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Ville panique

Ailleurs commence ici

Paul Virilio

 

Editions Galilée (2004) ISBN: 2-7186-0591-X (24 €)

Dernière de couverture

Lieu d'émergence de la politique, la COSMOPOLIS l'est également de la stratégie, géopolitique et géostratégie se trouvant confondues dans ses murs, ses tours, sa voirie, ses places d'armes.

Cependant, depuis 2001, cette dimension géographique des conflits a radicalement changé de nature, au point que la concentration MÉTROPOLITIQUE l'emporte désormais sur l'antique GÉOPOLITIQUE des nations.

Après Hiroshima, l'attentat massif contre New York a en effet inauguré l'ère du « déséquilibre de la terreur » ruinant l'importance stratégique, non seulement du nombre d'adversaires en présence, mais également de toute étendue.

Centralisant ainsi l'effroi sur la seule concentration des métropoles, le caractère suicidaire de l'action engagée a ruiné, avec la forme militaire de la guerre, la forme politique de la Cité.

Événement historique sans précédent où disparaît, avec l'ennemi déclaré, la possibilité même d'une quelconque victoire... puisque l'on ne saurait gagner une « guerre » dont on ne connaît pas l'« ennemi ».

Après l'état suicidaire de la géopolitique des blocs Est/Ouest fondée sur la menace d'une destruction mutuelle assurée, surgit, en ce tout début du troisième millénaire, un nouveau type de MASS KILLER, le suicide du terroriste remplaçant la mort au combat du citoyen-soldat. Sans déclaration de guerre, sans drapeau, sans nom et surtout sans bataille, en l'absence de toute revendication politique, le tueur de masse susceptible d'éteindre toute vie dans la Cité en utilisant des armes de destruction massive met fin à l'ère de la guerre géopolitique mondiale, pour inaugurer celle de la mondialisation d'un terrorisme métropolitique où la perte d'importance de l'étendue territoriale des nations se trouve compensée par la masse critique de ces concentrations mégapolitaines que nul ne gouverne vraiment.

Table des matière

Tabula rasa

La démocratie d'émotion

Kriegstrasse

L'accident du temps.

Ville panique .

Le crépuscule des lieux

Un passage

<<À l'ère de la guerre de l'information à outrance, peut-on, longtemps encore, faire la guerre contre l'avis des populations ? La réponse est non.

En effet, nous sommes aujourd'hui en face de la menace, non plus d'une démocratie d'opinion qui remplacerait la démocratie représentative des partis politiques, mais bien de la démesure d'une véritable DÉMOCRATIE D'ÉMOTION ; d'une émotion collective à la fois synchronisée et globalisée dont le modèle pourrait être celui d'un télé-évangélisme postpolitique.

Après les ravages connus de la démocratie d'opinion et les délires de la politique-spectacle dont l'élection d'Arnold Schwarzenegger au poste de gouverneur de la Californie est l'un des derniers avatars, on imagine aisément ceux de cette « démocratie d'émotion publique » qui risque de dissoudre, comme de l'acide, l'opinion publique, au profit d'une émotion collectiviste instantanée dont abusent tout autant les prêcheurs populistes que les commentateurs sportifs ou les animateurs de rave party.

En poursuivant ainsi, la MONDIALISATION-MODÉLISATION déboucherait fatalement sur la transe politique que mettaient en scène, naguère, les scénographes du nazisme - au stade de Nuremberg ou au palais des sports de Berlin, en 1943... sans parler des jeux du stade à l'Est et jusqu'en Asie.

Après la consommation extatique des produits, dénoncée par Naomi Klein dans son livre No Logo', serait venu le temps (le temps réel) d'une communication extatique et, souvent même, d'une commutation hystérique dont les gourous sectaires ont le secret ; l'opinion publique se muant soudain en une émotion transpolitique, à l'échelle de la soi-disant « civilisation globale ».

Si l'interactivité est à l'information ce que la radioactivité est à l'énergie, nous sommes ici devant l'extrême limite de l'intelligence politique, puisque la RE-PRÉSENTATION politique disparaît dans l'instantanéité de la communication, au profit d'une pure et simple PRÉSENTATION.

Après la longue histoire de la standardisation de l'opinion publique de l'époque de la révolution industrielle et de ses systèmes de reproduction à l'identique, nous entrons dans l'ère d'une synchronisation de l'émotion collective qui favorise, avec la révolution informationnelle, non plus l'ancien collectivisme bureaucratique des régimes totalitaires, mais ce que l'on pourrait paradoxalement dénommer un individualisme de masse - puisque c'est chacun, un par un, qui subit, au même instant, le conditionnement mass médiatique.>> p.48-49

Commentaire

Un livre qui décrit notre époque, les conséquences de la réduction du temps dans l'instantanéité, dans les émotions collectives modélisantes. Un livre décapant qui parfois fait "froid dans le dos"!

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