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Les maths au service du Surmoi

 

Les maths servent à canaliser certains désirs

Claire une enseignante de mathématique

 

Claire - Je suis mère d'une enfant en classe de quatrième. Cette enfant n'est pas très attirée par les mathématiques. J'ai beaucoup de mal à la laisser prendre ses valeurs où elle veut alors qu'en principe c'est ce que j'aimerais faire. Mais je sens en moi ce désir qu'elle soit reconnue dans le monde mathématique, et en même temps je sens bien que ce n'est pas là-dedans qu'elle trouvera la vérité, qu'il existe en définitive des tas d'autres choses passionnantes, aussi vraies, aussi riches.

N. - Etre reconnu, qu'est-ce que cela veut dire pour vous?

C. - Je pense que la société propose des modèles qui sont reconnus, et il y a des tendances qui ne sont pas reconnues: il y a les marginaux, il y a tous ceux qui ne sont pas dans les moules et en particulier, les moules de la pensée abstraite. Ils ne sont pas reconnus et de ce fait ils n'ont pas confiance en eux.

N. - Vous avez en vous des tendances qui risqueraient de ne pas être reconnues?

C. - Je ne sais pas, je n'arrive pas à voir. C'est peut-être seulement le fait d'avoir envie de débrayer de temps en temps, de faire des choses en fonction de son désir du moment. Bon! il y a un certain nombre de valeurs qui sont la persévérance dans ce qu'on fait, la régularité, etc. Ces tendances sont reconnues et elles demandent beaucoup d'efforts. J'aimerais bien ne pas les faire, mais je les fais quand même.

N. - Il y a en vous des désirs de révolte... de spontanéité.

C. - Peut-être plutôt de spontanéité dans la vie de tous les jours. Avoir la possibilité de ne pas avoir un plan de sa vie.

N. - Vivre suivant son désir?

C. - Vivre suivant son désir, c'est cela. Son désir ou justement toute cette partie étouffée qui est soit le sexe, soit l'émotion et que je sens encore présente chez ma fille qui est prête à la vivre, parce qu'elle, elle n'est pas encore éteinte. Mais je me rends compte que je peux être pour elle un élément qui risque de diminuer sa spontanéité. Et dans ma propre vie, c'est présent également. J'ai l'impression que j'ai encore à découvrir tout ce que j'ai perdu et que j'ai peu vécu, une manière de ressentir, de vivre au niveau du ressenti plutôt qu'au niveau du projet.

N. - Les mathématiques au contraire mettaient de l'ordre...

C. - Oui. Justement, en mathématiques, le ressenti était inexistant. Encore qu'il y avait le désir de faire plaisir à quelqu'un; c'était donc un aspect affectif; mais il y avait aussi cette privation de plaisir de vivre, de vivre le moment à cause de cette notion de projet, d'emploi du temps. Je suis encore encombrée de cela, j'ai l'impression de mesurer mon temps, chaque chose a une place... et on oublie de vivre tout simplement.

N. - En mesurant son temps...?

C. - Oui, en calibrant, telle heure, telle chose; tant de choses dans une journée, il faut que cela tienne. Enfin je pense que c'est une façon de trouver ma sécurité. Mais je crois qu'avec mes élèves c'est pareil, mon rôle c'est de les mettre dans un projet, ils ont des choses à faire dans un certain délai, et il est sûr que leur vraie vie m'échappe.

N. - Comment?

C. - Une fois, j'ai trouvé une rédaction qui était restée sur le bureau d'un de mes élèves. J'ai lu ce qu'il avait écrit et je me suis dit: Mais c'est magnifique, ma collègue de français, elle, elle sait des tas de choses de cet enfant, et moi je ne sais pas ces choses-là. Il y avait dans ce devoir ce qu'il aimait ou ce qu'il voulait, il y avait des choses de sa vie. Quelle chance elle avait! Ce souvenir m'est resté, j'ai encore à l'esprit le nom de cet enfant qui pour moi n'était que le "petit untel qui ne savait pas résoudre une équation". Bien sûr, il était quelqu'un pour moi mais quelqu'un qui n'était pas vivant. Une autre fois dans un conseil de classe, une collègue de français, toujours, nous a lu un poème qu'un enfant avait fait; c'était vraiment très touchant, on était réellement émus et j'ai vu cet enfant très différemment après. Je n'arrivais pas à travers ce que j'enseignais à les voir comme cela.

Pour Claire c'est à l'intérieur d'elle-mêmes que le problème se situe

             C'est dans la dynamique de sa personnalité qu'elle trouve un équilibre entre des forces contradictoires: son émotion sensuelle et cet objet mathématique intériorisé, transformé par elle pour remplir une fonction de Surmoi: celle de marquer des limites. C'est cette fonction remplie par les mathématiques qui est à l'origine de leur représentation.

 

I            l est remarquable également que Claire projette sa propre dynamique interne à l'extérieur d'elle-même.

             D'abord dans la relation qu'elle a avec sa fille: «Je me rends compte que je peux être pour elle un élément qui risque de diminuer sa spontanéité. » C'est-à-dire que Claire, d'une part, identifie sa propre spontanéité à sa fille (alors qu'elle a certainement des combats intérieurs elle aussi) et d'autre part, elle s'identifie elle-même à cet objet mathématique intérieur chargé de "diminuer sa spontanéité" et de la "canaliser".

             On retrouve le même processus en classe. Reprenons ce qu'elle dit de son objectif en classe: «Je crois qu'avec mes élèves c'est pareil, mon rôle, c'est de les mettre dans un projet..., et il est sûr que leur vraie vie m'échappe. » Autrement dit, là encore elle projette sur ses élèves la partie d'elle "vivante" et se conserve comme fonction celle de l'objet mathématique intériorisé: "mettre les élèves dans un projet" c'est-à-dire les "canaliser".

On peut résumer en décomposant le processus ainsi:

—Une projection d'un fantasme élaboré par Claire sur la science mathématique. Il va donner la représentation que Claire a des mathématiques:

—Dans un deuxièxe temps, ces mathématiques transformées vont être intériorisées par Claire et devenir un "objet mathématique" interne occupant une certaine fonction surmoïque chez elle (canaliser certaines pulsions.)

—Dans un troisième temps, Claire projette extérieurement cette structuration interne d'équilibre (pulsion condamnée-objet mathématique canalisant) pour donner une structure à la réalité qui l'entoure, en particulier à sa classe, et y trouver ainsi le même équilibre (désirs des élèves-projet à leur imposer).

             Là encore c'est la fonction qu'un enseignant fait jouer à sa discipline en lui même, et qui se perçoit dans la représentation qu'il en a, qui conditionne sa pédagogie dans la classe. Les choix rationnels dans ce domaine sont bien illusoires!

Lire: les instances psychiques

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