Esprit du site
Moteur de recherche
Recherche d'article par auteur
Pedagopsy.eu
Recherche de livres par motsclefs
Plan du site
L'auteur

PLAN DU SITE
Totem et publicité, deux miroirs pour exister

Martine Fourre, Psychanalyste, Responsable lieu d’accueil

           La télévision est devenue, au fil des années, un lien culturel collectif qui joue un rôle social majeur. Les pays en voie de développement ne sont pas en reste, même si la télévision ne joue pas encore un rôle majeur dans leurs sociétés. Les faits sont d’abord apparus aux Etats-Unis puis en Europe, et ils ne manqueront pas de se développer partout ailleurs, dans les pays qui accèdent progressivement, et ce pour toute leur population, à la diffusion médiatique de la télévision et des images qui bougent.

Une chose est commune à tous les jeunes :

           ils agissent avant de parler, ils sont sur leur planète, dans leur monde, ils veulent du pèse et des meufs, être flashion, être des mecs… Bref, certains sont plus formatés par l’écran de la télé, les séries Américaines, MCM Pop et la console Nintendo qu’élevés par leurs parents…Quand ceux-ci ploient sous leur propre malheur ou leur acharnement au travail. Comme pour cette question d’objet, ne croyez pas que je fais une critique de la télé, je vous pose une vraie question, celle des identifications du sujet envahi par les écrans d’images qui bougent, et dans lesquelles il prend sans le savoir, en deçà des mots, les images de son corps et de son être.

 

           En fin de mon livre « Le deuil de l’Autre » je découvrais cette évidence avec laquelle le travail des « psy » comme des praticiens sociaux (et des enseignants) doit faire. Un homme ne devient pas homme dans un monde où la communication circule via les images qui bougent,de la même manière que dans un monde où l’entrée vous était médiatisée par un ancien prêtre, curé, maire, instituteur, médecin…

           Un être humain, pas une machine à regarder qui parle. La réalité sociale pour l'enfant est aujourd’hui d’abord virtuelle le plus souvent avant d’être humaine. Ne se voit-il pas d’abord dans l’écran plus que dans le miroir du regard de ses parents ? Il se voit ; il est celui qui est dans le carré magique.

           L’image provoque en lui des sensations de sons et de couleurs que la réalité peinera toujours à lui donner. Il agit avant de pouvoir penser ce qui lui arrive. Il est touché affectivement par des sentiments que le plus souvent il n’as pas vécus… Il est seul en lui–même dans cette image de l’homme dont il est fasciné, qu’il est et que pour certain nul autre ne vient contredire ou entamer.

           Dans ce contexte, la relation d’objet prend toute son importance, soulignant la véritable résolution anthropologique que nous font vivre ces nouvelles technologies, créant un monde où l’homme ne devient pas un homme, où l’homme ne fabrique pas de l’humain par les mêmes voies imaginaires de la société d’avant cette ère du numérique.

 

Transmission des questions de l'humain

 

           N’est-ce pas à nous, praticiens de l’homme social, d’inventer et d’élaborer, de mettre à disposition ces nouveaux chemins d’oedipisme, de transmission des questions de l’humaine condition, si nécessaires aux adolescents pour sortir de l’aliénation aux liens illusoires que notre civilisation a produit?

           La culture s’élabore à travers les productions d’objets, objets de reconnaissance dans lesquels chacun se mire et voit l’autre. Regard croisé qui alimente un jeu de rôle entre Europe et Afrique au travers des fétiches, totems pour l’un, image publicitaire pour l’autre. De là, une confusion de représentations où, au nom de la modernité, l’éphémère, l’auto-engendrement, l’original s’opposeraient à tradition, l’originel ancestral, le culte des anciens.

 

           Les enfants du ciel, happés par ici maintenant du consumering, voient leur accès à la condition humaine passer par les paradigmes de l’image publicitaire. La chose médiatique leur préfabrique les modèles existentiels contemporains. Certains, croyant échapper à la contingence généalogique, en tirent la jouissance d’une maîtrise hors transcendance. Pris dans la fascination du miroir télévisuel comme espace de lien social, cette éjection de la filiation les conduit à de réelles souffrances. Faute d’une mort inscrivant le sens de la vie, ces souffrances s’alimentent d’une violence persécutrice par manque d’objets à partager entre jeunes et vieux.

 

De nouveaux objets transculturels?

           Cette rupture est-elle le symptôme d’une crise de civilisation ouvrant sur de nouvelles formes d’affiliation? Par quels chemins s’effectuent ces transformations? Au Nord comme au Sud, à travers le monde, se fabriquent ces nouveaux objets transculturels.

           L’homme est le seul animal à produire un savoir sur sa propre nature. Si tant est qu’il parle, avec l’invention de sa parole, il ne peut pas faire autrement que de s’autoproduire, que de s’auto-penser.

           Chacun de nous en reçoit de l’Autre les savoirs sur son être singulier et collectif. Chacun de nous s’en fait ou non sujet, dans ou hors sa culture.

 

Afrique et Occident

           Les modalités culturelles à travers lesquelles l’homme se produit comme tel, sont radicalement différentes entre l’Afrique et l’Occident.

           En Afrique, le savoir s’apprend parmi les frères au nom des ancêtres morts qui détiennent l’être de l’individu. Les groupes sont organisés dans les langues pour ne pas laisser de prise aux combats rivalitaires des frères, dont la mise est cruciale pour la transmission de ce que c’est qu’être un homme ou pas. Les totems font figure d’immuables.

           En Occident, le savoir s’apprend du Père; pour qu’y naisse le sujet d’une parole dont il est sensé être responsable.

Les figures de l’Idéal, qui n’existent pas en Afrique, au niveau de ce que l’homme devrait toujours améliorer la situation de ses sens, ces idéaux sont des objets au potentiel d’autant plus ravageur, que figurant l’homme, ils ont force de loi dans la langue.

Processus de désaffiliation

 

           Dans une société où l’homme se construit malgré lui au travers des images mouvantes dont il se vante, nous sommes, à la lumière de cette lecture, amenés à penser que le malaise du sujet dans notre civilisation n’est pas là où on le croit.

           Certes les anciennes coutumes sont en décrépitudes. Mais c’est moins la perte de ces repères et traditions qui déshumanisent nos enfants dans les villes, que le processus massif de désaffiliation mis à l’œuvre du fait de l’absence de lecture des légitimités contemporaines qui se sont inventées. Les jeunes acceptent quelques autorités quant aux savoirs sur l’homme, mais ce ne sont pas celles d’antan, ce sont celles des lieux qui les touchent en masse, ces lieux "nouveaux " de la civilisation et de la langue que sont les médias d’images mouvantes : cinéma, presse et télévision. Parmi eux, la publicité fait figure d’icône sans transcendance, où l’être de l’homme est érigé dans la possession des objets comme marque de valeur exclusivement comptable. L’idée de bien ou de mal y est réduite aux affres des joies et souffrances individuels. Par excellence, la publicité comme processus iconique itératif, est les lieux envahissants et anonymes d’où les enfants tirent leurs réponses sur l’humaine condition rivée aux jouissances du corps par le moyen des objets et de l’argent. Rien de plus égarant ou affolant, d’autant plus que ces images mouvantes ont un poids kinesthésique important

« Je prie les choses les choses m’ont pris

elles me posent, elles me donnent un prix

je prie les choses, elles comblent ma vie

c’est plus « je pense » mais « j’ai » donc je suis

j’envie ce que les autres ont

je crève de ce que je n’ai pas

le bonheur est possession

les super marchés mes temples à moi »

Goldman Jean-Jacques, « Les choses », 2001, album Chansons pour les pieds

 

 

           Dans un monde ainsi régit par l’économique, scientifique et comptable, ainsi véhiculé par les images mouvantes, ainsi apparemment détaché de tout rapport à une transcendance Autre, quels sont les risques de folie pour le sujet, au sens de désarrimage du lien social, et quels sont les chemins inventés pour les nouvelles formes d’affiliations contemporaines ?

Vos  Réactions

Adresse mail facultative

Commentaire

Esprit du site
Moteur de recherche
Recherche d'article par auteur
Pedagopsy.eu
Recherche de livres par motsclefs
Plan du site
L'auteur