La
réussite en mathématique est une des
exigences scolaires de notre époque: il faut
étre bon en mathématique pour faire
un B.E.P.; il faut étre bon en
mathématique pour «faire » des
sciences économiques; il faut étre
bon en mathématique pour « faire
médecine »... Et cependant certains
sont « nuls en maths », alors que
d'autres réussissent. Jusqu'á
présent, on n'a trouvé á ces
échecs ou á ces
réussites que deux causes: il n'est
pas intelligent, il ne fait rien, ou, au contraire,
il comprend vite, il travaille beaucoup.
Un professeur de mathématique,
Jacques Nimier, s'est rendu compte que dans de
nombreux cas, ni le manque d'intelligence, ni la
paresse ne pouvaient expliquer l'échec. II a
voulu alter plus loin, et chercher les autres
causes possibles. Pour trouver, il a entrepris une
vaste enquéte auprés des
lycéens: 734 questionnaires ont
été analysés par ordinateur,
60 entretiens d'une heure ont été
enregistrés au
magnétophone.
En dépouillant ce matériel
considérable, Jacques Nimier est
arrivé á une conclusion essentielle :
á l'origine des échecs et des
réussites il y a trés souvent
des causes inconscientes ou affectives. Pour
certains éléves, les maths signifient
paix, ordre, refuge, ils se trouvent á
l'aise en face d'elles, et «réussissent
; pour d'autres, les mathématiques
représentent un danger, une confusion, une
fatalité, et la haine qui peut s'ensuivre
est á l'origine des
échecs.
Cette explication est importante, elle
permettra aux parents et aux éducateurs de
comprendre enfin certains échecs, de
modifier leur attitude, et de sortir de situations
jugées jusque lá sans
issue.
Cette explication a un autre
intérét: elle peut amener á
modifier I'enseignement des mathématiques et
la formation des maitres tant discutée
aujourd'hui.
Tout conduisait Jacques Nimier
á écrire ce livre : il est non
seulement professeur de
mathématique
mais aussi
animateur á I'Institut de Recherche sur
I'Enseignement des Mathématiques (I.R.E.M.)
de Reims et docteur en psychologie. En plus, il a
effectué une psychanalyse, et il anime des
psychodrames. Table des
matières INTRODUCTION LES
DIFFÉRENTS THÈMES LES
MATHÉMATIQUES ET L'ORDRE La contrainte
exercée par les mathématiques
où à leur propos - Ces
mathématiques si bien ordonnées- Cet
ordre parfois bienfaisant pour l'esprit.
Conclusion, LES
MATHÉMATIQUES COMME OBJET
DANGEREUX Les risques- Les
dangers - L'inquiétude qui s'ensuit-
Sentiment de manque - Sentiment d'une
différence - Sentiment de fatalité.
Conclusion DÉFENSES
CONTRE LE SENTIMENT DE DANGER Mise à
distance du danger - Maîtrise du danger -
Comment combler le manque ? - Créer - Ouvrir
des portes - Imaginer un monde magique -
Conséquences : sécurité ou
insécurité -
Conclusion. Base des autres
disciplines - Discipline sans importance ou
aberrante - mais grandiose. Discipline utile ou
inutile, ne permettant pas de parvenir à la
célébrité -
Conclusion ATTITUDES
VIS-À-VIS DES
MATHÉMATIQUES Amour et haine des
mathématiques - La recherche en
mathématiques TEXTE ET ANALYSE
D'UN ENTRETIEN ENTRETIEN AVEC UN
GARÇON Son désir de
prendre ou de reprendre quelque chose - Les
mathématiques ne lui donnent rien - Le refus
de donner. - Ses lacunes - Il ne voit rien - Il est
bouché - Il est marqué - Pour lui,
les mathématiques sont un trou noir - Son
inquiétude - Changement provisoire -
Conclusion La classe - Le
travail indépendant - La
représentation en mathématiques -
L'échec - L'erreur - Les
mathématiques modernes - Les sections - Les
horaires. - Le bac - La
sécurité LA FORMATION DES
PROFESSEURS La recherche
pédagogique - Les formateurs - Quelle
formation? LA PLACE DE LA
PSYCHOLOGIE DANS L'ENSEIGNEMENT Actuellement. - La
fonction d'écoute - L'orientation - Les
professeurs dits « chahutés » -
Les conseils de classe. ANNEXES
MÉTHODOLOGIE ET
ÉCHANTILLON Les entretiens. -
Répartition par classe - Le questionnaire -
étude du choix des verbes - étude du
choix des adjectifs - études des
différences avec les autres
disciplines. QUESTIONNAIRE-BIBLIOGRAPHIE Un passage <<Introduction
J'enseigne depuis plusieurs années
dans des classes dites littéraires et dans
des classes dites scientifiques, d'un lycée
et j'ai toujours été frappé
par la différence d'ambiance qui y
règne.
On ne peut pas caractériser cette
différence d'atmosphère par une
différence de qualité de travail.
Certaines classes littéraires, contrairement
à ce qu'on pourrait croire, travaillent dans
une ambiance très studieuse, presque trop
parfois. De plus, d'une section à l'autre,
les « demandes » des élèves
sont assez différentes ; j'ai souvent
remarqué l'agressivité des filles de
série scientifique à mon
égard, une demande affective très
forte des filles des séries
littéraires, des états de prostration
ou de révolte chez des garçons de
série littéraire, le travail «
sérieux », accompagné de peu de
demandes, des garçons de série
scientifique. Mais, naturellement, dans tout cela,
quelle est exactement ma part ?
D'autre part, j'entends souvent dire :
« Il y a ceux qui sont doués, et ceux
qui ne le sont pas », autrement dit, ceux qui
ont la bosse et ceux qui ne l'ont pas ; ou bien :
« Ils n'ont pas eu les conditions sociales
nécessaires à leur réussite en
maths », ou : « C'est la faute de
certains professeurs, qui ne savent pas enseigner
», ou : « La faute aux
mathématiques modernes. » Ces
appréciations ne m'ont jamais satisfait,
d'autant plus que des questions se posaient
à moi sous la forme d'échecs nombreux
et inexplicables : comment comprendre que des
élèves de première ou de
terminale, ayant traversé toute la
succession de barrages qu'ils ont rencontrée
depuis leur sixième : orientation de fin de
cinquième, orientation de fin de
troisième, orientation de fin de seconde...,
« la crème des crèmes, quoi !
», ne réussissent toujours pas en
mathématiques ? Que des élèves
ayant de bons résultats dans d'autres
disciplines puissent encore écrire : «
Si 2 x = 0, alors x = 2 », et cela de
façon courante ? Tout professeur de
mathématiques du second cycle en a fait
l'expérience. Les accusations de paresse, de
manque de connaissance, d'inattention ne m'ont
jamais paru convaincantes.
Une autre série de faits
étonne encore celui qui veut bien avoir
l'oreille un peu attentive : les lapsus des
élèves, tels que : « je vais
lever l'interdiction » pour « lever
l'indétermination », « c'est une
injonction » pour « c'est une injection
», « une application compliquée
» pour une « application composée
».
Que dois-je dire à mes enfants
lorsque, de retour du lycée avec une bonne
note en mathématiques, ils m'affirment :
« Les copains m'ont dit : " C'est pas
étonnant, avec ton père qui est prof
de maths. " » Cela serait-il
héréditaire ? Ou même
contagieux ? « Un tel est bon en maths ! C'est
normal : il habite dans le même immeuble que
le prof ! »
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