Extrait
d'une interview de l'auteur : Dans quel contexte ce
livre est-il né ?
" Ce sont les réactions de mes
étudiants, des enseignants ou des formateurs
que j'avais en formation ou celles des
différents publics que je rencontrais lors
de mes conférences, qui m'ont amené
à penser qu'il y aurait un
intérêt (et donc un besoin à
combler) pour un livre qui associerait des
connaissances précises sur le cerveau, une
approche psychologique de la violence, et les
dimensions pédagogique et éducative
du métier d'enseignant. Sachant que la
mission d'éducation est maintenant centrale
dans le métier d'enseignant, et intervenant
depuis 1983 dans la formation des enseignants,
j'étais bien placé pour
repérer les compétences que ceux-ci
devaient développer pour résoudre les
problèmes que peuvent poser une trentaine de
jeunes non spécialement motivés par
le contenu du cours ou de la leçon. Si j'ai
autant tardé pour rédiger ce livre,
c'est parce que je voulais valider par des
recherches expérimentales les grilles de
lecture qu'il contient (trois systèmes de
motivation, pensée dogmatique /
pensée non dogmatique, empathie / contagion
émotionnelle / coupure par rapport aux
émotions, la violence comme une
addiction
) : plus de douze ans furent
nécessaires
"
L'organisation de ce livre constitue une
réponse à la question suivante :
Comment l'explorateur né,
équipé pour apprendre toute sa vie,
que constitue tout être humain au
début de sa vie, peut-il devenir
dépendant des stimulations que procure la
violence et rechercher dans la domination ou la
soumission ce qu'il ne peut trouver à
travers les apprentissages ou la rencontre
transformative avec les autres ?
La démarche proposée se veut
logique. Pour faire en sorte que les jeunes restent
principalement motivés par l'apprentissage,
il faut d'abord comprendre comment fonctionne le
cerveau dans toutes ses dimensions, cognitive mais
aussi et surtout affective. Comment s'enracinent
les peurs, celle de faire des erreurs, celle de
l'étranger ? Comment se fabriquent des
besoins, comme le besoin d'être le plus fort
ou celui d'obtenir le plaisir dans l'instant
?
Dans une première partie donc,
les bases biologiques de l'agressivité et de
la violence chez l'homme sont abordées pour
mieux comprendre le fonctionnement de notre
cerveau, de nos motivations et ainsi mieux
repérer comment l'éducation peut
développer la capacité à
réguler sa propre agressivité car il
ne pèse aucun déterminisme biologique
condamnant les êtres humains à la
violence.
Dans une seconde partie sont
présentés des résultats issus
de nos recherches sur la violence chez les
adolescents et sur les risques de glissement de la
violence expérimentée
précocement vers une forme d'addiction
à la violence. Ces recherches montrent
également que la formation d'enseignants
à l'école primaire en zone
d'éducation prioritaire comme au
collège peut contribuer à la
prévention de la violence. La formation des
enseignants visant à rapprocher la
didactique et la socialisation a été
évaluée par la mesure du score en
empathie chez leurs élèves.
L'empathie correspond, en effet, au lien social
élémentaire entre les humains,
dès que celui-ci disparaît survient la
peur et rapidement s'ensuit la violence.
Développer l'empathie telle que nous l'avons
redéfinie pourrait devenir un objectif
pédagogique de l'École.
Dans une troisième partie sont
décrits les six points-clés de la
formation des enseignants qui ont permis une
réduction de la violence chez les
élèves.
1 -
Le développement d'une "
sensibilité épistémologique
", pour que les enseignants puis leurs
élèves parviennent à
percevoir les modifications, depuis la
pensée dogmatique vers la pensée
ouverte, lorsque l'individu accepte de se
laisser déstabiliser par la
nouveauté dans les apprentissages et par
autrui quand il diffère de soi.
2 - Le
travail sur la relation à l'erreur,
visant à décontaminer l'erreur de
la faute en la faisant sortir du registre moral,
pour éviter de démotiver les
élèves dans leurs
apprentissages.
3 -
L'établissement d'une relation
d'autorité, décontaminée de
la domination-soumission, et qui contribue
à l'affermissement d'autrui.
4 -
L'éducation à l'affirmation de soi
non-violente, à l'empathie et au
renoncement à la manipulation. Un effet
attendu de cette éducation est le
développement du " langage
intérieur ", celui-ci permettant de
remplacer les automatismes par la
régulation consciente des
comportements.
5 -
L'utilisation de dispositifs d'apprentissage
susceptibles de favoriser de façon
synergique la transmission des savoirs et le
développement des savoir-faire
démocratiques. Il s'agira ici de
rapprocher la didactique et la socialisation des
élèves, ce qui demande de savoir
gérer de manière non-violente les
conflits et les frustrations, inévitables
et nécessaires dans une
société.
6 - La
nécessité d'un changement de
valeurs pour permettre à un sujet
potentiel d'émerger et pour renoncer
à l'affaiblir par la violence ou la
manipulation. La prévention de la
violence débouche donc sur
l'identification des valeurs qui favorisent
cette prévention et nécessite de
les distinguer de celles qui s'y
opposent.
Une des raisons du succès relatif des
recherches présentées dans ce livre
en terme de prévention de la violence,
réside dans la démarche qui a
été faite avec chaque
établissement expérimental pour
associer les parents d'élèves et
ainsi permettre à ceux qui l'ont
souhaité de devenir les alliés des
enseignants pour éduquer ces êtres en
devenir que sont les
élèves.
Voici ce qu'en
pense une lectrice :
"
pour vous dire à quel
point votre livre m'a intéressée et
passionnée. Je suis enseignante en lettres
dans un collège ZEP de la ville de Saint
Etienne de Rouvray(76) et depuis quelques
années je délaisse souvent la
littérature pour m'enrichir des publications
en sciences de l'éducation. Mes 14ans
d'ancienneté dans mon établissement
me font penser qu'on ne peut enseigner là
efficacement et avec plaisir qu'en soumettant
à une profonde réflexion notre
pratique quotidienne. Etant plutôt
littéraire de formation je n'avais
jusqu'à présent jamais abordé
d'ouvrages tels que le votre. J'espère en
avoir saisi l'essentiel
-Que
peut-on engager comme action, demande de formation
pour que les enseignants pensent à et
puissent se former suffisamment pour
répondre au mieux à certaines
situations? ( Hier après midi un des
élèves les plus en rupture scolaire a
violemment brutalisé une maman à
l'intérieur du collège après
que celle-ci lui a administré une gifle,
pensant qu'il était responsable du coup de
pied qu'elle avait reçu....Je me
prépare avec tristesse et résignation
à affronter le 3ème conseil de
discipline en 2 mois- j'y siège en effet
depuis plusieurs années, soucieuse de
trouver les moyens de transmettre aux familles les
paroles qui leur permettront de continuer à
croire en notre système.)
Je
souhaite que votre ouvrage soit lu par beaucoup de
simples enseignants comme moi et que les prochaines
propositions de lois nous offrent la
possibilité de nous former intelligemment
à tous les aspects de notre métier.
Votre ouvrage me permet à nouveau pour
quelques temps de croire qu'on peut encore faire
évoluer nos pratiques et en persuader nos
collègues avant que la chaudière ne
nous explose à la figure:je souhaite longue
vie à la formation proposée à
Montpellier et MERCI 1000 fois de votre
contribution à notre quotidien.
"
Actuellement et quand la violence n'est pas
le premier obstacle à dépasser,
diverses applications sont effectuées dans
plusieurs établissements secondaires, en
commençant au début avec les
points-clés 1, 2 et 3. Les effets chez les
élèves sont observables quelques
semaines plus tard, diminution de
l'absentéisme, des sorties de classe pour
indiscipline, des passages à l'infirmerie,
des demandes de dispenses en EPS
et
l'augmentation de demandes d'exercices
supplémentaires par les élèves
et l'amélioration des résultats
scolaires aussi. Côté enseignants,
s'engager dans une telle démarche
amène à se remotiver pour le
métier et à prendre plaisir à
résoudre ensemble les problèmes et
les difficultés que pose
inévitablement la mise en place de ce
changement de rapport aux savoirs et avec les
élèves. Un sens nouveau peut ainsi
être co-construit en diminuant l'écart
entre valeurs personnelles et comportements
professionnels.
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