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L'auteur
 

Les sentiments, des outils d'exploration interculturelle

(Titre original allemand: "Gefühle denken")

 Sous la direction de Burkhard Müller, Jeanne Moll

 

 Editions Economica Anthropos ISBN: 978-2-7178-5667-5 (2009) 20 €

Dernière de couverture

Les métiers de l'humain que sont l'enseignement, le travail social ou la direction d'une équipe requièrent qu'on s'y adonne autant avec l'intelligence qu'avec le coeur.

Mais lorsque des malentendus et des conflits en viennent à bloquer une situation, et que l'intelligence et la réflexion ne suffisent plus, comment relever ces défis émotionnels et culturels ? Telle est la question que le présent ouvrage traite dans toute son ampleur à partir d'un projet international de recherche impliquant des enseignants et travailleurs sociaux français, allemands et anglais.

 L'ouvrage s'appuie concrètement sur les situations conflictuelles émanant du quotidien professionnel des travailleurs sociaux et des enseignants d'une part, et d'autre part sur les problèmes de groupe, que la collaboration au projet n'a pas manqué de faire surgir, pour nous permettre de mieux appréhender les sentiments en jeu dans les « moments critiques », et apprendre à les utiliser comme outils d'intelligibilité de nos pratiques professionnelles.

*Jeanne MOLL est Maître de conférences honoraire en sciences de l'éducation à l'IUFM de Strasbourg.

Burkhard MULLER est Professeur de pédagogie sociale à l'Université de Hildesheim.

Richard HELLBRUNN psychanalyste, professeur de boxe française et Tom STORRIE, fellow researcher, à l'Université de Nottingham sont coauteurs de cet ouvrage.

Table des matières

Présentation

Chapitre I. - La pédagogie entre pouvoir et émotion : esquisse d'une problématique

1. Un projet international

2. La coopération, comme condition préalable à l'étude de cette coopération

3. Conditions et méthodes de base

4. Un champ d'expérimentation destiné à la formation

Chapitre II. - Les obstacles : des occasions pour progresser

1. Le dispositif interculturel : un obstacle ou une chance ?

2. Peut-on envisager le projet comme la « pratique d'un autre regard » ?

Chapitre III. - Éléments d'élaboration de moments émotionnels dans la pédagogie des rencontres interculturelles

1. « Moment critique », « rupture », « autre regard » et « élaboration ludique »

2. Structuration minimale et flexibilité du cadre

Chapitre IV. - Moments critiques I: Les ruptures émotionnelles et leurs conséquences

1. Un groupe met le cadre en péril

2. Pouvoir de définition, théâtre amateur et conséquences

3. L'exclusion masquée : perspectives différentes

4. La communication interculturelle comme facteur d'isolement d'un groupe

5. Ruptures émotionnelles un cas non résolu

Chapitre V. — Moments critiques II: Appropriation de conflits émotionnels par réflexion sur soi

1. Crise au sein de l'équipe de recherche

2. Irritation et rétablissement du cadre

3. Traduction et mise en scène théâtrale

4. Vivre et assumer des situations négatives

5. Modifications observées dans le quotidien pro- fessionnel

6. Des modalités d'élaborer la métaphorisation

Chapitre VI. - Pratique pédagogique — études de cas

1. Pouvoir et émotions : trois histoires de cas

2. « Moments critiques » d'une éducatrice spécialisée allemande

3. Intégrité personnelle d'une conseillère sociale anglaise, entre institution et clientèle

4. Une assistante sociale française entre pouvoir, sentiment d'impuissance et compréhension

Chapitre VII. -- Recherche-action destinée à un apprentissage interculturel portant sur les émotions

1. Des données très particulières

2. Aspects méthodologiques

3. Paradoxes de la communication intcrculturelle

Chapitre VIII. Recherche, engagement personnel et réflexion sur soi

1. Expérience de soi et virtualisation

2. L'interculturel comme « espace potentiel »

Bibliographie

Un passage

<<Un groupe met le cadre en péril

L'exemple qui suit émane de l'assemblée plénière qui concernait notre deuxième semaine de rencontres. Il constitue l'un des premiers incidents que nous avons qualifiés par la suite de « moments critiques ». Au moment où l'évènement s'est produit, nous venions juste de terminer une période de travail intensif en petits groupes où chacun s'était choisi un thème (dans le cadre de la thématique générale). Le groupe qui a précisément provoqué ce conflit en présentant ses résultats devant les autres s'était formé très vite. A en juger de l'extérieur, il n'a pas eu de mal à réaliser un travail sérieux et passionnant sur le thème qu'il avait sélectionné (le pouvoir des institutions), alors que d'autres groupes ont rencontré différents problèmes d'ordre général (cf plus haut chapitre III § 2) et ont perdu énormément de temps et d'énergie à choisir le thème qui leur convenait le mieux, à définir la méthode de travail qu'ils allaient suivre, et même, à se rassembler. Quoi qu'il en soit, à un certain moment, ce groupe-là avait clairement refusé d'accueillir certaines personnes qui étaient encore à la recherche d'un groupe « intéressant », ce qui avait provoqué quelques irritations de la part de ces dernières.

Nous avions convenu pour l'assemblée plénière que les différents sous-groupes présenteraient, sous forme de bilan provisoire, les résultats de leur travail à tous les autres groupes et membres de l'équipe réunis. En tant que porte-parole de ce groupe « productif», Françoise est la première à prendre la parole pour exposer le travail réalisé. Elle se lève donc et parle d'une voix forte et distincte, en frisant comprendre à l'assemblée que son groupe s'est déjà fortement identifié à la thématique du programme. Elle explique tout d'abord que les membres du groupe ont décidé d'un commun accord de se retirer, c'est-à-dire de poursuivre le travail en s'isolant des autres et en refusant à d'éventuelles personnes le droit de les rejoindre, de manière à ne pas devoir sans cesse redéfinir le travail et procéder à de nouvelles négociations, et que ce choix a permis à chacun de vivre de grandes émotions. A ce pro-pos, elle présente comme résultat d'analyse un tableau détaillé des fantasmes et sentiments que ce type de décision a engendrés au sein du groupe : peur des « intrus », peur aussi de devoir prendre en charge d'autres personnes, crainte de ne pas pouvoir maintenir ses propres objectifs, etc. Elle décrit également comment les membres de son équipe ont personnellement ressenti les réactions émotionnelles des autres (qu'ils avaient rejetés). Au nom de ceux qu'elle représentait, Françoise en tirait la conclusion que son groupe avait précisément infligé aux autres, sans le vouloir, ce qu'il avait lui-même choisi d'analyser depuis sa première séance de travail, à savoir qu'il avait exercé sur ces participants le même type de pression que les institutions exercent sous forme de violence psychique sur les individus qu'elles accueillent.

La plupart des participants ont estimé que ce compte-rendu ne faisait visiblement pas la présentation et l'analyse d'un processus de travail, et les réactions affectives et verbales de certains ont été d'une extrême virulence. La remarque la plus cinglante est certainement venue d'Alain, lequel estimait pour sa part que cette manière d'exclure les étrangers lui rappelait le fascisme, alors que Luise était plutôt indignée par ce type de présentation, qui témoignait selon elle d'une arrogance épouvantable. Dans cette atmosphère de crise, les membres de l'équipe ont essayé de rétablir le niveau d'analyse. Avec l'accord de Jeanne qui dirigeait la séance, Richard a proposé de revenir sur d'éventuelles autres réponses et commentaires une fois que les différents groupes auraient terminé de présenter leurs rapports, en annonçant qu'il voulait encore dire quelque chose à propos de cette situation. Mais dans un premier temps, il s'est avéré impossible de pour-suivre les comptes-rendus. Après avoir déclaré que la manière agressive dont certains avaient réagi devant Françoise était signe de jalousie, Burkhard a évoqué de façon ironique une règle de bon sens que l'on devrait toujours observer lorsqu'on est en contact avec des institutions : pour ne pas se retrouver dans une situation périlleuse et irriter d'autres personnes, il ne faut jamais se présenter comme celui oui détient une idée nouvelle mais préférer affirmer (dans le sens d'une « selffullfilling prophecy », c'est-à-dire d'une « prophétie n'obéissant qu'à elle-même ») que cette idée est depuis longtemps un concept universel.>>p.70

Commentaire

Un livre particulièrement intéressant pour faire comprendre les phénomènes de groupe

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