Itinéraire
de l'égarement Du rôle de la
science dans l'absurdité
contemporaine Olivier REY Editions du
Seuil. (2003) ISBN:
2-02-060537-6 (20 €) Dernière de
couverture L'idéal
moderne de liberté, l'affranchissement de la
tradition pour mener sa vie propre et pour
être soi-même ; comment cela a-t-il pu
déchoir en liberté de choisir le lieu
de ses prochaines vacances. Les questions de
fond - la vie telle qu'on aimerait vraiment la
vivre, le sens d'une existence humaine -
disparaissent de l'horizon. Comment en
sommes-nous arrivés à cette
insignifiance ? Comment avons-nous pu à ce
point nous fourvoyer ? La chose paraît si
incompréhensible qu'elle nous invite
à parcourir à nouveau le chemin,
comme lorsqu'on a perdu ses clés et qu'on
repasse dans sa tête faits et gestes pour se
souvenir où on les a posées. Alors on
se heurte à ce fait massif la science
moderne a peu à peu capté l'essentiel
des forces spirituelles et matérielles de la
culture occidentale. Mais pourquoi l'Europe
s'est-elle lancée à corps perdu dans
l'aventure scientifique, du temps où la
science ne servait pratiquement à rien ?
Pourquoi Pascal, plein d'éloignement pour la
science après sa conversion, reprit sous
l'empire d'une rage de dents l'étude de la
cycloïde ? Pourquoi Rousseau, à Venise,
fit fiasco auprès de la prostituée
Julietta au téton manquant, et pourquoi
celle-ci lui conseilla de faire des
mathématiques ? Pour quelle raison,
aujourd'hui, certains biologistes tiennent si fort
à ce que l'homme soit une simple machine
à survie pour ses gènes, ou une
machine neuronale. Quels sont les rapports ambigus
entre l'individu autonome, libre, et la
pensée objectivante qui nie son autonomie et
sa liberté ? Que demande-t-on ultimement
à la science C'est à de
telles questions que ce livre, en suivant pas
à pas l'itinéraire de
l'égarement, cherche à
répondre. Olivier Rey
enseigne les mathématiques à
l'Ecole polytechnique et poursuit des recherches au
CNRS. Table des
matières Introduction I.
Misère 1. De
l'émerveillement au non-sens 2. Naissance d'une
énigme 3. L'énigme
n'est pas sans enjeu 4. De
l'utilité d'un retour en
arrière 5. Des
difficultés d'un retour en arrière
. 6. Une
pensée sous influence 7. Qu'il vaut la
peine d'essayer II,
Le grand tournant 8. La naissance de
la science moderne 9. L'alphabet
mathématique du monde 1(). Un faisceau
préparatoire 11 . La mutation
métaphysique 12.
L'héritage de Platon 13. D'un monde
incréé â un monde
créé 14. La
réification de la
vérité 15. De
l'expérience à
l'expérimentation 16. Le
malentendu 17. La voie
cartésienne 18. La science de
Descartes 19. Les impasses de
la science cartésienne III, L'individu et la
science 20. Religion et
science répartition et dispute des
rôles 21, La science pour
la liberté 22. « À
nous deux maintenant » 23. Les souffrances
de l'individuation 24. Contre le
projet moderne : l'imprécation
réactionnaire, la tentation
bouddhique 25 L
amour-passion 26. La voie de
l'action, ou le surmenage et la science 27. Entre autonomie
et disparition 28. L'apaisement et
l'exacerbation du mal IV.
Les raisons du succès 29.
L'élimination de Dieu 30. La teneur du
« miracle » 1.
Mathématiques et action 32. Les
mathématiques
émancipées 33. Des
mathématiques à la
physique 34. Un monde
univoque 35. La science
comme langue parfaite 36. La majoration
du succès 37. Le rôle
de la pensée, et son
élimination V. Les limites du
succès 38.
L'incomplétude des
mathématiques 39.
Conséquences de l'incomplétude
mathématique 40. L'oubli du
sujet 41.
L'ébranlement relativiste .42. La
révolution quantique 43. Le rôle
de la liberté 44. Ordre et
désordre 45. Entropie, temps
et vieillissement 46. La
fragmentation de la science 47. Par-delà
la fragmentation de la science . 48. Les sciences de
l'homme 49. Le
biologisme 50. Les apories du
neurobiologisme 51. La
résistance de la conscience VI. La vie
captive 52. Les rnenaces
d'effondrement 53. De la peur au
ressentiment 54. Du savoir
à la recherche 55. Les poses
avantageuses, l'affairement, le
fatalisme 56. 56. Le grand
verrouillage 57. Les affaires
sont les affaires 58. Reste un
malaise 59. La
déchéance spirituelle 60. Le
façonnage de la conscience VII En attendant
Godot 61. L'individu
autonome et la science 62. Les limites cie
la philosophie 63. Le mensonge de
l'autonomie 64. Le pas de
côté Remerciements Un passage <<Si
prégnants que soient, depuis un
sitècle le tableau de villes
détruites, de populations
déportées ou exterminées le
spectacle de reconstructions bâclées,
de lendemains radieux qui tournent au cauchemar des
logements préfabriqués et un paysage
saccagé, dans les carmpagnes désertes
et dévastées, dans une nature
souillées et détraquée, si
consternante que soit. l'incapacité des
sociétés modernes à
maîtriser, leurs maux et leur destin, ce
n'est pas en fixant son regard sur ces
réalités oppressantes qu'on pourra
leur trouver des remëdes. Ce n'est pas dans
leurs résultats que se situe la logique des
actes qui façonnent le monde contemporain,
ce n'est pas de ces résultats qu'on
l'extraira. Être vigilant, critique, exercer
son bon sens? Il y aurait mauvaise grâce
à dédaigner ces vertus. II n'en reste
pas moins que, vis-à-vis de la dynamique
technoscientifique, ce n'est pas la bonne
méthode. La question n'est pus de dominer
une entité objective, mais de comprendre ses
propres actes. Tant que l'on s'obstine à
considérer l'appréhension
scientifique du monde comme une puissance
détachable de soi, dont il s'agit de
déterminer et d'encadrer l'usage, on se
condamne à un discours sans cesse sur la
défensive et sans cesse
débordé, parce que manquant toujours
ce qui, en nous, nourrit ce que l'on prétend
contrôler. Pour maîtriser la science,
il faudrait la comprendre, l'avaler.
C'est-à-dire saisir, non pas les
théories dans leurs détails, mais ce
qui, en profondeur, nous fait adhérer
à l'entreprise scientifique. Peut-être
s'apercevra-t-on alors que le sens originel est
moins périmé que masqué. La
pensée, obnubilée par les effets de
puissance de la technoscience, s'est
accoutumée à considérer ces
effets comme causes principales. Mais
peut-être que les anciennes raisons
continuent à vivre à l'abri des
nouvelles, d'autant plus actives qu'elles sont
ignorées. Peut-être qu'en croyant
répondre aux nécessités de la
course à la puissance nous sacrifions en
réalité, ou en même temps et de
façon plus essentielle, à d'autres
mobiles qu'en chemin et au fil des
réinterprétations nous avons
oubliés. Peut-être que la course
à la puissance est un déguisement de
circonstance, la forme conjoncturelle d'une
attitude qui a sa source ailleurs, un alibi qui
permet à des motifs déterminants
d'exercer leur influence à l'abri de toute
critique. Retrouver ces motifs permettrait de
restituer un sens à l'entreprise
scientifique autre que celui, faible et accablant,
de ne pouvoir s'en détourner sous peine de
subir la loi de ceux qui l'auraient
poursuivie.>> p. 31 Commentaire Un auteur aussi
cultivé en philosophie qu'en
mathématiques ! Une écriture simple.
Une possibilité de faire évoluer
notre représentation de la science en la
plaçant dans l'histoire des idées. Un
livre qui fait réfléchir et qui peut
être utile aussi bien dans l'enseignement de
la philosophie que des sciences.