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PROJET « REUSSIR, C’EST POSSIBLE »

Sophie NOEL ( enseignante en Sciences Physiques ) et Françoise RAQUET ( infirmière )

Lycée Pierre Gilles de Gennes DIGNE LES BAINS Alpes de Haute Provence ( O4 )

PLAN DU SITE

 

Origine : Année scolaire 2006/2007

De nos places d’enseignante et d’infirmière, nous avons constaté que des élèves arrivant tout sourire au lycée avec plein d’énergie, plein d’espoir étaient 4 mois plus tard sous tension, sans envie, subissant leur vie de lycéen , leur situation d’apprenant et parallèlement développant de nombreux symptômes en matière de santé. Ce constat nous a rapproché et donné l’envie d’agir .

Sophie se forme depuis plusieurs années à la communication non violente et Françoise est formée plus particulièrement à l’écoute par son travail précédent dans le secteur social. Ce sont ces formations qui nous conduisent à proposer pour l’année scolaire 2006/2007 de donner la parole aux élèves d’une classe de seconde tout en étant supervisées par Catherine Schmider, formatrice en relations humaines et formée à la communication non violente. Ce projet est accepté et soutenu par le proviseur, Mr Joseph.Cadre :

 

La classe de seconde est divisée en 3 groupes d’environ 10 élèves. Chaque groupe participe à une séance d’une heure au rythme d’environ une fois par mois ( 7 séances dans l’année ). Cette heure est inscrite dans leur emploi du temps et constitue une heure supplémentaire.

Chaque élève a un cahier sur lequel il laisse une trace écrite de sa réflexion et le cahier est stocké à l’infirmerie. En s’appuyant sur le processus de communication non violente développé par Marshall Rosenberg ( élève de Carl Rogers ) ; l’objectif est d’accompagner les élèves vers la réussite par :

· l’expérimentation de l’écoute et l’expression de soi

· l’expérimentation de l’écoute de l’autre

· l’expérimentation d’un outil de communication pouvant favoriser l’autonomie. 

En plus de ce temps de séances, nous pensions proposer 3 conférences dans l’idée de donner des éléments concrets de réflexion à chacun sur les thèmes suivants :

- l’apprentissage avec Mme Evano, formatrice en gestion mentale.

- le relationnel avec Mme Schmider, formatrice en relations humaines.

- les étapes de l’adolescence avec le psychologue Mr Le Prince.

Dans la réalité, dès la première conférence, les élèves nous ont exprimé leur désaccord ( pas envie d’être encore en position d’écoute en classe entière et pas envie de passer encore un temps supplémentaire au lycée ). Nous avons annulé la deuxième conférence et transformé la troisième ( préparation de questions avec les élèves et conférence pendant une heure emploi du temps ) qui a été plutôt bien accueillie.

Quelques paroles d’élèves après la conférence :

"Tout ce que fait un ado doit être pris au sérieux."

"Je suis plus renseigné sur l’adolescence mais je vois qu’on est tous différents. Chacun vit son adolescence comme il l’entend. Il ne faut pas catégoriser tous les adolescents."

"J’ai eu l’explication de certaines attitudes de la part des adolescents."

"Cela nous fait réfléchir ( de plus on a le point de vue d’un adulte ce qui est bien )"

"C’est en changeant sa propre position personnelle qu’on peut faire changer les autres."

Les séances :

Les premières séances ont permis aux élèves de s’exprimer sur le lycée puis sur la réussite. Voici

quelques mots ou phrases prononcés :

Lycée ":liberté", "autonomie", "rencontre", "lieu de vie ,d’apprentissage", "s’épanouir", "plus de gestion et plus de travail",

Enseignant :"une personne à respecter", "peu proche de nous",

"un enseignant, c’est un confident qui sait nous écouter sans porter de jugement", "celui qui met des mauvaises notes", "méchant"

Réussite :"trouver l’amour" , "fonder une famille", "pouvoir aider pour toujours les gens que j’aime" , "être bien avec les autres" "avoir des gens sur lesquels on peut compter" "avoir un métier qui me plait", "avoir de l’argent" , "vivre libre", "être totalement indépendant", "être heureux", "profiter de la vie à fond", "réaliser mes rêves", "m’accepter tel que je suis", " me sentir en confiance", "savoir ce qui me plait", "faire le bon choix".

Nous les avons alors orienté vers la réussite scolaire et plus tard professionnelle en les laissant s’exprimer sur leurs besoins par rapport à cette réussite.

Les besoins prioritaires exprimés ont été les suivants :

- relationnel ( être entouré des gens que j’aime, avoir une famille unie )

- vie quotidienne ( dormir, une bonne nuit de sommeil )

- qualité ou état d’être ( être motivé, avoir confiance et être en confiance, être rassuré )

 

Les besoins strictement liés aux apprentissages ( comprendre ; m’organiser ) étaient peu présents. A ce stade du projet, nous avons pu servir de personnes relais pour que certains élèves puissent trouver un lieu adapté pour s’occuper de leurs difficultés d’ordre psychologique.

Nous avons ensuite cherché à orienter la réflexion dans le domaine scolaire et c’est à ce moment là que

le mal-être vécu au lycée en lien avec les apprentissages est sorti. Voilà ce qu’ils ont dit :

par rapport à la contrainte : "Moins de devoirs", "Envie de liberté", "Envie de décompresser, la pression subie est trop forte", "Les contrôles, ça met sous pression, en colère et ça ne donne aucun plaisir", "ça fatigue, ça bloque. par rapport à la confiance : J’ai tellement peu confiance en moi que je me raccroche à ce que dit l’autre" – "Je suis empêché car je ne suis pas dans mon milieu".

par rapport au mimétisme : "Je fais comme l’autre. J’entends fatigue, je suis fatigué. J’entends dormir, j’ai envie de dormir .j’entends la fête, je suis joyeux."

 

Nous avons alors choisi de les initier au processus de communication non violente ( situation, ressenti, besoin , solution ou mise en action ) pour leur donner un moyen de ne pas rester dans l’impuissance et penser qu’on ne peut que subir, qu’on n’a pas le choix… Nous avons pu remarquer qu’ils aimaient redevenir acteurs de leurs situations personnelles.

 

Exemple 1 :

Situation :Samedi dernier à la fnac à Marseille, je feuilletais des livres pour m’en choisir un pour moi

Ressenti De la joie et de la curiosité d’évasion et de connaissances

Besoin : Me divertir et me faire plaisir

Solution Avoir le temps de lire pour mon besoin

Exemple 2 :

Situation : Mauvaise note au contrôle commun enmaths que j’avais beaucoup travaillé.

Ressenti Enervé ( colère )

Besoin : Soutien

Solution D’avoir une meilleure méthode de travail.

Dans ces exemple, on voit que la solution est plus une prise de conscience qu’une réelle mise en action. La mise en action peut difficilement être immédiate, du temps est nécessaire…

Par contre le simple fait d’exprimer le besoin et d’y associer une première solution apporte du mieux car c’est un début vers un changement possible…

 

L’analyse :

De ce qu’ils ont exprimé lors de l’évaluation, on peut dire que ce projet a permis davantage :

- de confiance: "Ca m’a appris à assumer", "On a appris à mieux se connaître et à partager des choses ensemble.", "Ca m’a permis de comprendre mieux les profs", "C’est vrai qu’on est plus en confiance.

- de paroles : "On ne m’a pas jugé quand je parlais.", "Si j’ai un problème, j’irai plus facilement parler aux enseignants", "Je suis moins timide", "On peut dire ce qu’on veut sans tabou."

- d’écoute : "A force d’écouter, on s’habitue.", "Arrêter de juger, ça ne sert à rien. Car j’ai vu que finalement je n’étais pas la seule à avoir des difficultés à accepter le changement."

 

En fin d’année, dans cette classe, les élèves étaient plutôt sereins et nous, nous étions plutôt confortées dans nos convictions et pleines d’espoirs nouveaux. Nous leur avions proposé une clé parmi d’autres pour que chacun puisse rentrer dans le détail de sa vie d’adolescent et puisse aller, pour chaque situation, vers sa propre solution.

 

Projections pour l’année scolaire 2007/2008

Encouragées par ce que nous avons vécu et toujours soutenues par Mr Joseph et par Catherine Schmider ( 3 séances officielles de régulation et de nombreuses heures de concertation ), nous envisageons de continuer ce projet sous une forme différente et nous nous proposons de participer à l’animation des 2 jours de formation des délégués en novembre 2007.

 

Atelier « COMMENT DEBLOQUER UNE SITUATION PAR LE DIALOGUE ? »

Journées de formation des délégués de classe ( novembre 2007 )

L’objectif est de proposer aux délégués de classe un outil de communication leur permettant, dans une situation donnée, d’avancer vers une solution adaptée afin de faciliter, d’améliorer la vie de leur classe. Nous réunissons 6, 7 élèves pendant 2h et nous recommençons 4 fois cet atelier ( une fois par demie journée ) Nous proposons à chacun de choisir une situation de son vécu de lycéen et nous leur proposons de regarder cette situation à la loupe en s’appuyant sur l’outil de communication non violente.

Au cours des 2 heures, il y a des temps de recherche personnelle, des temps d’échange en groupe et des temps de jeux de rôles.

De notre place d’animatrices, nous avons observé :

- une participation active de chacun avec une parole spontanée et authentique.

- une reconnaissance rapide de la part des élèves de la richesse de l’échange en petit groupe. Ils se reconnaissent dans les situations des autres. ( c’est comme ça chez moi aussi )

- le mode de communication habituel avec une parole justificatrice et une non écoute de l’autre dans les jeux de rôles. ( certains disent : « c’est comme ça depuis la nuit des temps » )

- l’habitude de regarder davantage ce qui ne va pas et de trouver banal ce qui va ( pour certains, dire merci, c’est « gonflé » )

- de nombreuses situations où l’élève exprime un besoin de respect, d’écoute, de soutien et de compréhension de la part de l’enseignant ou d’une personne de la communauté éducative.

 

Du côté des élèves, voici quelques retours exprimés :

"Intéressant, très bon exercice qui permet de réfléchir avant d’agir", "Intéressant, amène à se poser des questions sur soi, à s’exprimer","J’ai bien aimé. On apprend beaucoup de choses sur soi-même", On peut appliquer ces exercices dans la vie de tous les jours pour régler des situations", "Différent de toutes les activités. Bien" , " Très intéressant. Permet de communiquer. Je souhaite que la communication puisse se faire sans difficultés", "Très bien car il y avait la possibilité de débattre.", "Trop structuré"

Et aussi quelques retours qui donnent un aspect psychologique à l’atelier :

"Mais ce fut intéressant et ça a pu aider quelques personnes". "Un peu trop psychologique et long", "Psychologique. L’analyse des situations un peu trop long".

 

PROJET « REUSSIR, C’EST POSSIBLE » Année scolaire 2007/2008

En plus de notre premier constat, nous avons une motivation supplémentaire : c’est d’avoir vu des adolescents qui, tout en étant dans leurs contradictions et dans la reconnaissance du côté contraignant des séances, se sont posés des questions, ont réfléchi sur eux, se sont découverts, ont découvert l’autre et même ont pu se mettre en action.

Nouveau cadre :

Répondant à une demande de certains collègues, nous choisissons d’ouvrir le projet à tout élève de seconde qui se porte volontaire et pour qui des personnes de la communauté éducative ont pu repérer un besoin d’accompagnement. Pour que tout élève de seconde soit libre dans un même créneau horaire et pour laisser la place à d’autres initiatives ( dialogues pédagogiques en gestion mentale, poésie, actions dans le domaine de la santé, soutien dans une discipline, heure de vie de classe… ), nous proposons la création d’une heure d’atelier pédagogique commune à tous les élèves de seconde. Cette heure est accordée par l’administration et est fixée au jeudi de 13h à 14h.

Les objectifs de notre atelier « Réussir, c’est possible » restent les mêmes en cherchant à développer davantage l’écoute, la ressource collective et l’accompagnement dans la mise en action. Initialement, nous envisageons 3 sessions de 7 séances avec une dizaine d’élèves :

- Première session : élèves redoublants

- Deuxième session : élèves repérés en difficulté

- Troisième session : élèves face à leur orientation

Dans la réalité, nous avons fait une erreur en regroupant tous les redoublants en début d’année en vue de les accueillir et de leur proposer de l’aide . Heureusement, ils nous ont fait part de leur colère d’être ainsi pointés du doigt alors que c’est déjà difficile d’accepter de se retrouver en seconde…Nous les avons écoutés et nous avons décidé de prendre un temps pour leur dire individuellement notre erreur et confirmer notre objectif d’accompagnement. Cette reconnaissance de l’erreur a été bien accueillie et nous a permis de retrouver des redoublants volontaires pour ce projet.

Première session :

Le groupe est composé de 9 élèves volontaires qui se sont engagés pour 7 séances et nous avons commencé le 29 novembre.

Les attentes exprimées sont :

- réussite scolaire - confiance

Lors des deux premières séances, les élèves décrivent des situations de leur vie de lycéen et expriment le ressenti qui y est associé. Dès la première séance, les élèves se rendent compte de la ressource collective du groupe car ils se retrouvent dans les situations des autres. La troisième séance, nous l’avons consacré à l’écoute ce qui a surpris et aussi apporté du nouveau chez eux :

"plus essayer de comprendre l’autre", "ça fait avancer, ça met en confiance, ça permet de se dévoiler" "c’est poser les questions qui le font parler"

Actuellement, dans les situations proposées, on retrouve majoritairement le besoin d’être écouté, soutenu, compris et encouragé avec des notes qui rendent compte du temps de travail ( leur expression est : « je travaille et je ne réussis pas et ce que j’entends c’est : « Mets toi au travail » )

 

Où en est-on aujourd’hui de notre réflexion ?

Du côté de Françoise :

Mon constat au lycée comme infirmière scolaire, rejoint celui de l’enseignant : L’élève ne peut se mettre en condition d’apprentissage que s’il est en santé physique, mentale et sociale. Ce qui l’empêche de travailler dont j’avais connaissance dans le lieu infirmerie, je le retrouve dans la salle de classe :

- dans son corps: la souffrance physique l’empêche de travailler ( la maladie, le manque de sommeil, s’il se nourrit mal, s’il est mal soigné, la fatigue de la collectivité….)

- dans sa tête : les « gros » soucis l’empêchent de travailler ( le décès ou les maladies graves de personnes proches, les situations familiales difficiles comme le divorce, la difficulté de séparation parents-enfant….)

- dans son coeur : l’état dépressif , la souffrance morale l’empêchent de travailler (c’est à dire, les séparations amoureuses ou amicales, la dévalorisation ou l’humiliation de la part d’un proche ou d’un enseignant…)

 

Ce qui m’enthousiasme dans ce projet, c’est qu’il rejoint mes certitudes profondes :

un adolescent est une personne en devenir, pleine de richesses, de créativité, de doutes, de peurs, de facultés d’adaptation…..il a besoin de clés pour rentrer dans les détails de sa vie et se construire : celle de l’apprentissage à la communication avec soi et les autres en est une.

 

Du côté de Sophie :

Les outils de communication non violente dont je dispose me permettent d’oser réellement regarder ce que je vis dans mes classes et me sortent d’une certaine passivité. Je me sens plus authentique dans mes paroles et mes actes, je donne plus facilement la parole aux élèves et je les écoute davantage.

Dans le contexte actuel, ce n’est pas forcément plus facile. Par contre, pour l’enseigné et pour l’enseignant c’est plus vivant, cela donne plus de sens aux apprentissages et l’implication de chacun augmente.

Ces mêmes outils permettent, dans le cadre du projet « Réussir, c’est possible » :

- de donner la parole à des élèves

- d’initier des élèves à l’écoute de l’autre

- de faire goûter des élèves à la ressource collective d’un groupe

- que des élèves osent regarder « à la loupe » certaines situations de leur vie et puissent se mettre en action par rapport à ce qu’ils ont découvert

J’ai donc la conviction que les outils de communication non violente peuvent permettre d’aller vers son autonomie et sa liberté. Pour moi, cela représente déjà une grande part de la réussite de chacun…

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