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Qu'as-tu fais aujourd'hui à l'école ?

"Rien ! Je ne me rappelle plus !"  

Bernard Collot 

         

 

           Les devoirs à la maison.

           Je ne m'étendrais pas sur leur inefficacité, leur inutilité, leur nocivité quand ils prolongent une journée scolaire réclamant la disponibilité et l'attention continue des enfants ou adolescents. Ni sur le fait qu'en eux-mêmes ils révèlent l'incapacité de l'école d'effectuer sa mission dans le temps qui lui est imparti. C'est en termes de pouvoirs que je vais les situer. Pendant le temps scolaire, le pouvoir de l'école et des enseignants est absolu et il est reconnu comme tel. Mais il cesse dès la sortie de l'école où l'enfant cesse d'être un "élève". Normalement, le pouvoir parental reprend ses droits et les responsabilités qui vont avec et qui sont celles des choix, à partir de cet instant.

           Les devoirs obligatoires à la maison, sanctionnés à l'école d'une façon ou d'une autre s'ils ne sont pas faits, c'est l'empiètement du pouvoir de l'école sur le pouvoir parental. C'est l'immixtion de l'école dans la sphère familiale, la prolongation du "statut d'élève" au détriment de la "nature d'enfant." Il faut qu'il vive encore un temps "d'élève" où il n'a pas d'initiative possible. C'est un temps où la relation parent/enfant est amputée par celle où les deux doivent être encore élève pour l'un, parent d'élève pour l'autre. Si l'on peut admettre que l'école suggère, propose des activités favorisant à la maison la poursuite de la construction des langages entreprise à l'école, le choix de leur exécution ne regarde moralement et juridiquement que les parents. Le rendre obligatoire avec les mesures de rétorsions qui s'en suivent dans l'espace scolaire relève de l'abus de pouvoir ou du harcèlement. Ceci jusqu'à la majorité de l'enfant ! A ma connaissance, l'aspect juridique de cette affaire des devoirs n'a encore jamais été porté devant un tribunal. Mais elle n'est pas que juridique, elle relève tout autant de la santé physiologique, psychique donc affective et cognitive de l'enfant.

 

Le rôle protecteur des parents

         Il faut aussi noter que l'impossibilité institutionnelle pour les parents de porter un regard sur l'espace scolaire les incitent à abandonner le rôle protecteur qu'ils devraient avoir. La plupart hésitent à intervenir quand il leur semble, et même quand ils sont certains, que tel comportement, telle action des enseignants a des conséquences néfastes. La raison toujours invoquée dans les innombrables témoignages recueillis au sein du laboratoire des crepsc, c'est qu'ainsi ils risqueraient d'enclencher des mesures de rétorsions encore plus néfastes. Ce qui est parfois le cas.

           Mais c'est alors la relation affective parentale qui risque de s'effilocher. Implicitement le parent, ou prend parti contre son enfant ce qui affectivement n'est pas supportable, ou le nie dans ce qu'il ressent, ou ne porte pas assistance à personne en danger.

           Comme solution, il n'a plus que, soit de le changer d'école ce qui s'avère la plupart du temps impossible, soit de le retirer du système scolaire. La pratique du homescooling résulte souvent de cette situation de fait, mais là aussi cela demande des conditions sociales, culturelles et environnementales peu courantes.

 

Qu'as-tu fais aujourd'hui à l'école ?

           A remarquer aussi que l'enfant hésite à rapporter ce qu'il fait ou ce qui se passe à l'école. Parfois prudemment ! Parfois parce qu'il veut vite l'oublier ! Parfois parce qu'il n'y a trouvé aucun intérêt ! Qu'as-tu fais aujourd'hui à l'école ? - Rien ! Je ne me rappelle plus ! Comme d'habitude ! Comme s'il y avait un trou dans sa vie. Mais cela constitue aussi un trou dans la relation parentale, celle-ci ne se réalisant que dans la connaissance affective de l'histoire de celui que le parent à charge d'aider. ....

           Pour que le sevrage que constitue l'entrée à l'école ne soit pas un traumatisme pour l'enfant comme pour le parent, pour que l'enfant se retrouve sécure dans d'autres dépendances et qu'il puisse faire dans cet espace d'autres conquêtes, s'armer d'autres outils qui peu à peu lui permettront de s'insérer dans la société et d'y être autonome, c'est-à-dire adulte, il faudra que le système scolaire n'ait plus peur des parents, que les parents n'aient plus peur du système scolaire et n'aient plus peur d'y participer, résolument en tant que parent mais plus seulement en tant que parent d'élève.

 

Remises en questions nécessaires

           Ce qui suppose un certain nombre de reconsidérations, de remises en questions, sur les rôles de chacun. Sur l'acte éducatif lui-même. On doit toujours garder en mémoire comment l'enfant a effectué son premier apprentissage, celui de la parole. Et garder en mémoire que tous les enfants, sauf rares cas pathologiques, apprennent tous à parler, quelle que soit la famille. Il n'y a pas d'échecs !

           Il y a donc bien une grande difficulté à être parent d'élève. Cette difficulté ne tient pas dans ce qui serait l'incapacité de quelques-uns qu'il suffirait de ré-éduquer, mais à un système éducatif de type industriel qui ne peut tenir compte de ce qui est l'évolution normale des êtres vivants, en particulier quand ces êtres vivant font partie d'une espèce sociale. Il ne peut le faire malgré la bonne volonté de ceux qui y travaillent. Cela ne posait pas de problèmes quand l'école obligatoire s'adressait à une population considérée comme en grande partie illettrée, plus ou moins inculte, qui se préoccupait moins de l'école parce que celle-ci occupait moins de temps et parce que de toutes façons l'avenir de ses enfants étaient plus ou moins tracé (paysan, ouvrier, artisan, commerçant… comme leurs parents).

           Les temps ont changés. L'école, c'est aujourd'hui la plus grande partie du temps de la construction de l'enfant, de 2 à 18 ans au moins, de 8 heures du matin à parfois 18 heures le soir. Personne ne peut plus prétendre qu'elle assure un avenir à ses élèves. Alors, que doit-elle assurer ? Et de plus, on ne peut plus empêcher les parents de penser !

           Si nous devons bien nous pencher sur la difficulté d'être parent d'un enfant allant à l'école, cela ne peut pas concerner seulement les parents. Dans ce qui est bien une problématique et non un problème, il y a d'abord l'enfant. L'enfant devant se construire physiologiquement, psychologiquement, cognitivement, socialement. Ceci dans une continuité affective qui le rende sécure.

           C'est lui qui est au centre, autour il y a des protagonistes et l'institution. Il va y avoir une harmonie à créer entre ces trois pôles. Il va falloir redéfinir aussi bien pour les uns et les autres quelles sont les finalités de l'espace institutionnel qu'est l'école et le redéfinir essentiellement par rapport à l'enfant.

           En dehors de toute idéologie, ce qui est incontournable c'est que l'espace scolaire fait partie de la construction de l'enfant en adulte autonome et en citoyen. Ce qui est incontournable c'est que cette construction s'effectue dans une continuité, dans l'unicité de l'enfant et non pas dans le morcellement d'espaces cloisonnés et dans des ruptures affectives.

           Ce qui demande une reconsidération des rôles et des représentations de chacun, y compris de l'institution, une reconsidération de la relation qui leur permet d'oeuvrer de façon concomitante. Autrement dit, le problème des parents d'élèves, c'est tout autant celui des enseignants, c'est tout autant celui de l'école.

Les sites de Bernard Collot

http://education3.canalblog.com

http://b.collot.pagesperso-orange.fr/b.collot/pedagogie.htm

http://pagesperso-orange.fr/b.collot/b.collot/

 

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