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Parcours du combattant pour se reconvertir

Sylvie Duczynski

 

             "Ce témoignage montre bien comment nos structures et nos formations ne sont pas encore au point pour cette fonction d'accompagnement malgré la bonne volonté des personnes"J.N.

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La reconversion d'une travailleuse handicapée ou un parcours du combattant en mille étapes

:  

Année 2003 :

             La charmante mère d'une de mes élèves me déclare, furieuse : " Ca ne peut plus durer, quand on vous pose une question, ou vous ne répondez pas, ou vous répondez à côté. L'ancien proviseur serait encore là, le problème aurait été vite réglé ! "

???? Réglé comment ? Me dis-je intérieurement.

Introspection : certes, j'entends de plus en plus mal, vraiment trop mal ?

             A l'époque, j'enseigne dans des préfabriqués style bidon : horreur. Les sons rebondissent et s'échappent de tous côtés. J'ai beau protester, on me répond qu'il faut bien que quelqu'un s'y colle, donc moi, sic.

S'ensuit ma première demande de poste de réadaptation. Accordée.

De septembre 2004 à juillet 2006 :

             Mi-temps correction de copies pour le CNED et mi-temps au lycée. Je m'aperçois tout à coup que je fatiguais vraiment, ça va beaucoup mieux.

             Lors de la commission pour la deuxième année de réadaptation on me reproche : " Quel est votre projet de reconversion, quelles démarches avez-vous entamé ? " OK, j'ai compris, à moi d'assumer.

             Mais ça n'est pas facile, tout d'un coup, aprés 28 ans de carrière.

Fin de deuxième année,

             On me déclare ; " Bon, on va vous trouver une formation en informatique. " OK. Je suis prête à assumer. Mais je ne vois rien venir. Je demande la reconnaissance de travailleuse handicapée. Accordée. Me voilà cataloguée.

L'année suivante,

             Gros problèmes de santé. Santé défaillante + handicap + élèves nombreux = mélange détonnant. Je manque de craquer. Je contacte la responsable des ressources humaines qui promet de s'occuper de mon cas. " Je vous aurai peut-être trouvé quelque chose avant la fin de l'année scolaire, me déclare-t-elle ". Je reprends espoir.

             Dans le même temps, pas de chance, on m'informe que le type de poste que j'occupe sera désormais réservé aux cas graves, donc pas moi. Merci.

On me propose en lieu et place un allègement de service d'un tiers temps, bon à prendre mais il me reste deux tiers de temps devant les élèves : impossible, je vais trop mal, je demande en plus un temps partiel. Salaire restreint. Ca ne va pas être facile.

          Il est temps de me prendre en mains : je dégotte une formation de longue durée avec le CNAM : " webmestre, conception de sites et administration de serveurs web. "

             Et côté ressources humaines, qu'est-ce qu'on me propose ? " C'est quoi, votre formation ? C'est bien, vous allez voir ce que ça va donner et ensuite, vous pourriez demander un congé de formation, je vous appuierai. "

             Je travaille comme une damnée : j'obtiens mes quatre UE (unités d'enseignement) dans la foulée. Un monde nouveau s'ouvre à moi. Je demande un congé de formation de six mois pour pouvoir finir et surtout pour pouvoir faire le stage de trois mois obligatoire.

             Demande non appuyée, on me refuse mon congé, heureusement il y a des désistements. Ouf !

             Parallèlement on m'allège mon allègement de service. Sûr, pour ce que j'en faisais !

Année 2008-2009,

             Changement de programme pour les demandes : poste aménagé (les quelques heures en moins, toujours moins) ou poste adapté (exploration de nouveaux emplois). Je demande les deux, espérant bien qu'étant donnés mes résultats aux examens on m'accordera le second. Changer d'emploi, changer de vie, je n'aspire plus qu'à cela.

           Je valide mes deux dernières UE, j'embraye aussitôt sur mon stage.

             Côté ressources humaines on me déclare : " Eh bien maintenant il va falloir vous bouger, chercher un emploi ".              Quoi ? Parce que jusqu'ici je n'ai rien fait ? J'ai sûrement mal entendu. Normal, je suis sourde.

             Deux ans à travailler sans relâche, sans week end, sans vacances. Je n'en peux plus, je suis épuisée, je manque de craquer à deux reprises mais je me ressaisis, je dois terminer. Je m'accroche avec rage.

             Entre temps on m'informe que ma demande de poste adapté est refusée. Je ne comprends pas, je n'y comprends rien, c'est très dur.

             Je dois reprends mon service comme si rien, jamais, ne s'était passé. C'est impossible, inhumain. Je tiens, je chancelle, je craque.

             Je trouve quand même l'énergie de multiplier les recherches, les explorations, les entretiens, les demandes, les candidatures, les inscriptions, les mails, les lettres, les dossiers. C'est un travail de Titan. D'autant qu'il faut souvent revenir à la charge pour obtenir une réponse.

             Alors : " dispositif d'accompagnement de la personne handicapée dans son projet de reconversion " ?

             Finalement, l'adage a raison : " il vaut mieux être seule que mal accompagnée ".

 

 

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<< Merci de ce témoignage. Je me sens un peu moins seule. Ce parcours de combattant n’est pas spécifique au milieu professionnel. >>
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