Témoignage
d'un rééducateur
<<J'occupe les fonctions
de rééducateur dans un
"Réseau d'Aides
Spécialisées" (R.A.S.). J'ai
donc pour mission:
"... d'une part, favoriser
l'ajustement progressif des conduites
émotionnelles, corporelles et
intellectuelles, l'efficience dans les
différents apprentissages et
activités proposés par
l'école, et d'autre part, de
restaurer chez l'enfant le désir
d'apprendre et l'estime de soi." (B.0
n' 16, Avril 90). à
l'écoute bienveillante de l'enfant
n'est pas chose
évidente.
La Formation Psychologique
de Reims. m'a ouvert de nombreuses pistes en me
permettant de mieux définir mon rôle
dans une relation d'aide.
Suite aux premiers modules, je ressens
plus particulièrement des ajustements par
rapport à ma pratique au niveau
de: -1)
La "non-trituration" dans le
symptôme, dans les
difficultés de
l'enfant
Sorti de la formation de
rééducateur, je savais
théoriquement que je ne devais pas
m'attaquer au symptôme de
l'enfant.
Pour justifier cette idée, il
suffisait de s'en référer aux
comptes-rendus d'expériences montrant que le
travail sur le symptôme entraînait le
renforcement ou le déplacement de
celui-ci.
La formation psychologique m'a permis
de concevoir le symptôme comme une
parole, un langage que la personne en
difficulté, s'est construit pour continuer
de vivre en préservant son désir
inconscient, et le désir des autres.
Dès lors que je travaille dans
l'écoute de l'autre, je ne peux pas refuser
le discours de cette personne.
En rééducation la
première condition pour que le travail
d'aide puisse se mettre en place, c'est d'accepter
l'autre tel qu'il est, avec son langage
personnel.
Avant la formation
psychologique, même si je ne le
verbalisais pas à l'enfant, j'étais
tenté d'interpréter les productions
enfantines. Face à un enfant on ne sait pas
ce qu'il faut voir, ce qu'il faut dire, on se pose
plein de questions. On se rassure comme on peut.
L' interprétation est une prise
de pouvoir que je m'interdis maintenant
. Même si je n'y arrive pas
toujours, je sais qu'il y a autre chose à
faire face à l'expression spontanée.
Par exemple, traduire par des
paroles ce qui été fait au niveau de
la description de la
réalité.
Ce travail qui consiste à
renvoyer, tel un miroir, la description des faits
peut, il me semble, faciliter la prise de
conscience du vécu par l'enfant et
entraîner une mémorisation qui devrait
l'aider à se structurer.
Quand je suis revenu de ma formation de
rééducateur, il me paraissait
important de rechercher dans l'histoire de l'enfant
des causes à son échec. Cela
permettait de remplir des pages et de satisfaire
les "gourmands de dossiers".
C'est au cours du travail
psychologique, que j'ai perçu non
seulement l'inutilité de ces recherches. La
recherche effrénée des causes me
paraît être un obstacle à
l'écoute de l'autre.
C'est prendre un pouvoir qui nous
rassure, c'est fonder notre aide sur des
rationalisations que l'on veut
objectives.
Je suis maintenant convaincu que la
recherche de l'origine des troubles entraîne
des réactions de défense.
Trop liée à des souvenirs
douloureux, pénibles, souvent
accompagnée de honte et de
culpabilité, cette recherche ne peut pas
induire le changement.
Ce que j'ai aussitôt perçu
en commençant la formation
psychologique c'est l'existence d'un "dedans" et
d'un "dehors'
Je n'avais pas, auparavant, ressenti que
les productions n'ont de sens que dans un
cadre donné. Ces productions ne
signifient plus rien en dehors du contexte dans
lequel elles ont été
réalisées...
Ma première
préoccupation est maintenant de créer
un cadre, un espace garant d'ordre et de
sécurité.
C'est dans cet espace et uniquement dans
cet espace, que j'exerce mes fonctions de
rééducateur.
Créer un cadre c'est aussi
instituer un "début "et une
"fin". Dans ma pratique
rééducative, j'ai trouvé utile
de structurer le passage du "dehors" au "dedans",
et le passage du "dedans " au "dehors". C'est le
sens du rituel du début et du rituel de fin
de séance. C'est un des sens que je donne
à la prise de rendez-vous écrite
à la fin de séance.
Certes j'ai toujours affirmé que
ma référence était
l'expression spontanée de l'enfant. Mais ce
n'est pas facile, définir l'expression
spontanée. On "vous attend au tournant" .
Vous êtes celui qui permet tout, qui refuse
d'intervenir.
La formation psychologique
m'a permis de mieux me situer par rapport à
cette spontanéité qui reste le point
de départ de ma démarche. Cette
formation m'a permis de préciser mon
rôle, face à l'expression
spontanée de l'enfant.
Je ne suis pas observateur, je ne suis
pas un partenaire de jeu, je ne suis pas un
enseignant, je ne suis pas..... la
définition de ma fonction, par ces
négations est celle qu'on m'a donnée
lors de ma formation
théorique.
Mais se définir par des
négations, est certes nécessaire mais
pas suffisant.
Je sais ce que je ne suis pas, mais je
ne sais pas ce que je suis.... et c'est bien
insécurisant. Je commence à mieux
percevoir...
Il ne suffit pas que l'enfant en
difficulté s'exprime dans un espace
sécurisant, sous l'oeil approbateur d'un
adulte pour qu'un changement apparaisse.
L'expression libre qui ne trouverait pas de
réponse rééducative, pourrait
conduire à la répétition et
enfermerait l'enfant dans son attitude en
renforçant toute résistance au
changement.
Le jeu spontané de l'enfant
dans la salle de rééducation a une
visée précise.
Le jeu que l'enfant connaît dans la
cour de récréation et le jeu dans une
salle particulière telle que la salle de
rééducation n'est pas de même
nature. Ils ne répondent pas à la
même démarche. Dans une
démarche il y a un objectif uniquement
ludique, voire éducatif, dans l'autre
démarche, il y a une visée
rééducative.
Me laisserai-je aller jusqu'à
parler de...
Dans ma salle, l'enfant ne joue pas,
mais il se joue face à un adulte qui lui
répond sur un mode
symbolique.
C'est pour moi une idée tout
à fait nouvelle à laquelle j'ai
souscrit après avoir
commencé la formation
psychologique.
Elle est inhérente à
l'existence du cadre rééducatif. Elle
fait suite à la non-recherche des causes, au
refus d'interroger le passé pour comprendre
le présent.
Depuis, je fonde mon action dans l'
...
Certes des scènes du passé
remontent à la surface, mais elles sont
revécues dans le présent, et ce qui
m'importe c'est la façon dont celles-ci sont
revécues.
C'est le travail sur les
émotions présentes qui a
été la plus grande nouveauté
dans ma pratique
rééducative.
Jamais, auparavant, je
ne me serais permis de faciliter, chez l'enfant,
l'émergence de ses émotions.
Dans ma pratique
rééducative...
J'essaie de faciliter chez l'enfant la
prise de conscience des sentiments qui
l'animent.
J'ai le sentiment que c'est bien lors des
quatre modules déjà suivis que j'ai
commencé à prendre conscience de mon
rôle de rééducateur. Même
si je n'y parviens pas toujours.
Mon identité professionnelle
n'étant plus définie par des
négations, j'assume plus facilement mon
statut.>> <<Passionnant,
limpide et encourageant...>>
Damien
Réaction