La communication
enfants-adultes Jacques
Salomé
Ce
qui est dit ici pour les parents et leurs
enfants ne peut-il être
utilisé aussi pour les enseignants
vis-à-vis de leurs
élèves?
(J.N.)
Depuis bientôt
quatre ans, je reçois des lettres d'enfants,
(8 ans - 11 ans) et de nombreuses lettres
d'adolescents (12 à 17 ans) dans lesquelles
reviennent régulièrement ces quelques
questions : * Comment
apprendre à communiquer avec nos
parents ? * Comment
pouvons-nous les aider à mieux
communiquer avec nous ? * Comment leur
apprendre à mieux nous comprendre
?
Ces trois sortes de questions
révèlent un changement incroyable
dans la communication enfants-adultes. Il y
a chez les enfants une prise de conscience que la
communication peut s'apprendre, qu'ils peuvent
être partie prenante dans cet
apprentissage.
Certains enfants, sont manifestement
animés du désir de sortir ainsi d'une
sorte de passivité, d'un chemin tout
tracé, d'un inéluctable où
tout semblerait joué à
l'avance.
Nous assistons ainsi à la
naissance d'échanges nouveaux où les
enfants ne se laissent plus définir ou
enfermer dans le rôle de :
Les enfants ont découvert que les
adultes qui sont leurs parents sont aussi
démunis qu'eux et que le seul fait de
devenir parents ne donne pas, de facto, un savoir
nouveau.
Avec la même question, les enfants
expriment leur souhait de "faire quelque
chose". Certains se sentent investis d'une
mission, celle d'oser interpeller, inviter leurs
parents à découvrir que la
communication s'apprend et qu'ils peuvent entrer
dans cet apprentissage ensemble et non
séparément. "Ça
n'existait pas de leur temps, on ne leur a pas
appris à parler d'eux, ils n'avaient pas le
droit de parler pendant les repas, ou de dire ce
qu'ils ressentaient vraiment." "Avec les parents
qu'ils ont eus, ils ne pouvaient pas apprendre
à communiquer durant leur propre enfance,
nous pouvons les aider..."
Les enfants sentent bien qu'ils
possèdent des clés et des moyens dont
leurs parents ne disposent pas. Ils ont des
ressources pour inviter leurs parents à
sortir d'une relation de soins (les seules que les
parents proposent généralement) et
leur permettre de développer des relations
d'échanges (celles dont eux, ont besoin en
tant qu'enfants)
Les enfants sentent bien, qu'avec
les adultes, les seules relations
possibles sont des relations d'acceptation
(le plus souvent de soumission) ou
d'altercation (en terme d'opposition ou de
fuite). Ils souhaitent au
profond d'eux-mêmes, pouvoir
établir des relations de
confrontation dans lesquelles ils
sentent que leur différence peut
être reconnue et même
valorisée.
Ils se sentent détenteurs de
beaucoup de savoir car ils ont accès par la
télévision, et les ordinateurs
à des connaissances multiples,
variées mais qui risquent de rester
dispersées, chaotiques, sans priorité
évidente ni liens.
Ils ont du mal à se
relier à ce savoir et ils attendent des
adultes qu'ils les aident à
l'intégrer dans leur vie
quotidienne. touche à des enjeux
plus complexes à savoir le besoin de
compréhension, de réciprocité
et d'acceptation mutuelles que réclament les
enfants.
Le besoin de compréhension passe
chez les uns et les autres par des mutations
importantes.
Une véritable révolution
est déjà amorcée par les
enseignants qui ne peuvent plus rester des
"fournisseurs ou des simples transmetteurs de
savoir" et qui devront dans un avenir proche,
être des médiateurs relationnels pour
permettre aux enfants de faire quelque chose avec
tout le savoir auquel ils ont accès, afin de
pouvoir devenir des agents de changement. Pour
aider ces futurs adultes, non seulement à
une prise de pouvoir sur le monde qui les entoure
mais aussi à se relier à ce monde,
à apprendre à vivre à
l'échelle planétaire, à
être un sujet dans le mouvement de
l'univers.
Cette recherche de compréhension
mutuelle obéit à deux
dynamiques. - Chez l'adulte
: * Vouloir comprendre à
tout prix ses enfants, vouloir expliquer, et
trouver une raison logique ou une cause rationnelle
à leurs comportements, à leurs
attitudes est devenue un souci prioritaire chez
beaucoup.
La "pathologie parentale" la
plus répandue réside dans
l'excès, dans ce besoin
forcené de vouloir
"comprendre" intellectuellement et
par là-même contrôler
le devenir d'un enfant.
Il existe aujourd'hui le risque non
négligeable d'une "psychologisation"
excessive des relations parents-enfants qui
empêche de communiquer véritablement ,
c'est-à-dire de mettre en commun. Car il
s'agit bien de mettre des points de vue
différents en commun et non d'avoir un point
de vue commun. I
Il
m'arrive fréquemment de dire aux
parents: "Il ne vous
appartient pas d'analyser, de
psychologiser et même de
thérapeutiser vos enfants, il vous
revient de vivre des relations
vivantes avec eux. Vivantes,
c'est-à-dire tout simplement
satisfaisantes pour vous et
éventuellement pour
eux."
Vouloir comprendre le pourquoi,
la raison de la conduite des enfants est
un piège redoutable puisque cette
tendance conduit à se centrer
sur la difficulté et non sur la
personne.
Les comportements des enfants
recouvrent des enjeux multiples qu'il
s'agit d'entendre comme des langages
certes maladroits, irritants ou simplement
incompréhensibles mais qui sont
toujours métaphoriques. Par ces
"langages symboliques", un enfant tente de
se dire ou de ne pas se dire.
Les difficultés commencent
quand ces langages sont vécus par
les adultes comme des
agressions. le refus ou
l'opposition d'un enfant, d'un adolescent
est parfois entendu par un adulte comme un
refus, un rejet de sa
personne.
C'est alors la bonne image
qu'il a de lui-même qui est atteinte
et blessée. Et quand l'adulte
ramène trop à lui-même
les conduites et les comportements de
l'enfant, cette appropriation ne lui
permet pas de se différencier
suffisamment.
La collusion des ressentis et
des sentiments est un obstacle majeur et
fréquent à la croissance
mutuelle des enfants et des adultes. Toute
démarche d'apprentissage de la
communication reposera sur la
différenciation, sur la
prise de conscience de l'unicité de
chaque être et la reconnaissance de
vécus donc de ressentis
différents. - Chez l'enfant
:
* Nous le savons, pour l'enfant
"comprends-moi maman ou papa" veut souvent
dire "sois d'accord avec moi,
accepte ma demande sans discuter, satisfais-moi
sans contre partie". Le besoin
d'approbation est tellement fort et
impérieux qu'il annule bien souvent ou
relègue au second plan le besoin
d'affirmation ou de différenciation qui est
pourtant nécessaire à toute
croissance.
Ce qu'il faut également
savoir dans les relations avec les
adolescents c'est que le rapport de force
qui a marqué une grande partie de
leur enfance (ils étaient dans la
position basse, celle qui reçoit ou
subit l'influence) se modifie. Le rapport
de force parfois même s'inverse. Ce
sont eux qui imposent leur influence
à leurs parents.
C'est souvent une découverte
douloureuse pour les parents qui pendant des
années ont imposé leur point de vue,
ont formulé des demandes à base
d'exigences ou de contraintes. Il leur est difficile de
changer de dynamique relationnelle et d'oser, par
exemple, des invitations, des propositions ou de
simples suggestions qui risquent toutefois de
continuer à être entendues par les
adolescents comme des tentatives de
contrôle. "Je ne peux rien
lui dire, il ne m'écoute plus, il
n'en fait qu'à sa tête, il a
toujours raison", des positions
réactionnelles qui vont confirmer
le prétendu fossé des
générations mais surtout
augmenter les conflits, les malaises, la
souffrance des uns et des
autres.
C'est au moment de l'adolescence
que se manifeste le plus la
nécessité d'une
différenciation, d'un
positionnement ferme à base de
témoignages de la part des
parents. "Je ne souhaite
pas collaborer à ce projet que je
ne sens pas bon pour toi". "Je ne veux pas
entretenir une compétition dans
laquelle je ne me reconnais pas car je
n'ai pas le même système de
valeurs que toi".
Ainsi parents et enfants découvrent ou
pressentent qu'ils sont embarqués sur la
même galère, celle de
l'incommunication.
Ils ne possèdent ni les uns, ni
les autres la recette magique pour arranger les
choses, pour pouvoir vivre ensemble et s'aimer sans
souffrir.
Enfants et adultes constatent souvent
à leurs dépends, que les sentiments
ne suffisent pas, qu'il ne suffit pas de s'aimer
pour se comprendre et même pour vivre encore
ensemble.
Les enfants sont souvent les premiers
à démystifier l'escroquerie affective
qui consiste à s'entendre répondre :
"Mais tu sais, je t'aime". quand ils nous
répondent ' mais je sais que tu m'aimes,
mais ce n'est pas de cela que je te parle, je te
parle de ce qui ne va pas bien entre nous
.
"
Les bons sentiments n'arrivent pas à
compenser les manques et les carences de la
communication.
Il arrive même aux sentiments de
s'user et l'amour blessé se transforme
parfois en rancoeur, en ressentiment et en
auto-privation.
Au-delà des manifestations
de tendresse et d'affection, ce que
souhaitent avant tout les enfants, c'est
un positionnement relationnel ouvert et
ferme où les possibles et les
limites de la communication soient
réactualisés,
redéfinis, ajustés, non pas
seulement dans les situations de crise et
de conflit, non pas toujours sur le mode
réactionnel mais sur un mode
relationnel. Un mode qui permette de
relier, de maintenir les protagonistes de
l'échange ensemble dans la
proximité et non un mode qui
amplifie les oppositions, qui
sépare ou qui éloigne.
Certains parents mettent longtemps
à découvrir ou à
accepter que l'amour parental
réellement donné a pour
finalité ultime de permettre
justement à nos enfants de
s'éloigner, de nous quitter...en
gardant une relation qui ne soit ni
aliénante, ni
douloureuse. -Salomé(J.)Papa,
Maman, écoutez moi vraiment.(A
l'écoute des langages multiples de
l'enfant.) Ed. Albin
Michel.(1989) -Salomé(J.)Charte
de vie relationnelle à
l'école.(Pour mieux communiquer
à l'école.) Ed. Albin
Michel.(1995) La relation
adulte-jeune pour les
documentalistes <<Enfin
des réponses à des questions, Bravo
et merci je tiendrais conte de votre
remarque>> <<Bravo pour
votre site, enfin des réponses à mes
questions ! D'autres interrogations viendront
surement ! Des remises en question ! mais allons-y
petit à petit !>>
indique bien le souci de se responsabiliser
"J'ai envie d'apprendre, à mieux
communiquer avec mes
parents"...
révèle une mobilisation profonde
pour tenter de sortir du silence, des non-dits, des
"communications en conserve" à base de
réponses stéréotypées,
pour décloisonner le monde des adultes et
l'univers des enfants, pour faire cohabiter des
systèmes de valeurs parfois
antagonistes.
- Quand les
parents qui se sentaient obligés de
produire et de fournir des soins acceptent que
leurs enfants ont besoin
d'échanges.
- Quand les
enfants découvrent qu'être compris
ne signifie pas être d'accord et
répondre toujours positivement à
leurs demandes ou encore satisfaire toutes leurs
attentes.
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