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DU SITE
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Les nouvelles
solitudes
Marie-France
Hirigoyen
Editions La
Découverte .
ISBN:
978-2-7071-5328-9
(2007) 17 €
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Dernière de
couverture
Dans toutes
les sociétés
développées, la montée de la
solitude est devenue un phénomène
social majeur. Alors que les interactions entre
individus sont permanentes, voire envahissantes, de
nombreuses personnes éprouvent un sentiment
douloureux d'isolement. Et, en même temps,
beaucoup d'autres font le choix de vivre seules.
Dans ce livre riche de nombreux cas issus de son
expérience clinique, la psychanalyste
Marie-France Hirigoyen montre que cette
réalité est le fruit d'une mutation
profonde des rapports hommes/femmes, encore
inaboutie.
Si les femmes ont
enfin obtenu une autonomie nouvelle, dans le
travail comme dans la sexualité, cette
indépendance n'a pas été
encore pleinement intégrée dans les
mentalités. D'où une crise des
rôles masculin et féminin et une
précarisation des liens intimes : un mariage
sur deux se termine par une rupture, surtout
à l'initiative des femmes. On constate un
durcissement des relations dans le couple, reflet
aussi du durcissement du monde du travail. Et le
surinvestissement dans la relation amoureuse
s'accompagne d'une pratique croissante du «
couple en CDD ».
Les périodes
de solitude et d'abstinence sexuelle, souvent
durables, conduisent à un recours accru aux
sites de rencontres sur Internet ou aux «
nouvelles thérapies », qui se
révèlent le plus souvent illusoires.
Alors que, explique Marie-France Hirigoyen, la
solitude peut apporter énergie et
inspiration : à tout âge, la solitude
choisie, tout en restant disponible à
l'autre, est une source de plénitude, un
moyen de sortir de la superficialité d'une
société dominée par le
narcissisme et le culte de la
performance.
Psychiatre,
psychanalyste et victimologue, Marie-France
Hirigoyen s'est spécialisée dans
l'étude de toutes les formes de violence :
familiale, perverse et sexuelle. Elle est l'auteur
de plusieurs livres qui ont eu un succès
considérable : Le Harcèlement moral
(Syros, 1998), Malaise dans le travail (Syros,
2001) et Femmes sous emprise. Les Ressorts de la
violence dans le couple (0h ! Editions,
2005).
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Table des
matières
Introduction
1 Le sentiment de
solitude
La perception
négative des solitaires
La crainte du rejet
et du néant
Des
célibataires toujours plus
nombreux
L'illusion de la
recherche du partenaire idéal
I Une impossible
rencontre
2
L'indépendance des
femmes
Le travail,
émancipation et contrainte
Le piège de
la disponibilité
La revendication
d'autonomie
La maturité
des femmes du baby boom et la nouvelle solitude
Le choix de la
solitude
La
solidarité des femmes
Le désir
d'enfant
3 Le
désarroi des hommes
L'insécurité
des hommes
La crise des
stéréotypes de la
féminité et de la masculinité
Le manque
d'autonomie
La
difficulté d'être homme
Femme sous
contrôle, passage à la
violence
La
difficulté d'être père
aujourd'hui
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4 Les
changements du couple
L'obligation
d'amour, chemin vers la solitude ?
Méfiance de
l'autre et persistance des
stéréotypes
Le couple
fusionnel
Les couples
à autonomie limitée
Les couples non
cohabitants
Autres
modèles de couple et couples en
CDD
Une polygamie
successive
5 Des
relations de plus en plus dures
Reproches mutuels
L'infidélité,
toujours difficile à vivre
Affronter la
séparation
La dureté
des ruptures
II Seul dans un monde
de performance
6 Quand le travail
fabrique de la solitude
Intensification du
travail et sentiment de solitude
Être dur dans
un monde de durs
7 Les
illusions de la communication et du
virtuel
Entretenir
l'illusion que l'on n'est pas seul
Les chimères
du virtuel
La
cyberdépendance
Une
société onaniste
8 L'emprise
de la consommation et du
narcissisme
L'individu
sérialisé, centre du monde
Consommer pour
exister...
L'injonction du
bonheur
Banalisation de la
perversion et fragilité narcissique
1: Les fausses
recettes de l'« estime de soi
»
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9 Les sites
de rencontres
Du Chasseur
français à Meetic
Il suffit d'un clic
Des partenaires
jetables
Une
sélection draconienne
Exigences et
blocages
III Les nouvelles
solitudes
10 Le
désengagement
Fuir le
désir pour éviter la souffrance de
l'échec amoureux
Du désir de
l'autre au désir d'être soi
S'éloigner d'un monde angoissant
11 La vie
sans sexe
La sexualité
est-elle indispensable ?
Quand le
désir s'émousse
La revendication de
l'asexualité
L'asexualité
n'est pas une névrose
12 La
capacité d'être
seul
L'indispensable
apprentissage de la solitude dans
l'enfance
« Il vous faut
aimer votre solitude »
Accéder
à son intériorité
13 La
solitude choisie
Se ressourcer
Être
soi-même
Une
initiation
Les voyages
initiatiques
Le choix des
héros et des créateurs
Être
disponible aux autres
Notes
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Un passage
<<L'indispensable
apprentissage de la solitude dans
l'enfance
Les
psychanalystes, en particulier ceux de
l'école anglaise du xxe siècle, se
sont intéressés aux vécus de
sépara.. tion. Le psychiatre anglais Donald
W. Winnicott considérait la capacité
d'être seul en présence de la
mère comme un signe important de la
maturité du développement affectif :
« J'essaie de justifier le paradoxe selon
lequel la faculté d'être seul est
fondée sur l'expérience d'être
seul en présence de quelqu'un et ne peut se
développer si cette expérience n'est
pas suffisamment répétée. Ce
n'est que lorsqu'il est seul (c'est-à-dire
seul en présence de quelqu'un) que le
bébé est à même de
découvrir sa
vie personnelle'.
»
Plus tard, un
enfant sûr de la disponibilité de sa
mère aura envie d'explorer son environnement
immédiat et de se rapprocher d'autres
enfants. Ceux qui ont eu la chance d'avoir une
mère suffisamment présente mais aussi
sachant s'absenter, sauront supporter la solitude
sans angoisse. Dans Au-delà du principe de
plaisir (1920), Freud raconte qu'il avait
observé son petit-fils âgé de
dix-huit mois jouant à envoyer une bobine
loin de sa vue en criant « Fort ! » (loin
en allemand), puis, la bobine ayant roulé
sous le divan, il la ramenait en tirant sur le fil
et en disant « Da ! » (là). Freud
comprend qu'à travers cette bobine qui
s'éloigne, disparaît mais
réapparaît, l'enfant apprenait
à maîtriser l'absence : « Maman
s'en va, elle me manque, mais elle va revenir !
»
Si cet
apprentissage ne se fait pas, en raison d'un
traumatisme ou d'une trop grande fragilité
du moi, ce sera la détresse à chaque
éloignement et, souvent, une réelle
difficulté d'aimer à l'âge
adulte, comme en témoigne Bertrand, 42 ans
C'est l'ombre
portée de mes parents qui m'empêche
d'aimer. Le manque d'amour de mon enfance se
retrouve dans mon manque d'amour actuel. C'est
comme un élan qui ne vous a pas
été donné au
départ.
Notre attitude face
à la solitude imposée par des
événements de vie est donc
liée à l'apprentissage que l'on en a
fait dans l'enfance. Quand on n'y a pas
été préparé enfant et
qu'on s'y trouve un jour jeté à cause
d'une séparation, d'un deuil ou d'un
changement professionnel, on va alors confondre la
souffrance de la séparation et la solitude.
Or c'est l'absence de l'être aimé qui
est douloureuse, pas la solitude. Si on supporte
mal celle-ci, c'est aussi qu'on nous a
élevé dans l'idée que seul le
regard d'autrui nous fait accéder à
l'existence, que le bon-heur affectif est
lié uniquement à la présence
de l'autre.
Il est ainsi des
mères qui envahissent leur enfant, qui
rem-plissent tout leur espace psychique, ne leur
laissant jamais l'opportunité d'apprendre la
solitude. Parce qu'elles-mêmes ont du mal
à être seules, elles sont
angoissées à la vue d'un enfant
solitaire, car elles confondent solitude et
tristesse. Ce sont ces mêmes personnes qui
sont angoissées par le silence de l'autre :
« Dis-moi quelque chose ! » Pour elles,
tout silence est hostile, il faut boucher les
trous, parler, même de n'importe quoi. Ces
mêmes personnes, pour compenser le
caractère négatif qu'elles attribuent
à la solitude, la remplissent avec des
activités, avec du lien, même
artificiel. Il leur faut sans cesse être
collées à l'autre, car elles ont le
sentiment que, sans le contact, le lien d'amour se
brise.
Ces personnes
confondent l'amour et la dépendance. Elles
ne peuvent se passer de l'autre et, aliénant
ainsi leur liberté et celle de l'autre,
elles souhaitent en permanence être en sa
présence. Pourtant, le constat est ancien,
l'amour nécessite de la distance. Si l'on
est trop près, on ne voit plus l'autre. Les
enfants doivent apprendre qu'amour ne rime pas
automatiquement avec dépendance, apprendre
à s'isoler en présence de l'autre,
être capable de jouer ou de dessiner alors
que maman fait la cuisine, être confiant dans
l'amour de l'autre, sans vérifier en
permanence qu'il est
là.>>p.186
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Commentaire
Un livre qui nous fait
réfléchir à nos relations avec
les autres et en particulier avec nos
élèves.
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