Les
actions de formation qui accueillent notre public
jeune en difficulté sont organisées
avec une ou plusieurs périodes de stage en
entreprise. Ce principe de l'alternance nous
amène forcément à mettre en
place un travail autour de certains outils tels que
le CV, la lettre de motivation et
l'entretien.
Ces outils sont généralement
connus par nos jeunes parce qu'ils sont reconnus
comme les clés d'entrée dans
l'entreprise et donc comme un passage
obligé.
L'adhésion à ce travail peut
donc ne pas poser trop de problèmes. En
revanche, le travail de réalisation de ces
outils peut être source de difficultés
ou de manque de motivation et d'entrain.
En
effet, il peut être ressenti par les
jeunes comme quelque chose de
rébarbatif car associé au
savoir écrire. De plus, il
renvoie souvent à des souvenirs
scolaires peu réjouissants parce que
caractérisés par
l'échec. Il met à jour,
entre autres, des parcours pauvres sans
véritable
expérience.
La construction des
CV
Traditionnellement l'objectif d'outiller les
jeunes en perspective de leurs recherches de stage.
Pour ma part, même si je crois qu'il est
indispensable de sensibiliser les jeunes à
l'importance de ces outils, je reste sceptique
quant à leur efficacité réelle
pour l'accès à
l'entreprise.
Et si le
travail sur les CV était vu comme :
-
Un support de restauration narcissique et
donc un moyen pour valoriser l'image de
soi.
- Un
objet intermédiaire et donc un moyen
pour engager un échange avec un
professionnel.
Une
expérience
Une expérience menée en
région Champagne Ardenne a introduit ces
nouveaux objectifs.
La démarche pédagogique mise en
uvre s'est organisée en continu.
Ainsi, pour avoir devant soi une durée
conséquente, le travail d'élaboration
des CV a démarré bien en amont d'une
recherche de stage et s'est poursuivie
parallèlement à celle-ci. Cela
impliquait, par conséquent, d'accepter
l'idée qu'un jeune puisse contacter des
entreprises sans être en possession de son
CV.
En revanche, il était
impératif que tous les CV des jeunes en
formation soient finalisés avant
l'entrée effective en stage.
La première étape
était d'amener chacun des jeunes à
mettre par écrit sur une feuille de papier
un ensemble d'éléments pouvant
constituer le fonds de leur CV.
Je construisais donc un support indiquant
toutes les informations que je voulais obtenir
:
-
IDENTITE avec / prénom /
nom / âge / date de naissance
/ lieu de naissance / tél
fixe / tél portable / nombre
d'enfants / moyen de locomotion /
situation familiale / adresse du
domicile / qualités /
défauts
-
SCOLARITE avec / classes suivies
/ nom des établissements /
lieu des établissements /
années / durées /
matières suivies /
matières
préférées,
détestées
-
FORMATION avec /
intitulés des formations /
noms des organismes / dates /
durées / principaux travaux
réalisés
-
STAGE (statut de stagiaire) avec
/ nom de l'entreprise / année
/ durée / poste occupé
/ tâches
réalisées / nom du
tuteur
-
EXPERIENCE PROFESSIONNELLE (statut de
salarié) avec
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Je me doutais que l'implication des jeunes
serait difficile et c'est pourquoi je leur
proposais de prendre une part du travail dans la
réalisation des CV mais j'insistais sur le
fait que mon implication à moi
dépendrait de la leur. Je les invitais donc
à une relation de type " donnant /
donnant ".
Leur travail consistait donc à
fournir une réponse pour chacun des
éléments précités dans
le support distribué. Dès qu'un jeune
me signalait avoir terminé, une
évaluation partagée entre lui et moi
sur la qualité et l'exhaustivité de
ce premier travail de fond m'engageait ou non
à prendre en charge la mise en forme avec
l'outil informatique.
Plutôt que d'y consacrer des
séances complètes, je
préférais réserver des
petits temps en début ou en fin de
séances pour ce travail de recherche et
d'écriture que j'accompagnais ; faire le tri
dans les papiers personnels, retrouver les anciens
CV existants, sélectionner les infos,
écrire lisiblement, surligner le plus
important, etc.
Mes exigences concernant les infos à
fournir étaient, bien sûr, largement
supérieures à ce qui était
véritablement nécessaire pour le CV.
Elles me servaient surtout à mettre en
place une situation susceptible de créer une
avancée et une finalisation des travaux
individuels échelonnées dans le
temps. Et cela pour 2 raisons :
-
La gestion de mon temps ; je pouvais
ainsi consacrer un temps suffisant à la
mise en forme de chacun des CV plutôt que
de me retrouver avec l'ensemble des CV à
concevoir.
-
l'exploitation pédagogique de mes
réalisations. En effet, la
connaissance que j'avais de ces jeunes avec
lesquels je travaillais
régulièrement m'a conduite
à personnaliser chacun des CV et à
y ajouter un peu de fantaisie.
Une première version du CV sur
lequel je travaillais était ensuite
présentée au regard du groupe entier
; version bien sûr modifiable selon les
réactions et les envies du jeune
concerné.
Ce document devenait ainsi un " objet
" facilitateur de paroles. Les
éléments de personnalité
(selon ma propre perception du jeune et mon
inspiration) présentés parfois sous
une forme poétique constituaient
également une base de négociation ou
d'échanges (pour comprendre ce qui
était suggéré) mais aussi une
base de réflexion en groupe sur le sens des
comportements pour autrui.
J'ai rapidement pu constater que la
touche d'originalité apportée dans
ces documents avait un effet sur la
motivation.
Les jeunes ont commencé à
s'intéresser à eux-mêmes en
ayant des demandes sur leur CV (modifier ceci ou
cela / déplacer telle ou telle chose /
changer de couleur etc.) Les éléments
de forme venaient valoriser le fond et rendre ainsi
le personnage plus attrayant.
Le succès des CV
perçus par ces jeunes, non plus
comme des outils de demande de stage mais
comme un moyen de se rendre
intéressants auprès des
employeurs a facilité
l'adhésion et la mobilisation
autour d'un projet " enquête dans
l'entreprise ".
Un dossier comprenant l'ensemble
des CV réalisés a
été constitué pour
chacun des jeunes. Un questionnaire
a ensuite été
élaboré pour recueillir
l'avis de plusieurs professionnels
à l'occasion de la période
de stage à réaliser par ces
jeunes.
L'enjeu de ce travail était
de mettre en place les conditions
permettant au jeune d'avoir l'initiative
et l'envie d'une prise de contact et de
relation avec des hiérarchiques et
de s'en sentir à la hauteur ou
autrement dit, de ne pas se sentir
complètement démunis face
à des professionnels souvent
perçus comme inaccessibles ou
effrayants.
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