : "
devoirs ", qu'il (ou elle, mais les " ils
" sont plus nombreux) prenne un temps
limité pour goûter (ceci
concerne les enfants du primaire), en
regardant sa montre ou la pendule, puis se
mette au travail en se disant que le
temps de travail doit être lui aussi
limité, et donc qu'il importe
de se concentrer. Mais ici, nous
retrouvons le problème
déjà rencontré
à propos de l'attention en classe :
le " mauvais élève "
éprouve presque toujours, et
presque toujours à son insu, de
grandes difficultés à se
concentrer. Il, ou elle, lit une page,
mais en fait n'a rien lu : les yeux ont
parcouru le texte, mais l'esprit est
ailleurs, et s'évade
principalement dans deux directions. Soit
vers les distraction, son corps est assis
à sa table, mais en imagination, il
court sur un terrain de foot, il
rêve à ses amours
Soit,
autre direction d'évasion :
l'anxiété. Cette fois,
c'es le travail scolaire qui est au
centre, mais sous une forme
négative : " Je n'y arriverai
jamais, c'est trop dur, je vais me
planter, je vais encore me ramasser une
sale note, me faire engueuler
". Tel est, en gros, le type de
monologue intérieur qui capte
l'attention par là soustraite
à la lecture et à la
réflexion.
Il s'agissait d'abord, comme pour
l'attention en classe, de leur faire prendre
conscience du processus, puis de leur
démontrer que la concentration, loin
d'être une crispation, comme on l'entend
généralement, est une simple
relation, sans intermédiaire, avec l'objet
perçu. Apprendre une leçon n'est rien
d'autre que la lire en prenant connaissance du
contenu, comme on suit un programme de
télévision. Puis on ferme le livre et
l'on passe à autre chose. On relira plus
tard, sans surveiller sa mémoire et l'on
s'apercevra que la prise de connaissance sans
anxiété suivie de relecture est plue
efficace que des heures d'étude
crispée ou qu'une lecture
bâclée avec l'esprit
ailleurs.
Les parents étaient en
général plus réticents que les
enfants face à ce programme. Ils avaient du
mal à considérer le jeu comme un
droit et non comme une récompense. Ils
avaient aussi tendance à exiger des
résultats rapides, sinon immédiats et
je devais les persuader que l'essentiel
était que l'enfant retrouve le goût du
travail, les notes suivraient,
plus
tard.
Avec les enfants du primaire
que la mère, par exemple voulait
faire travailler, je suggérais que
l'on place une pendule sur la table et que
l'on fixe, en accord avec l'enfant, un
temps déterminé : une demie
heure, ou trois quart d'heures de travail.
L'enfant devait se concentrer, ne pas se
lever toutes les trois minutes,
bâiller, aller faire pipi toutes les
cinq minutes, regarder le plafond, etc.
Moyennant quoi, on arrêtait au bout
du temps fixé, que le travail soit
terminé ou non. On continuerait
seulement si l'enfant lui-même le
désirait. Car rien n'est plus
néfaste pour la concentration que
l'indétermination du temps
alloué pour le travail.
L'enfant, ne sachant pour combien de temps
on l'embarque est d'emblée "
décidé " à saboter
l'aide qu'on veut lui apporter, ce qui
provoque, évidemment, l'irritation
de la personne aidante et, en feed back
chez l'enfant une répulsion accrue
pour le travail. Le "
même si " :
Une ruse de l'inconscient,
détectée par Paul Diel et
que j'ai eu souvent l'occasion de
vérifier : l'élève
en échec se réfugie dans une
apathie qui n'est pas sans douceur. Il
ne redoute rien tant que l'humiliation,
bien plus profonde que celle qu'il subit
déjà, de consentir un
véritable effort qui n'aboutisse
qu'à un nouvel échec.
Rien n'est pire que d'avoir voulu et de
n'avoir pas pu, surtout si l'on est
guetté par un frère ou une
sur dont l'inconscient ne supporte
pas que l'équilibre (ou
plutôt le déséquilibre
) familial soit perturbé. En
revanche, un non-résultat
conséquence d'un non-effort
n'entame pas son prestige. D'où le
raisonnement - inconscient - si
fréquent : " j'ai
intérêt à ne rien
faire car mieux vaut passer pour un
paresseux que pour un idiot
".
Il ne s'agit pas d'analyser ouvertement
ce faux fuyant, mais de prévenir ses effets
négatifs. J'utilisais pour cela la technique
du même si . " Tu vas te mettre au
travail, les résultats ne vont pas
être immédiatement au rendez-vous.
Même si tu as travaillé et ramasses
une mauvaise note, n'abandonne pas,
persévère et les résultats
viendront ". Ainsi, la retombée - qui
risquait d'être définitive -
après le premier effort pouvait dans la
plupart des cas être
évitée. La
psychopédagogie :
Pour atteindre mon but : remédier
à l'échec scolaire - et aux troubles
associés - plutôt que d'en exhumer les
causes, il était nécessaire de faire
appel à certains éléments de
psychopédagogie. Un bref sondage des
connaissances révélait en
général des abîmes d'ignorance.
Par exemple, chez un élève de
5ème : " Qu'est-ce qu'une fraction ?
Réponse : C'est quand il y a une
barre "
Un élève de 6ème se
disant passionné par l'histoire grecque. "
Sais-tu à peu près quand vivaient
ces Grecs ? " Long silence méditatif,
puis : " il y a trente ans ". Les exemples de ce type sont
innombrables et révèlent dans quel
à-peu-près, dans quel brouillard se
meut l'esprit des jeunes en difficulté
scolaire ; ils invitent moins à mesurer
un quotient intellectuel qu'à s'interroger
sur une pédagogie qui, souvent,
néglige de s'assurer que les
définitions de base sont correctement
assimilées. Mon travail a souvent
consisté à exorciser l'effroi
causé par des vocables aussi terrifiants que
fraction, assemblée constituante,
vertébré, ou parfois, tout simplement
: nombre, triangle, ou Méditerranée.
Que dire alors de : bissectrice, synclinal, ou
chromosome ?
Pour la fraction, par exemple, il
suffisait souvent de revenir aux bons vieux temps
de Jules Ferry et d'imaginer la pomme coupée
en deux, puis en quatre, puis en huit
Les
yeux s'écarquillaient : " Ah ! c'est
ça ! " Et lorsqu'on s'est
traîné jusqu'en 3ème (et
parfois jusqu'en terminale !) sans avoir vraiment
assimilé ce qu'est un polynôme, un
estuaire, un décret, il est trop tard pour
s'enquérir ; de quoi aurait-on l'air ?
Enfin, lorsque l'on prend en charge des enfants ou
des adolescents en difficulté scolaire,
outre la psychothérapie et la
psychopédagogie, il est bon parfois d'avoir
recours à quelques notions
d'orientation. À ce
propos, je terminerai par le cas - assez typique -
de Patrick M
Il a 13 ans, il est en
5ème. Il veut être menuisier
comme son père qui l'a parfois
emmené avec lui sur ses chantiers.
Mais le père s'y oppose absolument
: " Patrick a la chance que je n'ai pas
eue de faire des études, il ira
jusqu'au bac ". Or Patrick est en
complet échec scolaire. Qu'il y ait
une part de sabotage, afin de forcer la
décision du père, c'est
probable, et la suite le confirmera.
Patrick n'est pas un rêveur, il est
fort adroit et le père le
reconnaît. Je parviens à le
persuader de faire passer son fils dans le
cycle avec travaux d'atelier. Patrick se
distingue alors par son habileté en
menuiserie, mais outre cela se produit ce
que l'on pourrait nommer un transfert
pédagogique (sans relation avec le
transfert psychanalytique).
En effet, la détente et le
plaisir causés par un succès
dans un certain domaine permet aux
facultés engourdies de se
dynamiser, le succès dans un
domaine se transfère à un
autre domaine, et en effet, Patrick,
devenu tête de classe en menuiserie,
sort de sa léthargie intellectuelle
et passe du stade de cancre inamovible
à celui d'élève
moyen. Il passe, surtout du
désespoir apathique à
l'espoir dynamique. << this is my
problem how to deal with adolescent
learners>> <<Tout
simplement magnifique >> <<Lire cet
article ma éclairé sur ce qui
peut se passer dans la petite tête de ma
fille. Elle a souvent été
humiliée devant ses camarades , non pas par
les instits mais par le personnel malveillant qui
les entoures. Aujourdhui on répare les
pots cassés, sa soeur et nouis la soutenons
et lencourageons tant que nous pouvons, mais
la confiance en elle est dure à retrouver.
Je suis une maman en collère de savoir que
ma fille a été cassée et que
ce personnel est toujours auprès des
enfants. Lécole ne nous a pas
écouté , mais nous avons eu la chance
de rencontrer une pédo-psychiatre aussi
formidable que vous, et qui aide ma fille à
reprendre confiance en elle. Jespère
quelle parviendra à tirer profit de
ses mauvaises rencontre et reprendre le dessus de
la même manière que les enfants
cités en exemples.>> <<Ma fille a
des bonne notes en classe de 5 ieme elle n a aucune
reaction de plaisir lorsque qu elle ramene des
bonne notes 18sur20 trouble du comportement en
classe insulte les prof que doige faire
>> <<Merci
davoir mis sur ce site ces informations !
cela ma rassuré dans la façon
daborder les difficultés que je
découvre chez mon neveu de 13 ans (que je
viens de recueuillir) nétant pas
professeur javais peur de mal me diriger pour
laider dans ses devoirs !>> <<Merci de
votre exposé clair, concis et convainquant.
Il ma permis de me rassurer dans mes
stratégies intuitives denseignante
face aux élèves>> << Merci de
votre exposé clair, concis et convainquant.
Il ma permis de me rassurer dans mes
stratégies intuitives denseignante
face aux élèves>> << Je vous
remercie pour votre article. Les questions de
vocabulaire sont très importantes,vous avez
cité le mot "devoir" ou "fraction"...
formatrice d'anglais, je me bats contre des mots
tels que "faute" (erreur me semble plus
approprié. La vertu des erreurs est encore
à démontrer. Pourtant,les grands
savants disent que si cela était à
refaire, ils feraient plus d'erreurs !) et
"correction" (remarques). J'arrête un cours
si j'entends le mot "nul" et nous en discutons.
Sans la confiance, pas de communication
réelle pour moi. Pour éviter le
découragement, je ne barre jamais (parfois
cela m'échappe hélas)les copies de
mes élèves (cela pourrait
correspondre à leur corps d'une certaine
façon) mais ajoute une feuille de brouillon
et y dépose des "remarques" (envoi de
celles-ci par courriel parfois). Ainsi le respect
des élèves (ceux qui
s'élèvent vers un savoir ou qui
transmettent le leur d'ailleurs !)est
préservé selon moi. J'évite
toujours le rouge ou le vert pour mettre ces
remarques aussi. Le tableau est un espace
partagé, ils y viennent écrire,j'y
écris. Leur demander toujosr leur avis avant
d'effacer par exemple. Certains sont très
visuels et sont gênés de voir
disparaître les mots en anglais. Je prends
les élèves comme ils viennent avec
leur niveau sans jugement et parle de niveau
d'apprentissage (les vrais débutants, les
faux débutants, les intermédiaires,
les avancés, les bilingues). Mes stagiaires
cette année sont des ingénieurs
informaticiens. Ils sont terrorisés à
l'idée des notes et des interrogations
surprise (ils ont plus de 20 ans pourtant !).
J'évite de donner des notes à leur
travail. Je note leur présence et leur
participation en cours et tous leurs rendus
(exercices qu'ils veulent bien me rendre sur une
période de temps donné.)Cette note
correspond pour moi à qq chose de valorisant
pour leur travail et reste basé sur
l'échange.D'ailleurs, je trouverai normal
que les élèves puissent
évaluer leur formateur en retour! Enfin,je
leur pose toujors en début d'année la
question "combien y a-t-il d'étudiants dans
cette salle ? et combien y a-t-il de formateurs ?
meme nombre d'étudiants et de formateurs :
on apprend tellement de chaque univers contenu en
chacun d'eux ! c'est
merveilleux.>>Isabelle <<je suis
assez ravie de voir que notre rituel retour
d'école, goûter, pause ( jeu ou
télé) jusqu'à 17h30 et
leçons jusqu'à 17h50 semble
validé. Si par hasard le travail n'est pas
fini, on s'arrête quand même, re jeu et
on s'y remet une heure plus tard, mais dans 90% des
cas, le travail est fini à temps. le fait
que le créneau soit clairement
identifié et minuté simplifie les
choses. je précise que mon enfant a 8
ans>> <<Je suis
ré-éducatrice en RASED et je me
retrouve bien dans ce que vous écrivez. Avec
les enfants en difficulté scolaire ( tous
ceux que je vois ne le sont pas ) j'aborde toujours
la question du pourquoi ( en termes parlants : se
pensent-ils bêtes ? ou paresseux ? Se
sentent-ils parasités par
l'anxiété ? Ensuite on essaie de s'y
coller, au travers d'exercices simples ou en
reprenant des choses qui n'ont pas
été comprises en classe. Souvent les
difficultés de compréhension sont
effectivement liées au fait que les enfants
n'ont pas perçu de quoi on parlait ( la
fraction et la pomme ) : j'essaie d'êtte
très concrète, de montrer que les
choses de l'école ont quelque chose à
voir avec la "vraie vie". Ce qui m'étonne
toujours, c'est que très vite les enfants
demandent que l'on "travaille" et que c'est moi qui
leur dit "attendez, quand on parle ensemble de ce
que vous vivez ou pensez, je crois que c'est aussi
du travail: travailler, ça n'est pas
seulement faire de la grammaire !". En tout cas je
n'en ai jamais vu qui se dérobent par
rapport au moment de travail assez typiquement
scolaire que je leur propose. Parfois j'ai
l'impression d'arriver au moins un peu à les
réconciler avec leur cerveau, cette
drôle de chose dont ils ont l'impression
qu'elle leur échappe. Je suis contente de
vous avoir lu parce que ça me confirme un
peu dans ce que j'essaie de faire ... Il y a
très peu de ponts entre les furieusement
pédagos et les exclusivement psys : il me
semble que c'est dommage !>> Sylvie.
Orléans <<Merci
beaucoup de cet article qui rejoint beaucoup de mes
intuitions de mère de famille. Je pense
que vous connaissez les méthodes de la
Garanderie, qui aide aussi beaucoup d'enfants, leur
evite des seances d'orthophonie ou des visites chez
les psys>>
Réaction