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Transmettre

Quel est le prix de nos ruptures?

Sous la direction de Jean-Noël Dumont avec la participation de Michel Serres

 

Editions de l'Emmanuel/Collège Supérieur. (2003). ISBN: 2-914083-61-0 (24 €)

Dernière de couverture

Naguère les mots d'ordre étaient d'inventer, d'innover, de reprendre toute chose à zéro. Nos progrès se sont alors payés de ruptures : crise des familles en quête de modèles nouveaux, crise de l'école dans une société qui privilégie le nouveau, crise de la démocratie apparaissant comme une perpétuelle revendication d'individus sans mémoire. Le temps semble se pulvériser en instants sans héritage ni lendemain.

Or la vie procède autrement. Elle est transmission, elle fait apparaître un autre sens du temps, enraciné dans toute l'histoire de la nature et récapitulé dans une culture par laquelle l'humanité prend corps.

Mettre en lumière le modèle de la transmission, n'est-ce pas se rappeler qu'il n'y a pas d'occupation vivable de l'espace sans une habitation du temps ?

Interroger la filiation, l'enseignement, l'héritage comme champ de la crise de la transmission, tel était le but de ce colloque organisé par le Collège supérieur en novembre 2002. Autour de Michel Serres, il a réuni théologiens, philosophes, juristes, historiens, sociologues et psychanalystes. Les différents domaines de compétence sont ainsi mis en dialogue autour d'une seule question qui met en jeu l'avenir même de nos sociétés.

Table des matières

Pierre BENOIT. — La filiation et la question de l'être

André BEETSCHEN. – La part de l'infantile

Jean-Marc CHOURAQUI. – «Ne lis pas : "tes fils" (benaïkh), mais: "tes constructeurs" (bonaïkh) N (Talmud). Les filiations de la transmission

Xavier LACROIX. – Vous n'avez qu'un Père, qui est aux cieux

Débat

Michel SERRES. – Le Grand Récit

Débat

Philippe SOUAL. – L'intransmissible

Guy COQ. – La démocratie rend-elle l'éducation impossible?

Émile POUI.AT. – Laïcité et transmission : une opposition inéluctable?

Marguerite LÉNA. – Les e n j e u x s p i r i t u e l s d e l'enseignement

Débat

Quentin EPRON. – Hériter et transmettre dans l'histoire du droit

Anne GOTMAN. — Héritage et société : une relation troublante

Jérôme GRÉVY. – L'entrée en démocratie : rupture ou continuité? Réflexions sur la notion d'héritage politique

Maria BESANÇON. — Nature et transmission de l'héritage dans la Bible. Ancien et Nouveau Testament

Jean-Noël DUMONT. – Le silence qui suit. Conclusion du colloque

Un passage

<<Logique égalitaire et logique élitaire

II y a un aspect structurel de la crise du système scolaire dans la démocratie. Il y a un aspect structurel de la crise qui tient tout simplement au type de demande, au type de logique, de la société démocratique vis-à-vis du système scolaire et plus largement vis-à-vis de l'éducation. Il y a deux logiques, l'une, la première, que j'ai appelée logique égalitaire, la seconde, que j'ai appelée logique élitaire. Égalitaire s'oppose à égalitarisme, élitaire s'oppose à élitisme. Les deux logiques en même temps travaillent le système, elles ont des effets structurels sur le système scolaire, des effets sur la conception de l'enseignement, et enfin sur les valeurs mises en avant.

Effets structurels de la logique égalitaire : elle tend à unifier le système ; elle a comme idéal : « tout le monde bachelier». La logique égalitaire est une logique unificatrice. Souvenez-vous de 1975, qui voit la fin de l'unification du collège lorsque René Haby peut dire : «Tous les enfants entreront en sixième et tous les enfants entreront dans la même sixième, vive la démocratie!» Deuxième point : la conception de l'enseignement. La logique égalitaire insiste sur le fait qu'elle doit quelque chose à tout le monde, à savoir l'enseignement, et donc qu'il faut se débrouiller pour le rendre accessible à tous. C'est pourquoi on va insister sur la pédagogie. II faut prendre les enfants comme ils sont, et donc trouver des méthodes adaptées à ce qu'ils sont pour les mener quelque part. La pédagogie est au pouvoir. Troisième point, les valeurs mises en avant. C'est la valeur d'égalité, grande valeur de la République et de la démocratie d'ailleurs, et aussi la valeur de libération par le savoir, l'école libératrice. Évidemment, la logique égalitaire va agir d'une certaine manière sur le système scolaire, et c'est la société qui ici est au poste de commandement et entraîne les structures de l'État.

La logique élitaire est beaucoup moins populaire que la logique égalitaire parce que cette logique égalitaire est bien connue. Mais la logique élitaire, je la découvre par la question suivante : même dans une démocratie parfaite, même dans une république où tous les êtres sont traités avec égalité, il faut des élites, il faut de l'excellence. La question est de savoir comment on va former cette élite qui, au fond, apporte tant à la société. Il y a trois moyens pour faire une élite : premièrement, la famille; deuxièmement, l'argent; troisièmement, l'éducation. Voyons ces trois voies d'accès.

Dans la première, on entre dans l'élite par héritage familial : le grand-père étant polytechnicien, le père est polytechnicien, l'enfant sera polytechnicien. Dans la seconde, l'argent commande. Il permet d'accéder aux très bonnes écoles, non pas forcément parce qu'on est le plus intelligent ou le plus motivé même, mais parce que la famille a les moyens de payer cher l'accès à ces écoles. Ce système, évidemment, est possible et fonctionne éventuellement, mais il n'est pas non plus défendable dans la société de style démocratique. Il reste alors l'éducation. On est amené à défendre l'idée qu'il faut que le système éducatif intervienne dans la sélection de l'élite. Quels vont être les effets sur la structure ? Là où la logique égalitaire est homogénéisante et unificatrice, la logique élitaire est différenciatrice, elle travaille toujours à créer des institutions nouvelles, à côté, qui seraient plus adaptées à la culture du meilleur, à la culture d'une élite, à la culture de la qualité. La dualité Université-grandes écoles en France est un signe bien connu de cette action différenciatrice. Deuxièmement, pour la conception de l'enseignement : c'est le savoir, la compétence, le niveau qui gouvernent l'enseignement. Troisièmement, les valeurs sont évidemment des valeurs assez peu populaires : c'est le plein développement des meilleurs. Il faut trouver, voire détecter, ceux qui sont les meilleurs et cela va passer par de la compétition, de la sélection. Vous voyez bien que ce sont des valeurs complètement refoulées dans la société démocratique récente. Ce sont des valeurs que l'on pratique mais il ne faut jamais le dire, cela fait partie du non-dit.

Il y a une contradiction ou une dialectique entre ces deux logiques. Je plaide pour une dialectique, car je constate en fait que l'histoire de l'école n'est que l'histoire de la contradiction niée entre ces deux logiques.>> Guy Coq. p.116

Commentaire

Les compte rendu d'un colloque avec ce que cela représente d'hétérogénéité mais aussi de vision large de la question.

 

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